Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Le
Voyage
Initiatique Le
thème du voyage est évidemment le
thème central du grade de compagnon quand
Philippe m'a donné ce sujet j'ai repensé a des
pèlerinages que nous faisions
en tant que scouts et des camps à vélo qui nous
sortaient de nos habitudes
quotidiennes et nous permettaient de nous ressourcer avec de bons
copains. Si
avec le père on se préparait bien sur le plan
spirituel, le reste était oublié
: le pèlerinage à CHARTRES était notre
sortie préférée. J'étais
sur mes onze
ans et, j'avais complètement négligé
le plan matériel. La veille au soir,
j'avais rempli mon sac à dos de manière
succincte. Je me mis en route comme
j'étais vêtu la veille avec mes souliers de ville.
Je ne tardai pas à me rendre
compte que, si ces chaussures étaient bien
adaptées pour les quelques centaines
de mètres que je faisais quotidiennement, elles
l'étaient en revanche beaucoup
moins pour parcourir une centaine de kilomètres.
Très rapidement, mes pieds
commencèrent à enfler et à me faire
souffrir horriblement et, au bout de
quelques jours, ils étaient perclus d'ampoules et en sang. Deux
journées de voyage éloignent l'homme - et
à plus forte raison le gamin de onze
ans que j'étais alors et qui n'a encore plongé
que peu de racines dans
l'existence-de son univers quotidien. De tout ce que je regardais comme
mes
devoirs, mes intérêts, mes soucis, mes
espérances ; elles m'en éloignaient
infmiment plus que je n'avais pu l'imaginer dans le bus qui me
conduisait à la
gare. L'espace qui, tournant et fuyant, s'interpose entre moi et mon
lieu de
vie habituel, développe des forces que l'on croit
d'ordinaire réservées à la
durée. D'heure en heure, l'espace détermine des
transformations intérieures
très semblables à celles que provoque la
durée, mais qui, en quelque manière,
les surpassent. A l'instar du temps, il amène l'oubli; mais
il le fait en
dégageant la personne de ses contingences, pour la
transporter dans un état de
liberté initiale; il n'est pas jusqu'au PDG et au patron
d'usines dont il ne
fasse en un tournemain quelque chose comme un vagabond. Le temps,
dit-on, c'est
le Léthé. Mais l'air du lointain est un breuvage
tout pareil, et si son effet
est moins radical, il n'en est que plus rapide. Cela j'allais, moi
aussi,
l'éprouver. Je n'avais pas l'intention de prendre ce voyage
particulièrement au
sérieux, d'y engager ma vie intérieure. ma
pensée avait été plutôt de
m'en
acquitter rapidement, parce qu'il fallait m'en acquitter, de rentrer
chez moi
tel que j'étais parti, et de reprendre ma vie exactement
là où j'avais dû,
pour un instant, l'abandonner. Hier encore, j'avais
été absorbé entièrement
par le cours ordinaire de mes pensées; je m'étais
occupé du passé le plus
récent, mes devoirs en retard, et de l'avenir
immédiat, la construction d'un
court de tennis que nous devions réaliser pour le patronage.
Mais à présent, il
me semblait pourtant que les circonstances exigeaient ma pleine
attention et
qu'il n'était pas admissible de les prendre à la
légère. Ce sentiment d'être
enlevé vers des régions où je n'avais
encore jamais respiré et où, je pourrais
voir de nouveaux paysages et surtout une très belle
cathédrale renforçait mon
sentiment religieux. Mais, au-delà de
l'état-anecdotique-de mes pieds, le plus
intéressant dans cette aventure fut la découverte
du pèlerinage en soi; un
phénomène qui conduit l'individu d'un point
à un autre de l'espace ( voyage )
mais aussi le fait évoluer; un accomplissement de
soi-même : (« initiatique »;
qui tout bêtement viens de « initium »,
début, c est le passage d'un état à
un autre ) J'ai vécu un rapport au temps
différent, la possibilité de goûter
l'instant présent sans penser à hier ou
à demain. Chartres fut aussi le terrain
d'âpres batailles intérieures, une lutte
quotidienne entre la volonté d'aller
au-delà de mes limites et la tentation d'arrêter. Pour amorcer notre réflexion,
écoutons Umberto Eco nous énoncer son
concept de l'« homme
hétérodirigé »: « Un
homme hétérodirigé est quelqu'un qui
vit au sein d'une communauté
à niveau technologique élevé,
dotée d'une structure socio-économique
particulière, auquel on suggère constamment, ce
qu'il doit désirer et comment
l'obtenir selon certains canaux préfabriqués qui
lui évitent d'avoir à faire
des projets de manière risquée et responsable.
» L'homme
hétérodirigé entend parfois l'appel du
rêve et de 1'aventure,
cette invitation à s'évader de la prison d'un
quotidien aliénant sur lequel il
n'a que peu d'emprise, d'une routine qui, pour lui, ne fait plus sens,
qui est
donc insensée, absurde ! C'est dans ce contexte qu'il nous semble possible
de situer et
d'expliquer l'engouement pour tout ce qui touche le voyage initiatique.
Ce que
nous appelons 1'envie du voyage naît de ce besoin de
dépassement des limites
imposées par la prison du quotidien. À point
nommé, le voyage fournit à l'homme
contemporain un terroir symbolique propice à alimenter sa
soif de rêve. Le voyage terrestre représente une
manifestation très caractéristique
de cette recherche du héros, on devient son propre
héros. Mais qu'est-ce au juste qu'un héros ? Joseph Campbell nous disait que : « Le
héros est celui qui sacrifie sa
vie à quelque chose de plus grand que lui. » Le
héros est celui qui se dépasse,
qui transcende ses limites personnelles pour accéder
à un état supérieur. Selon
Campbell, c'est par un sacrifice que le héros entreprend
cette aventure: le
sacrifice, c'est-à-dire le risque, celui de sa propre vie.
En effet, le
héros est, par nature, un aventurier, un être
d'exception qui défie l'inconnu,
qui toise la mort. Le héros est un aventurier qui quitte
tout pour poursuivre
une quête; qui investit son existence dans une entreprise qui
le transformera
radicalement. On ne revient jamais tout à fait le
même d'une telle odyssée. Écoutons de nouveau Joseph Campbell nous
décrire le sacrifice qui se
trouve à la source de ce qu'il nommera lui-même
l'expérience ou le voyage
initiatique: Quand vous comprenez la véritable nature
du problème ; se perdre,
s'abandonner à quelque chose de plus grand que soi ; vous
comprenez aussi qu'il
est l'ultime épreuve. Quand on arrête de penser
à soi, à la préservation de sa
propre vie de façon primaire, on subit une transformation
véritablement
héroïque de la conscience. Le héros est celui qui accepte de se
perdre pour mieux se retrouver,
qui consent à risquer le dépassement de ses
limites personnelles. « Le GRAAL,
qui sans doute aujourd hui »,dit FULCANELLI « est
le mystère le plus élevé de
la chevalerie mystique et de la Franc-Maçonnerie
qui en découle. » Au Moyen-Âge, les chevaliers de la table
ronde avec le voyage
initiatique de la quête du Graal sont l'exemple le plus
célèbre du héros. Pour
les chevaliers du roi Arthur, comme pour tout héros, trois
phases se
dérouleront successivement. Le héros se sépare d'abord de
son environnement habituel: c'est la
première phase du voyage, qui illustre le passage du domaine
profane au domaine
sacré. La seconde phase est constituée par
l'aventure initiatique et ses
difficultés, ses épreuves, mais aussi une aide
mystérieuse et l'accès à une
source intense de renouvellement se présentant souvent sous
le visage d'une
divinité. des forces magiques lui viennent en aide et l'aide
a pénétrer dans
l'univers sacré. Le terme «sacré»
peut surprendre. En effet, qu'y a-t-il de sacré dans
l'aventure du héros ? Pour les besoins de la cause, nous emprunterons
à Roger Caillois sa
définition du mot «sacré»:
« pour désigner ce à quoi chacun voue
le meilleur de
lui-même, ce que chacun tient pour la valeur
suprême, ce qu'il vénère, ce
à
quoi il sacrifierait au besoin sa vie. » Le chevalier entre dans l'univers du
sacré, avons-nous dit, grâce à
l'aide procurée par des forces ou des êtres
surnaturels. Ces êtres et ces
forces ne symbolisent-ils pas l'acte de transcender un quotidien que
l'on
laisse derrière soi, un quotidien jugé banal
duquel on se détache pour faire le
saut dans l'aventure ? En franchissant le seuil, le chevalier laisse,
le
superflu, pour se consacrer tout entier à l'essentiel,
à ce qu'il juge
essentiel, à ce sacré qu'il a choisi et qui
donnera sens à tout: son Graal. N'en est il pas de même pour nous mes
frères lorsque nous venons en
Loge ? Ne franchissons nous pas le seuil en laissant nos
métaux pour nous
retrouver dans le sacré et la fraternité ? et
l'EGREGORE que nous recherchons
chaque fois ne fait-elle pas partie du sacré ? Enfm, vient la troisième phase de
l'expérience initiatique: le retour à
la vie «normale» où le héros,
imbu d'une sagesse nouvelle, partage avec ses
semblables les fruits de son aventure spirituelle. Mon GRAAL à moi c'était le
fait de partir de chez mes parents de
rompre le cocon familial et je me rappelle le petit stress de
l'aventure et du
départ.Mon pèlerinage avait un but majeur :
honorer Dieu.Ordinairement nous
disait le père nous faisons de notre personne le centre de 1
univers ; si nous
faisons ce pèlerinage c'est pour inverser la situation :
c'est à dire de n'être presque plus rien et que
Dieu soit tout. Après cette première phase du
voyage initiatique qui illustre le
passage du domaine profane au domaine sacré. Débute alors, pour le chevalier, la
deuxième phase du voyage
initiatique, celle des épreuves. Le succès n'est
pas assuré, le doute envahit
souvent son âme, le désespoir
également. La route conduisant au Graal est
longue et pénible, les leurres et les faux espoirs,
abondants. Beaucoup
d'appelés, peu d'élus. Nombre de chevaliers
périssent au combat, succombent aux
tentations, abandonnent la quête... Le héros doit
apprendre à mourir à lui-même pour
rencontrer l'ultime ! Rappelons-nous cet épisode où Perceval, tombé dans une douve, suffoque par noyade, entre la vie et la mort, il abandonne tout. Nu, symbole de l'humilité absolue, de l'abandon total de lui-même, il entre dans le château du Roi-Pêcheur et parvient au Saint-Graal. Tout le voyage
initiatique a pour centre cette transformation radicale: celle du
profane en
sacré. C'est en mourant à son moi profane que le
héros peut fusionner avec le
sacré. Le moi qui vivait dans le quotidien qu'il jugeait
banal, aliénant, le
même moi devient, UN avec le merveilleux, UN avec l'ultime ! De même et toutes proportions
gardées la lutte pour finir les derniers
kilomètres avec les pieds en sang, la fatigue, et avec elle
les crampes
auxquelles j'étais très sujet étant
jeune mais cette souffrance surmontée par
la prière et la volonté de ne pas
décevoir et d arriver au but de notre
pèlerinage. cet « Autre », ce fondement
symbolique garant de l'identité du « je
»:
fusionner à l'autre, C'est fusionner à son
origine; c'est, occuper la place de
son père.derrière le roi, qu'il n'y a plus de
garant: c'est l'angoisse, la
béance. Ainsi débute la troisième
phase du voyage initiatique. Le héros doit
revenir, sous peine de sombrer dans la folie ou dans l'oubli.Le retour
n est
jamais facile. Le seuil devra de nouveau être franchi, mais
en sens inverse. Il
faut que l'extase prenne fin et que le héros redevienne
lui-même. Or, l'entreprise
ne peut être aisée, car le héros qui
revient au monde profane n'est plus
exactement le même. Le ravissement a laissé des
traces. Puisque c'est un homme
nouveau qui revient au monde. Le quotidien ne peut plus jamais être
« comme avant », parce que le
héros est revenu transformé de son voyage
initiatique. Un travail attend le
héros et empêche son retour d'être
paisible et sans histoire : puisqu'il est
revenu enrichi de son aventure spirituelle, il doit maintenant
renouveler le
monde. Ayant fait l'expérience de l'autre, ayant
été revêtu de l'autre, le
héros est maintenant investi d'une mission : ayant
renoncé à lui-même et au
monde, il doit maintenant sanctifier le monde. Voilà le destin du héros. Il
lui est impossible de se détacher
totalement et défmitivement de la
réalité quotidienne : s'il s'en
détache,
c'est temporairement et dans le but d'y revenir. Platon, dans
l'allégorie de la
caverne au VIIe livre de La République, nous raconte ce qui
attend celui qui,
ayant vu le soleil, redescend et en témoigne. Imagine encore ceci, repris je ; si notre homme
redescendait et
reprenait son ancienne place, n'aurait-il pas les yeux
offusqués par les
ténèbres, en venant brusquement du soleil ?
-Assurément si, dit-il. -Et s'il lui fallait de nouveau juger de ces ombres
et concourir avec
les prisonniers qui n'ont jamais quitté leurs
chaînes, pendant que sa vue est
encore confuse et avant que ses yeux se soient remis et
accoutumés à
l'obscurité, ce qui demanderait un temps assez long, ne
prêterait-il pas à
rire et ne diraient-ils pas de lui que, pour être
monté là-haut, il en est
revenu les yeux gâtés, que ce n'est même
pas la peine de tenter l'ascension ;
et, si quelqu'un essayait de les délier et de les conduire
en haut, et qu'ils
pussent le tenir en leurs mains et le tuer, ne le tueraient-ils pas ? Et pour ma part je me souviens que le retour du
pèlerinage n était
jamais comme je 1'avais désiré ou
rêvé. Les parents et les amis continuaient
à vivre comme s il ne s'était rien
passé, personne ne comprenait 1'exaltation dans laquelle
j'étais et je trouvais qu ils n'étaient
pas suffisamment attentifs à ce que je leur racontais.Alors
que moi j étais plus à 1'écoute des
autres, je m efforçais de penser à dieu
plus souvent. je restais persuadé que tout cela n avait un
sens, que si le
pèlerinage m'aidait à devenir meilleur. À ce point de
notre réflexion, il nous semble opportun de nous porter
à l'avant d'une
objection légitime qui peut s'élever:
à quoi bon ? À quoi bon rêver
d'aventure
initiatique, quand un monde réel reste à
transformer ? La pauvreté, la maladie, l'ignorance et toutes
les formes de la misère humaine sont bien
concrètes.
La véritable humilité nécessaire
à la transformation du monde ne passerait-elle pas
plutôt par le renoncement à ces
chimères, à cette envie de voyage
initiatique justement, qui n'est que perte de temps ? Force nous est
d'avouer
que l'objection est de taille. En réponse, nous pouvons dire : L'être humain a besoin de rêve.
À l'heure où, dans nos écoles, on
s'interroge sur la pertinence des cours de morale et de religion aussi
bien que
des cours d'arts, en opposition à l'enseignement des
mathématiques, des
sciences et du français jugés plus «
sérieux » ou plus utiles » pour
l'avenir de la jeunesse, nous voyons des adolescents se
livrer à des pratiques douteuses », voire
dangereuses, ou encore s'enthousiasmer pour des «
hobbies étranges » dont les jeux de
rôles sont la meilleure manifestation. Le
paradoxe saute aux yeux. Le sérieux » et
l'« utile » ne peuvent suffire à
l'humain. À l'heure où notre
société rationaliste et « techniciste
» met l'accent
sur ce que Gilbert Durand appelle le régime diurne de
l'imaginaire, celui où
tout est éclairé par les lumières de
la raison L'être humain a besoin de rêve !
On ne chasse pas facilement le régime nocturne de
l'imaginaire. Donner sa place aux émotions, aux
fantaisies plus ou moins
incohérentes, aux fantasmes de l'esprit et au plaisir sous
toutes ses formes,
reste indéniablement apeurant. Tout parait tellement plus
clair sous les
lumières de la raison : les faits, les choses et les
êtres peuvent être nommés,
classés, planifiés. À l'opposé, la
face nocturne se présente comme pure émanation du
vécu
: la spontanéité est reine. Tout vient sans
s'être annoncé, tout se vit sans
pouvoir trop s'expliquer, tout s'en va sans raison... simplement...
spontanément ! l'immédiat, on ne peut nommer ce
qui relève d'une singularité.
On ne peut la nommer, mais, incontestablement, elle fait vibrer, elle
fait
vivre, mourir pour elle ! Puisque de toute façon cette face
nocturne s'imposera... aussi bien lui
laisser place et l'endiguer. Une fois la fête terminée, une
fois le jeu achevé, chacun rentre chez
soi, chacun revient à son univers quotidien...
L'expérience initiatique est
complétée. Assumée,
l'élévation de soi ne représente pas
un danger, mais bien au
contraire un formidable moteur d'évolution personnelle aussi
bien que
collective. Sans elle, l'homme se condamne lui-même
à une vie sans relief où
il n'est que spectateur de sa propre existence. À l'inverse,
grâce à cet état d'esprit, à
ce courant de société en quête de
héros, 1'Homo Sapiens se
construit les héros dont il a besoin pour s'engager dans son
quotidien et
construire son devenir. En tout homme sommeille un chevalier. Chacun doit
devenir le héros de
sa propre existence. On peut se poser une question maintenant mes Frères,en quoi la Franc-Maçonnerie peut elle nous aider à devenir les héros de notre propre existence et nous aider a ne pas être un homme dépendant et manipulé. La
Franc-Maçonnerie a été
définie comme une
« institution d'initiation spirituelle au moyen de symboles
» (Assemblée des
Grands Maîtres Européens 1952) ou encore comme
un ordre initiatique traditionnel et universel
fondé sur la fraternité ».
Ce caractère initiatique de l'institution
maçonnique définissait déjà
les Loges
de Maçons opératifs. Nous savons en effet qu'au moyen âge,
après la réception au grade
d'apprenti, avait lieu, au grade de compagnon, une initiation
où étaient
délivrés un certain nombre d'enseignements
concernant la géométrie, l'art de
bâtir, puis des « mots, signes et attouchements
» qui permettaient aux maçons
de se reconnaître, et enfm un enseignement
ésotérique qui leur permettait de
progresser dans leur recherche intellectuelle et spirituelle. Il en est
de
même aujourd'hui dans les Loges où se
réunissent les Francs-Maçons
spéculatifs, si bien que l'on a pu dire, à juste
titre, que seule, en Occident, la Franc-Maçonnerie avait su
conserver et perpétuer la tradition
initiatique. II est de fait que l'initiation est un moment
important, certainement
le moment le plus important de notre vie maçonnique. En
effet, on ne naît pas
Franc-Maçon, mais on est fait »
Franc-Maçon par l'initiation. On pourrait même
ajouter que
celui qui se ferait une idée claire de l'initiation
maçonnique, se ferait une
idée juste de la Franc-Maçonnerie, de son projet
fondamental et de son
essence profonde, de son éthique. Aussi convient-il de s'interroger, une fois encore,
sur
l'initiation, sur sa finalité, sa nature, ses
modalités et sur la
signification qu'elle peut revêtir pour l'homme de notre
temps. On entend en général, par
initiation, un ensemble de rites et
d'enseignements oraux, qui poursuit la modification radicale du statut
social
et religieux de l'homme à initier », a
écrit Mircéa Eliade. Ainsi l'initiation, le projet initiatique, est de
provoquer une
radicale et fondamentale modification de notre pensée et de
notre être, de
notre manière de penser et de notre manière de
vivre. Il s'agit, comme le
disent nos vieux rituels, « de passer des
ténèbres à la lumière
» et, par
cette lumière qui nous illumine, de changer notre
être et notre vie. En effet,
la finalité de l'initiation n'est pas seulement «
théorique », mais pratique,
disons « éthique ». Il ne s'agit pas
seulement d'aller vers la lumière et de
se reposer dans une vaine et stérile contemplation, mais par
cette lumière de
nous entraîner à une action plus efficace et plus
juste. Souvenons-nous que
le « Noûs » de Platon (mot grec
signifiant esprit ou intelligence ); comme le
Logos de Jean, ce n'est pas seulement l'Esprit qui nous illumine, mais
c'est
l'Esprit qui nous transforme (et qui nous transforme par cette
illumination). Ainsi le but essentiel de l'initiation
maçonnique est de changer
l'homme et c'est en ce sens qu'elle est éthique, car
l'éthique, c'est ce qui
veut essentiellement changer l'homme. En employant un autre langage,
nous
dirions que l'initiation veut nous faire passer de l'homme de la nature
à
l'homme de la culture, du vieil homme à l'homme nouveau.
Elle veut susciter
une nouvelle naissance et la rendre possible. Mais pour atteindre ce but, elle doit utiliser
certains moyens, se
soumettre à certaines conditions : La première
condition, extrinsèque, de toute
initiation aux « mystères de la
Franc-Maçonnerie », est d'être un homme
« né
libre et de bonnes moeurs ». La deuxième
condition, intrinsèque celle-là,
est la mort symbolique du sujet à initier, comme le rappelle
encore Mircéa
Eliade : « La majorité des épreuves
initiatiques impliquent une mort rituelle,
suivie d'une nouvelle naissance ». Celui qui aspire à la lumière
doit d'abord, dans une première épreuve, se
dépouiller de tout son passé, des
préventions, des préjugés que la vie
profane a pu accumuler en lui. Il doit mourir à ce qu'il
était, redevenir en quelque sorte un enfant, un «
enfant nu ». Mais cette
remise en question, cette sorte d'auto-critique radicale, ne sauraient
se
passer n'importe où et n'importe comment. Elles ne peuvent
s'effectuer que
dans un lieu séparé du monde et dans un temps
autre que celui de tous les jours
; un espace et un temps séparés, secrets, non pas
dans un quelconque édifice, mais dans un Temple,
c'est-à-dire dans un espace et un temps sacrés,
sacralisés par le Rite lui-même. Cette initiation ne saurait également
s'effectuer n'importe comment.
Elle comporte une série d'épreuves (au
« Rite Ecossais Ancien et Accepté » les
épreuves de la terre, de l'air, de l'eau, et du feu ) subies
au cours de
voyages symboliques. On voit par là que l'on ne saurait
recevoir la Lumière, si d'abord on
n'a pas su franchir certains obstacles, surmonter certaines
épreuves, si
ensuite on n'a pas suivi un itinéraire, ce qui implique
l'idée du temps,
celui-ci étant une condition nécessaire
à l'épanouissement, à
l'accomplissement du sujet à initier. Enfm, cet itinéraire ne peut
être accompli qu'à la première
personne,
nous voulons dire que nul autre que nous-même ne saurait
l'accomplir. La
recherche initiatique est une expérience personnelle dans
laquelle on ne peut
dissocier le pensé et le vécu, le conceptuel et
l'existentiel. Et c'est parce que, en elle, ne peuvent
être dissociés le pensé et le
vécu, que toute initiation est au sens propre indicible,
intraduisible. La
dire, la raconter, c'est toujours la dénaturer, c'est en
trahir l'esprit.
Et c'est en ce sens que par définition toute initiation est
secrète. Nous
venons de dire qu'il n'y a pas d'initiation sans épreuves et
sans voyages.
N'est-ce-pas affirmer que la maîtrise elle-même est
l'aboutissement d'un
long et difficile cheminement ? N'est-ce-pas comprendre que l'homme
n'est
que dans la mesure où il se fait ? Ce qui m a particulièrement
frappé dans la cérémonie d'initiation
au
grade de compagnon c'est 1 insistance sur le devoir de voyager et 1
élévation au grade
de compagnon comporte cinq voyages. Dans le premier on
découvre les cinq sens, dans le second les cinq ordres
d'architecture, dans le troisième voyage
les arts libéraux ( grammaire, rhétorique,
logique, arithmétique, musique,
géométrie, astronomie, ). Dans le
quatrième voyage on peut voir à 1'orient
les sphères céleste et terrestre qui
suggèrent que c est maintenant tout
1’univers qui est proposé à nos
investigations. Enfin dans le cinquième voyage
on valorise le Travail et on nous demande de revenir avec un
chef-d'oeuvre
Et alors qu on partait DIDIER et moi avec le bissac rempli de pain,
d'outils
( règle maillet ciseaux équerre compas levier
perpendiculaire et niveau ) et
avec le bâton du voyageur. L'image qui me restera gravée
à jamais lorsque je me suis retourné c'est celle
de mon Vénérable Maître Pierre les bras
levés qui nous disait « Va et
que la Lumière de 1’Etoile Flamboyante illumine
ton chemin » puis il ajouta «
Puissiez vous revenir avec un chef-d oeuvre et alors être
accueillis dans 1'allégresse ». Cette image très forte restera en moi et
me soutiendra dans les voyages
initiatiques que je pourraient entreprendre dans
l'avenir.(peut-être un jour
ST JACQUES DE COMPOSTELLE ? ). L'initiation maçonnique veut, elle
aussi, nous délivrer, dégager en
l'homme ce qui est esprit, mais elle ne peut le faire qu'en le
confrontant à
des obstacles et à des épreuves, selon un long et
difficile chemin. Peut-elle, peut-elle, comme l'écrivait
naguère René Guénon,
permettre à l'homme « de dépasser les
possibilités de l'état humain, de rendre
effectivement
possible les états supérieurs,
de construire l'être au-delà de
tout état conditionné quel qu'il soit »
Peut-être pour quelques
rares privilégiés. Plus modestement, nous dirions que le projet de
l'initiation maçonnique
est de permettre à tout homme de devenir un «
autre homme », un homme véritable,
c'est-à-dire de découvrir en lui ce qui est
sagesse, force et beauté, de
découvrir sa propre spiritualité, ce qui en
lui est amour et vérité. Cependant, nous
ajouterions, tout de suite,
que l'homme, tout homme, ne peut devenir un homme véritable,
s'il ne veut se
dépasser dans une recherche, une action et une oeuvre qui
sont à la fois la
condition et la raison d'être de ce dépassement.
II s'agit, une fois encore,
de savoir découvrir notre dimension « verticale
» ou spirituelle, et de
vouloir l'accomplir et la réaliser. Nous disions que l'initiation n'a de sens que parce
qu'elle nous permet
d'appréhender une certaine idée de notre
être et de la vérité qui le constitue,
et qu'elle n'a de valeur que parce qu'elle est une
découverte, liée à une
démarche elle-même vécue, nous dirons
existentielle. En ce sens, on
pourrait semble-t-il la rapprocher de la connaissance ou de
l'expérience
poétique. Paul Valéry écrit que :
« l'émotion poétique consiste dans une
perception naissante, dans une tendance à voir le monde
autrement ».
L'initiation comme la poésie est une manière
originale et spécifique de
percevoir et d'appréhender l'univers et les hommes comme
nous-mêmes, autrement. Et Marcel Proust ne parle pas
différemment : n'écrit-il pas, lui
aussi, dans « A la Recherche du Temps Perdu »: « Le seul véritable voyage, ce
ne serait pas d'aller vers de nouveaux
paysages, mais d'avoir d'autres yeux ». La vocation profonde de l'initiation
maçonnique est aussi de nous
apprendre à voir « autrement »,
de nous donner « d'autres yeux », de nous donner un
autre regard sur l'Univers des choses et des êtres. Ce nouveau regard, qui constitue une conversion de
notre âme tout
entière, doit entraîner la mutation radicale de
notre être profond et doit
changer notre vie. Mais là encore, sachons rester lucides et
sachons « raison
garder ». Souvenons-nous que l'étymologie nous
enseigne que le mot initiation
veut dire « entrée », «
commencement ». Il faut distinguer « l'initiation
virtuelle » de « l'initiation réelle
», expliquant par la suite que « entrer
dans la voie », c'est l'initiation virtuelle, et
« suivre la voie », c'est
l'initiation réelle. Souvenons-nous aussi qu'il y a des
degrés dans toute
initiation, comme l'enseignait déjà à
Socrate, il y a vingt-cinq siècles,
Diotime de Mantinée. Souvenons-nous aussi que l'on ne
devient pas compagnon,
maître, en un jour, sans patience et sans travail. La Loge Maçonnique veut donner
à l'homme d'aujourd'hui, comme elle a
donné à celui d'hier, les outils symboliques qui
lui permettront de se
retrouver dans sa vérité et de se
conquérir dans sa liberté. L'initiation maçonnique nous permettra
d'entrer dans la voie. Mais
c'est à nous seul qu'il appartient de « suivre la
voie », à nous seul qu'il
appartient par notre effort et notre patience, notre intelligence et
notre
volonté, de passer de l'initiation « virtuelle
» à l'initiation «
réelle », de transformer une promesse en une
réalité, une espérance
en une certitude, un chemin de connaissance en un chemin de vie.0'est
cela le
Voyage Initiatique. J'ai dit V\ M\ M\ C\ |
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