La chaîne d'union
En préambule je voudrais partager avec vous
mon approche du symbole.
Le symbole est l'un des fondements de notre travail. Accessible
à tous et pourtant bien souvent
négligé, il est la clé majeure de
l'initiation au sacré.
Il est la relation existant entre une apparence et plusieurs
signifiés, càd plusieurs idées. La
seule condition d'accès au sens réside dans la
mise en œuvre de la volonté personnelle. Il ne se
livre pas de lui-même, il faut le conquérir, se
rendre attentif et réceptif, donc il faut
développer une attitude d'ouverture.
Il est ce qui donne sens à la réalité,
le « sel de la terre », facteur
d'illumination, par opposition à notre monde «
bien-pensant ». Il est donc un support infini de
méditation.
Pour parvenir à une véritable transformation de
l'être, il est nécessaire de
l'intégrer, le vivre et le rapprocher des
événements de notre vie sur lesquels nous avons
réfléchi.
Travailler le symbolisme c'est ouvrir notre esprit à un
monde immensément riche, capable de nous donner la
liberté de penser au niveau du sacré.
Il n'est rien en symbolisme dont nous puissions atteindre les
limites car celles-ci reculent au fur et à mesure que nous
avançons.
C'est dans cet esprit que je vous présente mon travail
symbolique sur La Chaîne d'Union,
emblématisée dans la Loge par la Houppe
dentelée ou corde à nœuds. On la
remarque parfois sur le pourtour de la Loge. Il s'agit d'une
corde formant un certain nombre de nœuds
appelés lacs d'amour, terminée à
chacune de ses extrémités par une houppe.
Notre première chaîne est en fait le
cordon ombilical par lequel nous sommes reliés à
la terre mère durant notre gestation. L'on connaît
l'importance de ce lien premier que nous avons besoin de
perpétuer pour nous sentir UN mais Un dans le TOUT, tel le
maillon de la Chaîne d'Union.
Nous vivons cette chaîne dans tous les domaines de la vie
mais nous n'en prenons pas toujours conscience. Je veux dire au sens du
relié, qu'elle soit humaine, naturelle ou
matérielle.
D'ailleurs l'exemple du travail à la chaîne montre
bien que ce sont les maillons liés les uns aux autres
qui permettent la réalisation d'un produit, d'un
projet ou d'un objectif, bien qu'il ait toujours
été vu comme négatif, vu les
conditions d'aliénation qu'il faisait subir à
l'homme. En effet, à la dépendance des
employés doit se substituer l'interdépendance des
êtres.
La Chaîne d'Union symbolise la Fraternité,
l'Amour, la solidarité et l'on retrouve ces
idéologies dans moults organismes tels l'ONU, l'UNESCO,
Amnesty, Les Droits de l'Homme. J'ai tenté de chercher et de
comprendre ce qui fait la différence entre la FM et eux.
En premier lieu, il faut réaliser que la
déviation du monde moderne a pour principale
caractéristique la croyance en une seule
réalité ; celle du monde sensoriel, ce qui
équivaut à la négation de certains
états spirituels, (prolongements extracorporels de l'homme)
nécessaires à la perception de l'unité
principielle (première, source de toutes choses).
Limités ainsi, il est évident que nous ne pouvons
atteindre la manifestation universelle. Les
vérités métaphysiques ne peuvent
se communiquer qu'en mode symbolique et il faut une grande
connaissance pour en bénéficier pleinement.
Comme l'état dans lequel nous nous
manifestons corporellement est le seul qui puisse servir de base
à nos réalisations psychiques et intellectuelles,
il constitue le premier signe de la connaissance.
La chaîne d'union symbolise « la surface
des eaux » ou la ligne de partage qui
sépare les eaux supérieures et les eaux
inférieures dont parle la Genèse,
c'est-à-dire l'intelligible du sensible.
Elle est la transposition vivante du symbole de la houppe
dentelée qui festonne entre les lacs d'amour. Elle
cristallise (donner de la force, de la cohérence) la
différence entre la FM et le reste car nous la fabriquons
avec nos cœurs, comme le précise notre rituel :
Que nos cœurs se rapprochent en même temps que nos
mains, que l'Amour fraternel unisse tous les anneaux de cette
chaîne formée librement par nous.
La chaîne est un signe d'attachement librement choisi qui
rappelle les liens noués par les humains avec les forces
supérieures. Tout humain est capable d'amour mais pas
obligatoirement d'entendement car la chaîne d'union est la
révélation d'un secret.
Pour le comprendre, il faut commencer par aimer, il faut se
préparer à le recevoir par la pratique de
l'humilité discrète, par l'abandon de toute
rigidité d'opinion et surtout par un travail permanent de
taille de notre pierre.
Comme en alchimie, la marche à suivre et les proportions ne
sont pas données, il faut les chercher et trouver son propre
cheminement, plusieurs voies mènent à la
transmutation.
Nous sommes aidés en cela par notre rituel d'ouverture qui
nous prépare au travail en nous demandant d'abandonner notre
partie profane pour le bien de notre Loge. Je pense entre autres
à la circulation dans le Temple, la Mise à
l'ordre et l'allumage des 3 piliers qui sont des enceintes de
protection contre les énergies négatives.
D'ailleurs les lacs d'amour ou nœuds de la corde ne sont-ils
pas des moyens utilisés pour empêcher les sorciers
d'agir ?
Lors de mon initiation, j'ai été accueillie en
tant que maillon qui permettait de fermer la chaîne
afin de laisser circuler l'énergie mobilisatrice et
régénératrice. Cela me rappelle que je
dois être le maillon de cette chaîne là
ou le GADLU me place dans mon quotidien, et non seulement lors de nos
Tenues.
Donc si nous osons nous engager à être, nous
pourrons réellement apporter notre pierre à
l'édifice et comme cela nous passerons vraiment du monde
clos à l'univers infini. C'est l'introduction
immédiate dans notre Temple divin qui prend place tout de
suite, et non pas dans le passé, ni dans l'avenir, c'est le
grand mystère de la vie. Tout en ayant conscience que
l'Humain comprend la chaîne horizontale, le divin la
chaîne verticale (forme de la croix qui reflète
l'équilibre que nous retrouvons dans les
cathédrales).
Attachons-nous maintenant à l'examen de la corde qui
révèle que les nœuds se trouvent
placés au nord, à l'orient et au midi. Ils
semblent suivre le sens du déplacement en loge en mettant
l'accent sur les aires cardinales essentielles dans la symbolique
initiatique :
- le nord : domaine de la gestation
- l'orient : aire de la création et de la
consécration
- le midi : zone dévolue à l'engagement dans le
monde
Seule la région de l'occident demeure dégarnie.
On y trouve ni corde, ni nœuds. Ce qui se comprend car
l'occident est le lieu de la disparition de la lumière.
On y trouve par contre les houppes dentelées qui rejoignent
les colonnes J et B. Houppe parce que ses
extrémités sont défaites en forme de
houppe aux brins non encore torsadés mais qui attendent de
l'être avant de pouvoir se lacer dans un nouvel entrelacs qui
se rattachera aux autres déjà formés
et attendra à son tour un nouveau maillon qui entrera
à l'occident.
Dentelée parce qu'elle festonne à la
façon d'une dentelle entre les lacs dits d'amour. Si elle
festonne, c'est qu'elle n'est pas tendue, c'est qu'elle veut montrer
qu'elle lie, qu'elle relie, qu'elle unit les FM entre eux par l'amour
fraternel sans les ligoter dans les liens serrés d'une
quelconque doctrine.
La corde représente la sécurité face
au danger, l'on peut s'y accrocher en cas de
nécessité, elle devient alors le secours. Elle
peut être aussi la source de non évolution car si
on se laisse enchaîner ou encorder de manière
statique l'on ne progresse plus. En fait elle
étrangle ou libère, condense ou dissout en
agissant dans le visible et l'invisible.
La corde de l'arc est utilisée pour atteindre un objectif
hors de la portée humaine. Symboliquement l'arc est l'image
de la tension de la corde et de l'effort fait par l'homme pour
atteindre l'idéal spirituel. C'est ce que je suis venue
chercher et demander à la porte du Temple.
La corde peut être d'argent pour désigner la voie
sacrée en la conscience de l'homme qui relie son esprit
à l'essence universelle par la méditation.
On peut s'interroger sur le nombre et la position des nœuds
ou lacs d'amour. Sont-ils libres ? Peut-on les disposer n'importe
où ? Doit-on respecter une unité de mesure entre
les intervalles ? Je n'ai pas de réponse.
Ce que j'ai pu découvrir au fil de mes lectures est que la
houppe dentelée est toujours
représentée comportant un nombre impair
d'entrelacs, ceci pour donner une idée de l'infini du non
fini mais également pour rappeler que le premier nombre
pluriel impair est 3. Que le premier ensemble harmonieux et
équilibré après l'unité ne
peut-être que ternaire.
J'aime assimiler les nœuds aux étapes à
franchir sur notre chemin maçonnique. Ils ont la
forme d'un huit couché, symbole de l'infini
appelé aussi lemniscate. Ils symbolisent
également le caractère toujours
inachevé, toujours à recommencer dans un niveau
parallèle plus
élevé.
Les nœuds sont coulants : donc en cas de tension c'est
l'enserrement, par contre s'il y a dénouement cela
est synonyme de libération. Défaire un
nœud correspond soit à la crise et à la
mort, soit à la solution et à la
délivrance.
S'il se resserre c'est la mort ou alors il permet le passage et c'est
l'atteinte d'un état supérieur. Sur le plan
spirituel, dénouer les liens nous libère des
attachements.
Le mot lac présent dans l'expression lac d'amour provient du
latin « lacqueus » signifiant
lacet. Le mot amour qui s'y trouve accolé
serait-il la réponse ou la clef qui ouvrirait la porte de la
libération ? Celle qui nous conduit dans un premier temps
à se retrouver et à se
révéler sa véritable nature ?
Or quel est le sens de cette vie, de ce passage terrestre qui est le
mien et vers quoi dois-je tendre ? De quelle
manière puis-je recevoir cette réponse qui
éclairerait mon chemin présent ?
La réponse serait peut-être d'avoir un oeil clair
qui sache voir la nature, un cour simple capable de la sentir et un
esprit droit qui ose la suivre...
Mais attachons-nous de plus près à la
chaîne d'union qui se situe dans notre rituel à la
fin des travaux parce qu'à ce moment-là nous
sommes prêtes à vivre cet échange pur
de l'énergie, de l'amour dans l'intensité du
silence intérieur.
Je vois deux compléments à la chaîne
d'union : les grenades qui avec leurs pépins contenus dans
le même fruit, un même germe et une même
substance reflètent l'image du peuple maçon qui
ne fait qu'une seule et même famille.
Puis le Pavé mosaïque qui nous rappelle l'union
étroite qui doit régner entre les
maçons liés entre eux par la
vérité.
Le rite de la chaîne d'union s'effectue autour du point
central de la loge qui situé au milieu du pavé
mosaïque figure le centre du monde. Lieu
privilégié de l'ascension collective
où s'opère la transcendance et la
libération car l'esprit est lumière,
énergie et vie.
Pour parvenir à cet état nous quittons nos gants,
forme symbolique du dénouement pour s'oublier à
soi, quitter la chair et former le cercle en nous tenant les mains
nues. Nos doigts se serrent, nos êtres se fondent, ce contact
énergétique crée une sorte de fluide
qui se répand dans la chaîne et
s'élève. Ce fluide circule et nous aspire vers le
haut, il est Amour.
C'est le moment où l'égrégore se
manifeste par la transmission des fluides ou énergies entre
tous les SS\ et les FF\réunis par la pensée
universelle.
René Guénon nous dit : « Si
l'initié comme le chevalier peut voir un jour le Graal dans
la brume d'une aube naissante, le maçon devra
s'épurer sans cesse s'il veut espérer un jour
pouvoir le contempler. »
Cette annonce céleste nous mène au contact des
esprits ou âmes de la puissance spirituelle de la
lumière du monde sensible qui constitue une forme
particulière d'action fluidique.
Les mains jointes expriment notre solidarité, notre
identité car nous sommes tous créés
sur la même image : celle du créateur.
La chaîne d'union est l'expression maçonnique la
plus accomplie de cette rituélie ascensionnelle. C'est
encore éprouver la soif de l'absolu, le chemin qui va vers
l'intérieur, la voie de la vie, c'est encore
l'expérience du SOI que l'on offre à tous les
maillons.
Un Frère me disait que les pensées
émises durant le temps fort de la chaîne et
libérées lorsqu'elle s'ouvre, montent dans
l'inconscient collectif pour influencer le devenir
phénoménal au sens philosophique de Kant (ce qui
est perçu par les sens, ce qui apparaît et se
manifeste à la conscience).
La chaîne nous relie au passé et tend vers
l'avenir, je transposerais ainsi, la chaîne d'union du
passé est mise dans notre présent pour
mûrir le futur, de cette manière il n'y a jamais
de rupture mais au contraire continuité.
Il ne faut pas rompre ou briser la chaîne mais la quitter
matériellement jusqu'à la prochaine tenue tout en
la laissant vivre en nous car nous la quittons dans le monde visible
seulement mais elle nous relie toujours dans l'univers invisible mais
néanmoins perceptible.
C'est un moment magique et important car il nous remplit et nous
fortifie afin de quitter le Temple chargés d'influences
bénéfiques.
Elle rapproche tous les cœurs en même temps qu'elle
ranime dans les consciences le sentiment de solidarité qui
nous unit.
Pour conclure je vous partage une pensée indoue :
« N'agis pas en vue des fruits de l'acte car
l'acte est inférieur infiniment au détachement
intérieur, c'est dans la pensée qu'il faut
chercher le refuge. Ils sont à plaindre ceux qui ont le
fruit pour mobile. »
Eh oui mes SS\ la libre pensée se caractérise non
pas par l'affirmation de certaines vérités
particulières ni par la négation
préconçue de certaines autres mais par un
engagement général de chercher la
vérité en quelque ordre que ce soit, uniquement
par les ressources naturelles de l'esprit humain, par les seules
lumières de la raison et de l'expérience =
intuition.
En ce qui me concerne la Lumière est venue en moi plus d'une
fois, je n'ai pas toujours pris conscience de son arrivée
mais je l'ai toujours sentie en moi et me rappelle sa
présence.
Quand elle entre en moi la Lumière ne trahit sa
présence par aucun mouvement, par aucune sensation ; c'est
seulement le secret tremblement de mon cour qui la
décèle.
Il n'y a pas de corde à nœuds dans notre Temple,
mis à part sur le tapis de loge, donc faisons que la
chaîne d'union devienne à chaque fois une
chaîne d'Espérance afin que l'Amour et la
Lumière puissent régner parmi les hommes.
J'ai dit.
F\ J\
Bibliographie :
- La sagesse égyptienne de C. Jacq
- Les étoiles de Compostelle de H. Vincenot
- Causeries initiatiques pour le travail en loge d'apprentis de
Plantagenet Vézelay et St-Bernard de J. d'Arès
- Dictionnaire des symboles de Chevalier
- Ouvrages sur la symbolique maçonnique de J. Boucher et
Wirth
- Petit arbre de Forrest Carter.
|