La Pierre
Brute
La planche tracée que
l’on me permet de vous présenter ce soir est sur
la Pierre Brute. Les recherches effectuées pour cette
planche m’ont amené à
découvrir de multiples sens au mot pierre et de nombreuses
interprétations. Le symbolisme de la pierre brute
à mon grade me fait penser à une citation de
Victor Hugo, je cite : « La création
est une ascension perpétuelle de la brute vers
l’homme, de l’homme vers Dieu ».
J’en conviens, le mot
« brute » dans cette citation
s’applique, certes plus à
l’état de l’homme,
qu’à la matière. Néanmoins,
j’aime à la citer car selon la légende
de Prométhée, procréateur du genre
humain dans la mythologie Grecque, la pierre brute et l’homme
présentent un double mouvement de montée et de
descente. Selon lui, comme l’homme qui naît de
dieu, la pierre brute vient du ciel. Et comme l’homme
retourne à Dieu, la pierre brute, transmuée,
s’élève à lui sous la forme
d’un temple. Ce symbolisme se traduit dans notre vie profane
et maçonnique selon le schéma suivant:
Nous naissons profane, au fil des ans nous nous transformons par notre
introspection et pour finir nous nous élevons...
J’aimerais vous présenter dans cette planche
tracée ce cheminement que j’ai subi, au travers de
ce symbolisme de ma vie profane à ma vie
d’apprenti, tout en sachant que le symbolisme de la pierre va
bien au-delà du ce grade.
Nous admettons aujourd’hui, comme le précisait
Rousseau, que les hommes naissent ni bon ni mauvais. Ils naissent
libres et sont des pierres brutes tombée du ciel. Durant
notre vie profane, nous sommes transformés,
taillés. Selon la légende de
Prométhée, la pierre taillée
dénature l’oeuvre de Dieu car elle
résulte de l’action humaine et
désacralise ainsi l’énergie
céleste. La pierre brute est donc symbole de
liberté et la pierre taillée symbole de servitude
et de ténèbres et s’avilit au fil des
temps. Cette idée est développée
également dans la symbolique maçonnique de Jules
Boucher lorsqu’il cite Plantagenêt. Le symbolisme
maçonnique est différent et reprend le symbolisme
ancien des hébreux qui assimilaient la pierre brute comme
matière première nécessaire
à l’édification des autels pour le
temple de Salomon. Cette pierre brute imparfaite
façonnée alors par l’homme, devenait
pierre taillée, parfaite, symbole
d’équilibre et de stabilité.
Associé au symbolisme maçonnique de nos jours,
cette diversité sur le symbolisme de la pierre brute me
permet de penser que finalement, nous sommes peut-être pierre
brute, parfaite à notre naissance et que dans le monde
profane, le façonnage d’autres hommes et donc de
notre société nous dénature, nous
transforme, car nous subissons, et nous éloigne de du
caractère sacré dont nous fûmes
dotés à notre naissance. Devenu ainsi pierre
taillée mais imparfaite, l’initiation
maçonnique, pour l’apprenti serait alors
considéré comme une nouvelle naissance dans
laquelle nous serions une pierre taillée, mais de
manière imparfaite, soit juste une pierre à peine
dégrossi et recouverte de toutes
aspérités que la société a
pu apporter de mauvais et d’artificiel. C’est ainsi
que ma modeste lumière comprend l’association de
pierre brute, imparfaite, que nous sommes alors, nouvel
initié dans la franc-maçonnerie.
Durant notre vie profane, nous sommes cette pierre, soit disant
taillée par la société. Le
maître franc-maçon, dans la carrière se
doit de repérer des pierres qu’il apportera
à la construction de son édifice. Il se devra de
la taillée et de la dégrossir à
l’extérieur du temple pour en élever
les plus gros défauts avant de l’introduire dans
le temple, lieu sacrée ou se feront, en silence les travaux
symboliques, seuls réservés aux
initiés. Je fais cette parenthèse pour me
souvenir du jour ou mon frère Denis a estimé que
sous mes nombreux défauts, sous cette superficielle couche
de préjugés m’englobant, je pouvais
être une pierre qui participerait à
l’édifice du temple. Il a donc dégrossi
cette pierre qui vous présente cette planche
aujourd’hui. Il est intéressant donc, sur ce
souvenir, de retenir l’idée de la
carrière, englobant toutes ces pierres qui un jour, feront
parti de l'édifice.
L’initiation, ce moment privilégié ou
l’on introduit une pierre dans le temple est fort de
symbolisme, car le premier voyage, celui de la terre, nous montre pour
la première fois, même si nous n’en
sommes pas encore conscients quels vos être nos travaux,
leurs buts et leurs orientations. V.I.T.R.I.O.L. Ce mot tant
adoré des Alchimistes : «Visita
Interiora Terroe, Rectificandoque, Invenies Occultum Lapidem ».
Visite l’intérieur de la terre, et en te
rectifiant, tu trouveras la pierre occulte. La pierre occulte
étant la pierre cubique, ou la pierre philosophale des
maîtres francs-maçons. N’oublions pas
que les pierres mûrissent au fond de la terre avant
d’en être extraites. Voilà donc notre
tâche, tailler la pierre brute, notre pierre brute,
s’atteler à s’améliorer, se
corriger et ce par l’introspection, découvrir qui
nous sommes, ce qui mûrit réellement dans notre
fort intérieur, notre pierre cachée, et quelle
sera notre place dans ce temple au fur et à mesure de nos
travaux sur notre pierre qui sortira au moment voulu de notre terre
(terre qui en Hébreux, rappelons-le se dit Adamah,
et dérive d’Adan, l’homme). Il est
intéressant à ce stade d’ouvrir une
parenthèse sur les outils de l’apprenti
franc-maçon qui serviront durant son règne
d’apprenti à dégrossir cette pierre.
Ces outils sont au nombre de trois mais deux nous
intéressent au plus haut point, et l’apprenti les
découvre pour la première fois lors de son
initiation pour son premier travail sur la pierre brute au pied de
l’orient. Le ciseau et le Maillet.
Le maillet a lui aussi un symbolisme très riche. Ragon pense
que le maillet est l’emblème du travail et de la
force matérielle qui aide à surmonter les
obstacles et les difficultés. Plantagenêt attribue
au maillet la notion d’intelligence qui agit et
persévère, dirige la pensée de celui
qui, dans le silence de sa conscience, cherche la
vérité. Oscar Wirth dit que le maillet
représente la volonté agissante et la
détermination morale. Le ciseau pour Ragon est
l’emblème de la sculpture, de
l’architecture et des beaux-arts. Plantagenêt
associe le ciseau au discernement, et enfin, Oscar Wirth pense
que le ciseau représente nos résolutions
arrêtées. Toutes ces définitions
différentes sur le plan symbolique se recoupe pour une
chose. Le travail sur la pierre brute ne peut s’effectuer
qu’avec ces deux outils et non l’un sans
l’autre.
L’apprenti, nouvellement initié, doté
de ces deux outils doit maintenant tailler sa pierre brute. Son
travail, comme je l’avais déjà
mentionné lors de ma précédente
planche sur la symbolique du Pavé Mosaïque sera
l’introspection. Cette introspection, cette recherche de la
pierre cachée au départ de sa pierre brute sera
sans relâche durant son apprentissage. Il devra apprendre
à manier le ciseau et le maillet avec discernement, patience
et précision. Rappelons qu’un effort continu,
rapide et brusque risquerait de fendre la pierre et d'arrêter
tout travail. Le maillet, symbole de volonté implique cette
persévérance et cette patience. Cette
introspection, cette amélioration par nos coups de maillet
sur la pierre par le biais du ciseau, c’est comprendre nos
préjugés, c’est comprendre comment nous
avons construit nos opinions. L’initiation ne veut pas dire
jeter nos pensées du monde profane, être
initié, et en adopter d’autres qui nous seraient
imposées. Car, après tout, si elles nous
étaient imposées, nous redeviendrons une pierre
taillée par la main de l’homme et donc imparfaite
comme le précisait Plantagenêt. Il
s’agit donc bien de nous comprendre et ainsi par notre
travail et notre silence, notre écoute sans jugement,
dépouillé de nos métaux selon
l’expression maçonnique, retrouver
l’essence de nos préjugés, de notre
pensée.
Comme le pavé mosaïque, le symbolisme de la pierre
brute nous invite à être critique et bienveillant,
à écouter sans juger, à marcher entre
les dalles blanches et les dalles noires, à rechercher le
vrai et la lumière par son travail, à cultiver le
mélange et la différence. Seul Celui
là, mes frères, élu dans la
carrière, avancera dans l’art royal,
l’art de faire des maîtres francs-maçons.
Vénérable Maître,
J’AI DIT
C\ B\
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