Obédience : NC Loge : NC Date : NC

 

Réflexions à propos d’un Tablier de Passé

A l'occasion de ma descente de charge, vous m'avez offert en présent hautement symbolique...un tablier.

J'avais croisé quelques FF\ revêtus de tels tabliers aux liserés de couleur bleu azur, mais à vrai dire, sans m'être donné la peine d'aller au fond des choses.

Il me devenait impossible d'en rester là ; ainsi est née cette réflexion qui m'a plongé avec délectation dans l'histoire de notre Ordre, des différentes obédiences voire des Ateliers, dans le seul but de comprendre l'exacte portée symbolique de ce cadeau.

Je vais donc vous faire part de ce que j'ai appris en essayant de ne pas oublier que nous travaillons ce midi au 1° degré.

En guise de préambule disons d'emblée que ce tablier, quand il est bordé de rouge - ce qui est précisément le cas ici - appartient au Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Dans les obédiences où il est habituellement porté (GLTSO, GLNF...) c'est le tablier du V\M\et du Passé Maître qui ont, tous deux, reçu la transmission initiatique par une cérémonie en deux phases, l'une classique telle qu'elle se pratique dans toutes les obédiences, l'autre étant secrète et ésotérique.

L'origine française en serait les Loges Ecossaises Rectifiées de la GLNF ; par extension certains rites la pratiquent, adoptant par là même la transmission ésotérique (REAA, Rite Français Moderne...). Le Droit Humain parait totalement opposé à cette transmission.

A PROPOS DU TABLIER EN GENERAL

Il fait bien sûr allusion au travail que nous exécutons, plus particulièrement lorsque nous bâtissons le Temple symbolique.

Il est, écrivait Ragon « le véritable habillement du maç\, le cordon n'en est que le décor ».
Le tablier évoque l'origine artisanale présumée de la F\M\ et Wirth en faisait l'enveloppe matérielle dont l'esprit doit se revêtir pour prendre part à « l'oeuvre de construction universelle ».

En Angleterre les maç\prétendent que le tablier est « more honorable than the Star and Garter »...l'étoile et la jarretière, évoquant l'Ordre de l'Etoile de Jean II et l'Ordre de la Jarretière d'Edouard II... Même Shakespeare l'évoque au 4° acte scène 6 de Coriolan : « You have made a good work, you and your apron men » (vous avez fourni du bon travail, vous et vos hommes en tablier).

Le tablier des premiers F\M\ tel que les illustrations du 18° siècle le montrent était assez proche du tablier des tailleurs de pierre, assez long, enveloppant, blanc et pratiquement sans décor.

Alors que les tabliers des App\ sont restés parfaitement blancs et le demeurent, on assistera en France, dès la 2° moitié du 18° siècle à l'enrichissement des tabliers de Maîtres par de nombreux décors brodés, peints ou même imprimés en taille douce puis colorés ; ces décors reprennent bien sûr les symboles du grade associés à d'autres plus généraux.

En Angleterre la réglementation fut précoce :

* Dès le 27 Juin 1726, la Grande Loge d'Angleterre avait ordonné que les Maîtres de Loges (worshipful masters qui correspondent au V\M\) et les surv\ « porteraient les bijoux de la maç\pendus à un ruban blanc passé autour du cou, les Maîtres l'équerre, les surveillants le niveau et le fil à plomb ».

* Le 17 Mars 1731 la même Grande L\ avait décrété que les tabliers seraient de peau blanche, bordés d'un ruban; la bavette du tablier d'apprenti était rentrée et invisible, celle du compagnon était levée et boutonnée afin de la maintenir, et celle du Maître baissée.

* C'est en Mai 1814 que la Grande Loge Unie d'Angleterre décida, dans la règle 269 de ses Constitutions, d'uniformiser les tabliers...nous y reviendrons.

Par contre, il semble difficile d'admettre qu'une définition précise du « décor » existait sur le continent entre 1750 et 1850, tant les variantes foisonnent, même si l'on peut suggérer qu'un certain nombre de thèmes aient été recommandés (équerre, compas, étoile flamboyante, branche d'acacia...).

Aujourd'hui chaque rite n'a retenu qu'un petit nombre de tabliers, dont les décors sont précisément décrits.

Au grade de Maître, le tablier, en peau ou en satin est bordé de bleu dans les rites et obédiences issus plus ou moins directement de l'andersonisme (Rite Emulation, Rite Français RER), il est bordé de rouge au REAA et de vert dans la FM\ du bois.

Selon le rite et les obédiences il portera des rosettes ou les lettres sacrées du grade M\B\parfois écrites en caractères tirés de « l'alphabet maç\ ».

Au Droit Humain, le tablier de Maître est doublé de Rouge, sans  aucun motif particulier, et non de noir ce dernier usage semblant remonter au 19° siècle.

Ainsi le système écossais est il centré sur le rouge et son symbolisme de feu par opposition aux rites Français, Emulation et Ecossais rectifié.

A PROPOS DU TABLIER DE PASSE MAITRE

Le tablier que vous m'avez offert est donc un tablier de passé maître au REAA. Avec des couleurs variant selon le rite - comme nous venons de l’évoquer- il a le même aspect à la GLNF, la GLTSO et dans certains At\ du GO.
Il comprend un rectangle de peau et un rabat triangulaire à bordures rouges, le triangle couvrant le rectangle comme l'esprit se situe au dessus de la matière.
L'origine peut en être retrouvée dans la Règle 269 des Constitutions de l'UGLE datant de mai 1814, Grande Loge qui avait décidé d'uniformiser les tabliers.

On peut y lire :
* « Entered apprentice : peau d'agneau unie, blanche de 14 à 16 inches de longueur, 12 à 14 de haut, rectangulaire, sans ornement, cordes blanches et bavette.
* Fellow craft : le même avec en plus deux rosettes bleu ciel.
* Maitre Maç\ : le même avec bordures bleu ciel n'excédant pas 2 inches de large ; une rosette supplémentaire sur la bavette, houppes (tassels) d'argent et cordes bleu ciel. »

A PROPOS DES HOUPPES ET DES ROSETTES

Nous l'avons dit, les tabliers les plus anciens n'avaient aucune décoration, pas même de ruban et certainement pas de houppe, de rosette ou de niveau.

Ils étaient ceints à l'aide de cordelettes.

Selon Jones c'est le remplacement des cordelettes par des rubans qui est supposé avoir suggéré, plus ou moins accidentellement, l'addition des houppes à une période d'ailleurs assez tardive, aux environs de 1827-1841.

Les rubans passés sous la bavette ou le rabat faisaient le tour du corps et étaient noués devant où leurs extrémités frangées pendaient comme on peut le remarquer sur les anciennes peintures...avec le temps cela aurait conduit à l'idée d'une houppe permanente.

D'ailleurs, sur les tabliers de la première moitié du 18° siècle, les pendentifs remplaçant les extrémités frangées des rubans sont plus médians, alors qu'aujourd'hui ils sont rejetés sur les côtés.

Actuellement certains veulent attribuer aux pendrillons une signification symbolique ; d'aucuns y voient une évocation des colonnes du Temple, d'autres remarquent que les pendentifs sont au nombre de 7 de chaque côté mais une telle approche serait ici inopportune.

Avant les rosettes, la position de la bavette était la seule différence entre le « entered apprentice » et le « fellow craft ».

Les premiers tabliers avec rosettes au Muséum du « Freemasons Hall » datent de 1815 environ, mais on ignore en quelles circonstances exactes elles furent ajoutées.

Harry Carr de la L\ Quatuor Coronati suggère qu'elles étaient simplement un moyen de distinguer les grades :
« My own opinion is that the roses are used exactly in the same way as two or three « stripes » are used in the army. » (Il me semble que les rosettes sont employées de la même façon que les galons dans l'armée.)
Elles pourraient également correspondre à un goût de l'ornementation.
Quoi qu'il en soit, il reste difficile de leur trouver une signification symbolique, en dehors de leur nombre et de leur position sur le tablier du Maître.

Certains les comparent cependant à des roses et renvoient ainsi le tablier au devoir de discrétion selon l'expression moyen âgeuse « sub rosa ».

Rappelons que tous les tabliers de Maîtres de la maç\ dite régulière, et ce dans le monde entier quel que soit le rite, portent trois rosettes, les tabliers avec M\B\ leur étant inconnus.

CONCERNANT LE MAITRE DE LA L\ ET LE PASSE MAITRE

La Grande Loge Unie d'Angleterre dans la Règle 269 des Constitutions de Mai 1814 précise, à propos des tabliers des « Maîtres et Passés Maîtres de L\ : le même que les Maîtres maçons, mais les rosettes remplacées par des lignes verticales sur des lignes horizontales argent ou bleu ciel, formant de cette façon 3 groupes de 2 angles droits ».

Notons d'emblée que :

Alors que le niveau égyptien était en forme de A, les miniatures médiévales représentent les niveaux comme composés de 2 règles assemblées en T inversé ; le peson est suspendu à un fil partant du haut de la règle verticale.

Le texte ci dessus ne mentionne pas le terme « apron levels » (niveaux sur le tablier) mais c'est pourtant celui qui sera retenu pour décrire ces « lignes verticales sur lignes horizontales formant de cette façons 3 groupes de 2 angles droits »dont la Règle 269 précise d'ailleurs les dimensions exactes puisqu'ils devront « être faits de ruban d'un demi inch « et mesurer » 2.5 inches de largeur et 1 inch de hauteur ».

Notons également pour une meilleure compréhension ultérieure que : Le triple tau en tant que tel apparaît plus tard au Royal Arch entre 1822 et 1834-35.
En somme, ce texte des Constitutions est probablement la première référence à des niveaux sur les Tabliers, bien que les premières représentations se trouvant au Muséum du Freemasons’Hall datent de 1800.

A PROPOS DU V\M\ ET DU PASSE MAITRE

Le titre de V\M\ qui désigne le président d'une L\, vient de l'anglais « worshipful » qui désigne un personnage ou une institution dignes d'être vénérés ou respectés.
La première mention connue de ce titre pour qualifier le chef d'une L\ (en ce temps opérative) se trouve dans le Manuscrit Régius (environ 1390), qui est le plus vieil exemple existant des Old Charges, les Anciens Devoirs.
On peut y lire :

« Furthermore yet they ordained he,
Master called so should he be ;
So that he were most worshipped,
then should he be so called ».
De plus il ordonna que quiconque était désigné par le titre de Maître afin d'être très vénéré devait être ainsi appelé.

D'après Marcy le titre de Vénérable s'est introduit dans l'usage courant « sous la Grande Maîtrise du Comte de Clermont ».

Jusqu'en 1773, le titre de Maître de L\était le plus souvent patrimonial et obtenu ad vitam.

C'est en 1773 que les « Statuts de l'Ordre Royal de la Franc-Maçonnerie en France » fixèrent un principe de base aujourd'hui uniformément admis : « Le Grand Orient de France ne reconnaîtra désormais pour Vénérable de loge que le Maître élevé à cette dignité par le choix libre des membres de la Loge. »
(Article IV de la section I du titre I)

Vous savez quasiment tous, comment se déroule dans notre obédience la désignation du V\M\, son élection et son installation par le T\R\ Conseiller National lors d'une tenue au 1° degré symbolique.

Mais cette procédure n'est pas ubiquitaire et les obédiences dans lesquelles on trouve les distinctions de Maître installé et de Passé Maître (GLNF, GLTSO…) pratiquent une cérémonie en deux temps (la première partie est ouverte à l'ensemble des membres de la L\, alors que la seconde est dite secrète ou ésotérique) dont nous allons tenter de retrouver la source et les caractéristiques par une approche chronologique, tant Outre Manche que sur le Continent.

On ne retrouve aucune trace de la plus élémentaire cérémonie d'installation avant les années qui ont suivi la formation de la première Grande Loge d'Angleterre en 1717.

Dans le premier livre des Constitutions du Dr Anderson en 1723, un chapitre de 2 pages décrit « La manière de constituer une nouvelle Loge telle qu’elle est pratiquée par sa Grâce le Duc de Wharton ». Ce document qui sera popularisé en France par La Tierce dès 1742, contient ainsi la plus ancienne description de « L'installation du Maître d'une Nouvelle Loge ». Compte tenu de ce que nous apprend ce texte il est difficile d'admettre que la cérémonie ait eu un contenu ésotérique.

La divulgation du rite des « Anciens » en 1760 dans « The Three distinct knocks » contient quant à elle la plus ancienne description d'une cérémonie d'installation indépendante de la constitution d'une nouvelle loge. Deux ans plus tard, la divulgation du rite des « Modernes » dans « J and B »  écrira la cérémonie de manière quasiment identique.

En France, à la même époque (1760) nul ne pouvait présider une L\ s'il ne possédait pas le grade de Maître Ecossais et le Recueil de Rituels du Marquis de Gages de la Loge de Mons daté de 1763 (cote FM4 79 de la Bibliothèque Nationale) comporte un texte intitulé :
« Grade de Maître de Loge qui se donne à ceux qui ne sont pas Ecossois pour pouvoir tenir Loge régullière et non bapttarde… »
Le Livre d'architecture de la Grande Loge des Maîtres réguliers de Lyon (Bibliothèque de Lyon Fonds Coste 453) précise en 1760 qu'il existe « …d'autres cérémonies de constitution du Nouveau Maître…ne pouvant souffrir d'autres témoins que les Maîtres réguliers. »

William Preston dans « Illustrations of Masonry » (1775) reprend la cérémonie du Duc de Wharton mais surtout donne t'il pour la première fois, le texte des Devoirs du Vénérable dans son intégralité…par contre, aucune allusion à une quelconque cérémonie secrète.

Preston va s'affilier à la Loge l'Antiquité en 1774 et en 1792, il négociera l'absorption de la Loge Harodim par l'Antiquité qui devient l'Antiquité 2.

Les minutes de cet Atelier font état d'un changement dans les usages concernant la cérémonie d'installation :
« Jusqu'alors (c'est-à-dire jusqu'en 1792) la cérémonie avait lieu dans la salle de la Loge. A cette date et par la suite, les Maîtres Installés se retirèrent avec le Maître élu dans une autre salle ».
Firebrace - Les procès verbaux de la Loge l'Antiquité n°2, vol.2 p.120

La salle « à part » et une cérémonie conduite en présence des seuls Maîtres Installés sont la première évidence certaine  d'une installation ésotérique encore nommée « Inner Working ».
Confirmation nous est donnée dans l'édition de 1801 des « Illustrations of Masonry » de Preston, je cite :
« Le nouveau Maître est alors conduit dans une salle voisine où il est régulièrement installé et lié à sa charge par son prédécesseur selon l'ancien usage, en présence de trois Maîtres Installés »…« A son retour dans la Loge, le Nouveau Maître…est revêtu des insignes de son office. »

Les minutes de la L\ spéciale de Promulgation  en date du 19.10.1810 insistent sur l'importance de l'installation du V\M\; pratiquée par les « Anciens », elle paraissait être quelque peu tombée en désuétude chez les « Modernes ».
La loge de Promulgation décide que « la cérémonie d'installation des M\ de Loges était un des véritables landmarks du métier et devait être préservée ».

Le MS. Turk, manuscrit daté de 1816 est la seule version contemporaine complète des 3°  « Instructions de la FM\ » de Preston.
Il est rapporté par le F\P.R James dans le volume 85 de A.Q.C. Le chapitre IX traite de la cérémonie d'installation qui se déroule de la manière suivante :
Tous les Maîtres Maç\ reçoivent l'ordre de se retirer.
Le Conseil de Maîtres installés est formé.
Le Maître élu est présenté au Conseil des Maîtres installés afin de recevoir le « bienfait de l'installation ».
Si le Maître élu consent à accepter la charge aux conditions qui lui ont été présentées, il « s'agenouille sur les deux genoux, tandis que 2 Maîtres installés joignent les mains et forment  l'arc (ou la voûte) au dessus de lui ».
Le serment de l'Office est alors prêté en deux parties :
La 1° partie contient tout ce qui concerne l'obligation actuelle du Maître élu.
Dans la seconde partie le Maître élu promet qu'il ne révélera jamais le mot et l'attouchement secrets d'un Maître en chaire…et cela ni à un ni à plusieurs, à moins que ce ne soit en présence de 3 Maîtres Installés.
Le nouveau Maître de L\ est installé.
Le Conseil des Maîtres Installés est ajourné.
Les Maîtres Maç\ sont réadmis…etc…

Cette « 3° instruction » de Preston est la seule description correcte des travaux à l'intérieur de la salle d'installation (Inner working) que nous possédions avant 1827, date à laquelle la cérémonie d'installation fut uniformisée sur l'ordre du T\R\ Grand Maître de la Grande Loge Unie d'Angleterre.
 
Les résultats furent promulgués en 1827 ; les Dignitaires ainsi que les Maîtres Installés et  les Passés Maîtres londoniens d'abord, puis anglais ensuite furent « ré-installés ».

Deux documents colligent ces dispositions :
Le « Carnet Henderson » rédigé en 1830-1835 par John Henderson (Député Grand M\ de la L\ Antiquité n°2, puis Président du bureau des affaires générales de la Grande L\ Unie).
« Les cérémonies d'initiation, de passage… » publié par Georges Claret en 1838.

A partir de 1841 « The Emulation Lodge of Improvement » pratiqua régulièrement cette installation quatre fois par an.
 
Notons enfin que le « Inner Working », c'est-à-dire la cérémonie d'installation ésotérique par le Conseil des Maîtres Installés ne constitue pas officiellement un 4° degré dans les LL\ anglaises, bien que cela soit en pratique.

On peut en effet lire dans une minute de « United Lodge of Harmony and Friendship » datée de 1839 :
« Tous les FF\se retirent de la L\ qui était (ouverte) en dessous du grade de passé Maître quand la L\était ouverte au 4° degré de Passé Maître. »

La cérémonie d'installation ésotérique demeura exceptionnelle dans notre pays jusqu'à la fondation de la GLNF en 1913. C'est après cette date, aux environs de 1918-1919 qu'une adaptation du Rite Emulation fut faite par les Loges Ecossaises Rectifiées de cette obédience.

Ainsi, dans la maç\ anglo-saxonne, comme à la GLNF, à la GLTSO, à la GL, existe t'il une cérémonie ésotérique de l'installation du Maître (sous entendu « du Maître de Loge ») c'est-à-dire qu'à la simple élection s'ajoute une cérémonie à laquelle ne peuvent participer que ceux qui, Maître en Chaire ou Passés Maîtres possèdent ce titre.

LE PASSE MAITRE

En Angleterre, aux USA, comme dans certaines Obédiences et LL\ françaises le qualificatif de  Passé Maître ou Past Master s'applique à l'ancien Vénérable qui garde diverses prérogatives, l'immédiate past master - c'est-à-dire le prédecesseur immédiat du Vénérable en chaire - siègeant à l'Orient à côté de son successeur.

Au rite Emulation et au rite français le passé Maître porte un sautoir avec un bijou représentant la démonstration symbolique du théorème de Pythagore.

Ce grade de Passé Maître ne peut être confondu avec la distinction de Vénérable d'honneur donnée au REAA ; cette dignité apparue vers 1834 ne revêt aucun élément traditionnel. Beaucoup de L\ françaises se contentent cependant de cette solution réglementaire mais non initiatique.

A PROPOS DU TAU EN GENERAL

A ce stade nous avons évoqué les notions de Maître installé et de Passé Maître le tablier dont ils sont revêtus tant dans la maç\ régulière que dans certaines obédiences françaises les principaux constituants de ce tablier la bavette les pendeloques ou pendrillons et les 3 niveaux, le terme anglais originel ne prêtant à aucune confusion (« apron levels »)

Pourtant, il est constant d'entendre et de lire dans la littérature maç\ française des affirmations telles que…je cite :
« Sur le tablier des Maîtres installés se retrouvent, dans la maçonnerie dite régulière (mais ce sont précisément ceux là qui nous intéressent) trois taus disposés en triangle ».

Il y a donc discordance historique (cf. supra) mais aussi graphique car les soit disant trois taus des tabliers de Maître installé et de Passé Maître seraient alors en position inversée

J'ai donc essayé de comprendre ce qui peut conduire à ce que je considère comme une confusion.
Je procèderai en trois étapes : 
évocation du Tau et de sa symbolique
où trouve t'on trois taus ?
Quels sont les rapports possibles entre ces trois taus et les trois niveaux?

Le tau est la 19° lettre de l'alphabet grec, transcription dit on du Taw hébraïque, dernière lettre  de cet  alphabet  qui serait issue d'un ancien idéogramme en forme de croix ( X ) 20° lettre de notre alphabet, le tau est notre T.
Autrefois, le tau était considéré comme un symbole de vie par opposition à la 8° lettre grecque « Theta » qui apparaissait comme un symbole de mort.
Comme la croix (symbole sacré depuis les époques païennes anciennes sous des formes multiples puisque près de 300 variétés sont connues), le tau est un symbole très ancien, mais bien que parfois nommé Croix de St Antoine car le Saint fut martyrisé sur une croix en forme de tau, ce n'est pas seulement un symbole chrétien.

En hébreu le tau porte l'idée de « marquer », « graver », « tracer ».

Chez les païens, un guerrier ayant survécu à la bataille pouvait attacher un tau à son nom, idée reprise dans un rituel du « Royal Arch » selon lequel le tau était un signe pour ceux qui étaient acquitted et ceux qui revenaient sains et saufs de la bataille.

Le tau comme marque de distinction renvoie à Ezéchiel 9, 3-4 :
« Le Seigneur appela l'homme vêtu de lin portant à la ceinture l'attirail de scribe et lui dit : Parcours la ville, le centre de Jérusalem et marque d'un Tau au front ceux qui gémissent et soupirent à cause de toutes les abominations qui se commettent dans la cité. »
On peut penser que c'est également un tau  qui est inscrit ( Exode 12, 7 ) sur le linteau et le montant des portes que ne franchirait pas l'ange exterminateur, signe par lequel se reconnaissent les « élus », ceux qui ont étudié la Torah de Aleph à Taw ( de la première à la dernière lettre ) ou dans l'Apocalypse ( 7, 3 ) : « Ne nuisez pas à la terre ni à la mer ni aux arbres jusqu'à ce que nous ayons marqué d'un sceau sur le front les esclaves de Dieu. »

Enfin, le simple Tau était une mesure égyptienne permettant de mesurer le niveau et le débit du Nil; il s'agissait d'un grand Tau gradué 12 cubits signifiait famine 22 cubits, abondance et au de là de 24 cubits inondations et destructions
Ainsi la vie et la santé du peuple d'Egypte dépendaient de la hauteur du Nil mesurée par ce grand tau et l'instrument lui même devint un symbole et un talisman.

A PROPOS DU TAU EN MAC\

Au rite écossais on connaît depuis longtemps l'emblème associant un T au dessus d'un H, notamment au Royal arch où on le retrouve dans la Charter of Compact en 1766.
Il s'agissait semble t’il d'une abréviation pour « TEMPLUM HIEROSOLYMAE » terme latin désignant le Temple de Jérusalem.

Ce symbole eut initialement des interprétations chrétiennes « Holiness supporting Trinity ».
Sur un manuscrit du Trinity College de Dublin daté de 1711, il prend la forme d'une croix chrétienne sur un H, la croix sur le nom de Jehovah, l'union mystique entre le Fils et le Père Sur le plafond d'une église de Rome des environs de 1700, la pièce centrale est une gloire contenant une autre version chrétienne de HT ; elle prend la forme de…
Et signifie conventionnellement, Jesus Hominum Salvator ou peut-être In Hac Salus c'est-à-dire « safety in the cross ».
Le même symbole, sans le S, se retrouve dans les minutes du Chapitre Swansea (1771) et dans celles du Chapitre de Londres (1784) avec pour interprétation possible « Jésus, sa croix et son père ».

D'autres significations ont été attachées à ce symbole :
Thesaurus…treasure, treasury,
Clavis ad thesurum…a clé pour le trésor,
Res ipsa pretiosa…la chose précieuse elle même, peut être en référence au Nom Sacré,
Theca ubi res pretiosa deponitur…que l'on peut traduire par « le dépositoire dans lequel est placée (ou cachée) la chose sacrée », reprenant la même idée que précédemment et suggérant la protection du Nom Sacré.

Le T sur le H qui figure dans la Charte de 1766, apparaît dans les minutes du Wakefield Royal Arch en 1767, ainsi que sur un certificat Royal Arch de Dunckerley  daté de 1768 ; sur ce dernier, le T touche la barre transversale du H.

Dans une illustration du Grand Chapitre Uni de 1817 - c'est-à-dire après l'union des « Anciens » et des « Modernes »- les deux lettres amorcent leur séparation.

Il semble donc que le passage au symbole géométrique du triple Tau ait eu lieu dans l'intervalle Mai 1822 date jusqu'à laquelle les règlements de 1817 ont prévalu et 1834-1835 date à laquelle furent promulgués les rituels révisés.

De deux lettres avec leurs obits (terme typographique désignant un haut de lettre) et leurs empattements (terme typographique désignant un bas de lettre) on passe alors à de simples angles droits.

Au grade anglais de Royal Arch, ce triple Tau joue un rôle important puisqu'il figure sur la principale bannière du grade ; le rituel indique que ce signe du tau est celui dont  parle l'ange dans la vision d'Ezéchiel, signe dans lequel les Pères de l'Eglise ont vu une représentation allégorique de la crucifixion.

Quant à la signification du triple Tau qui pour certains représenterait la Trinité, les explications géométriques dans les rituels n'apparurent qu'après la jonction du H et du T ; elles étaient donc probablement inconnues avant 1835.

Citons simplement quelques pistes de réflexion :
le Tau assimilé à l'équerre mais surtout au maillet en forme de tau certains rapprochent les taus des pas maç\, un à chaque grade au rite émulation, tris le jour de l'initiation pour d'autres rites dont le notre, pas effectués les pieds en double équerre (on peut se demander pourquoi ce renvoi aux pas sur le tablier du V\M\ et du Passé Maître et non sur ceux des Maîtres…! même si l'on peut y voir le rassemblement (en un triple tau) de ce qui est épars.

De nos jours, il est nécessaire d'être Maître installé pour accéder aux postes d'officiers au grade anglais de Royal Arch.

Il s'agit là d'une évolution car pendant une longue période à cheval sur les 17° et 18° siècles, seuls les Maîtres Installés pouvaient être candidats à ce grade comme le confirme le Dr Fifield dans un ouvrage de 1744 en décrivant le Royal Arch comme « un corps composé d'hommes qui sont passés en chaire. »

 Il y eut d'ailleurs des cérémonies d'installation suivies de descente de charge, simplement pour faciliter l'accès au grade de Royal Arch (Selon l'expression de Jones, il s'agissait alors de « virtual » past masters).

AU TOTAL

Mai 1814 : présence réglementaire de 3 niveaux sur les tabliers des V\M\ et des Passés Maîtres (connue de puis 1800 cf.supra). Entre 1822 et 1834-1835, parti du T sur le H le tablier de Royal Arch en vient à être orné de 3 taus.

Pourquoi ce changement au grade de Royal Arch ?

Il est possible que le passage se soit fait par abandon progressif des hauts et bas de lettre, arrivant à une forme se prêtant plus à une symbolique géométrique.
S'agissait-il de se mettre en continuité symbolique avec le tablier de Maître de Loge sur lequel les niveaux (ou les équerres) sont répétés trois fois ? (rappelons qu'il fallait être Maître installé pour accéder au grade de Royal Arch ).

Peut être faut il voir dans ces deux hypothèses une source d'explication aux erreurs de terminologie qui font dire à beaucoup que le tablier du V\M\ et du Passé Maître sont ornés de 3 taus et ce d'autant que l'on ne doit négliger ni l'apport des trois taus à la symbolique géométrique ni l'espèce de confusion symbolique entre la dignité de Passé Maître ou de Maître installé et le grade de Royal Arch. On se souviendra cependant, que lorsqu'ils ne sont pas à l'intérieur d'un triangle et d'un cercle, les trois taus n'ont pas de signification symbolique au grade de Royal Arch (Communication personnelle de Douglas Jordan - Grand High Priest- Virginia).

QUANT A LA SYMBOLIQUE…

A ce grade, je me limiterai à l'évocation de quelques pistes de réflexion…le rabat triangulaire couvrant le rectangle trois niveaux disposés de telle sorte qu'ils forment avec la bavette deux triangles opposés, l'un ascendant, l'autre descendant à la manière de l'hexagamme et du sceau de Salomon, équilibre entre la matière et l'esprit. Et pourquoi pas, malgré tout ce qui vient d'être dit, trois taus ? taus, équerres, maillet en forme de tau....symbolique du trois qui revêt deux aspects selon que l'on la qualifie de ternaire…distribuée par trois, ou de trinitaire…dans laquelle il y a trois éléments.

A partir du triangle, figure géométrique élémentaire, les pistes ne manquent pas…en L\ 3 pas, 3 coups, delta, triple acclamation, 3 grandes lumières, 3 piliers, 3 mousquetaires etc… De même l'ordre complexe de la L\ met-il en évidence des aspects spécifiquement triangulaires :
VM\, 1°, 2°…triangle de puissance ou d'autorité,
VM\, Secrétaire, Orateur…...triangle de connaissance (conception, mémoire et communication),
VM\, Hospitalier, Trésorier…triangle des voies et moyens.

Le 7 et sa symbolique au troisième grade, cette progression du nombre symbolique évoquant probablement la progression de la connaissance maç\.
Le prestige du nombre 7 est bien connu chez les hermétistes, les kabbalistes et bien d'autres dont les astrologues. Pour les anciens, probablement depuis les chaldéens le sept représente dans toutes les philosophies cosmogoniques…le symbole intégral de l'harmonie dans le monde sensible.

Sept rendent la L\ juste et parfaite.
Sept ans et plus, l'âge du maître.
Sept chiffre humain par excellence associe 4 (nombre du corps) et 3 (nombre de l'âme).

CONCLUSION

La dignité demeurant attachée au Passé Maître, crée, dans les Obédiences qui la reconnaissent, un groupe d'hommes dont la responsabilité initiatique et morale est accrue, ce qui ne peut avoir que d'heureux effets pour le maintien et la sauvegarde de la Tradition maç\, but vers lequel doivent tendre aujourd'hui plus que jamais tous les maç\.

M\ M\

Bibliographie

René GUILLY : Notes sur la cérémonie ésotérique d'installation des Maîtres de Loge. Le symbolisme. N°353 Juillet  Septembre 1961
Bernard E.JONES : Freemason's guide and compendium. GG.Harrap and Company Ltd.Londres 1956
Bernard E. Jones : Free mason's book of the Royal Arch. GG Harrap and Company Ltd.Londres 1957
Douglas J. JORDAN, Grand High Priest, Royal Arch, Virginia : Communication personnelle.


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