GODF | Loge : NC | 11/01/2008 |
L’Egrégore L’origine de la franc Maçonnerie spéculative est un prodigieux labyrinthe où s’enchevêtrent les influences et les filiations. Parmi celles-ci, on peut citer sans ordre de préférence : La F\M\ opérative, la Kabbale, la Bible, la Mythologie antique, la Philosophie pythagoricienne, le Christianisme, la Chevalerie, le Compagnonnage, l’Alchimie et sa Philosophie hermétique, la Philosophie des lumières, le Rosicrussisme ou encore l’Occultisme … La liste n’est, bien entendu, pas exhaustive. Nul ne peut donc douter que la maçonnerie est, à l’instar de nombre de sociétés initiatiques, un véritable syncrétisme, c’est à dire un rassemblement de doctrines disparates, un savant mélange d’influences diverses et variées. A ce dédale intellectuel s’ajoute un vocabulaire maçonnique complexe et déroutant : Car, au sens trivial ou littéral des mots et des symboles, s’ajoute un sens maçonnique propre mais commun à tous les F\M\, que l’on appelle « l’Allégorie » ; chacun de nous par son propre travail sur les symboles , arrive par la suite à leur trouver un sens encore plus caché et personnel ; c’est ce qu’on peut qualifier de sens « anagogique » des mots ou des symboles. C’est donc avec cette grande simplicité de mise en œuvre des mots dont la maçonnerie a le secret que j’ai choisi de vous parler de l’EGREGORE, mot dont j’ignorais même l’existence donc le sens littéral avant de recevoir la lumière. Si, dans cette enceinte, nous parlons assez facilement d’EGREGORE à propos d’une tenue que nous sentons collectivement réussie, la signification profonde de ce terme, véritable néologisme maçonnique, échappe à bon nombre d’entre nous, moi en premier. Mon niveau culturel philosophique étant proche de la « désagrégation », et mon LAROUSSE du 20° siècle en 6 volumes et 40 kilos étant désespérément muet à ce sujet, je me suis donc rabattu sur WIKIPEDIA la net encyclopédie (pas toujours très nette d’ailleurs) pour y trouver l’étymologie du mot EGREGORE. Comme bien souvent avec la langue française, l’étymologie est double : Grecque et Latine. D’après L’étymologie grecque, l’EGREGORE a un rapport avec l’action de veiller, car EGREGOREIN signifie « veiller » et EGREGOROS « veilleur ». L’étymologie latine nous fournit un autre sens : E-EX signifie sortant de, GREG-GREGIS : le troupeau la foule, OR : Celui qui agit. EGREGORE : Celui qui agit en sortant de la foule : l’EGREGORE est la résultante de l’action d’une foule. C’est dans le livre d’HENOCH, apocryphe du 2ème siècle avant Jésus Christ qu’apparaît le terme EGREGORE : Il représentait les gardiens des 6 directions de l’espace, des entités à caractère énigmatiques, représentant le monde intermédiaire. HENOCH est souvent confondu avec ENOCH qui appartient à une légende maçonnique dont il m’est interdit de révéler la teneur à ce degré, cela nous autorise néanmoins une filiation directe avec la maçonnerie. Plus tard, c’est l’alchimie qui s’empara du terme EGREGORE dont la plus simple expression est le REBIS : La chose double, le mercure philosophique, la pierre qui se réalise par l’union, du soufre (le mâle, le soleil) et du mercure (la femelle, la lune), sous l’influence d’une action énergétique intense. Nos FF\ passionnés d’alchimie ne manqueront pas d’abonder en ce sens par leurs interventions. Chacun d’entre nous cependant peut remarquer et analyser la présence des 2 astres en loge : La parole principielle est transmise à la loge par le V\M\, foyer de concentration des énergies, qui la reçoit de l’Orient où se trouve conjuguée l’action de la lune avec celle du soleil, réalisant ainsi une véritable triade énergétique qui, à l’instar de la pierre philosophale, base opérative du magistère des alchimistes, est semblable à la base des travaux en loge ; cette même triade énergétique se retrouve dans le triptyque Sagesse, Force, Beauté. Le terme EGREGORE est donc parfaitement compatible avec notre activité maçonnique où il s’applique comme dans l’alchimie. Malgré les 2 analogies que j’ai évoquées, il semblerait que pour la F\M\, la véritable origine du terme EGREGORE viendrait de l’occultisme, doctrine philosophique du XIXème siècle, créée après le siècle des lumières et presque par réaction à sa philosophie induite. Syncrétisme de courants ésotériques, l’occultisme a emprunté l’hermétisme à l’alchimie. C’est un occultiste, un certain STANISLAS de GUAITA qui l’introduisit en maçonnerie. Si de GUAITAI est un maçon inconnu pour la plupart d’entre nous, son secrétaire est beaucoup plus illustre puisqu’il s’agissait d’OSWALD WIRTH. De nombreux maçons ont écrit des choses plus intéressantes les unes que les autres sur l’EGREGORE. Tous ne sont pas d’accord sur le sujet et certains considèrent parfois l’EGREGORE comme une fantaisie à caractère occulte qui n’a rien à voir avec le travail en loge. Pour tenter une définition du terme dans le sens allégorique, je comparerais l’EGREGORE à un état collectif lorsque nous sommes en tenue, par lequel nous prenons conscience d’une sensation, d’un lien fort, à la fois physique et psychique, entre chacun d’entre nous. Cet état de conscience que l’on peut qualifier de spirituel est souvent éphémère mais il peut être prolongé jusqu’après la tenue. Il trouve son apogée lors de la chaîne d’union, moment fort de la tenue où les sens physiques individuels sont combinés à la psyché du collectif. Une telle conception de l’EGREGORE ne manque pas de faire peur à certains maçons qui pratiquent une maçonnerie proche des réalités sociétales. Cette maçonnerie là n’inclut pas d’ailleurs systématiquement la chaîne d’union lors de ses réunions. A ce titre, j’ai une anecdote mes FF\ ; je me souviens avoir assisté à une tenue d’extériorisation sur la Sécurité Sociale dans une loge parisienne du rite GROUSSIER où, à la fin de la tenue, le V\ M\, en bras de chemise, regarda sa montre et déclara : « Puisqu’il nous reste 5 minutes, nous allons faire une chaîne d’union ». Cela prouve quel intérêt, ce F\ portait à la dimension spirituelle de la chaîne d’union. Mais, pour nous, adeptes du REAA, pour qui il est plus facile d’entrevoir une conception spirituelle de la maçonnerie, la présence de l’EGREGORE ne nous fait pas peur . Il est évident qu’un état collectif de conscience tel qu’on l’attribue à l’EGREGORE, peut se retrouver ailleurs qu’en maçonnerie. Il en est ainsi lorsque les apôtres reçurent de Jésus Christ l’Esprit Saint après sa résurrection. Mais ce peut être le cas aussi au cours d’un match de football lors d’une « holà » ou encore lors d’un concert lorsque les assistants se tiennent par les bras en se balançant. C’est encore et malheureusement le cas dans toutes les sectes lorsqu’on se met à adorer des divinités de pacotilles pendant des transes collectives. La F\M\ n’est pas la pratique d’une religion puisqu’elle est adogmatique, elle n’est pas un phénomène de foule puisqu’elle est sélective et rituélique, et elle est encore moins une secte car elle respecte la conscience des individus qui la composent. Il est essentiel pour nous de bien connaître les limites, dans le sens contour, de l'EGREGORE, afin de pouvoir trouver celui-ci en toute sérénité. Comme je l’évoquais plus haut, la F\M\, non seulement respecte la conscience individuelle de ses membres, par le principe de liberté absolue de conscience, mais elle favorise cette conscience individuelle par le processus d’individuation, conséquence dans notre recherche introspective à laquelle nous sommes invités dès le cabinet de réflexion. VITRIOL « Visite l’Intérieur de la Terre et tu Trouveras la pierre cachée », autrement dit, et pour paraphraser SOCRATE : Tu ne connaîtras l’univers et les dieux qu’en te connaissant toi-même. Ainsi, si notre vie maçonnique est ponctuée régulièrement de réunions communes sous forme de tenues, il est essentiel que chacun d’entre nous travaille à ce processus d’individuation afin que le collectif soit le plus pur possible et débarrassé des scories profanes de notre inconscient. La différence entre une secte, religieuse ou non et la F\M\ est essentiellement là : La secte prends n’importe quel individu et va rejeter ceux qui ont une trop grande capacité à comprendre, car l’état de conscience collective sectaire vise à annihiler la conscience individuelle au profit de l’endoctrinement. La F\M\ prend les individus tels qu’ils sont mais cherche, au contraire à sélectionner ses membres en décelant chez eux une capacité à apprendre. Elle les aide à se débarrasser de l’inconscient qui encombre l’individu et façonne leur aptitude à restituer la lumière reçue par un rayonnement altruiste et leur probité. L’EGREGORE maçonnique est donc un état de conscience collectif fort et subtil dans lequel les consciences restent individualisées. Il ya dans l’EGREGORE Maçonnique les deux origines étymologiques du mot Grecque et Latine qui sont indissociables: L’EGREGORE est une expression du collectif, mais l’état de veille est permanent. Sa réalisation dépend de la combinaison de plusieurs facteurs qui s’inscrivent pleinement dans le droit fil de notre thème annuel de travail « l’engagement ». Chacun de ces facteurs pourrait, à lui seul, d’ailleurs faire l’objet d’une planche. Le premier facteur est la réalisation de « l’effet rituel ». il conditionne le bon déroulement de la tenue. « L’effet rituel » est variable selon les rites, en ce sens que le R\E\A\A\ produit un « effet rituel » généralement plus fort que d’autres rites plus épurés. Mais il dépend surtout de la qualité de son exécution par la loge. Nous connaissons de loges travaillant au R\ F\ GROUSSIER qui exécutent leur Rituel parfaitement, alors que celui-ci est très dépouillé. A contrario, il existe des Loges au R\ E\ A\ A\ qui par leur défaillance dans la mise en œuvre du rite perdent tout « effet rituel ». Pour cela, chacun des membres de la loge doit être dans un bon état de réceptivité, et de sensibilité. Notre engagement à étudier et comprendre le rituel fera le respect de celui-ci ; et le respect du rituel nous permet de sacraliser l’espace et le temps, cela est déterminant pour l’accès à la dimension spirituelle de nos travaux. Ensuite, le deuxième facteur essentiel est l ‘acquis commun accompagné de l’apport individuel et le partage de ceux-ci entre les FF\. , quelque soit le degré auquel travaille la loge. L’initiation est isomorphe, c’est à dire identique pour tous les FF\ . Les initiés, eux, étant à l’opposé hétéromorphes. Néanmoins, pour que nos travaux soient partagés activement, il est essentiel que chacun y participe, quelque soit son grade. Il s’agit là d’un engagement crucial : Celui des APP\ est l’écoute active, celui des COMP\ l’apport de leur ressenti, éclairé par leurs voyages maçonniques, celui des M\, le devoir de transmission et de rassemblement et celui du V\M\ le rebond de la parole. Le devoir qui s’impose à chacun d’entre nous est essentiel. Non seulement l’assiduité est un minimum requis, mais la participation active aux travaux de la loge est un élément essentiel de cohésion du groupe. Elle nous évitera tout phénomène de « gouroutisation ». La pensée collective n’existe que si nous collectons la pensée de chacun ; il s’agit pour notre loge d’un véritable défi qui constitue notre engagement, d’autant plus, que par les aléas de la vie profane et maçonnique, notre loge a vu un certain nombre de ses membres s’éloigner dernièrement. Ce qui peut être perçu aujourd’hui, comme un effort important pour certains d’entre nous deviendra parfaitement naturel demain pour eux , si ceux-ci respectent cet engagement dès aujourd’hui. N’ayons pas de complexe, même la plus simple des réflexions est une réflexion, c’est à dire le reflet de l’esprit, alors que les formules ampoulées cachent, parfois derrière le fard des mots savants, la platitude des idées. Donnons, donnons, donnons mes FF\, et nous recevrons d’autant plus. Enfin, la réalisation de l’EGREGORE dépend d’un élément déterminant, troisième facteur indispensable : Il s’agit de la fraternité. Elle doit être naturelle, car l’amour est le carburant de nos idées. Le regard fraternel permet à l’autre de s’exprimer en toute confiance. L’engagement de fraternité et d’amour est une aide considérable dans notre chemin initiatique. Cette aide nous permet de franchir les écueils et d’affronter les aléas. Rappelons nous notre premier voyage, sans le soutien fraternel de nos FF\, nous aurions été incapables d’affronter cette épreuve. La fraternité n’est ni un mot, ni un concept ; c’est un engagement que tout F\M\ doit respecter, c’est un état d’esprit qui conditionne, entre autres, la réalisation de l’EGREGORE. En résumé, et pour revenir à l’étymologie grecque du mot : « veilleur », A mon Sens, chacun d’entre nous, en son grade et sa qualité, est responsable de la réalisation de l’EGREGORE à chaque tenue , et chacun doit veiller au respect de ses engagements : L’engagement de s'approprier le rituel et garantir sa bonne exécution pour obtenir « l’effet rituel » ; l’engagement de participer activement à chacune de nos tenues ; et enfin, l’engagement d’entretenir l’état d’esprit fraternel qui doit régner entre nous. Pour conclure, et si vous le voulez bien mes FF\ , je confierai à Jean Sébastien BACH le soin d’agrémenter la fin de ces propos : J’ai choisi la cantate 140 dite « Cantate du Veilleur. ». Hormis son titre qui me semble approprié, cette musique me fait penser à un EGREGORE qui se construit en loge, comme la mélodie se construit par l’apport progressif et harmonieux de tous les instruments dans un rituel musical bien ordonné ; quant aux paroles qu’il écrivit pour celle-ci, elles illustrent, à mon sens, parfaitement le rapport entre l’EGREGORE et l’amour que j’évoquais auparavant… « Mon
ami
est à moi, et je lui
appartiens,
Que rien ne désunisse l’amour. Je veux avec toi me délecter de roses célestes, Viens avec moi te délecter de roses célestes. Là sera la joie en plénitude, Là seront les délices ! » Que l’EGREGORE soit ce soir notre rose céleste ! D\ L\ |
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