Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Le(s)
Silence(s)
Comme
certains me l’ont fraternellement
suggéré, la meilleure façon de parler
du
silence serait de laisser une page blanche, sans texte, que chacun
prendrait le
temps de lire! Pour bien du monde, ce serait sans doute là
un discours fort
éloquent. Mais je
vais essayer d’aller au-delà de cette
facilité et vous proposer une
interprétation des différents sens que
l’on peut donner au silence.
Nous
vivons dans un monde ou la verbalisation est la règle et le
silence
l’exception. Dans le monde profane, il produit souvent tout
à la fois le
malaise, la gêne, la crainte de ne plus s’affirmer
voir de ne plus exister. Il
est associé au vide de sens et à la menace
d’être englouti dans le néant. La
relation au silence appelle souvent l’angoisse et la
tentation immédiate de le
rompre. Effectivement
interprété comme une fin en soi, il
n’aurait pas contenu et il agirait dans
notre vie avec des valeurs négatives de solitude, de fuite,
de régression.
Pourtant,
le silence est important dans la démarche initiatique. On
peut même dire qu’il
est tout aussi important que la parole. Car le
silence précède et succède
à toute parole.
Le futur
initié n’a pas encore frappé
à la porte du temple qu’il subit
déjà une épreuve.
En effet, il doit affronter le silence dans le cabinet de
réflexion. Dans ce
lieu la conjugaison de la pénombre et du silence est
certainement propice à
l’immersion en soi. C’est l’un des sens
de la formule VITRIOL inscrite sur le
mur du cabinet de réflexion
Le
silence qui y règne annule toute diversion et met
l’homme face à lui même. Il peut
ressentir de façon confuse que désormais plus
rien ne sera comme avant. Le
futur initié est en train de quitter un certain
matérialisme .Il sera invité a
réexaminer les idées reçues et les
jugements subjectifs en s’engageant à
chercher en lui-même et par lui-même sa
vérité. Les repères qui donnaient
l'apparence d'être à toute épreuve, les
assurances de la vie profanes
s’effondrent pour laisser place, momentanément, au
vide, un vide de certitudes
et de réponses. De ce vide peut surgir le silence, celui du
questionnement et
de l’introspection. Il permet
alors, l’émergence d’une
intériorité.
C’est
dans le cabinet de réflexion que l’on abandonne
ses préjugés ses jugements de
valeur où l’on meurt à soi
même. Le silence du cabinet de réflexion pourrait
ainsi exprimer le deuil de l’ego profane qui autorise
l’accès au sacré. Si le
silence clôt la vie de l’homme profane,
c’est également dans le silence que le
franc maçon va renaître et se voir donner la
lumière puisque l’initiation a
cette faculté de permettre symboliquement une mort et une
renaissance. Et ce
silence va continuer à accompagner le cherchant. En effet,
celui-ci va
poursuivre tout au long de sa période
d’apprentissage, le travail
d’introspection entamé dans le cabinet de
réflexion. Cet état de silence dans
lequel il se retrouve ne doit pas apparaître comme une
situation de confort et
de passivité.
En outre,
il ne suffit pas de se taire en apparence. L’on peut
très bien se caparaçonner
sous une épaisse cuirasse de silence et être en
fait au comble de l’inattention
et du bavardage intérieur. Il est nécessaire de
s’astreindre à travailler à
dégrossir la pierre brute, avec volonté et
persévérance, car seul le travail
détermine la progression spirituelle de
l’apprenti.
Le
silence est donc imposé aux apprentis. Mais ce
n’est plus celui du cabinet de
réflexion vécu en solitaire. C’est un
silence partagé avec tous les frères. En effet,
il ne s'agit pas d'imposer un silence absolu, qui
détruirait, comme le vide du
mutisme. Être
astreint au silence pour l’apprenti ce n’est pas
uniquement ne pas parler. Un
silence qui n’est qu’absence de paroles est vide,
vide de vie, vide d’être.
Tout au
contraire, il devrait procurer à l’apprenti un
sentiment aigu d’exister car
c’est un silence riche de mille facettes qui va
l’habiter et le construire. Le
silence de l’apprentissage, c’est le silence de la
patience, de celui qui
devrait savoir qu'il y a un temps pour parler et un temps pour se
taire.
C’est le
silence de l'humilité, de celui qui reconnaît ses
limites. L’apprenti est celui
qui ne sait ni lire ni écrire, et qui accepte alors de
s'ouvrir à une autre
lumière. Le silence ne traduit pas ici ni une absence de
pensée, de réflexion
ni un désengagement par rapport à ses convictions
les plus profondes. Il
renvoie donc à l'humilité qui grandit au fur et
à mesure que l’on travaille à
dégrossir la pierre brute.
C’est le
silence de l’apaisement, qui empêche de se laisser
emporter par l’impulsivité
et qui permet de tenir en laisse les passions, puisque
l’apprenti est aussi
celui qui vient vaincre ses passions.
C’est le
silence du dépouillement. L’apprenti va devoir
apprendre à désapprendre comme
disait notre Vénérable Maître dans une
planche tracée, pour revêtir l’homme
nouveau qu’il aspire à être. Il autorise
alors à faire le point et à prendre
ses nouvelles marques et à faire taire les
métaux. C’est le silence
de l’égalité. Il est imposé
a tous les apprentis quels que soient leurs ages,
leurs niveaux de savoirs, leurs positions sociales.
C’est le
silence de l’intériorité dont je
parlais tout à l'heure. Les paroles pour le
jeune apprenti pourraient être un obstacle par leur pouvoir
de distraction et
le silence est sans doute plus propice pour cultiver son être
intérieur .Il
invite l’apprenti à rentrer en lui même,
pour trouver la lumière. Il permet de
transformer le profane en initié et l’autorise
à commencer à construire son
temple intérieur comme les ouvriers avaient construit en
silence le temple de
Salomon.
C’est le
silence actif de l'écoute. Il prédispose alors
à une attitude attentive et a la
disponibilité envers la parole de l’autre. Il
apprend à discerner ce qui est
dit de celui qui le dit. Il donne un temps liberté pour
aiguiser la réflexion
et le discernement sur le sens des symboles et constitue ainsi une
préparation
à pouvoir s’exprimer plus tard.
Le
silence ne s’arrête pas à la colonne du
septentrion. S’il est donc imposé aux
apprentis, il est également consenti par les
maîtres et les compagnons. Si
ceux-ci ont effectivement la possibilité de prendre la
parole, ils doivent la
solliciter. C’est
alors le silence régulateur .Celui qui autorise le bon
déroulement de la Tenue
en évitant les prises de parole intempestives qui nuiraient
sans doute à
l’harmonie et à la concorde qui doit
régner en loge.
C’est le
silence de la prudence, de celui qui pèse ses mots et ne
juge pas trop
hâtivement.
C’est le
silence de la circonspection de celui qui veut éviter tout
verbiage inutile.
C’est le
silence vertueux du respect de la parole. Il se présente
comme le garant de la
transmission de la parole, il est un espace qui prépare la
parole, on pourrait
sans doute dire une offrande fraternelle faite à la parole
de l’autre. La parole
serait stérile si elle n’était pas
fécondée par l’écoute
attentive générée par
le silence. Il est alors synonyme d'engagement du fait qu'il renvoie
à l'action
d'écouter. Aucune compréhension mutuelle, aucune
fraternité n'est possible sans
l'écoute préalable de l'autre. Le
silence permet de tisser des alternances de temps
d’intériorisation
c'est-à-dire les moments pour recevoir et accueillir la
parole et des temps
d’extériorisation c’est le moment de
parler ou plutôt de transmettre.
C’est le
silence de la communion et du recueillement lors de la chaîne
d’union qui
clôture les travaux. Le silence de la loge à ce
moment agi comme un lien
invisible.
C’est le
silence préventif garant de la non divulgation des secrets
qui nous ont été
confiés. Celui qui se rapporte au serment
prêté lors de la cérémonie
d’initiation et qui est renouvelé a la fin de
chaque Tenue
C’est in
fine le silence de la sérénité, de la
satisfaction du travail accompli puisque
les « ouvriers paraissent contents et satisfaits sur
l’une et l’autre colonne
».
Voila, le
silence est aussi la fin du discours. Je ne sais pas si j’ai
bien fait de ne
pas écouter la suggestion que
j’évoquais en tout début et peut
être aurais je
du effectivement me taire. Mais j’ose espérer vous
avoir tout au moins apporté
quelques éléments de réflexion en ne
doutant pas néanmoins que l’on peut
certainement donner d’autres significations au silence. J’ai dit. |
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