Faire des F\ M\

À l'heure où les Loges ont le souci de susciter des demandes d'entrées de qualité, nous avons à juger des aptitudes des candidats qui se présenteront.
Aussi, parait-il opportun de présenter une planche dont le but est d'éclairer nos choix futurs par une meilleure définition tant de nos buts que des moyens à mettre en oeuvre. Le Travail s'est révélé ardu, car sous la simplicité apparente du sujet c'est la conception de la Maçonnerie, des objectifs qu'Elle se donne et de la démarche Initiatique dont il est en question.

En préambule, nous rappelons les postulats qui fondent la F\ M\

1) La F\ M\ a une base : la Fraternité par la pratique de la tolérance et la solidarité

2) La F\ M\ a un but : Le perfectionnement de l'humanité en aidant les Hommes en quête de la Liberté

3) La F\ M\ a un moyen : faire des Francs Maçons ce qui suppose :

a) Des postulants à l'Initiation,

b) La cérémonie d'Initiation elle-même

c) Une Démarche Initiatique pour les soutenir dans leur parcours.

Faisons un constat : rassembler des hommes conscients et responsables qui soient « libres et de bonnes mœurs » ne suffisent pas à en faire des êtres d'exceptions capables de dominer le monde par la clairvoyance de leur pensée et l'exemple de leurs actions. Il faut davantage, et plus exactement il faut une méthode pour que ces hommes assurent le dépassement de leurs concepts afin d'être placé sur le chemin de l'évolution intérieure. C'est là la vocation de notre Ordre : choisir des hommes initiables et les conduire vers l'Initiation selon la Tradition. Nous parlons donc du cadre et du contenu de l'outil que chacun d'entre nous a librement choisis pour sa réalisation spirituelle personnelle.

Choisir des hommes Initiables

La cérémonie d'Initiation qui consacre l'admission d'un impétrant dans un atelier est l'aboutissement d'une recherche dont l'objectif est de s'assurer que le candidat a l'âge et les qualités requises pour accéder à notre société et que sa personnalité fruit de sa nature et de son histoire s'intègrera à l'égrégor de la (L). Nous sommes une organisation Initiatique et Ésotérique, c'est-à-dire un cercle fermé avec un recrutement restreint.
Nous avons donc le devoir de sélectionner une élite d'êtres humains choisis d'après l'idée qu'avec notre aide, ils pourront dégager eux-mêmes leur personnalité, afin qu'ainsi éclairés, ils deviennent des conducteurs d'hommes. L'Initiation en résumé n'est transmise qu'à ceux qui sont jugés dignes de la recevoir. Les différentes étapes du processus d'admission rythment cette recherche dont les temps forts pour la (L) sont les lectures des rapports d'enquête, le passage sous le bandeau et les votes.

Qu'entendons nous par l'âge et les qualités requises d'un candidat ?

- Que la demande d'adhésion doit avoir être faite librement, parce que le candidat doit être parfaitement conscient de sa quête de vérité.

 - Que cette demande d'adhésion est faite à titre personnel parce que le candidat doit montrer qu'il est un homme responsable.

Conscience et Responsabilité sont donc les deux qualités dont nous devons nous assurer de l'existence, car c'est le développement de ces deux vertus qui assurera et la base et le but de la future démarche initiatique.

Pour juger du niveau des qualités de l'impétrant en termes de Conscience et Responsabilité, il sera primordial de s'assurer que les principes généraux de notre ordre ont été préalablement portés à sa connaissance. Notons que le niveau de cette information est notre seule garantie que la demande a été faite en toute conscience. Cela doit être vérifié au cours des enquêtes et interrogatoires sous le bandeau en même temps que les aptitudes et orientations d'esprit qui devront être en concordance avec notre idéal. J.P. BAYARD dit « le sujet doit ainsi posséder en lui-même des qualifications particulières propres à lui faire recevoir ce caractère traditionnel qui ne peut être ni d'ordre moral ni d'ordre social, mais bien la recherche d'un état supra individuel ». Par voie de conséquences, Il est obligatoire de vérifier que le candidat est conscient de sa nature mêlée et désire à travers nos méthodes traditionnelles se construire pas à pas pour se rapprocher de l'unité. Ce désir sincère de démarche spirituelle est la qualité primordiale pour celui qui vient frapper à la porte du Temple. Bien sûr une bonne culture générale ne nuira pas et l'intégrité, la générosité et l'intelligence sont des qualités indispensables pour faire un bon et légitime Maçon.

Les membres de la loge vont donc analyser les trois rapports qui leur seront lus au regard des critères définis ci-dessus afin de répondre à quatre questions :

1) Le profane est-il pleinement conscient du geste qu'il pose ?

2) Est-il un être responsable?

3) A-t-il les qualités propres à nos démarches ?

4) S'intègrera-t-il parmi nous ?

Si toutes les réponses ne sont pas contenues dans les enquêtes, les questions posées lors de l'étape suivante du passage sous le bandeau devront permettrent de clarifier les points qui seraient restés obscurs. On comprend que les FF voudront avoir connaissance de la définition de la tolérance par le postulant ainsi que de son attitude face aux manifestations d'intégrisme.
Les parrains lors des discussions qui précèderont la formulation de la demande veilleront à bien faire comprendre que, entrer en M\, implique de pratiquer la tolérance mais pas la complaisance et la solidarité qui devront déjà être des objectifs naturels du prétendant. Il est donc préférable que le profane soit présenté par un maître qui peut affirmer bien connaître l'impétrant. En effet seul un Maître qui a la connaissance de la M\ comme un milieu à plusieurs dimensions, difficile à comprendre pourra répondre aux questions du candidat. De même sera-t-il le juge de la capacité du profane à affronter l'attente du temps d'étude nécessaire avec la volonté de s'y adapter. Les enquêteurs vérifieront que le profane n'est pas membre, ni ne soutient, d'association appelant à la discrimination, à la haine ou à la violence, envers une personne ou un groupe en prétextant leur sexe, origine, ethnie ou orientation sexuelle ou religieuse. Ils s'assureront enfin de l'esprit ouvert, du caractère extraverti et de l'altruisme naturel du profane qui faciliteront son intégration en M\. En résumé le candidat devra n'être ni intolérant ni sectaire mais avoir des croyances et des opinions en respectant celles des autres et il devra se sentir en mesure de tendre une main secourable à ses semblables.

Le cautionnement de la société profane ne devra pas être oublié, cela est indispensable car il s'agit d'une mesure de sécurité et de prudence envers notre ordre. Le candidat doit pouvoir se prévaloir de ressources suffisantes et avouables et d'un casier judiciaire vierge de peines afflictives ou infamantes. Enfin il sera prudent de rappeler aux parrains des postulants qu'ils ont des obligations, et en particulier celles qu'ils ont contractées en acceptant de guider les premiers pas de l'impétrant, c'est-à-dire qu'ils devront veiller à l'instruction Maçonnique et au perfectionnement des candidats. Après ces restrictions de bon sens souvenons nous que la F\ M\ accepte tout homme perfectible et perméable à nos idées, et que jugez un candidat apte préalablement à accéder à l'ésotérisme c'est déceler chez ce dernier l'intelligence du coeur qui conduit l'homme vers sa libération.
Veillons au respect des conditions requises pour qu'un profane admis à s'engager dans la vie M\ ne se trompe pas de porte et que l'Atelier n'ait pas à regretter sa décision.

Parce que ni la philanthropie, ni l'entraide sociale, qui sont des qualités fraternelles dont l'honorabilité n'est pas en cause, ni la seule et stricte application du rituel, ne peuvent suffire dans la mise en oeuvre du Perfectionnement de l'Esprit nous nous devons de prendre en charge nos jeunes Frères à travers nos ateliers qui doivent n'être ni une école d'enseignement ni une université populaire mais doivent posséder et pratiquer la méthode d'enseignement propre à aider l'initié à modifier ses modes de pensées selon le rythme de la Tradition. C'est ce que nous appelons la Symbolique Initiatique, laquelle se décline en trois temps :

Le 1er temps, celui de l'intuition, qui correspond à celui qui lutte, l'Apprenti
Le 2ème temps, celui de l'Analyse, qui correspond à celui qui travaille, le Compagnon

Le 3ème temps, celui de la synthèse, qui correspond à celui qui crée, le Maître.

Pour que l'espérance vague et imprécise d'un monde meilleur qui sommeille chez le postulant se transforme en une recherche consciente en vue de percer les énigmes, la soif de connaissances doit être orienté par les sciences Traditionnelles. C'est à cet instant qu'intervient : la démarche Initiatique comme méthode traditionnelle

Il est bien évident qu'on ne devient pas un F:. M: .comme on devient membre d'une société profane. Aussi à ce stade de la recherche, il est bon de se souvenir ce que recouvrent les concepts d'initiation dans l'histoire de l'humanité. Il y a de nombreuses variétés d'initiations, par exemple le terme Grec « téleutai » recouvre un concept de réalisation spirituelle alors que le terme Latin « initiatio » recouvre celui d'un commencement. La F\ M\ est plus proche de la conception latine que l'on vient de citer encore que nuancée par des influences Judéo-Chrétiennes. On pourrait, en se rapprochant du sens Pascalien du terme, définir notre concept comme une chiquenaude donc un départ, doublée d'un baptême puisque souvenons nous qu'au terme de la cérémonie le nouvel Initié sera placé, outils en main, instruit de sa tâche à accomplir, face au chemin qu'il devra poursuivre.

On comprend clairement que ce concept est très éloigné de celui de l'initiation occultiste qui crée des adeptes ou à celui de l'homme subitement illuminé de connaissances.

Ainsi notre démarche initiatique n'est pas la révélation d'une doctrine, encore moins d'une philosophie débouchant sur un système social, mais tout simplement le dévoilement de l'homme nu, sans artifice dans un monde nu, dépouillé des préjugés de toutes origines, ce que nous traduisons par « ayant abandonné les métaux à la porte du temple ». Ce déblaiement, cette nudité sont les conditions propres à faciliter l'Initiation chez ceux qui ont la force de vouloir dégrossir « la pierre brute ». Dans nos cérémonies, il n'y a ni vertu sacramentelle et ni consécration de pouvoir, et le futur initié doit être aidé à devenir un penseur et non un endoctriné.

Pour devenir un penseur, l'Initié va désormais monter les degrés de son escalier intérieur au terme duquel, ayant ceint le tablier de M\ notre postulant sera parvenu au terme de la connaissance des Petits Mystères qui sont ceux de l'homme devenu virtuellement l'homme des traditions. Il saura lire dans le livre de l'Univers les images qui lui sont destinées, car il sera conscient de l'Unité et il pourra apporter ses soins à l'humanité, agir à la construction de l'ordre extérieur. La démarche Initiatique qui lui est offerte a pour objectif d'aider le F\ à aboutir à cette prise de conscience tant de lui-même que de sa place en opposition au Tout, puis à la découverte des différents plans de l'être et enfin à l'accès à l'action par la pratique des épreuves. Expliquer les moyens de gravir cette échelle Initiatique c'est décrire la méthode d'Initiation.

On voit bien que cette démarche s'oppose aux religions révélées qui considèrent connaître et posséder la Vérité c'est-à-dire l'explication définitive des mystères. Les religions professent leurs dogmes et les projettent vers l'extérieur pour catéchiser et accroître le nombre de leurs adeptes. Ce sont des organisations Exotériques. En opposition, notre Ordre est lui, ésotérique car il enseigne la recherche permanente des mystères par le symbolisme Initiatique. La raison est que nous croyons que les mystères ne se découvrent pas par la seule puissance de l'intelligence cérébrale mais par la recherche infinie sur les Symboles. Infinie parce que l'explication d'un mystère, la possession d'une vérité entraînent la découverte d'un autre mystère et l'approche d'une autre vérité. Et ces découvertes successives sont autant d'étapes, de degrés, de marches sur notre escalier tournant auxquels parviennent les Initiés dans leur progression vers la Connaissance.
Schématisons et imaginons un cercle tracé au compas avec à l'intérieur une spirale reliant la circonférence au point figurant le centre. Suivre la spirale de l'extérieur vers l'intérieur, voilà notre méthode, et cette recherche permanente, cet enrichissement par l'intérieur, c'est le fonds de l'enseignement M:. Les religions ont, elles suivi le chemin inverse.

L'enseignement M\ étant défini, il importe d'étudier de quoi il est fait puisque c'est lui qui nous soutient dans notre Travail. Cet enseignement est fait de : un Maître, une structure et une technique
Au Maître revient la responsabilité de l'instruction, dont le but ainsi que nous l'avons dit précédemment, est :

a) De faire naître chez l'Apprenti le désir de découvrir comme minimum de vérité le sens de l'initiation,
b) De fournir au Compagnon le moyen de ses analyses,
c) De guider le jeune Maître dans la recherche de sa solution rationnelle.

E.PLANTAGENET nous dit que « cette tâche s'accomplit

a) En spiritualisant la matière au premier degré,
b) En matérialisant l'esprit au second degré,
c) En unifiant la matière à l'esprit au troisième degré ».

Donner l'impulsion vers ce travail spéculatif, veiller à ce que l'esprit ne se perde point dans de hautes spéculations, le merveilleux ou le surnaturel, voila le rôle du Maître, qui devra dans ce dessein, s'assurer de surplus que les conditions sont réunies pour que les F\ M\ puissent travailler de concert hors des compétitions et au-dessus des partis c'est-à-dire dans des conditions irréalisables dans le monde profane.

La structure et la technique sont, celles que nous ont léguées les compagnons opératifs du Moyen Age dont le caractère de l'enseignement initiatique basé sur le Symbolisme, montre à quel point leur science a été, à travers ces derniers siècles, le moyen d'atteindre l'inexprimable, le mystère au sens le plus parfait de ce terme, la vraie connaissance, celle qui est sans limites. Le symbolisme de ces Compagnons tel que nous l'avons assimilé est un véhicule rituel, car c'est par l'acte rituel, conforme à la tradition, que s'opère dans la totalité de l'être humain, l'étape précédant la réalisation de ce que contiennent l'être et tout ce qui le dépasse et donc sa propre possibilité non encore manifestée. Rappelons ici ce que nous disait GUENON : « Tant que la connaissance (ou la Vérité) n'est que par le mental elle n'est qu'une connaissance par reflet, comme celle des ombres que voient les prisonniers de la caverne symbolique de Platon, donc une connaissance indirecte et tout extérieure. Passer de l'ombre à la réalisation, c'est proprement passer de l'extérieur à l'intérieur et donc de l'initiation virtuelle à l'initiation effective ». Platon nous le dit clairement, ce passage implique la renonciation au mental. Nul n'a pu assurer ce passage sans l'intervention du Symbolisme, car pour aller au-delà du mental et de notre être, pour arriver au Point éternel où se terminent les lignes qui se fondent avec le Point lui-même, nous avons besoin des méthodes traditionnelles des constructeurs.

En guise d'illustration, citons le rite d'ouverture de nos travaux qui nous resitue de prime abord dans l'Univers. La circulation, les objets, les gestes, le temple lui-même, bien entendu constituent le schéma de l'Univers sensible, de l'Ordre Universel en mouvement. Et vous conviendrez qu'aucune question débattue devant des F\ n'a de chance de les aider à trouver leur chemin s'ils ne sont pas situés dans l'Univers. En conséquence, il en résulte l'importance de respecter le rituel, de l'étudier et de le travailler à tous les degrés. Il faut vivre les Rites dont René GUENON disait « qu'ils sont les éléments essentiels à la transmission de l'influence spirituelle et le rattachement à la chaîne initiatique » car le rituel marque intensément chaque participant, même à son insu en l'intégrant dans notre confraternité. C'est par le rituel que nous devenons un maillon de la chaîne indestructible. C'est notre devoir de garder signification et portée aux rites d'initiation, d'où la nécessité de veiller à ce que mystère et solennité accompagnent l'entrée d'un profane.

Tous les symboles vont ensuite permettre aux F\ M\ de passer de l'état extérieur à l'état intérieur car le symbolisme qui les environne leurs suggère le cheminement par une correspondance analogique. Voilà la voie pour que l'inexprimable puisse devenir compréhensible : la démarche symbolique traditionnelle, une voie qui est aisée. Le symbole est l'expression de la réalité métaphysique et spirituelle, c'est le squelette qui permet au message de se transmettre en survivant en dehors de la notion du temps terrestre. Son étude est celle d'un langage muet permettant d'éveiller une idée, de percer l'essence des choses et de retrouver des jalons qui contrôlent la voie initiatique. Cette forme de raisonnement est le véhicule de la pensée traditionnelle, et la survivance d'une Science sacrée. Il faut se souvenir que le symbole est fixation d'une pensée rituelle, ainsi qu'il figurait dans l'école pythagoricienne, et que certains gestes imposés par le rituel ne sont que des symboles en action, et qu'ainsi on en déduit que rites et symboles sont les éléments essentiels de toute initiation ; tout rite comportant un sens symbolique et tout symbole produisant des effets comparables à ceux du rite.

Mais pour ordonner et discipliner cette démarche il faut une entité collective et c'est le rôle de l'Ordre et de la Loge. L'ordre n'est pas détenteur de vérité, mais reste dépositaire d'une tradition sacré. Nous offrons sur fond d'acceptation volontaire et de compréhension, à des hommes libres, par hommes libres, les outils de leur perfectionnement, et c'est à eux de s'en servir. La loge doit offrir une école de discipline où l'Initié parvient à s'interroger dans un esprit de sérieux et de pénétration, ou les rites et les symboles parlent à son coeur et le prédispose à l'éveil de ses facultés métaphysiques. L'essentiel est donc de faire des F\ M\ qui deviendront des hommes d'action. Lesquels ? Il ne m'appartient pas de les définir ni encore moins de les imposer puisque aussi bien chaque F\ M\ a ses raisons bien à lui d'agir. Et c'est précisément ce qui fait la richesse et l'efficacité de l'ordre.

Y\R\ J\T\D\