Obèdience : NC | Loge : NC | Date NC |
Le Bandeau Je
n’évoquerai
pas ici le jeu de mot d’inspiration lacanienne que le mot
« bandeau »
peut receler et je n’aborderai que sa fonction symbolique. Le bandeau est
posé sur les yeux du postulant lors de l’examen
final de sa candidature et au
moment de son initiation.
Pendant son
passage sous le bandeau, le candidat est donc incapable de voir les
Frères qui
le questionnent, ni le Temple lui-même. Mais les
Frères non plus ne peuvent
voir le regard du candidat.
Il y donc là une censure aux moyens de communication usuels. Car, en effet, selon les spécialistes, la communication non verbale représente 93% de la communication. Le contenu verbal est de moindre importance que les attitudes, gestuelles, postures, mimiques, intonations, timbres de voix, rythme de parole.
Et notre
rituel impose de nous priver de ce moyen de communiquer
qu’est le regard et de
l’observation des traits du visage, tout au moins de sa
partie haute, lors de
cette épreuve o combien importante où la Loge
doit juger de l’initiation d’un
nouveau Frère. Pourquoi ?
Bien
sûr, le
bandeau protège les Frères et leur secret. Mais
là n’est pas l’essentiel.
Le bandeau
doit permettre au candidat de s’isoler sensoriellement, du
moins en partie, de
plonger au plus profond de lui même dans la recherche
d’une méditation
silencieuse, d’un recueillement spéculatif. La
dramatisation qui en résulte est
destinée à l’inciter au contact de son
vrai moi, à ne livrer que sa
sincérité.
Mais est-ce
que ça fonctionne bien comme
ça ?
Placé
dans un
tel contexte matériel, auquel s’ajoute
l’importance de l’enjeu, le candidat
privé de la vue doit nécessairement ressentir
consciemment ou inconsciemment
une menace face au groupe inquisiteur invisible. Cette menace
crée une tension
et des sensations et sentiments induits tels que la peur,
l’excitation ,
l’agressivité , incite au choix archaïque
et systématique entre la fuite ou le
combat. On s’éloigne donc de l’objectif
théorique cité plus haut.
Afin
de
réduire cette tension , une gamme de comportements
s’offre
alors au
candidat : réduire son contrôle et
s’abandonner
aveuglément au groupe
inconnu en lui faisant confiance, maintenir ou accroître le
contrôle , ce que
ne manquera pas de traduire sa communication
verbale et non
verbale.
L’écho du Frère Expert, seul
Frère ayant vu
le candidat avant, pendant et après
l’épreuve, après l’avoir
raccompagné,
est délivré aux Maîtres
appelés à
voter.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’attitude
qu’aura eu le candidat ne trahira que
ses mécanismes de défense personnels,
révèlera des éléments de sa
personnalité,
personnalité par définition
considérée
comme brute, perfectible, puisqu’il est
profane.
L’émoi
intense
n’a jamais été preuve de
sincérité,
marque d’authenticité, contrairement à
une
croyance fortement ancrée, que nous constatons à
chaque
débat, à chaque vote.
Il serait intéressant d’explorer pourquoi, mais
là
n’est pas le sujet. Passons maintenant au bandeau durant l’initiation. La symbolique
du bandeau existait déjà lors des initiations
d’Eleusis, où après les
purifications, le myste était
introduit dans le télestérion,
le bâtiment destiné aux initiations et aux
célébrations nocturnes, la tête
recouverte d’une étoffe.
Dans les
rituels maçonniques, le bandeau
n’apparaît qu’avec la
Maçonnerie
spéculative. Au
début de la
cérémonie d’initiation et durant ses
voyages le récipiendaire porte le bandeau.
Privé
de la
vue, ses autres sens sont exacerbés, en particulier
l’ouie. Le monde extérieur
est alors réduit à des pressions, contacts,
bruits que le profane tente
vainement de comprendre. Le sens symbolique est le suivant :
le profane ne
sait pas voir, il est sensible au bruit du monde qui
l’entoure, à ses référents
sociaux, il est prêt à saisir
inconsidérément celui qui le guide, comme il suit
aveuglément durant la cérémonie le
Frère Expert.
L’instruction
au premier degré du Rite Ecossais Ancien et
Accepté précise : «
La
lumière n’éclaire l’esprit
humain que lorsque rien ne s’oppose à son
rayonnement. Tant que l’illusion et les
préjugés nous aveuglent,
l’obscurité
règne en nous et nous rend insensibles à la
splendeur du vrai. »
Au Rite
Ecossais Rectifié, le Frère introducteur
s’adresse ainsi au
candidat : « Il
est
absolument nécessaire que vous soyez dès
à présent dans
l’impossibilité où vous
êtes d’avancer sans secours et sans guide vers le
Temple de la Vérité ; et
pour nous donner une preuve sincère de la
défiance où vous êtes de
vous-même,
vous devez consentir à être privé de la
Lumière élémentaire, symbole trop
évidents des fausse lueurs qui font le partage de
l’homme abandonné à sa propre
direction. (…) Vous êtes dans les
Ténèbres, mais n’ayez aucune crainte,
votre guide marche dans la Lumière et ne peut vous
égarer. »
Le bandeau est
ôté au récipiendaire pour
qu’il reçoive la lumière, ce qui
constitue le choc
initiatique. Désormais, l’initié doit
savoir voir. Il est en mesure d’exercer
un libre choix. Le symbole du
bandeau constitue ainsi un
premier pas vers le Vitriol, une première reconnaissance et
une première taille
de sa pierre pour le jeune initié. Jean Christophe
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