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Le Cabinet de Réflexion et ses symboles INTRODUCTION Le Cabinet de
Réflexion, tel qu'il existe aujourd'hui au
sein des divers rites écossais et au rite
français a presque certainement moins
de deux cents ans. Par contre, il correspond
à une partie des rites
initiatiques pratiqués en tous temps et en tous lieux. En effet, l'isolement du
néophyte dans une cabane ou une
caverne est pratiqué depuis la nuit des temps. II s'agit de
séparer le néophyte
de sa famille, de figurer par son isolement dans un lieu
fermé, la mort, une
rupture, pour préparer un changement essentiel,
comme la chrysalide dans son
cocon. Cette analogie comme celle du retour au ventre maternel
correspond à des
réalités psychiques profondes. Le Cabinet de
Réflexion, pour l'essentiel, est la
forme moderne et adaptée à nos moeurs de
l'antique cabane initiatique. Cette planche propose quelques
éléments de réflexion sur les
symboles et leur usage dans une perspective initiatique. Nous posons
l'initiation comme une démarche qui engage la
totalité des facultés
intellectuelles et affectives et dont le but est de construire la paix
en soi.
Cela implique la conquête de la liberté, donc une
transformation individuelle
qualitative. II s'agit en d'autres termes de découvrir
l'union dans la
diversité, de dépasser ses contradictions, de
réunir ce qui est épars. Le mythe
d'Osiris est plus actuel que jamais. Balloté par
d'innombrables sollicitations,
rétréci par d'innombrables contraintes,
dépecé par des statuts sociaux et des
« rôles différents
à jouer, le citoyen
du monde civilisé ne vit plus qu'en « compensant
» dans l'un de ses rôles les
frustrations qu'il a subi dans un autre. Nous pensons que l'initiation
maçonnique peut lui restituer
son identité, son unité et faire de lui un homme
responsable, maître de sa
propre vie. L'initiation est libératrice. Mais on ne peut
initier par le
discours. On peut parler de l'initiation et de la démarche
ésotérique à perte
de vue sans pour autant déflorer ce que seul, le
vécu procure. De même on peut
parler d'une pomme, discourir sur ses propriétés,
son origine et son utilité,
mais on ne peut pas raconter son goût. Le contexte de l'initiation,
c'est-à-dire la démarche
ésotérique et la confrontation avec les symboles
ne sont fécondantes pour
l'esprit que si elles correspondent à un effort
vécu. II faut de la patience
et de l'humilité pour apprendre. Kant l'avait bien compris.
Il n'y a pas,
disait-il, de voie royale dans la philosophie. La voie royale, c'est
l'ascèse.
II est bien vrai que toute connaissance correspond à une
manière d'être. Chaque
effort sur soi-même conduit à une certaine
connaissance. II faut que le
néophyte qui rentre dans le Cabinet de
Réflexion sache qu'il peut conquérir sa
liberté. Cela dépend de lui seul. II
est possible de lui montrer une direction. II n'est pas possible de le
porter
sur le chemin. II doit y aller seul et subir seul la lassitude, le
découragement et toutes les épreuves qui
l'attendent. Sur la ligne de
départ de son aventure spirituelle, il faut
qu'il sache que toutes ses idées, toutes ses croyances, tous
ses préjugés les
plus chers ne sont que les sublimations de ses problèmes
personnels et ne
correspondent à rien d'objectif. Le sens du réel,
il l'acquerra par l'ascèse
initiatique, dans la méditation sur les symboles qui
traduisent, au-delà des
mots, des réalités contradictoires. Tout ce que
l'on peut exprimer par le
discours n'est qu'abstraction. Un mot ne peut être lui et son
contraire. Le
symbole est, par contre, polyvalent et insondable. A ce titre il colle
plus à
la réalité. Comme disait Bachelard, il donne
à penser. Cela veut dire qu'il
oriente l'esprit vers la préhension du réel
au-delà du discours. II ne s'agit pas de chercher
dans l'initiation un remède aux
maux de notre temps. Tout ce que l'on peut dire sur le monde moderne,
la
technique, la technocratie, la primauté du quantitatif sur
le qualificatif,
etc..., nous paraît pusillanime. Notre monde, nous l'avons
mérité et nous en
faisons partie. II constitue une étape nécessaire
à notre histoire spirituelle.
Le cycle mort-résurrection, comme le cycle de la
putréfaction jusqu'à
l'éclosion de la rose constituent la vie. Ceux qui
condamnent sont des faux
prophètes. La véritable démarche
initiatique nous paraît être celle qui
consiste d'abord à accepter ce qui est pour participer au
devenir. Les jugements de valeur sur
notre monde actuel, de même que
sur les divers « ordres établis
» sont hors de propos, que ces
jugements soient positifs ou négatifs. La démarche
initiatique, pour être féconde, doit tenir ses
distances aussi bien à l'égard de la
contestation qu'à l'égard de la
soumission. Si ces distances ne sont pas respectées, tous
les pièges deviennent
dangereux. II s'agit de chercher dans
l'initiation, non un remède, mais
un accomplissement. On ne lutte pas contre la maladie, mais avec elle.
La
guérison s'obtient « en plus ». L'initiation ne peut se
transmettre, comme nous l'avons déjà
dit, par le seul discours. De même, elle ne peut
être transmise que dans le
contexte d'un groupe. Le rituel pratiqué par un groupe
initiatique procure les
« garde fous » sans lesquels une
démarche introspective solitaire sombrerait
dans le délire. Le Cabinet de
Réflexion constitue, au cours de l'initiation
maçonnique, la seule épreuve au cours de laquelle
le néophyte est isolé. La
suite de la cérémonie s'accomplit dans le groupe
et le néophyte, encore
aveugle, perçoit la présence d'autrui. Nous ne saurions terminer cette
introduction sans rendre un
hommage humble autant que mérité à
tous les francs-maçons qui ont jugé utile
d'écrire sur ces sujets. Ils ont, au cours des temps,
enrichi la substance de
la Franc-Maçonnerie. De crainte d'en oublier, ne serait-ce
qu'un seul, nous
n'en citerons aucun. Peut-être cela vaut d'ailleurs
mieux ainsi. Dans ce
domaine, rien n'est plus dangereux que le culte de la
personnalité et le
mandarinat. Tous sont utiles à
quelques-uns et chacun accomplit sa
mission seul. II est impossible d'imaginer une conférence
magistrale en matière
d'ésotérisme et d'initiation, pour la simple
raison qu'en ces domaines,
l'intelligence et la mémoire ne sont pas seules
engagées, mais bien toutes les
facultés. D'un autre
côté, le discours est utile. Privé
d'exposés sur
ces questions, le néophyte ne pourrait avancer. Seulement,
le discours doit
tendre à éveiller et non simplement à
transmettre un message. Les écrits
apportent au néophyte cette présence d'autrui
nécessaire à cette initiation.
Ils donnent des idées, font part d'expériences,
fournissent une documentation.
Ils sont nécessaires, mais pas suffisants LES METAUX Avant d'entrer dans le Cabinet
de Réflexion, le profane est
invité à se dépouiller de tous ses
« métaux » : argent, montre, bijoux,
décorations. II remet sans restriction ces choses qui, dans
la vie courante,
permettent une insertion sociale et qui constituent les signes de la
«
respectabilité », valeur relative et contingente. Dans le monde entier et en tous
temps, les sociétés fermées
qui se donnent une vocation spirituelle exigent de leurs
néophytes une
renonciation aux valeurs temporelles. Cette renonciation plus ou moins
sévère
s'exprime dans un rituel.
Les
monastères orientaux exigent le rasage de la tête,
la chevelure étant
considérée comme le signe de la
vanité. Cette coutume existe en Occident et
persiste, à un degré moindre, chez les
prêtres, sous la forme de la tonsure.
Toutes les cérémonies initiatiques
pratiquées sous toutes les latitudes
commencent par le dépouillement d'attributs vestimentaires
ou corporels. La
circoncision, elle aussi, à une origine que l'on peut situer
dans lé même
contexte. En Maçonnerie, le
dépouillement des métaux a une valeur
purement symbolique puisque le néophyte les
récupère après la
cérémonie. II ne
s'agit pas, dans la Tradition maçonnique, d'arracher le
néophyte au monde
profane au sens concret du terme. La Franc-Maçonnerie
n'exige pas la renonciation au monde
temporel. Elle prétend seulement enseigner à ses
membres à s'abstraire des
contingences profanes, ce qui constitue la condition
préalable à une réflexion
sur soi-même, à une «
intériorisation ». Elle indique la direction
spirituelle,
la « voie Royale », qui permet au
néophyte de cultiver sa réflexion, sa
sensibilité, son intuition. L'initié,
formé à cette forme particulière
d'ascèse, retournera dans le monde profane avec des
forces nouvelles. Son
attention ayant été attirée sur le
sens du dépouillement des métaux, le
néophyte s'efforcera au cours de sa vie de
réaliser un équilibre aussi
harmonieux que possible entre les valeurs matérielles et les
valeurs
spirituelles. Cet équilibre exclut
nécessairement le mépris à
l'égard des valeurs
matérielles au profit des valeurs spirituelles ou
réciproquement. La réalité
est une totalité indissociable. Le Franc-Maçon
apprend que « ce qui est en
haut est comme ce qui est en bas »(La Table
d'émeraude). II désire
réaliser une sorte d'« alchimie
spirituelle »c'est-à-dire une
transformation de son être profond par un
travail rigoureux d'études et de réflexion. L'
« Art Royal » est tout
simplement l'art de trouver à toutes les valeurs leur juste
place. Par une
analogie simple, on peut comparer l'homme, ses problèmes,
ses désirs, ses
contradictions, à un jardin avec ses
végétaux les plus variés qui se
disputent
l'eau et l'espace. II s'agit de cultiver le jardin de
manière à ce que chaque
plante trouve, selon une heureuse expression japonaise, sa
« place
exquise ». Mais les analogies sont
dangereuses et il ne faut pas nous
égarer dans les rapprochements souvent trop hâtifs
et légers entre les métaux
et les passions. Jusqu'à
présent nous n'avons parlé que de signes, il faut
maintenant étudier la notion des métaux au plan
symbolique. Nous avons dit plus haut : les
métaux sont des signes. Un
signe est la représentation matérielle qui a
l'avantage de s'exprimer
facilement par une simplification graphique facile
à retenir, d'une réalité
abstraite. Les signes mathématiques constituent la meilleure
illustration de
cette définition. Mais il n'y a pas qu'eux. La
société a besoin d'une foule de
signes : panneaux routiers, graphies les plus diverses pour indiquer
ici la
présence d'un hôpital, là
l'existence d'un bureau de tabac. Sigles de marques,
abréviations, et, à un niveau plus
nuancé, attributs vestimentaires tels que
cravate, veste,. blouson, bijoux, formes, qualité et
couleurs des lieux
d'habitation, des meubles, des objets, sont autant de signes. Nous
vivons dans
un monde de signes qui traduisent des messages plus ou moins
précis. Les signes
sont univoques et leur interprétation conduit toujours au
même résultat. Ils
constituent des messages à décrypter. II n'en est pas de
même des symboles. La confusion se fait
souvent entre les signes et les symboles parce que l'on parle des
« symboles »
mathématiques et physiques. Dans le contexte des sciences
mathématiques et
physiques, on confond signe et symbole et cela n'a aucune importance
car il
s'agit de créer des outils précis pour construire
des théories, c'est-àdire
élaborer des liens de causalité entre les
phénomènes. Dans le discours philosophique,
la distinction, par contre,
est indispensable et cela pour une raison bien précise : la
pensée du chercheur
se remet en question. Elle n'est pas supposée, à
priori, être un outil
suffisant pour aborder l'étude des
phénomènes. Elle se pose le problème
du sens
de la vie, de la vie elle-même et ce problème
lui-même entraîne une réflexion
sur la pensée, ses limites, son origine, ses structures. Le
symbole est donc
pour le philosophe intéressant à un double titre
: d'une part, son existence
même et ses manifestations posent la question de sa fonction
dans l'évolution
de l'humanité et il doit l'étudier a objectivement
comme un
phénomène, et d'autre part le symbole
peut être un
stimulant pour sa propre réflexion. C'est
à cette fonction, stimulante pour
l'esprit, à laquelle Gaston Bachelard fait illusion
lorsqu'il dit : « Le
symbole n'impose rien, il donne à penser. » Le symbole se distingue du
signe, d'un point de vue formel,
par la pluralité de ses significations. Quant au fond, sa
vocation est d'ordre
métaphysique et ontologique. Toute réflexion sur
le symbole conduit à la
question des finalités de la vie et au problème
de la nature de l'Etre. II est,
comme disait Goethe, une « fenêtre
ouverte sur le monde ». La
réalité est très complexe et plus on
l'approche, plus il
est difficile de la contenir entièrement dans une
définition. La définition
élémentaire d'une pierre est
« corps minéral dur et solide
». Peut-on
faire entrer dans la définition tout ce qui la compose et en
plus tout ce qui
est en elle et la transforme avec le temps ? Peut-on exprimer dans une
définition simple tout ce qui est mouvement dans la pierre
au niveau des atomes
et des électrons ? Toute définition est
une simplification opérée par
abstraction. Elle néglige la totalité d'une chose
pour ne retenir que
l'apparence ou la fonction. Pourtant, la raison a besoin de
définitions. Dans
le domaine de la philosophie, les définitions sont, on le
sait bien, encore
plus approximatives et incomplètes que dans la science
objective. Nous en
sommes conscient et pourtant le discours rationnel bute sur les
définitions et
de définitions en définitions conduit parfois au
délire. L'idée de quitter le
terrain du discours et de représenter par une simplification
graphique un système
cohérent de lois et de principes universels est à
l'origine du symbole. Mais le
symbole ne mérite ce nom qu'à partir du moment
où la simplification graphique
n'est plus perçue seulement comme le signe
aide-mémoire d'un système mais aussi
comme support pour l'imagination créatrice et l'intuition.
Sa vertu pédagogique
se manifeste lorsqu'on cherche à le traduire dans le
discours. Cet exercice développe
les facultés d'imagination et d'intuition,
facultés malheureusement négligées
par l'enseignement « profane »
qui engage presque exclusivement l'intelligence
rationnelle et la
mémoire. Le symbole, simplification
graphique comme par exemple une croix
ou un compas, pourrait-être défini comme la
manifestation de ce besoin
essentiel à l'esprit humain : enfermer la
réalité insaisissable dans un objet à
la portée de l'homme ; mettre l'immense dans le
perceptible et le compliqué
dans le simple. II s'agit de dominer le réel, dans le double
but de comprendre
et de conjurer l'angoisse. C'est le génie enfermé
dans la lampe d'Aladin. En
d'autres termes, c'est rassembler ce qui est épars. A l'origine du symbole, il y a
une démarche qui engage la
totalité des facultés humaines :
l'intelligence, la sensibilité,
l'affectivité, l'intuition, etc... Le propos d'une
société initiatique étant de
transformer l'homme dans le but de le rendre heureux en
développant
harmonieusement toutes ses facultés, il est naturel qu'elle
intègre les
symboles à son système. Au niveau de la
préparation du candidat avant l'initiation,
le dépouillement des métaux n'a rien à
voir avec la démarche symbolique. II
s'agit comme on l'a déjà dit, d'un rite
apparenté à une tradition universelle,
celle qui repose sur l'idée d'une renonciation
à certaines richesses pour en
acquérir d'autres, d'un ordre différent.
L'originalité de la FrancMaçonnerie
consiste en ce qu'elle rappelle ce rite sans l'appliquer
entièrement
puisqu'elle restitue les métaux. Par conséquent,
les métaux ne sont pas objet
de mépris. Aussi, nous ne suivons pas les
interprétations données par
certains auteurs qui voient dans le dépouillement des
métaux l'enseignement du
mépris à l'égard des richesses. Cette
façon de voir les choses doit beaucoup à
une certaine influence d'origine catholique. La
Franc-Maçonnerie n'exige pas
de ses membres le voeu de pauvreté. La
Franc-Maçonnerie exalte le travail.
Tout son symbolisme blasonne l'amour du travail, seule
véritable source de la
dignité et seul moteur du progrès individuel et
collectif. La Franc-Maçonnerie
ne peut admettre que !e travail soit une punition infligée
à l'homme à cause de
sa désobéissance à l'ordre voulu par
Dieu. La richesse, dans, la
mesure où elle est le fruit du travail
(et seulement sous cette restriction évidemment) est une
bénédiction. Dans les
pays à tradition protestante, cette affirmation est
perçue comme une évidence.
L'initié, s'il ne méprise pas la richesse, fruit
du travail, ne se laisse pas
griser par elle et sait lui attribuer sa juste place, là
où elle ne gêne pas
son épanouissement spirituel. Telle est la leçon
à tirer du rite du dépouillement des
métaux. Le travail
maçonnique dans la Loge exige aussi que l'on
laisse ses métaux à la porte
du Temple. Tous les rituels rappellent
cela. Pour bien comprendre le
sens de cette obligation il faut le situer dans le contexte des sources
bibliques de la Tradition maçonnique. Le Temple
maçonnique, dans cette
perspective, est le Temple de Salomon que les Francs-Maçons
disent clairement
vouloir reconstruire. Or, si nous nous reportons au récit de
la construction du
Temple, nous lisons dans la Bible (Rois 6,7) : « Quand on
bâtit la Maison, on
la bâtit de pierres toutes
préparées dans la carrière :
marteaux, pics, aucun
outil de fer ne fut entendu dans la maison quand on la
bâtissait ». II est facile d'extrapoler
à partir de cette citation pour
expliquer l'obligation de laisser les métaux à la
porte du Temple. En Loge, on
ne se sert plus d'outils de fer qui préparent les pierres.
Celles-ci sont
prêtes. II s'agit seulement de les assembler. Pour cela, on
ne se sert que
d'instruments de mesure : équerre, compas, fil à
plomb, niveau, etc... Ces
instruments sont silencieux. Ils n'engagent pas les muscles,
mais uniquement
les facultés intellectuelles. On en est à la
phase finale de la construction :
assembler, se référer aux plans,
édifier le gros-oeuvre. Dehors, on taille la
pierre brute et dedans, on assemble les pierres. Les apprentis dont la
tâche
consiste à dégrossir la pierre effectuent ce
travail en dehors du Temple. A
l'intérieur, ils sont astreints au silence et en
écoutant les compagnons et les
maîtres, ils se préparent à
être admis parmi eux. En Loge, tous les
éléments dont on dispose, c'est-à-dire
les
frères avec leurs travaux et leurs points de vue personnels
doivent trouver
leur juste place dans l'édifice, fruit du travail collectif.
A ce niveau, les
seuls outils sont les instruments de mesure, avec les
qualités qui leur sont
propres : précision et rigueur. Dans ce climat, tout
excès de langage est
incongru, toute manifestation passionnelle est mal venue. Les
échanges n'ont
qu'un but: construire l'édifice. Les opinions, comme les
pierres, sont placées
sous le signe de l'égalité. Aucune ne
prévaut, aucune n'est négligée. Elles
doivent chercher leur place et s'emboîter
harmonieusement les unes aux autres. nelle est mal venue. Les
échanges n'ont qu'un but:
construire l'édifice. Les opinions, comme les pierres, sont
placées sous le
signe de l'égalité. Aucune ne prévaut,
aucune n'est négligée. Elles doivent
chercher leur place et s'emboîter harmonieusement
les unes aux autres LE CABINET DE REFLEXION Le cabinet de
réflexion est une petite pièce, sans
fenêtre,
dans laquelle on introduit le profane avant la
cérémonie d'initiation. Cette
petite pièce est peinte en 'noir à
l'intérieur. Elle est meublée d'un tabouret
et d'une table. Le profane y pénètre et s'y voit
enfermé. II doit rédiger son
« testament
philosophique ». Le testament n'a aucun
rapport avec
celui que l'on dicte à son notaire. II s'agit de
réflexions sur les grands
problèmes philosophiques. Tout en
réfléchissant sur cette question, le
profane
découvre la décoration du cabinet de
réflexion : un crâne humain, posé (pas
toujours) sur quelques ossements, un morceau de pain, une carafe d'eau,
une
soucoupe avec du sel, une autre avec du soufre et un sablier. Sur te
mur, des
dessins symboliques, peints en blanc sur fond noir: un coq, une faux,
le mot
V.I.T.R.I.O.L. ou V.I.T.R.I.O.L.U.M. dans une graphie telle que les
lettres
sont toujours séparées par des points, pour
indiquer qu'il s'agit de l'abréviation
phonétique. d'une formule dont chaque mot est
figuré par une lettre. En outre,
il y a des sentences : « Si la
curiosité t'a conduit ici, va-t'en.
- Si ton
âme ressent l'effroi, ne va
pas plus loin ! » Ces sentences ne sont pas
obligatoires pour constituer un
cabinet de réflexion conforme aux finalités du
rituel. En effet, le but du cabinet de
réflexion est de provoquer un
choc psychologique de manière à «
réveiller A et inviter à la
méditation. Le
profane n'a pas l'habitude de se trouver seul, dans le noir, dans un
tel
endroit. Dans la vie profane, rien n'est inattendu. Les
journées se passent,
entre le travail, le foyer, les loisirs, d'une façon
prévue d'avance, et cela
provoque inévitablement une atrophie des facultés
de réflexion. Lorsqu'un profane a
été reconnu «
initiable », il
importe de lui procurer les moyens de développer ses
facultés endormies par la
routine du quotidien. Le cabinet de réflexion est le premier
de ces moyens. Son
propos est de placer le profane seul, face à
lui-même et. d'orienter sa
réflexion vers les problèmes de la vie et de la
mort par la présence d'objets
spécialement sélectionnés à
cet effet. Dans le climat particulier du cabinet de
réflexion, à côté d'objets
déjà nombreux et pour la plupart
énigmatiques, les
sentences n'ajoutent rien ni au mystère ni à la
solennité du lieu. Le goût du
« Pathos » dont ces vaines et
dérisoires menaces sont l'expression,
appartient à une période
révolue et n'est heureusement pas lié au
symbolisme
maçonnique en ce qu'il véhicule. LE TESTAMENT Dans le cabinet de
réflexion, livré à lui-même,
le
récipiendaire doit répondre à trois
questions : quels sont ses devoirs envers
Dieu, envers lui-même et envers l'humanité ? En
Maçonnerie, on évoque avant
tout les devoirs et on laisse de côté les droits.
Pour s'améliorer, pour
accéder à la liberté, l'homme doit
s'imposer des devoirs et produire un effort
sur luimême. La liberté s'obtient par une
ascèse. Telle est la loi. Le « Grand
Architecte de l'Univers » est le symbole de
la perfection et des causes premières. Ce symbole est
compatible avec toutes
les convictions philosophiques et religieuses, à`
condition évidemment que ces
convictions s'accompagnent de la Tolérance, vertu
maçonnique d'une importance
primordiale. Néanmoins, dans les
pays catholiques, l'idée de Dieu a été
associée au cours de l'histoire, à
l'oppression exercée par un clergé avide
de
puissance temporelle. Ce Dieu que l'on ne pouvait approcher
que par
l'intermédiaire d'une caste d'intercesseurs et, cela sous
peine des pires
supplices, devait inexorablement devenir antipathique. C'est
à ce Dieu-là que
le frère Proudhon déclarait la guerre en
rédigeant son Testament philosophique
dans le cabinet de réflexion. Dieu, en effet, symbole des
causes premières,
était devenu l'étendart d'un ordre
établi fondé sur l'oppression. A cause de
cela, la formule : « quels sont vos devoirs envers Dieu
», a été
supprimée par de nombreux maçons, dans les pays
latins. L'avoir remplacé par la
formule « quels sont vos devoirs envers la patrie?
» ne nous semble
pas heureux car le franc-maçon est citoyen du monde et
solidaire de tous les
hommes. II faut voir dans la substitution de l'idée de Dieu
par celui de Patrie
l'héritage des Jacobins dont la tolérance
n'était pas la vertu majeure. Parmi
les symboles et allégories figurant à
l'intérieur du cabinet de réflexion, le
drapeau national n'a aucune place. Cette formule doit, comme
certaines autres choses par
ailleurs, être considérée comme une
influence passagère du monde profane qui
s'est infiltrée à l'intérieur du
Temple grâce à quelques fissures... Dans les pays anglo-saxons,
Dieu a eu un sort meilleur parce
que dans ces pays-là, on tolère
plusieurs manières de l'approcher. II existe
de nombreuses églises, de nombreux cultes et aussi,
ce qui est important, la
Bible est lue et commentée en famille. Aussi, la puissance des
intercesseurs est moindre, chaque
père de famille étant, en quelque sorte,
prêtre chez lui. Néanmoins, la
tendance, assez forte actuellement dans ces pays, et qui
consiste à arracher
l'idée de dieu au langage symbolique pour en faire un
être réel conscient,
exactement conforme à la lettre de ce qui est
écrit dans les textes des religions
monothéistes fondée sur la
révélation, est d'origine profane.
L'idée d'un Dieu
transcendant l'univers est liée effectivement
à la religion exotérique. Pour les kabbalistes et les
gnostiques, le monde est
immanent et Dieu (Ein Sof, l'infini) représente les causes
premières de
l'inconnu. II se situe au-delà du verbe, tandis que la
création proprement dite
est liée à l'idée d'un
Démiurge. Il s'agit donc là aussi d'une tentative
de
récupération par une orthodoxie de ce
qui doit demeurer scrupuleusement au carrefour
de toutes les orthodoxies, le Centre de l'union ( Quelques
années seulement
après la publication des Constitutions d'Anderson, les
manoeuvres effectuées
pour réduire la Franc-Maçonnerie à une
simple association chrétienne ont été
souvent couronnées de succès). Le symbolisme
maçonnique est associé à toutes les
traditions
ésotériques dont les mythes et les valeurs ont
été plus ou moins bien transmis
par les religions exotériques. Ainsi par exemple un
francmaçon ne méprise pas
la Vierge, mais ce qui l'intéresse dans ce
personnage, c'est le principe de la
fécondité transfigurée dans
l'éternel féminin tel que ce principe a
été incarné
par Isis, Ishtar, Astarté, Cybèle,
Cérès, Déméter, la Bonne
Mère, Sainte Marie
enfin. Les principes, incarnés pour les besoins de
l'exotérisme, habillés et
nommés différemment par les diverses religions
exotériques, intéressent seuls
les francs-maçons. En effet, ces principes, fruits
d'un effort collectif auquel
ont participés toutes les facultés humaines,
intelligence, observation,
imagination, intuition, sont l'expression de la
réalité humaine et des lois de
la vie. Après les trois
questions, le profane est invité à
résumer
en quelques mots son « Testament
philosophique ». Ce à quoi il
croit et ce qu'il estime essentiel de transmettre. L'idée de
Testament implique
l'idée de transmission. L'homme est un usufruitier
qui, par son testament,
transmet un héritage en principe
amélioré par son effort personnel. La
solennité d'un tel acte a sa source dans l'idée
que l'objet de la transmission,
l'héritage, doit survivre aux
générations. Celui qui rédige son
Testament philosophique
spécule avec les valeurs qu'il estime éternelles.
II fait ainsi le point en
lui-même, et quelle que soit la qualité de ce
qu'il rédige, le seul fait d'avoir
produit un effort dans cette direction est extrêmement sain. Oswald Wirth et Plantagenet
estiment que seules, les trois
questions constituent le Testament. Or, on a coutume d'ajouter un
Testament
philosophique. II faut reconnaître que les quelques lignes
consacrées au
Testament philosophique sont les seules, souvent, dans lesquelles le
récipiendaire se livre réellement. La formulation des trois
questions et le contexte
de l'admission en Maçonnerie nous
valent la plupart du temps des réponses d'une platitude et
d'un conformisme
exaspérants ! Demander au récipiendaire
d'écrire quelques lignes en dehors des
trois questions habituelles permet d'obtenir des idées
personnelles. Le
profane, face au testament philosophique, est
obligé de réfléchir V.I.T.R.I.O.L. OU
V.I.T.R.I.O.L.U.M. Ces lettres constituent le
signe qui exprime la formule
alchimique : « Visita Interiora Terrae,
Rectificando Invenies occultam
Lapidem (Veram Medicinam) », c'est-à-dire
: Visite l'intérieur de la Terre, en
rectifiant tu trouveras la pierre cachée
(Médecine de vérité) . Tous les auteurs ayant
écrit sur le symbolisme maçonnique
précisent que ce sigle était la devise des
anciens Rose-Croix. D'après
Ambelain, les RoseCroix auraient
pénétré sciemment les loges
maçonniques aux
XVII° et XVIII° siècles et y auraient
introduit l'hermétisme et l'alchimie
(cf. Ambelain : Scala philosophorum ou la symbolique des outils). D'après Oswald
Wirth, cette pierre serait la pierre cubique
des francs-maçons. Cette analogie nous paraît
discutable, car !a pierre cubique
des francsmaçons est le résultat d'un
travail effectué sur la pierre brute. Ce
travail, à la fois manuel et intellectuel, engage
la totalité de l'être. Pour
la réussir, il faut, bien sûr, cultiver des
qualités physiques : la force,
l'habileté. En outre, il faut des connaissances ;
la géométrie et le maniement
des outils. Ces qualités s'acquièrent par
l'effort. Là est le grand Oeuvre :
fabriquer, construire en soi-même l'Etre accompli, parfait,
l'image de la-
pierre cubique parfaitement réussie. Mais la
« pierre cachée » de la devise
alchimique, que l'on « trouve » en visitant
l'intérieur de la terre est-elle
la pierre cubique que l'on fabrique ?
D'après la devise, la
pierre cachée existerait toute faite,
préexisterait à l'homme dont le travail
consisterait à la chercher, tandis que la pierre cubique est
inconcevable en
dehors de l'intervention humaine. La Terre est l'un des quatre
éléments de la vision du monde
alchimique. Peut-être, visiter l'intérieur de la
terre veut dire : rechercher
en soi-même, faire de l'introspection, la Terre
étant une allégorie pour
signifier l'homme (1). « En rectifiant » signifie
nécessairement qu'à un
moment donné de la « visite »,
il y a une opération intellectuelle à
effectuer. Cette opération intellectuelle, dont le but
consiste comme l'exprime
le mot « rectifier », à changer,
à modifier le cours normal des choses (le sens
de la visite) n'est concevable que si elle s'appuie sur des
connaissances
acquises, susceptibles de servir de
références pour juger un état
de fait. «
En rectifiant - implique par conséquent que le sujet
possède un savoir étendu.
Ce n'est pas la pierre cachée qui procure ce savoir, mais
c'est ce savoir qui
permet de trouver la pierre cachée. La pierre
cachée est la conclusion, la
récompense et la finalité d'un effort dont
l'efficacité est rendue possible par
le savoir. (1) En hébreu, le mot (Adam), l'homme peut être
considéré comme une racine
trilitère d'où est
dérivé le mot (Adamah),
terre. De ce
fait, la Terre est subordonnée à l'homme, elle
lui appartient. La Terre
appartient à l'homme et non l'homme à la Terre.
La Terre est un dérivé de l'homme. LE SEL ET LE SOUFRE Deux récipients
figurent aussi parmi les objets
indispensables dans le cabinet de réflexion : l'un contient
du sel et l'autre
du soufre. Le sel, extrait de l'eau de mer
par évaporation, est, comme
le dit Louis Claude de Saint Martin, un feu
délivré des eaux. Le sel conserve
l'eau et détruit par corrosion. Aussi, tout
le symbolisme du sel est lié à
la loi des transmutations physiques et,
par extrapolation, à la loi des transmutations morales et
spirituelles. La Bible donne une importance
au sel : l'alliance du sel
désigne une alliance que Dieu lui-même ne peut
briser (Nombres 18,11 ;
chronique 13,5). Le Lévitique (2,13) fait allusion
au sel qui doit accompagner
les oblations. Les sacrifices doivent en être pourvus. Dans
la tradition
sémitique, le fait de partager le pain et le sel
crée une amitié
indestructible. Ainsi la Bible associe le sel à la notion
d'indestructibilité,
d'Incorruptibilité et, par suite,
d'éternité. Inversement, le sel symbolise
aussi la stérilité. Les Romains jetaient du sel
sur les villes détruites pour
que rien ne repousse. Le soufre est le principe actif
de l'alchimie. Pour les alchimistes,
le soufre était dans le corps ce que le soleil est dans
l'univers. Dans la
Bible, le soufre a un sens néfaste. La pluie de soufre sur
Sodome est un
châtiment divin. Le soufre est associé
à la " lumière, à
l'antilumière
satanique qui peut être prise pour la vraie
lumière. L'ambivalence des symboles,
notamment en ce qui concerne le
sel et le soufre, avec l'aspect positif, tourné vers la vie,
la lumière, le
bien et l'aspect négatif, tourné vers la mort, la
destruction, l'irréel,
possède en soi une signification dont tout
francmaçon doit être
pénétré :
aucune chose n'est bonne ou mauvaise en soi. Seul, l'homme, le
bâtisseur, par
l'usage qu'il en fait, rend la chose bonne ou mauvaise. Tous les symboles sont
ambivalents. Ils existent parce
qu'ils permettent justement de vivre la notion de totalité
qui contient tous
les contraires. Cette méditation sur le sel et le soufre
doit conduire le
franc-maçon à prendre conscience de l'importance
de ses actes : le franc-maçon
peut-être défini comme un homme responsable. LE SABLIER Parmi tous les objets du
cabinet de réflexion, le sablier
est le seul dont le sens apparaît clairement au non
initié. En effet, bien qu'il ne soit
plus couramment utilisé, le
sablier est un objet connu et intégré parmi les
figures familières qui
composent le bagage culturel de monsieur Tout le Monde. II
évoque la fuite du
temps. Tout naturellement, sans effort, le
récipiendaire comprend que la
présence du sablier l'invite à méditer
sur la fuite du temps, l'éphémère, et
de
là, à la vanité, etc... Toutes les
extrapolations effectuées à partir de la
notion d'éphémère conduisent
à une prise de conscience à la fois douloureuse
et
enrichissante. Mais le sablier signifie
également bien autre chose. Son
symbolisme est très riche. Ainsi, le fait qu'il se retourne
nous conduit à
l'idée du renversement du temps et du retour aux origines. D'autre part, sa forme en deux
vases égaux reliés par un
étroit goulot montre l'analogie entre le haut et le bas. II
y a passage du haut
vers le bas, par l'attraction. Si on le renverse, le bas devient le
haut et le
haut devient le bas et pour assurer la continuité de ce
passage, il faut
l'intervention humaine, expression de la volonté
humaine de changer le cours
des choses, voire de le renverser. Mais cette volonté tient
compte de la loi de
la gravitation. Cette loi, l'homme
né peut la transformer. II peut retourner
le sablier mais il ne peut pas faire que le sable s'écoule
vers le haut. La
leçon est claire : nous devons connaître les lois
qui régissent le monde et qui
sont éternelles. Elles marquent les limites de nos pouvoirs
mais en même temps,
elles nous aident à changer le cours des
événements si nous savons les
respecter et bien nous en servir. Le goulot par lequel les deux
vases communiquent évoque la
porte étroite qu'il faut traverser pour changer de plan,
pour parvenir à un
autre monde (un niveau de conscience). Par ce goulot s'effectue
l'échange.
L'échange évoque également une grande
loi de la vie. Tout ce qui vit aspire et
respire, c'est-àdire prend et donne. La vie n'est
pas concevable sans
l'échange car les deux attributs de la vie, la croissance et
la reproduction
ont l'échange comme principe. Ce que donne le vase du haut,
il le recevra en
retour quand il sera en bas et il recevra dans l'exacte mesure
où il aura
donné. L'initié sait qu'entre lui et la nature
d'une part et entre lui et !es
autres hommes d'autre part s'établissent
nécessairement des relations fondées
sur l'échange. La qualité de sa vie
dépend de la qualité de ce qu'il donne et
par conséquent de ce qu'il reçoit. LE PAIN Le pain est la nourriture
essentielle. II rappelle que le
corps a besoin de force. L'initié ne néglige pas
les nourritures terrestres,
mais il sait qu'elles ne sont pas une fin en soi. De nombreux
écrits traditionnels
insistent sur cette vérité
élémentaire, ainsi le talmud précise :
Sans farine, pas de
connaissance et sans
connaissance, pas de farine ». D'une manière aussi
concise que possible, cela
veut dire que l'esprit ne peut accomplir ses fonctions que si le corps
est
satisfait et que, d'autre part, le corps ne trouvera matière
à être satisfait
que si l'esprit accomplit ses fonctions. Au plan
délibérément aussi « terre
à
terre » que possible, cela veut dire que la
nourriture s'obtient grâce à
un certain savoir acquis (technique, ingéniosité,
travail) et que le savoir, ne
peut se développer que si la nourriture est
assurée. Le pain, fait de farine, est le
premier et principal aliment
cuit dans la société agricole. L'agriculture, par
rapport au nomadisme,
représente pour la société antique, la
grande révolution qui a permis
l'élaboration
de la civilisation telle que nous la vivons. Le nomade, ayant
observé les
propriétés fécondantes des
excréments animaux, a eu l'idée de les
mélanger à la
terre et de semer des graines. De là, un
bouleversement considérable dans les
manières de vivre et aussi une amélioration de la
vie par une sécurité plus
grande. Dans la
société agricole, le travail est
valorisé car il
devient absolument nécessaire et une éthique
s'élabore à partir d'extrapolations
fondées sur les opérations d'ensemencement et de
récoltes. Les totems tribaux
deviennent des dieux ayant une fonction précise
à remplir afin d'assurer une
bonne récolte. Les dieux, comme les hommes, ne peuvent plus
rester oisifs et
contemplatifs. Ils s'organisent, comme les hommes, en
société hiérarchisée.
L'idée du monothéisme sortira plus tard,
à partir de l'idée du pouvoir central
et absolu, idée devenue possible à cause de
l'existence d'une hiérarchie. Le pain est donc le symbole de
la grande révolution agricole
à partir de laquelle se sont élaborés
les mythes et les valeurs morales et
traditionnelles que les francs-maçons cultivent aujourd'hui,
reconnaissant en
eux le a levain » nécessaire au progrès
et au bonheur des hommes. Le pain est un aliment cuit et
cela est lourd de
signification. Le froment, abandonné au processus naturel,
pourrit.
L'intervention humaine le soustrait au` processus naturel et le situe
dans un
nouveau processus élaboré exclusivement par
l'homme, dont ;la finalité est
l'état d'aliment cuit. Produit du travail, fruit de la
révolution agricole, le
pain est aussi lé témoignage de l'action de
l'homme sur la nature. II est le
résultat d'une création
réalisée grâce au travail, à
l'observation, à
l'ingéniosité. II implique également
la maîtrise du feu. Peut-être est-ce pour
ces raisons que le pain a été
valorisé, voire sacralisé dans de nombreuses
religions. Dans le christianisme, le pain, nourriture
matérielle est symbole de
nourriture spirituelle. II est associé au vin pour
représenter la totalité
divine. La tradition chrétienne précise que le
pain est associé aux «
petits mystères » et le vin aux « grands
mystères
». Cette idée est à rapprocher des
miracles
accomplis par Jésus-Christ avec le pain et le vin : la
multiplication des pains
est un miracle qui engage l'idée de quantité
tandis que la transformation de
l'eau en vin est un miracle qui engage l'idée de
qualité. Lorsqu'il est
associé à l'eau, comme c'est le cas dans le
cabinet de réflexion, il exprime, dans le contexte de notre
culture
occidentale, l'idée d'ascèse, de privation, de
renonciation. Le pain et l'eau
constituent la nourriture de l'ermite, strict
nécessaire qui lui permet de
survivre. Le pain et l'eau, c'est le repas sans le plaisir.
L'idée de la substance
utile, retranchée de l'agréable est
figurée par cet accouplement du pain et de
l'eau. L'ermite qui exprime ainsi son mépris des plaisirs
terrestres, le
prisonnier qui expie un crime sont souvent associés
à la nourriture par le pain
et l'eau. S'il fallait interpréter la présence du
pain et de l'eau dans le
cabinet de réflexion comme une invitation à la
mortification, on aurait du mal
à concilier cette idée avec la philosophie des
rituels de table dont
l'importance dans la liturgie et la tradition maçonniques ne
sont pas à
démontrer. L'ascétisme repose sur une conception
du monde qui est fausse et que
la tradition maçonnique rejette absolument. Cette fausse
conception du monde
re- pose sur une opposition entre la matière et l'esprit,
entre le corps et l'âme,
entre le ciel et la terre, etc..., etc..., alors que la conception du
monde
conforme à la tradition et la vérité
repose sur la notion de complémentarité et
d'identité fondamentale entre les aspects multiples de la
réalité. C'est cela
qu'expriment les antiques sentences : « Ce
qui est en haut est comme ce
qui est en bas » et « Ce qui
différencie le poison du remède n'est
pas la nature, mais la dose ». Et si opposition il y a,
l'initié les considère
comme apparentes seulement et s'attache à les
réduire, conformément au but
exprimé de la FrancMaçonnerie : Réunir
ce qui est épars. Aussi, considérer la
présence du pain et de l'eau, dans le
Cabinet de Réflexion comme invitation à
l'ascétisme est un contresens. Mais compte tenu de la
signification du pain que nous avons
développé, la présence de l'eau
rappelle que la récolte du blé n'est possible
que si l'eau féconde la terre. L'idée de
complémentarité est donc soulignée
dans le symbole du pain car il existe grâce à
l'eau, au feu et à l'homme qui a
su s'en servir. L'EAU Le symbolisme de l'eau dans
toutes les civilisations est
très riche, non seulement à cause de l'importance
de l'eau pour la vie mais
aussi à cause de ses multiples aspects : l'eau violente des
torrents, l'eau
salée et amère des océans, les eaux
profondes, etc... Des explications
symboliques et des mythes ont fleuri sur chacun de ces aspects. Mais de
toute
la littérature sacrée que les civilisations les
plus diverses possèdent sur le
thème de l'eau, deux fonctions essentielles se
dégagent : la purification et la
fécondité. La Bible écrite sur
une terre aride où les sources et les
rivières apportent le bien-être et où
la pluie est une bénédiction,
célèbre
l'eau à laquelle on doit la vie. L'eau est une
bénédiction. « L'âme cherche
son
Dieu comme le cerf altéré cherche l'eau "
(Psaumes). Le
juste est
semblable à l'arbre planté au bord des eaux
courantes • (Nombres 24,6). • Dieu
est semblable à la pluie du printemps et
à la rosée qui donne aux fleurs leur
croissance = (Osée, 6,3 et 14,6). L'absence d'eau, le
désert, est une punition infligée par
Dieu (cf. Jérémie). « L'eau
réside dans le coeur du sage ; il est semblable
à un puits et à une source •
(Proverbes 20,5, l'Ecclésiaste 21,13). Les puits, les
sources sont des lieux
sacrés auprès desquels naît l'amour et
s'amorcent les mariages. La présence de l'eau
dans le Cabinet de Réflexion nous
oriente vers l'idée de fécondation. En effet le
passage de l'initié dans le
Cabinet de réflexion est « L'épreuve de
la terre ». L'eau féconde et son
association avec le pain invite le récipiendaire
à réfléchir sur la nature
dont il doit connaître les lois pour accomplir son travail. LE COQ Le coq est le signe de
l'avènement de la lumière
initiatique. Ce symbole est dans toutes les civilisations,
lié au soleil et à
la lumière, parce que le chant du coq annonce le lever du
jour. En Inde, il est
l'attribut du SKANDA, qui personnifie l'énergie solaire. Au
Japon, c'est le
chant du coq qui oblige AMATERASU, déesse du soleil,
à quitter la caverne où
elle cache ordinairement. C'est pourquoi dans les temples
shintoïstes, on
entretient des coqs qui circulent en liberté. Le coq
apparaît, à côté de
Mercure, sur quelques représentations figurées
galloromaines. On le retrouve
aussi sur les monnaies gauloises, mais les romains ont fait un jeu de
mot entre
gallus = gaulois. C'est l'origine du coq gaulois (1). Dans la mythologie grecque, le
dieu au coq des Crétois,
VÉLCHANOS, s'est assimilé à Zeus. Le
coq se trouvait auprès de LETO qui,
enceinte de Zeus, accoucha d'Apollon et d'Artémis. Aussi,
est-il consacré à la
fois à Zeus, à Leto, à Apollon et
à Artémis, c'est-à-dire aux dieux
solaires et
aux déesses lunaires. Les Vers d'or de Pythagore
recommandent : nourrissez le
coq et ne l'immolez pas, car il est consacré au soleil et à la
lune. II est un attribut d'Apollon, le
héros du jour qui naît. Malgré le conseil
attribué à Pythagore, un coq était
rituellement sacrifié à Asklépios,
dieu de la médecine et l'un des fils
d'Apollon. Socrate a pratiqué ce
sacrifice avant de mourir. Cela signifie que le coq a un rôle
de psychopompe :
il conduit les âmes des défunts dans ('autre
monde, pour que leurs yeux
s'ouvrent à une lumière nouvelle. La mort est en
effet, une naissance nouvelle.
Le cabinet de réflexion, prélude à
l'initiation, est, de ce fait, associé à une
mort, la mort au monde profane et à une renaissance. C'est
pourquoi le coq y a
sa place. Le coq représente le mercure. Cela vient du fait que le coq était consacré à Hermès, que les latins ont traduit en Mercure. Pour -les hermétistes, le Mercure est le principe femelle présent dans tous les corps. II est lié à ce qui est volatil et inflammable. LA FAUX La faux, instrument qui sert aux agriculteurs à couper le blé ou des herbes, est une allégorie de la mort. La faux égalise tout ce qui vit car la mort est le lot de tous. C'est seulement à partir du XV° siècle que la faux apparaît entre les mains du squelette pour signifier l'inexorable égalisatrice. A ce niveau, il s'agit plus d'une allégorie que d'un symbole. Au plan symbolique, on peut l'associer à la moisson. Le moissonneur tranche le blé qu'il a semé et entretenu. II touche la récompense de son travail. La mort du végétal est source de vie pour le règne animal. II y a là une mine de réflexions enrichissantes. LE CRANE Symbole de la
mortalité humaine, le crâne est aussi le
symbole de ce qui survit après la mort.
Réceptacle de la vie à son plus haut
niveau, le crâne est le trophée par excellence,
dans les sociétés antiques.
Posséder le crâne de l'ennemi, c'est
posséder ce qu'il y a de meilleur en
lui-même, c'est s'approprier son esprit, son âme,
son principe vital. Les
celtes possédaient de nombreux sanctuaires de
crânes. Tite Live raconte que les
Gaulois, s'étant emparés du consul romain
Postumius, firent de son crâne un
vase sacré pour offrir des libations pendant les
fêtes. II faut mentionner cela
parce que de telles notions vivent encore aujourd'hui dans notre
être profond. On a vu en effet, il y a moins
de deux cent ans, des hommes
planter les têtes de leurs ennemis sur des piques et les
promener joyeusement
en procession, recréant instinctivement les
antiques liturgies de la
victoire. Aujourd'hui encore, dans un pays hautement
civilisé, on tue les
ennemis de la société au cours d'une
cérémonie à l'issue de laquelle la
tête
est séparée du tronc. La possession d'une
tête est vécue comme le signe d'une
victoire. Y a-t-il une relation entre ce
phénomène de la psychologie humaine
et la présence d'un crâne dans le Cabinet de
Réflexion ? A première vue, non,
parce que ce crâne, parfaitement anonyme, n'est pas celui
d'un ennemi. II est
là, pour nous rappeler notre avenir et aussi pour montrer ce
qui reste, au plan
concret, de nos prédécesseurs. A ce niveau
d'interprétation, nous découvrons
que l'homme ne dépasse sa mortalité que par
lés fruits de son travail. De lui
personnellement, il ne reste rien qu'un tas d'os, état
encore transitoire
d'ailleurs, en attendant la fusion parfaite avec la terre. Sans enlever à cette
interprétation aucune valeur, .encore
qu'elle nous semble insuffisante pour stimuler une réflexion
féconde qui
s'élève ' un peu au-dessus des
évidences primaires, nous pouvons voir les
choses différemment. Nous constatons d'une part, que
pour représenter la mort,
les hommes ont créé de très nombreuses
allégories dont certaines sont bien plus
impressionnantes que le crâne et d'autre part, que
partout et en tous temps,
l'exposition d'un crâne, humain ou animal, est
associé à l'idée d'appropriation
de la vie (de l'élan vital): Qu'on le veuille ou non, le
crâne est toujours un
trophée, c'est-à-dire, la marque d'une victoire,
à partir du moment où il est
exposé dans un lieu habité, même s'il
est considéré comme un simple
élément
décoratif. Cette observation
fondée sur les acquis de l'anthropologie
peut nous aider à découvrir les
significations symboliques du crâne dans le
Cabinet de Réflexion. L'initié, invité
à descendre en lui-même, ne peut se
livrer sans danger à l'introspection. seul et sans
connaissances précises, ses
efforts provoqueraient inexorablement chez lui des
déséquilibres fâcheux. Mais
il est guidé et soutenu par un monde . de symboles. Le
Cabinet de Réflexion lui
en donne une première image. Cette image est une
construction de l'esprit, fécondée par
les initiés qui l'ont
précédé. Le crâne (qu'il
aura d'ailleurs sous les yeux
toute sa vie car il le retrouvera sur la chaire du
vénérable, dans la loge),
représente l'énergie vitale, la
pensée, la psyché de ses anciens. II est un
élève et son maître est là,
sous les yeux. L'élève interroge et le
maître
répond et ainsi la connaissance se transmet. Si on voit dans
l'interrogation la
démarche conquérante de l'esprit, la relation
maître-élève ne ressemble-t-elle
pas un peu à un combat au terme duquel
l'élève devient le maître ? Le crâne est
là pour signifier que l'apprenti s'appropriera
la pensée et l'expérience de ses anciens. Le
rôle et la justification de ces
derniers consistent à transmettre et par
conséquent, à donner ce qu'ils ont de
plus précieux, leur vie. On retrouve comme une constante,
dans la symbolique
maçonnique et dans les antiques mystères,
l'idée de mort et de renaissance par
l'identification de l'élève au maître
qui a consenti le sacrifice suprême.
L'apprenti maçon aura plus tard d'autres occasions de
méditer sur ce "
schéma". Un autre plan de
méditation est fourni par l'idée selon
Laquelle l'homme est un microcosme. Ce qui est en haut étant
comme ce qui est
en bas (La table d'émeraude), on n'en déduit que
toute partie du réel contient
tous les éléments du réel et qu'il y a
en l'homme tout ce qui existe dans
l'univers. Par conséquent, la connaissance de soi
est une voie vers la
connaissance objective. Dans cette perspective
fondée sur l'analogie
homme-microcosme et cosmos-macrocosme, le crâne, sommet du
squelette,
représente la voûte céleste. Cette
analogie est illustrée par de très
nombreuses légendes européennes et asiatiques et
on peut donc la considérer
comme nécessaire à la vie spirituelle. Dans un
texte Islandais, le Grimnismâl,
le crâne du géant Ymir devient à sa
mort la voûte du ciel. Selon cette même loi
d'analogie, les yeux représentent le soleil et la lune et le
cerveau les
nuages, etc... Ces analogies sont-elles
enrichissantes pour l'esprit ?
certainement pas si on y croit à la lettre, mais le fait
qu'elles aient été
formulées mérite qu'on s'y arrête car,
si on les expurge de leurs développements
naïfs, on aperçoit une vérité
importante qui est celle-ci : Dans
l'univers, tout est lié et tout obéit
aux mêmes lois. C\ T\ (Par) (1) II faut préciser en passant que le coq n'est devenu l'emblème de la France que depuis un siècle environ. |
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