GLCS Loge : Tradition et Fraternité – Orient de Paris 25/11/2003

Voyage à Utopville

Me voici enfin là, le temps semble arrivé de poser mes outils et de vous raconter.
S’il est certains voyages qui sont intemporels, le mien fut décevant, médiocre, impersonnel.
Explorant la cité, recherchant son histoire, je n’ai rien trouvé d’autre que haine et désespoir.
Sur mon Delta volant, je me suis éloigné, une panne de transmission d’urgence me fit poser.
Et c’est ainsi mes frères que sans trop de périls, mon Delta se posa aux portes d'UTOPVILLE

1/ INTRODUCTION

Transmettre, pour ne pas laisser l’oubli et l’ingratitude vaincre la mémoire.
Transmettre, pour que l’expérience du temps perdure et serve à quelque chose.
Transmettre pour que l’histoire ne soit plus l’éternel recommencement des conflits et des injustices.
Transmettre, pour sauvegarder parfois et ré-instaurer souvent des valeurs morales en chute libre.
Transmettre, pour renouer le «lien humain», principal dénominateur commun de nos différences.
Transmettre enfin, pour mieux se connaître et, ainsi, mieux connaître et accepter les autres.

Les synonymes sont éloquents sur l’excellence du verbe transmettre: Enseigner, communiquer, léguer, révéler, transférer, pourvoir, diffuser, ou plus simplement: donner.

Depuis que Dieu remit les tables de la loi, de la Bible à la Déclaration des Droits de l’Homme, des trompettes de Jéricho aux oies du Capitole, du soldat de Marathon à l’olifant de Roland de Roncevaux, de l’instruction civique aux écoles religieuses ; On voulu transmettre, parfois pour informer ou éduquer, parfois pour alerter, et parfois même, comme les apôtres de Jésus, pour perpétuer les plus divins messages.

2/ RAPPEL HISTORIQUE La Terre est l’élément symbolisant l’histoire.

Les Hommes primitifs peignirent sur les murs et racontèrent leurs aventures pour transmettre, déjà, un peu de leur savoir. On rencontre peut-être là le premier altruisme humain.

Au 20ème siècle avant Jésus Christ, la première dynastie de Babylone rédigea un recueil juridique monumental connu sous le nom de « Code de Hammourabi ».

C’est certainement là la première oeuvre agnostique désireuse une Les babyloniens ont posé les fondements de l’astronomie et des mathématiques

Les grecs ont connu leurs travaux scientifiques, les ont assimilés pour ensuite poursuivre leurs propres études et les transmettre plus tard au Monde occidental. L’Egypte pharaonique puis la Rome antique, furent parmi les premiers à faire appel aux scribes et aux précepteurs pour transmettre et pour éduquer.

En 800, Charlemagne fit consigner les célèbres «Capitulaires». Afin d’en appliquer la réglementation dans la vie économique, sociale et religieuse, il créa l’école du Palais lui permettant de disposer d’un personnel compétent. Ainsi, après une jeunesse barbare et guerrière, Charlemagne insuffla le premier élan occidental vers le savoir, la culture, l’éthique et l’instruction, bâtissant les fondements de la société moyenâgeuse.

Au temps des cathédrales, nos Frères tailleurs de pierre élevèrent au sommet des flèches un travail accompli, puis transmirent leur savoir aux apprentis. L’audace grandissante des croisées d’ogives montre qu’en transmettant, on progresse, on peut aller toujours plus haut, on peut ainsi symboliquement se rapprocher des cieux. Ce travail opératifs, lui-même, nous a transmis le désir d’une maçonnerie spéculative.

On peut noter que la transmission des valeurs morales et le bornage de ses limites furent souvent étayés par l’éducation religieuse des grands cultes monothéistes.

Hors, la loi française de 1905, bien qu’incroyablement moderne et républicaine, fit basculer la religion de la sphère publique à la sphère privée, transformant ainsi une situation institutionnelle en situation individuelle. La contrepartie de cette nouvelle donne impliqua les parents pour relayer cette transmission des valeurs. Une prise de conscience qui fut lentement mais exponentiellement négligée par une bonne partie.

3/ CONSTAT Le symbole du Feu attise un tel regard!

Une cinquantaine d’années plus tard, après deux guerres et deux guerres coloniales, ceci aboutit à un appauvrissement grandissant du transfert de toutes les valeurs auquel vient maintenant s’ajouter la gravité d’un contexte social, racial et socio-économique déplorables.

- Où l’urgence de survivre prime sur celle du savoir-vivre
- Où les parents ne peuvent transmettre que ce qu’on leur a transmis, pas grand-chose dans certains cas.
- Où les différences culturelles et cultuelles, de moins en moins expliquées, échangées, tolérées, insufflent une grande disparité dans les communautés. - Où la recherche d’identité peut aboutir à un passé qu’on voudrait plus glorieux.
- Où les harangueurs de tous poils cultivent le terreau de l’ignorance et de la précarité, car c’est sur celui-ci qu’ils récoltent leur fond de commerce extrémiste.

C’est une des raisons pour laquelle l’opacité héréditaire la plus préoccupante émerge des banlieues à forte densité d’immigrés. Même si certaines traditions y subsistent (rarement les meilleures si ce n’est celle de garder les anciens à la maison), la vie des cités «déracine» au quotidien des enfants nés en France et fils d’étrangers qui ne connaissent ni vraiment leur pays, ni vraiment la langue française, ni vraiment la langue parentale. Le mode de fonctionnement de certains d’entre eux, moins nombreux que les médias l’indiquent, est succinctement basé sur le rapport de force physique, sur l’instant présent et sur t’omerta de ses injustices. Sur ce terreau, des prédicateurs de banlieue cultivent le désespoir, attisent la haine des jeteurs des cailloux et des brûleurs de poubelles, condamne plus timidement les viols collectifs que la révolte des femmes «ni putes, ni soumises». Ces imams autoproclamés se drapent dans une religiosité introuvable dans le Coran.

D’autres jeunes constatent sans réagir. Loin de s’imaginer porteurs d’une tradition, ils peuvent même en arriver à la mépriser. La honte des parents illettrés, mangeant le couscous avec les doigts, face au paradoxe troublant de la soeur révoltée, affichant sa liberté ; Tout ceci désoriente les certitudes.

Ces jeunes se rapprochent alors de ceux qui semblent partager leurs problèmes et leur proposer des solutions faciles. Celles-ci sont aussi pratiques qu’égoïstes, certes, mais il est un fait que l’intolérance et l’ostracisme du Monde profane ne font qu’apporter de l’eau au moulin de l’extrême.

Face â ce constat brutal, notre mission est de positiver la transmission et l’éducation sans ressasser le discours du portable arraché ou du déflecteur brisé, ni même celui, bien plus dramatique, du viol dans les cités. Nous devons participer à l’amélioration de la situation en apportani, dwis un eeteur bien spécifique, notre Pierre de progrès et un autre angle de vision, conforme à notré dogme maçonnique.

Le décor est planté, décollons maintenant ensemble pour UTOP VILLE (sur mon Delta volant bien sûr)!

4/ PROJET La symbolique de l’Eau abreuve cet espoir.

A UTOPVILLE, on bâtit la cité sur trois ((Augustes terrains» : La Liberté, la Citoyenneté, et le Langage;

A UTOPVILLE, on bâtit en partant d’en bas, pas d’en haut: les jeunes, leurs parents et nous mêmes.

A/ Premier « Auguste terrain » : défense d’une LIBERTE, première cible, les jeunes

« Ils ont le droit de mieux connaître leurs origines pour en accepter la diversité.

Ces jeunes doivent et peuvent revendiquer eux même l’existence de leurs racines, réclamant ce droit au passé qui donne accès au futur. Car là où II n’y a pas de passé, II n’y a pas de futur.

Ils sont les premiers concernés par cela, nous devons connaître leur avis et nous avons besoin d’eux autant qu’ils peuvent compter sur nous et sur notre République.

Nous devons donc être présents à leurs côtés pour structurer, affiner et traduire leurs requêtes, pour que notre force et notre sagesse les aide à progresser dans ce sens ».

Cette revendication, ce «droit de savoir», est une liberté à conquérir au même titre que le droit au logement, au déplacement, à la contraception ou à la sécurité.

Symboliquement, un arbre sans racines n’aurait pas besoin d’un coup de vent pour s’effondrer! Comment voulez vous qu’un enfant sans traditions puisse résister à la tempête de la vie moderne?

B/ Second « Auguste terrain» : droit à la CITOYENNETE, seconde cible, les parents

« Nous ne pouvons donner un rôle exorbitant aux jeunes sans que leurs parents assimilent le fait qu’ils sont avant tout des citoyens : des citoyens de confessions juives des citoyens de confession musulmane, des citoyens français d’origine zimbabwéenne! Cette citoyenneté étant pour eux l’accès à la liberté d’expression. Les parents ne peuvent transmettre aux enfants qu’en toute liberté, il faut pour cela une République respectant les cultes, certes, mais n’en cautionnant jamais ses excès ni ses ingérences. Car la Nation n’est pas là pour asseoir les religions mais pour montrer des signes clairs d’Egalité, de Force et de Laïcité. Ce vrai modernisme républicain confinera les faux prédicateurs dans une marginalité passéiste, démodant ainsi les positionnements communautaires, ostentatoires, sexistes ou raciaux, au profit d’un libre transfert des valeurs. Un «beur, un feuj, un tos, une meuf (il est des lieux où on communautarise nos soeurs !)» sont avant tout des citoyens nés en France et de nationalité française qu’il faut reconnaître et défendre ! »

Si cette citoyenneté prend le dessus sur la crainte ethnique, si le sens des réalités prescrit les comportements idéologiques ; Les parents, hommes et femmes, pourront transmettre librement sous les bons auspices d’un «soutien républicain». Alors, la voie de la tolérance pourrait s’ouvrir.

C/ Troisième « Auguste terrain » : acceptation du LANGAGE, troisième cible, nous mêmes

« Décrit dans le dictionnaire comme un «ensemble de mécanismes qui assurent la communication verbales entre les humains», le langage doit tout simplement être admis comme tel!

En tenant compte du fait que chaque communauté appréhende les mots de manière différente selon ses besoins, ses techniques et sa culture, en admettant que le langage n ‘est pas immuable, on peut accepter l’idée de comprendre l’autre «malgré» ses drôles de mots. D’ailleurs, figé dans la rigidité, une langue deviendrait un système de communication rudimentaire avant de devenir ... une langue morte! Pour continuer d’exister, le langage doit donc progresser, tirer sa puissance dàns son aptitude à s’adapter, à se combiner, à être hérité et transmis sans pour autant être paralysé, communautarisé ou monopolisé. Chaque communauté se forge des modes de langage qui récapitulent une expérience particulière due aussi au parallélisme sociolinguistique, incluant même un vocabulaire qui peut faire peur par son herméticité frputain, enculé, nique ta mère» n’ont pas le même écho dans le 16ème qu’à Agen, Marseille, ou St Denis),. Dans certains cas extrêmes donc, les mots se fragmentent, deviennent hétérogènes, voire d’aspect violent. » Nous sommes là au coeur d’un problème sur lequel nous devons travailler et progresser sur nous même! Entendre, comprendre et admettre les langages qui doivent rester un système de transmission large, divers et interactif (sans pour autant mettre au panier notre identité linguistique).

5/ COMMUNICATION l’Air en est i’élément insufflant le messages

1/ Les pouvoirs publics : capables de s’en remettre aux Conseils d’Etat pour traiter l’affaire du foulard, la définition de la laïcité ou la publicité dangereuse, les pouvoirs publics semblent préférer le lave-mains de Pons Pilate à la pensée de Kant se demandant «comment édicter une morale sans responsabilité». Ils connaissent et négligent ce sujet depuis trop longtemps pour être nos seuls interlocuteurs, nous risquerions de nous discréditer! Au seing des élus, pour éviter le sempiternel «je vous ai compris», un choix judicieux s’impose et deux noms viennent à l’esprit : Jean-Louis BORLOO, Bernard KOUCHNER (liste non exhaustive).

2/ Les citoyens et leurs références associatives ou artistiques ils sont impliqués de fait dans l’élaboration d’une stratégie intrafamiliale alternative. Ces «gens de terrain» directement concernés, estiment les maux et sont donc susceptibles de proposer des remèdes. Ils n’ont été pour l’instant «utilisés» que pour laver les consciences mais leurs remarques n’ont pas été correctement prises en compte. Nous pourrions donc rencontrer des associations très soigneusement choisies dans la cité, et contacter des «total respect» artistes, sportifs et VIP (Fadela AMARA, Joey STARR, Enrico MAClAS, Père de la MORANDAIS, ,etc.).

3/ Les médias : Notre laboratoire d’idées doit afficher notre aptitude à la concertation, à la tolérance, au respect des individus concernés, indiquant que la franc maçonnerie n’est pas énarque mais humaine! Car à l’heure de la retape, du voyeurisme et du pathos médiatique, notre communication est capitale. Sa vocation est de véhiculer les idées et non de «passer à la télé» pour n’importe quoi, à n’importe quel prix et aux côtés de n’importe qui ! Les médias doivent rester pour nous un moyen et non un but.

6/ OPPOSITION ce qui se conçoit bien s’énonce clairement.

Même s’ils risquent de ne pas s’y sentir à l’aise, des détracteurs de tous poils viendront pointer leur nez aux portes d’UTOP VILLE, et nous risquons de fâcher ces apôtres d’un autre Monde : populistes, extrémistes et autres ultras qui, en fait, ont tout intérêt à ce qu’une majorité de jeunes reste justement déracinée.

L’antiélitisme est le marqueur traditionnel du populisme et ceci nous concerne (sans fausse modestie)! Exploitant l’idée que le peuple a toujours raison, idée séduisante sur le papier, ces apôtres dénieront l’utilité d’un médiateur ou d’un expert devenant ainsi usurpateur de leur pouvoir masqué puisque marchant sur les plates-bandes de leur terrain de prédilection.

Leur stratégie sournoise fait émerger une opposition entre : élite et peuple, riches et pauvres, orientaux et occidentaux, catholiques et confucéens, France d’en haut et France d’en bas, et même passé et futur.

Ce populisme là appuie le «culte du bon sauvage» qui n’a rien à gagner de ses aînés si ce n’est qu’être la victime d’une manipulation réactionnaire.

Notre vigilance et nos choix sont donc primordiaux: associations récupérées, politiciens calculateurs ou artistes politisés tenteront de s’infiltrer dans le Temple si le Couvreur n ‘y prend garde. N’oublions jamais que nous, francs-maçons, ne nous battons pas contre un ennemi, mais pour un projet:

redonner une histoire pour redonner un espoir, transmettre des valeurs pour réveiller la conscience et l’honneur.

7/ CONCLUSION UTOPIQUE Même si Thomas MORE en a perdu la tête!

J’ai peut-être égratigné vos conceptions, mais j’espère avoir attisé votre énergie et agacé votre intellect. Pour que notre projet progresse, il m’a semblé utile de l’étayer sur les Trois Colonnes:

1/ La Force (Utopique ?) d’utiliser la synergie de nos intelligences pour se dire que sans être encore réel, l’avenir est déjà possible, pour se dire qu’un vrai diagnostic proposera à terme une vrai projet thérapeutique.

2/ La Sagesse (Utopique ?) d’éviter les provocateurs disant que notre idéal est en dehors des réalités alors que notre projection augmente le dynamisme humain et motive les aspirations pouçun Monde meilleur. 3/ La Beauté (Utopique ?) d’arriver à jouer un rôle utile dans la société en défendant une noble cause sans en combattre une autre, montrant ainsi notre capacité d’action dans le cadre de notre philosophie.

L’utopie est une expérience mentale proche de l’hypothèse scientifique et c’est souvent celle-ci qui mène aux chemins de l’invention. La décapitation de Thomas MORE et le reniement de GALILEE n’y ont rien changé: L’utopie a fait progresser l’homme!

Elle ne semble jamais d’actualité, mais c’est justement en nous libérant du présent qu’elle resitue les évènements du moment sur l’échelle historique de notre humanité, nous faisant ainsi bénéficier de 6003 années d’expérience.

Enfin, l’utopie n’est pas inconciliable avec le respect du dogme maçonnique puisqu’elle est aussi une quête de perfectionnement vers un Monde meilleur et plus fraternel.

« A l’intérieur du Temple, la raison s’exacerbe, dans l’utopie des sens, bien au-delà du verbe, J’apprends dans le silence l’Oeil écoute, l’oreille voit, le Rite est bien rythmé, les mains parlent sans Voix. Je suis bien aise ici entouré de mes Frères. De I’hâbleur que j’étais, vous m’apprîtes à me taïre. Et c’est en me taisant que j’appris à entendre, et c’est en entendant, que j’apprends à comprendre ».

Mon voyage fait escale mais des frères compétents reprendront les commandes de mon Delta volant. 

J’ai dit mes F\  - S\M\


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