GODF | Loge : NC | Date : NC |
La Pierre Brute Lorsque je commençai â construire mentalement ce travail sur la pierre brute, je m'engageai volontairement dans une direction contraire aux interprétations traditionnelles sur ce thème. Ces concepts qui définissent la pierre brute comme le symbole de l'apprenti-maçon qui après la renaissance initiatique se doit d'exercer sans relâche la taille de la pierre pour aspirer à obtenir une forme de plus en plus géométrique. J'admettais mal cette interprétation du symbole, car ma crainte était que cette taille ne devienne une coupe faite de nouvelles certitudes et de nouveaux préjugés. Je pensai au contraire qu'il fallait profiter de cette renaissance par l'initiation qui avait lavée les coupes anciennes, pour conserver cette pierre en état originel, et qu'elle soit le symbole permanent de notre nécessité de dissoudre. préjugés et certitudes. La tradition écrite que je lisais sur ce thème, étayait encore plus ma pensée en ce sens. En effet celle-ci, enseigne bien que la pierre brute descend du ciel, et que transmuée, elle s'élève vers Dieu. D'ailleurs le Temple (en tant qu'habitation de Dieu sur terre), doit bien être construit de pierre brute et non de pierre taillée, il est même dit dans la Bible : "En levant ton ciseau sur la pierre, tu la rendrais profane." La
pierre taillée n'est en effet qu'oeuvre humaine, elle
désacralise l'oeuvre de
Dieu car elle symbolise l'action humaine substituée
à l'énergie créatrice. La
pierre brute symbole de liberté s'oppose à la
pierre taillée, symbole de
servitudes et de ténèbres. Cette
tradition renforçait ma pensée qui se forgeait de
plus en plus en conviction. Pour
rajouter à celà j'extrapolai encore plus en
imaginant la tristesse que
représenterait une humanité de forme similaire
par la coupe, mais d'unité
difficile par ses géométries
différentes, donnant un grand "tout"
final de forme anguleuse que j'envisageais comme disharmonieux. Il
m'apparaissait comme plus évident de travailler à
retrouver ou à conserver
cette forme originelle de notre être, plus pure car plus
proche de la création,
celà par nécessité à
retrouver cette apparence de l' eden perdu, où
uniques
par nos différences celle-là même nous
donnait la complémentarité nécessaire
à
l'union. Un
de mes frères de l'atelier à qui j'exposais ce
point de vue, enrichissait cette
théorie en me disant qu'on pouvait même
imaginer avant le big bang, notre
univers concentré en un grand Tout de forme ovoïde,
qui explosant en ce jour de
création en multitudes formait alors
planètes et êtres vivants, inscrivant
dans chaque particule d'atome la nécessité de
retrouver ce cocon originel. Le
sens de la vie pouvait même être là ! Je
m'engageai vigoureusement dans cette
voie, sûr de commencer à détenir des
parcelles de vérité, cabbaliste d'un jour. Je
glanais ici ou là au travers de mes lectures de plus en plus
ésotériques, des
informations qui chaque jour étayaient encore et encore ma
réflexion. Qu'il
est bon et confortable de s'installer dans un chemin, une conviction et
de la
renforcer un peu plus chaque jour... Il
s'en eut fallu de peu, pour que je ne vous bâtisse une
théorie de plus, sans
dogmatisme apparent, car j'aurais sûrement trouvé
les mots qui m'auraient
affranchis de ce danger, mais sûrement à
ranger avec les autres dans le grand
livre des élucubrations
ésotériques. Car
heureusement sur ce chemin de réflexion je menais sur
moi-même l'investigation
liée à ce symbole de la pierre brute, outil de
réflexion et de remise en
question, ce fut ma théorie qui en pâtit en
premier. A
chaque jour d'élucubration, une
réalité plus forte encore que toutes les
théories m'apparaissait évidente, ma
vanité..., et la vanité de ce projet. Vanité
qui prenait sa source en deux origines, permettez que je les
détaille ; la plus
vile d'abord est que la première raison de ma
démarche était le désir
d'être
original, je voulais une fois de plus comme dans la vie profane,
séduire,
marquer mon territoire, exister par le paraître. Pardonnez
ce relent de vie tribale, encore tellement présent dans nos
vies quotidiennes,
et bien à l'opposé de notre démarche
maçonnique. La
deuxième raison, est qu'un des fondements de ma
réflexion était faux, car il
me semblait que dans la démarche qui voulait cette taille de
pierre, le constat
initial était que l'homme était mauvais au fond,
et que la taille était l'étape
incontournable pour qu'il devienne meilleur. Cela
m'irritait au plus haut point car ma conviction profonde est que
l'homme au
fond est réellement bon, mais que c'est le contexte
éducatif et social dans
lequel il évolue qui le rend mauvais. Je
me trompais, non pas sur le fond mais sur la forme, je. pris conscience
que
dans la taille on ne taillait pas le coeur de la pierre mais bien sa
surface,
donc bien la partie visible de l'iceberg de l'être que nous
sommes. Même
sur un plan ésotérique, m'apparaissait alors le
peu d'intérêt du big-bang que
de retrouver un état originel, sans
dépassement, sans destin autre que le
retour à la source, pourquoi alors tant
d'énergie, tant d'expansion, sans
transmutation ? Ce
constat rectifié, j'étais soulagé car
redevenu plus sage mais bien ennuyé car à
quelques jours seulement de la présentation de ce
travail. Je
pensais alors à une pratique que j'avais exercée
dans le passé, qui m'a
beaucoup apporté dans les épreuves, qui a
participé activement à ma
construction intérieure, et qui ressemble à s'y
méprendre à notre travail de
maçon. On
cherche souvent bien loin ce que nous avons à notre porte. Il
s'agit de la pratique du Zen. Je vous en dirai juste quelques mots,
même s'il
est difficile de parler d'une expérience sans la vivre, pour
que vous
compreniez les similitudes que j'y trouve avec notre art et le sens de
ma
comparaison. Le
Zen, au-delà de sa réalité
d'aujourd'hui, particulièrement au Japon où c'est
devenu une religion, c'est simplement s'asseoir, simplement Za-zen. Le
Zen n'est ni un raisonnement, ni une théorie, ni une
idée, ce n'est pas non
plus une connaissance à saisir avec son cerveau, mais
seulement une pratique. Le
Maître Daichi Sokei disait : "Si quelqu'un demande ce qu'est
le vrai Zen,
il n'est pas nécessaire que vous ouvriez la bouche pour
l'expliquer. Exposez
tous les aspects de la posture de Za-Zen. Alors le vent du printemps
soufflera
et fera éclore la merveilleuse fleur du prunier." Za-Zen
c'est l'assise juste. Récréation de
soi-même et compréhension du vrai soi,
sans austérité ni mortification. Le
Zen n'est pas autre chose que la pratique du Za-Zen, Zen signifie
comprendre
l'essence de l'univers, Za, s'asseoir sans bouger, comme une montagne. Za-Zen
c'est vivre l'instant présent, ici et maintenant, sans buts
ni profits. C'est
ainsi que tous les maîtres (comme le Boudha par exemple) ont
recherché la voie
et celle-ci se trouve dans la pratique même. Pour
conclure je citerai le Maître Deshimaru qui enseigna le Zen
en Occident qui a
écrit entre autres cette phrase qui en
résume bien le sens ; "Le
sage est celui qui ressent et comprend le monde infini à
partir du monde
limité. Ne rechercher que le monde infini tend vers le
spiritualisme. Mais ne
voir que le monde limité aboutit au matérialisme.
Celui qui comprend l'essence
du cosmos est heureux éternellement, libre
infiniment, sage absolument." Ce
parallèle entre notre univers maçonnique et cet
univers si différent et
pourtant tellement identique dans la démarche m'a
semblé intéressant. Cette
pratique ouverte à tous, athées comme religieux
de toutes origines, sans aucun
dogme vise sans doute le même but que celui auquel nous
aspirons. A
l'image de cet arrêt momentané de la vie sociale,
de vie profane, ou par la
pratique ne rien faire d'autre que vivre l'instant présent
intensément,
concentré, abandonnant tous nos métaux
à l'entrée du temple, pour être unique
mais réellement ensemble, nous faisons là comme
en posture Zen, notre provision
d'énergie spirituelle. Une
forme d'hygiène de vie qui nous maintient dans un
état de santé morale. Comme
les mots de Deshimaru, sans excès, sans choisir une voie
plutôt qu'une autre en
certitude, mais bien plutôt en empruntant toujours la voie du
milieu. J'ai
compris aujourd'hui, où se situait la taille de la pierre
brute, son importance
et la permanence de sa coupe, coupe parfois si subtile que
pouvant même
s'opérer à notre insu. Simplement par
l'assiduité, la répétition de nos
tenues, où disponibles, acteurs silencieux, nous nous
laissons abreuver des
nourritures dispensées en ces lieux, qui sont l'amour, la
tolérance, la vraie
fraternité, pour qu'ensuite, après digestion
lente, nous les redonnions, à
l'heure, à notre tour. Car
c'est bien de cela il me semble qu'il s'agit, se rendre meilleur comme
individu
d'abord, comme être social ensuite, de façon
à nous rendre capable de jouer
dans l'humanité le rôle de la pierre
taillée et propre à la construction du
Temple extérieur qu'est la société
humaine. Pour
conclure je citerai une phrase de Armand Bédarrides qui
écrivait : C\
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