Du silence
de l’Apprenti à la parole du Compagnon
En guise de préambule, je vous rappelle la
phrase qui va clôturer ce travail :
Le silence règne sur l’une et
l’autre colonne.
LA PAROLE ET LE SILENCE
Si l’on devait demeurer dans le milieu profane, il serait
plus simple d’évoquer cette planche par une
comparaison entre le silence et son contraire : la parole.
Il existe de nombreuses expressions qui utilisent le
terme silence et dont l’image est un symbole.
En voici quelques unes
:
Garder le silence, bénéficier du silence de la
loi, observer une minute de silence, savoir garder le silence, rompre
le silence, etc...
Si l’on devait donner une
définition du silence nous pourrions proposer
qu’il s’agit du fait de se taire, de ne pas
exprimer sa pensée, de na pas manifester ses sentiments...
De la même manière, nous pourrions
définir la parole comme le moyen de communiquer, de
s’exprimer, de partager ses sentiments...
Le silence et la parole sont deux concepts qui semblent
à la fois s’opposer mais qui en
définitif sont très proches.
Plutôt que d’aborder cette planche
de façon traditionnelle, c’est en dire en deux
parties avec introduction et conclusion, j’ai choisit de vous
en proposer l’aspect complémentaire et symbolique.
Une première expérience du silence par
l’apprentissage ainsi qu’une première
expérience de la parole par le compagnonnage.
UNE PREMIERE EXPERIENCE DU SILENCE :
L’APPRENTISSAGE
Il apparaît que dans notre culture occidentale,
l’homme c’est libéré, aussi
bien dans les faits que par la parole.
Cette prise de conscience libératrice à
été très prolifique dans le domaine
artistique, la culture en est la brillante illustration, mais combien
de choses importantes sont demeurées sous silence.
Seulement si les personnes ayant la connaissance
d’éléments susceptibles de modifier une
situation en avaient fait part, ils se seraient peut-être
soulagés d’un poids à porter et,
auraient rendus services à d’autres, mais
l’homme est perfectible !
Il se pose donc un problème de conscience individuelle,
l’homme doit-il garder pour lui la somme de sa connaissance
(qu’elle qu’en soit la nature) ou bien la partager
avec ses semblables.
Cette notion fait appel au libre arbitre, libre de se taire ou libre de
parler.
La déclaration universelle des droits de
l’homme rappelle dans son article premier que tous les
êtres humains naissent libres et égaux en
dignité et en droit.
Un homme libre dans une loge libre.
Dans la franc-maçonnerie cette déclaration est
appliquée en premier lieu car chacun dispose de la
faculté de s’exprimer librement.
La seule réserve est de respecter les règlements
liés au fonctionnement de l’ordre en
général et de son atelier en particulier.
Nous pouvons résumer en trois expressions
cette synthèse : Ecoute, Réception et Absorption.
L’apprenti écoute, analyse les propos
qu’il reçoit, se fait sa propre opinion et absorbe
l’égrégore de l’atelier.
Cette absorption comprend tant aussi bien le contenu propre des paroles
prononcées mais également le rigoureux protocole
lie au rituel.
Ainsi, dans ce cadre l’apprenti ne pourra pas en loge prendre
part aux débats et participer aux travaux, ceci
s’explique par son manque de connaissance du rituel et par
son manque de pratique.
Il lui reste alors un seul objectif à atteindre, travailler
pour obtenir l’augmentation de salaire qui lui permettra de
participer.
Dans sa phase première, nous pouvons
considérer le rituel comme la prise en contact avec la
maçonnerie, sa pratique et ses usages.
Dans le monde profane, il est d’autant plus facile de
s’exprimer car on peut librement converser de tout et de
rien. Cependant plutôt que de se satisfaire
d’affirmer, la curiosité et le désir de
connaissance pousse irrémédiablement
l’homme éclairé à se poser
des questions.
De ce besoin découle la volonté de
s’interroger sur l’existence, de sa
présence dans notre monde, pourquoi sommes nous ici, vers
quels horizons nous destinons nous ?
A cette triple interrogation, la franc-maçonnerie tente
d’apporter une réponse à travers le
rituel qui offre la possibilité de se construire.
Cependant, de nombreuses questions demeurent sans
réponses, cela est certainement du au manque de connaissance
que l’on éprouve lorsque l’on se trouve
dans le premier grade.
Il s’agit peut-être parfois même
d’une sorte de frustration de ne pas pouvoir collaborer
à l’oeuvre entreprise, d’apporter ses
connaissances, ses remarques.
Le mot silence veut-il exclusivement dire se taire, parfois et certains
répondrons immédiatement oui.
La réponse est peut-être un peu rapide, le silence
ne doit t’il pas imposer la réflexion avant la
formulation d’une réponse ou d’une
affirmation ?
C’est dans cet objectif qu’en loge,
les apprentis ne prennent pas la parole, ils disposent du temps de la
tenue pour apprécier, observer et se livrer à
leurs propres conclusions en ce qui concerne la nature des travaux
proposes.
Le silence apparaît alors comme une richesse, la
liberté de se taire.
Prendre la parole de manière intempestive se traduirait par
un manque de respect et d’humilité.
Une véritable question de
fraternité et encore une fois
d’égalité car, devant tous les
frères, les hommes les plus illustres ont
été dans l’obligation de se taire
durant leur apprentissage.
Le silence peut s’accompagner d’une attitude
physique complémentaire, l’expression des silences
qui en disent long peuvent indiquer une situation personnelle mentale
de différents niveaux un mutisme peut indiquer une profonde
détresse, un repli sur soi un silence peut masquer de la
timidité quoique l’inverse peut
également masquer un complexe dit par les psychologues
d’infériorité.
L’apprenti en exécutant sa
première planche trouve sa juste place dans
l’édifice de la société
maçonnique.
Le silence est inclue dans le serment, lorsque l’on se
sépare on jure de garder le silence ce qui est le
témoignage de cet art au sein de la F.M.
L’apprenti participe à l’acclamation
rituelle et c’est en ce sens qu’il y a rupture avec
le silence.
S’interdire de parler pour s’astreindre
à écouter la discipline de l’apprenti
commence par le silence et la méditation.
L’apprentissage c’est
également la découverte d’un nouvel
environnement la loge, mais aussi les règles de
fonctionnement, les frères dans leur plus grande
diversité, les travaux et le rituel
C’est la prise de conscience de la
nécessité de se taire pour écouter
comprendre et se faire sa propre opinion.
Le silence est quelquefois un facteur
d’indifférence entre les hommes :
Ne pas s’exprimer, ne marquer aucun
intérêt par le silence peut indiquer un signe
manifeste d’indifférence le silence engendre la
méditation.
Le symbolisme des mots, des signes, attouchements pour se faire
connaître sans user de la parole est une forme de
communication qui en matière maçonnique se
relève très efficace.
Lorsque des maçons se rencontrent dans la vie
profane et en présence d’autres personnes, les
signes maçonniques permettent de se reconnaître
sans pour autant ce dévoiler.
Dans le rituel du REAA, la règle du silence est une forme de
respect du caractère sacré.
S’abstenir de parler est une marque de
déférence par rapport aux membres de
l’atelier, nous pouvons peut être comparer la
règle de silence que s’imposent le moines dans
leur pratique de la foi.
Par principe, il est vivement recommandé de prendre la
parole dans l’enceinte d’un monastère de
sorte à préserver la règle du silence.
En effet, il est facile d’écouter par politesse et
de ne rien retenir, le monde politique en est la parfaite illustration
ou parfois la langue de bois est reine.
La transition
Du silence de l’apprenti à la parole parle du
compagnon, il s’agit en fait du passage d’un
état à un autre, d’une
qualité à l’autre mais, finalement une
évolution qui ce concrétise par une connaissance
plus vaste.
En musique les silences sont en opposition ou en
complémentarité avec les notes.
D’ailleurs la théorie musicale admet
l’existence de 7 figures de silence : pause, demi pause,
soupir demi soupir, etc... En résume 7 notes 7 silences.
En fait il s’agit d’une opposition
complémentaire permanente; comment apprécier un
flot de notes si entres elles il n’y a pas de ponctuation
marquée par un temps de silence. Il en est de même
pour la parole.
Comment admettre un orateur qui ne saurait
s’arrêter et lirait son texte du début
à la fin sans prendre une seule seconde
d’arrêt, cela est impossible du fait même
de la respiration et d’autant plus que le public ne serait
pas captif longtemps.
Finalement, le silence permet de faire le point et
d’assimiler ce qui vient d’être dit ou
entendu.
Ecouter ne signifie pas obligatoirement entendre.
Toute phrase est ponctuée de silence, temps
nécessaire et qui favorise la réflexion ou
l’assimilation de ce qui vient être
prononcée.
Le silence peut aussi indiquer une attitude, l’absence de
parole par pure nécessité ou en signe de
conclusion finale a tout dialogue ou situation stérile dont
la sagesse impose la retenue.
Le silence est le complément
nécessaire du repos sans lequel l’homme ne peut
progresser d’ailleurs la F.M. indique à
l’apprenti qu’il doit utiliser a bon escient toutes
les heures de la journée et le repos fait naturellement
parti d’un bon usage pour la
régénération du corps et de
l’esprit.
UNE PREMIERE EXPERIENCE DE LA PAROLE : LE COMPAGNONNAGE
La perfection ne pouvant s’atteindre sur cette
terre du moins, le compagnon a appris à se taire et
même parfois à trop se taire car il se trouve
emprunté lors qu’il faut prendre la parole.
Le silence est attribué à l’apprenti
comme symbole de son grade tandis que la parole est laissée
au libre choix du compagnon qui doit être en mesure de
discerner l’usage de cette parole et l’utilisation
à bon escient.
L’apprenti écoute mais ne peut
intervenir, dans un premier temps cela peut être pris comme
une forme de frustration d’autant plus que l’on
pense avoir des choses à dire ou plutôt des
questions à poser mais, le rituel et sa strict application
nous impose de s’abstenir de toute intervention.
Ainsi, lorsque l’on devient compagnon, la prise de la parole
est très difficile et c’est l’inverse de
la position de l’apprenti.
Prendre la parole et intervenir alors que l’on à
l’habitude de ne pas le faire est souvent
compliqué.
Ce n’est pas par manque
d’intérêt mais plutôt par
crainte car si on a bien compris la signification du rituel il faut
progresser mais parfois lorsque l’on arrive du milieu profane
ou la prise de parole est chose commune et que l’on goutte au
silence de l’apprentissage, il est plus aisé de
rester muet et d’écouter car il faut savoir
apprendre a écouter.
Très souvent dans la vie profane on entend sans
écouter, la maçonnerie apprend à
entendre, laisse le temps nécessaire à la
reformulation d’une question ou d’une
réponse.
Pour ma part la présence à la colonne
d’harmonie me facilite la tache en ce qui concerne la prise
de parole car pour présenter les morceaux au cours de la
tenue la prise de parole est un exercice qui
s’avère très utile.
Sans cette obligation volontaire, je me demande à ce jour si
l’occasion de prendre la parole aurait
été utilisée.
La parole ne se prends pas librement mais suivant le
rituel se demande.
Mais le but et l’objectif de la parole c’est
communiquer, c’est-à-dire à
reconnaître, être reconnu, ne pas se sentir seul
isole et être utile avoir sa place dans
l’organisation.
C’est le moment ou il faut faire part de sa
réflexion, confronter les différentes opinions et
dégager la synthèse.
La richesse de l’écoute permet la
progression intérieure.
L’évolution intérieure est une
métamorphose imperceptible qui s’opère
au plus profond de notre être mais qui peut
également se symboliser à travers les arts
libéraux.
Si on reste dans le domaine musical, la progression vient en
travaillant, c’est-à-dire par
l’apprentissage de la théorie, de la pratique et
tout une série d’exercices plus ou moins
rébarbatifs.
Le plaisir vient ensuite, cela semble évident car lorsque
l’on maîtrise les rudiments essentiels
où peut réellement s’adonner
à l’exercice de l’art.
Je suppose que toutes les formes d’art sont soumises aux
mêmes règles par exemple la peinture, la sculpture
etc.
TOUJOURS DES PROGRES A FAIRE POUR S’AMELIORER
Rester silencieux par peur de paraître ridicule, de se sentir
dépassé, par rapport aux autres orateurs que
l’on trouve souvent plus performant que
soi ; car on ne sais pas s’accepter tel que l’on
est.
C’est peut être une des caractéristiques
de notre société actuelle que de favoriser la
compétition.
Dans ce cas, la fraternité disparaît pour laisser
place à l’adversité, la
rivalité ou une simple victoire se transforme en
volonté de dépasser l’autre non pas
pour l’esprit mais pour la forme.
Apparaître comme le meilleur, le plus
admiré, le plus remarqué, cela commence
à l’école ou un simple classement
permet de se positionner par rapport aux autres et parfois
être reconnu pour ce que l’on représente
et non pas pour ce que l’on est réellement.
Notre société actuelle n’à
pas le temps de s’arrêter pour apprécier
et reconnaître l’homme dans son être
profondes valeurs personnelles mais simplement par sa position sociale,
son savoir ou son charisme.
La franc maçonnerie permet a chacun de se
retrouver face à soi même et c’est le
premier symbole que découvre le postulant
lorsqu’il se tourne et trouve un miroir derrière
lui.
Ainsi, chaque jour, le maçon doit construire son temple
intérieur, chercher à
s’améliorer et par se fait il contribue
à l’amélioration de notre
société.
Il est sans contexte une notion à retenir, c’est
l’héritage de la tradition.
La tradition maçonnique permet de faire le lien avec le
passé, le présent et le futur. Il est du devoir
de tout mâcon de transmettre son savoir et de perdurer la
tradition.
Le seul obstacle à ne pas oublier c’est
l’évolution, celle ci est le facteur de la
parfaite remise en question et qui permet la progression.
Pour conclure, je vous livre une réflexion du
frère Louis CHARPENTIER :
La construction ce n’est pas seulement de la philosophie ou
de la géométrie, c’est aussi leur
résolution dans la matière.
Une civilisation sans opératifs, sans oeuvriers est morte
avant d’avoir vécu.
L\ C\
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