GLDF | Loge : Conscience et Fraternité - Orient de Paris | Date : NC |
Pour un nouvel Humanisme Maçonnique L’humanisme appartient à la maçonnerie puisque à la fois il en est un des constituants et un de ses objets. On peut même dire que certains le superposent à la maçonnerie en définissant celle ci comme un humanisme laïque. En effet , l’idée humaniste se caractérise par un effort de connaissance et par un besoin d’imiter les Anciens en s’en inspirant sur le plan philosophique et moral. Ce qu’on appelle la Tradition en maçonnerie. On y rattache toutes les activités qui s’inspirent du respect de l’homme et de l’humanité, se confondant avec l’idéal démocratique et celui de fraternité universelle. Mais mettre l’homme au centre de ses préoccupations, n’est pas sans inconvénient, car l’humanisme a évolué au fil du temps notamment parce que l’homme a évolué lui même ainsi que les techniques qui sont à sa disposition. Et se cantonner à un anthropocentrisme de tradition peut s’avérer pour la Maçonnerie en général très contre productif voire même expliquer en partie le désarroi intellectuel et prospectif de la maçonnerie adogmatique d’aujourd’hui.. Quand on évoque l’humanisme ,inexorablement, on se réfère aux droits de l’homme et du citoyen dont la France se dit la patrie. Mais Il y aurait sans doute beaucoup à dire de ce côté là. Aussi on y rattache volontiers le fameux siècle des lumières qui en fut le creuset et nous maçons nous aimons souligner que c’est à cette époque justement que l’on doit l’émergence et la diffusion de la maçonnerie . La notion d’humanisme contient la foi en l’homme et se veut lutter contre tout ce qui pourrait l’aliéner. Bien sur derrière l’homme ,il faut comprendre l’homme de toujours qui est stable et pourvu d’attributs déterminés ce qu’on appelait autrefois la nature humaine, mais aussi, il y a l’homme doué de liberté et qui se projette dans l’avenir définissant plutôt une condition humaine qui met surtout l’accent sur le devenir humain et sur la capacité dynamique qu’a le sujet d’agir librement. L’humanisme anthropocentrique est un fait très ancien et lié à la religion. Pour toutes les religions du livre, l’homme est à l’image de dieu et est donc considéré comme une parcelle de divin. Déjà dans l’antiquité, dans la mythologie grecque , hommes et dieux étaient à l’image les uns des autres et avaient un destin communs. La civilisation du progrès à la fois scientifique et technique d’une part et surtout la mort de DIEU proclamée par certains philosophes comme FEUERBACH et NIETZSCHE va faire récupérer à l’homme sa propre essence aliénée par l’illusion religieuse et réalisera une nouvelle forme d’humanisme athée dont SARTRE sera le promoteur sous la forme de l’existentialisme. Un premier coup va être donné à cette vision anthropocentrique. C’est la révolution copernicienne et son héliocentrisme qui voient donc la terre ne plus être le centre du monde. Cela va aboutir au premier décentrage de l’homme mais il gardera quand même sa position privilégiée d’étincelle divine. Descartes dans son discours de la méthode donnera le coup d’envoi en France du rationalisme cartésien dont nous sommes si fier en affirmant que la connaissance des sciences physiques et mathématiques permettraient à l’homme de se rendre maître et possesseur de la nature. Mais toujours dans le respect de l’existence de dieu qui crée pour Descartes toutes les vérités .L’homme cartésien est une machine comme un animal doué d’une âme spirituelle toujours d’essence divine. L’humanisme progressiste du 18 ieme siècle repose sur la certitude que le progrès de l’éducation et donc de la raison permettront l’épanouissement et le bonheur humains.. En se concentrant sur le” comment “ on devient ainsi maître de son destin. Ce culte du progrès libérateur va être récupéré par la pensée positiviste et politique des19ieme et 20 ieme siècles sous la houlette des philosophes allemands Hegel Marx et Engels aboutissant à un humanisme progressiste historique quasi religieux. Mais il s’est agit surtout de croyances plutôt que de véritable sciences et aujourd’hui ces espèces de religions y compris le marxisme sont en pleine décadence. Mais ce qui va profondément changer l’approche théorique de l’humanisme c’est la biologie. Et ce grâce à deux révolutions :la vision évolutionniste de DARWIN et le séquençage du génome récemment abouti chez l’homme. Darwin développe sa théorie de l’évolution du monde vivant basé sur la sélection des individus les plus aptes à survivre. Pour lui, l’environnement crée des changements au sein des populations dont les membres sont biologiquement différents. Seuls ceux d’entre eux dotés des propriétés les plus favorables à leur reproduction survivent en transmettant à leur descendants leurs atouts. Les autres meurent. La nature pour Darwin n’adapte pas, elle élimine ce qui ne convient pas et ne conserve que ce qui est avantageux ou éventuellement neutre. Lamarck tentera bien mais en vain de s’opposer à lui en proposant que les êtres vivants s’adaptent progressivement et de façon continue aux conditions extérieures. Un peu comme le cou d’une girafe qui grandit progressivement au fur et à mesure que les feuilles sur l’arbre deviennent plus hautes. Mais la génétique va providentiellement aider la théorie darwinienne de sélection naturelle aboutissant à la naissance de la théorie synthétique de l’évolution ou néo-darwinisme. L’homme n’est plus l’artisan de son évolution par le savoir et le progrès ou la raison mais en est le simple objet par le biais de ses gènes comme tout le monde vivant. Ainsi, tout se passe comme si la sélection s’opérait entre des gènes dont le plus apte à se répandre l’emporterait. Cela va aller très loin puisque certains généticiens vont mettre en évidence des gènes expliquant le comportement altruiste de certains individus en société notamment celui des abeilles ouvrières qui s’occupent des oeufs de la reine en négligeant de s’accoupler et de procréer tout cela pour optimiser la diffusion de leurs gènes. Les conséquences du darwinisme sur l’humanisme sont considérables car la biologie désormais prétend que la générosité et le sacrifice de soi ne sont en rien un don de Dieu ou une manifestation raisonnée du progrès scientifique mais au contraire un phénomène aléatoire lié à la manifestation de gènes égoïstes et dictatoriaux qui ne pensent si l’on peut dire qu’à leur propre prolifération et leur diffusion. Le séquençage c’est à dire le décryptage de tous les mots qui forment les gènes humains va se révéler plein de surprises. D’abord nos 26000 genes ne sont à peine plus nombreux que ceux de l’âne ou du boeuf et même beaucoup moins nombreux que ceux du crapaud. Par ailleurs nos gènes sont à 98,4 % identiques à ceux du chimpanzé qui est pourtant assez différent de nous. En fait si on sait égrener les mots qui constituent nos gènes ,on ne sait pas lire les phrases qu’ils constituent. Ainsi on ne sait encore ni lire ni écrire notre histoire génétique ,on ne sait que l’épeler. Or, comme ce n’est pas le nombre de mots utilisés qui fait la qualité littéraire d’un texte, ce n’est pas le nombre de gènes qui explique l’étendue des potentialités humaines. C’est l’effet combinatoire des gènes qui explique que de petites différences génétiques puissent avoir de considérables conséquences sur les êtres. Ainsi un certain antihumanisme s’explique par l’extrême banalité biologique de l’homme ,produit de l’évolution au même titre que n’importe quel être vivant. Mais d’autres vont aller encore plus loin comme Peter SINGER le promoteur de l’éthique animale. En se basant sur le raisonnement précédent mais aussi en réactivant une théorie philosophique anglaise dite utilitariste selon laquelle les droits sont fondés sur l’intérêt notamment celui d’accéder au plaisir et de ne pas souffrir. Ainsi, les animaux sont eux aussi sensibles au bien être et à la douleur et donc doivent bénéficier des mêmes droits que nous les hommes. Peter Singer explique que les droits de l’homme dans la tradition classique sont un héritage de la raison , le cogito cartésien. Or, faire des capacités intellectuelles la base des droits de l’homme est la porte ouverte à tous les excès notamment par exemple l’élimination des enfants anormaux ou des pensionnaires des hôpitaux psychiatriques qui eurent lieu durant le 3ieme reich. En revanche, l’intérêt de ne pas souffrir est commun à tous les hommes et partagé par l’ensemble des êtres sensibles. Par conséquent, seule la sensibilité à la douleur et à la perception d’un bien être auquel les animaux ont autant accès que les hommes, peut fonder des droits. Singer va encore plus loin dans son livre question d’éthique pratique où il analyse des problèmes tel que les xénogreffes c’est à dire l’usage des greffons issus du monde animal pour sauver des êtres humains mais aussi le statut éthique de fœtus dont on sait qu’il est régulièrement remis en cause par exemple par les militants contre L’IVG. Ainsi Singer dit: je cite”si l’on compare honnêtement le veau, le cochon et le poulet avec le fœtus humain, selon des critères moralement significatifs tels que la rationalité, la conscience de soi, l’autonomie, le plaisir et la souffrance, alors ces animaux viennent bien avant le fœtus quel que soit l’état d’avancement de la grossesse. Car même un poisson manifeste d’avantage de signes de conscience qu’un fœtus de moins de trois mois.”Bien sur, tout cela est très anti- humaniste mais sous entend quand même qu’on ne peut parler de reconnaissance de droits des animaux au même titre que les droits de l’homme que si l’homme s’inflige le devoir de les respecter. Or le mot est lâché : le devoir en 1962 James Watson co-découvreur de l’ADN faisait une conférence qui devait rester célèbre car il considérait que toute référence aux droits de l’homme était problématique voire dangereuse. Watson considérait l’homme avec des besoins sans aucun privilège au plan de l’évolution qui puisse lui permettre de s’accorder des droits supplémentaires. Par contre, il reconnaissait à l’homme comme seul droit particulier l’ampleur de ses devoirs puisque l’homme est capable grâce à la science et aux techniques d’accroître sa maîtrise du monde et de lui même. L’homme a donc cette singularité d’être capable de se surpasser ou de se dépasser par l’application de ses propres artifices scientifiques et techniques. Pour conclure, le maçon, s’il se sent l’héritier de l’humanisme classique avec ses valeurs de dignité humaine basée sur les droits de l’homme devrait faire attention. Non pas forcement en reniant ces valeurs qui font partie de notre patrimoine mais en insistant comme sait le faire d’ailleurs la maçonnerie sur les devoirs du maçon. Car nous savons
aujourd’hui
que nous ne sommes ni en dehors de la nature ni au centre de
l’univers, ni au
sommet du monde vivant ni même depuis la psychanalyse,
toujours conscients des
ressorts psychologiques de nos actes. Là ,réside un paradoxe qui doit être le fondement d’un nouvel humanisme, paradoxe entre un être responsable des conséquences de l’exercice de son pouvoir sur un monde de nature qui n’est responsable ni de lui ni de nous. Les maçons que nous sommes ne peuvent plus aujourd’hui ignorer ces développements philosophiques et scientifiques qui relativisent singulièrement notre pensée traditionnelle. Et c’est sans compter les situations inédites liées à l’environnement naturel dont personne ne sait à vrai dire si l’homme en est l’instigateur ou pas mais ou chacun d’entre nous doit être conscient qu’il en sera une victime à plus ou moins long terme. Alors, il est probablement urgent que nous modifiions notre vision et notre pratique de l’humanité ,si nous voulons véritablement travailler à son amélioration matérielle et morale, à son perfectionnement intellectuel et social. |
3037-1 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |