Repères hermétiques du cabinet de réflexion

Me voici désormais membre de cette R\ L\ Conscience, F\ parmi mes F\ F\, je me présente à vous comme une pierre ayant déjà subit de nombreuses rectifications. Rectifications sensées me permettre de m’insérer plus aisément au sein d’un édifice patiemment construit par chacun d’entre vous comme par tous ceux qui vous ont précédé dans ce Resp. Atelier.

Utilisant les mêmes outils, mettant en œuvre les mêmes rituels, rien ne devrait perturber un cheminement qui s’inscrit dans une continuité, certes rassurante et confortable, mais qui est en fait en totale contradiction avec l’esprit même de notre REAA.

En effet, celui-ci étant basé sur une succession de ruptures, il nous incite à remettre en cause constamment ce que nous avons tendance à considérer comme acquis, donc à stimuler la vigilance nécessaire (première interprétation du coq) devant nous permettre d’éviter le piège d’un ronronnement par nature sclérosant.

Le chemin initiatique n’est pas l’acquisition d’un savoir mais le développement d’une conscience, conscience individuelle qui peut être un jour nous permettra d’accéder à une conscience plus globale.

Le symbole est là pour nous aider, passer de l’apparent au caché, du perçu au ressenti, interprétations analogiques qui font naître l’intuition. Et ce qui sera évoqué par chacun alimentera la réflexion commune d’où découlera de nouvelles perceptions individuelles. Significations nouvelles incitant à la créativité. Ainsi l’œuvre commune progresse, grandit et chargée de sens elle contribue concrètement aux progrès de l’homme et de l’humanité.

Mais lorsque le postulant arrive pour la première fois en Loge, il porte en lui son histoire personnelle et instinctivement il s’y réfère, combien de temps lui faudra-t-il pour changer son regard et s’ouvrir à d’autres perceptions, puis par la suite réussira-t-il à maintenir cette vigilance afin de continuer inlassablement à progresser ?

Mais cette vigilance individuelle serait-elle possible sans celle que se doivent d’exercer autour de lui, et en toute fraternité, nos F\ F\, rappelant ainsi, si nécessaire, ce que me disait, il y a maintenant un certain nombre d’années, mon parrain : « n’oublie pas la porte basse ».

Cette fameuse porte, symbole d’humilité, par laquelle nous passons pour sortir du cabinet de réflexion et dont nous oublions peut être trop rapidement la perplexité dans laquelle celle-ci nous avait plongé. Aussi arrivant tel un postulant dans ce nouvel atelier, il m’a parut intéressant de me replonger dans ce cabinet de réflexion et d’examiner la perception que j’en ai aujourd’hui.

Première épreuve au cours de laquelle il faut, comme le dit Oswald Wirth : « procéder à une sorte de décrassement intellectuel et moral ayant pour but de débarrasser l’esprit de tout ce qui empêche la lumière de parvenir jusqu’à lui ». Ce lieu souterrain, sorte de caverne où selon Platon se projette l’image trompeuse d’une réalité illusoire, crée une situation inhabituelle, perturbante. Qui est réellement celui qui se reflète dans ce miroir ? Cette image de moi-même est-elle satisfaisante à mes yeux, où est-t-elle en fait destinée à satisfaire l’autre, afin de me rendre acceptable à ses yeux ? Ai-je ainsi entretenu un masque trompeur que j’aurai fini par admettre comme vrai ?

La formule V\ I\ T\ R\ I\ O\ L\ septenaire mystérieux dont le sens dévoilé révèle une parfaite connaissance des processus qui mènent à l’éveil, m’encourage dans ce sens. Attribuée à Basile Valentin, moine bénédictin, figure mythique de l’alchimie du moyen âge, Valentin utilise cet acrostiche pour illustrer les 3 étapes du grand œuvre et faire passer son message : « visita interiora terrae rectificando invenies occultum lapidem » Soit : « visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée ».

C’est donc l’heure du bilan. Homme ordinaire, insensible à un regard critique sur moi-même, il me faut sortir de l’illusion du paraître et partir à la recherche du premier agent nécessaire à ma transformation, la terre. Descendre en ce lieu receleur des mystères qu’est l’inconscient et qu’il me faut affronter, accepter, afin d’entreprendre cette rectification qui me fera découvrir l’Homme véritable, la pierre cachée emprisonnée dans ce carcan illusoire.

Certes, tout en ce lieu est fait pour impressionner le candidat et  « l’inciter à la méditation » ; et nous pourrions nous contenter d’y voir une simple mise en scène désuète et transitoire, sans qu’il soit nécessaire d’en retirer un enseignement particulier.

Mais cette situation inhabituelle, et pour le moins déconcertant, mets en évidence un principe de réflexion, une méthode, que nous retrouverons ensuite tout au long de notre parcours initiatique.

En effet, pour qu’elle ai nature de « Vérité » l’idée doit passer par le vécu expérientiel, puis pour la valider et en tirer un enseignement constructif, confronter ce ressenti à la raison afin d’en dégager l’essence, ou la quintessence, utile à notre évolution. Ce que les « Psy » la conscientisation.

Aussi, tout en ce lieu éclairée par une simple bougie dont la flamme vacillante me permet d’entrevoir objets et formule  dont le sens m’échappe encore, est mis en évidence pour me faire pressentir qu’il me faut me préparer non seulement à une transformation, mais à une véritable mutation, processus passant nécessairement par une purification telle que pratiquée par nos anciens alchimistes.

Alchimie ! Voilà le mot qui dérange est lâché, et comme la Franc-maçonnerie a pu et peut toujours déranger, l’alchimie n’a pas moins connu, et connaît toujours, des attaques alimentées par ce que nous sommes sensées combattre : l’ignorance, le fanatisme et l’intolérance.

Tout d’abord, rappelons ici qu’en des temps pas si éloignés (XVIème S), où la majeure partie de la population ignorait encore la lecture et l’écriture, le savoir était détenu par une minorité de moines érudits et les croyances confessionnelles étaient présentées d’une façon plus politique que religieuse. Par exemple, les manifestations énergétiques diverses paraissaient des phénomènes surnaturels et tous ceux touchant ces domaines et en tentaient une interprétation (et raison de plus une reproduction) non conforme au dogme dominant étaient considérés comme hérétiques et pourchassés. Ainsi protéger le savoir, ou certaines recherches, a été longtemps une nécessité pour ne pas se retrouver sur le bûcher. (Galilée a bien faillit en faire la triste expérience)

Aussi pour perpétuer une continuité de recherches fallait-il enfouir ses trouvailles, comme l’étaient d’ailleurs les sources utilisées, sous un monceau d’apparentes futilités ou d’un langage parfaitement codifié ce qui fut donc le cas, entre autres, des Alchimistes du moyen d’âge dont nous retrouvons nombre de symboles dans notre Rite, et ceci dès ce cabinet de réflexion.

Ce principe de codification utilisé par les Alchimistes du moyen âge est attribué à Hermès Trismégiste qui fut, à partir du 3ème s avant JC, considéré comme le descendant d’une divinité égyptienne, Thot. Personnage important du Panthéon égyptien, Thot, Dieu magicien, Maître des Ténèbres et des connaissances secrètes, fut l’initiateur aux mystères.

En fait, le personnage d’Hermès Trismégiste, le trois fois grand, n’aurait jamais existé et l’ensemble des textes qu’il est convenu d’appeler le Corpus Herméticum (ensemble de 17 traités, traduit en latin en 1471), serait d’après Julius Evola, l’œuvre d’un collectif que les ésotéristes des deux premiers siècles de l’ère Chrétienne lui aurait attribué ; et s’il en ont fait remonter l’origine  20° siècle avant JC c’est pour rappeler que la méthode utilisée pour perpétuer et transmettre une certaine connaissance remonte à une très lointaine antiquité, c'est-à-dire dès qu’il parut nécessaire de voiler la connaissance et de ne la réserver qu’aux seuls initiés.

Ainsi, ce qui est devenu l’Hermétisme (ce qui est difficile à comprendre, ce qui est impénétrable), a contribué à répandre des vérités mais en les revêtant de tous les artifices qu’offrent les combinaisons de nombres, de symboles, de mythes etc. Toutes les religions du Livre, par exemple, ont, suivant ces principes, cryptées leurs textes, ce qui conduisit plus tard à la pratique de l'herméneutique soit d'après Littré « l'art d'interpréter les textes sacrés ».

Cependant l’hermétisme n’est pas seulement une méthode de cryptage, c’est également et principalement une philosophie dont l’essentiel est présenté et synthétisé dans la table d’émeraude qui commence par celui que nous connaissons tous :

« Ce qui est haut est comme ce qui est en bas et…inversement »

L’organisation du microcosme serait donc équivalent à celle du macrocosme, et la méthode analogique, propre au symbolisme, doit nous permettre, en partant du connu, de découvrir l’inconnu.

Mais nous trouvons également dans cette table d’émeraude :

« Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l'épais, doucement avec grande industrie ».

Principe repris par les Pèlerins d'Hermès ou philosophes hermétiques, plus couramment appelés alchimistes qui eux vont cheminer, à partir d'une combinaison des quatre éléments (auxquels vient s'ajouter un cinquième l'éther), cheminer donc vers un centre matérialisé, lieu de l'incarnation où la lumière qui descend donne vie à la matière, où le verbe anime la substance.

Quête d'un Etre double, métallique et spirituel, à la fois réel, tangible et symbolique, qu'ils nomment parfois leur pierre, mais aussi leur soufre ou leur mercure selon les phases de leur travail. Le soufre pouvant être considéré comme l'enfant du mercure qui cependant reçoit de lui sa forme. C'est à la découverte de ce soufre en vue de la création d'un Etre de lumière, qualifié de pierre philosophale, que sont consacrés les travaux de l'alchimiste traditionnelle.

N’est-ce pas là, de façon allégorique, le premier travail demandé à l’apprenti ?

Bien qu'utilisant un langage chimique et ayant l'air de faire de la chimie, ce n'est pas à la matière inerte qu'ils pensent mais bien à l'Homme. L'Alchimie est hermétique, ne l'oublions pas, et comme l'a dit Marcellin Berthelot, « les alchimistes sont des philosophes de la matière ».

Ceux-ci ont de tout temps considérés qu'il n'y a de différence entre le matériel et l'immatériel, que le mode sous lequel l'un et l'autre nous apparaissent. L'évolution, résultant du mouvement général dans l'Univers, donne au matériel la possibilité de devenir immatériel et inversement, mais qu’elle représente également, autre principe hermétique, la quête de l’Homme à la recherche de ses origines.

La légende nous dit que : « l'Homme a été créé par Dieu à son image et il se vit livrer la garde de la création. Mais séduit par la beauté de celle-ci l'homme brûla du désir de la rejoindre. La nature d'en bas, elle même séduite par le reflet de l'Homme dans l'eau et de son ombre sur la terre, aussitôt elle l'aima et reçue en elle son aimé ».

Ainsi l'âme de l'Homme pris forme et ce fut la chute. Mais bien que prisonnier de la matière il garde en lui les traces de sa nature divine. Il est donc mortel de par son corps mais immortel par l'Homme essentiel (Poimandres I 15 l'un des 17 traités). Ce schéma chute, exil, régénération présent dans la plupart des mouvements ésotériques postérieurs montre la possibilité offerte à l'Initiable de rebrousser chemin vers les choses anciennes et primordiales.

Le monde terrestre est ainsi considéré comme une médiation, un lieu d'expérimentation, un point d'appui sur lequel l'initié va se baser pour entamer la remontée vers le Tout, autrement dit vers l’Unité, soit le Sel résultant du travail du Soufre sur le Mercure ; donc la pierre philosophale des alchimistes qui ne se dévoile qu’à ceux qui par un travail sincère et constant sont parvenus à un parfait équilibre.

Ce passage par l’expérience est bien ce qu’évoque le cabinet de réflexion :

« Rendre sensible matériellement ce qui doit s’accomplir spirituellement ».

Donc, si rien ne prouve l’existence d’un lien directe entre Alchimie et Franc maçonnerie ou que nos aînés aient puisés à cette respectable source, (mais est-ce vraiment important ?) il n’en reste pas moins que les Principes évoqués par l’Hermétisme, la méthode : alchimique et le mode de cryptage utilisé : le symbole, comme le but recherché sont très proches et que la pratique régulière de notre Rite, sensée éveiller notre curiosité, doit nous inciter et nous encourager à explorer tout ce que celui-ci nous propose ou suggère.

Il nous faut donc aller au-delà des apparences et tout ce qui est présenté dans cette inquiétante caverne doit nous mettre en alerte et nous amener à entrevoir un dessein plus élevé qu’une simple réalisation personnelle ou matérielle.

Evocateur de ce mode analogique destiné à stimuler notre perception intuitive et à nous faire découvrir l’idée sous le symbole, le cabinet de réflexion est la première étape qui  révèle au profane qu’il est lui-même un véritable laboratoire à l’intérieur duquel va s’opérer son œuvre personnelle mais que celle-ci est aussi destinée à rejoindre l’œuvre commune.

Ainsi, l’association du crâne et du sablier qui m’indique que le temps m’est compté avant ma propre mort, la flamme, pour l’instant vacillante, préfigure cette nécessaire purification par le feu de mon Soufre (le corps) et de mon Mercure (l’esprit) pour que la qualité de mon Sel (résultante neutre ou quintessence) qui en résultera me fasse passer du temps terrestre au temps initial, l’instant primordial d’avant la chute.

Le crâne, puissant témoin psychique, prend alors un tout autre aspect et met en évidence, non seulement, le lien qui nous unit à tous ceux qui nous ont précédé, mais induit, également, la responsabilité qui incombe au futur initié qui va prendre sa place au sein de cette chaîne ininterrompue.

Alors, lorsqu’il quittera le cabinet de réflexion, épreuve de la Terre, matrice du Monde, et qu’il passera la « porte basse », l’humble postulant, face à l’immensité du monde qui s’ouvre à lui et du travail à accomplir, pourra, peut-être, lever les yeux vers le Coq, symbole solaire, qui lui annoncera la fin de sa nuit éternelle et le triomphe prochain de la lumière sur les ténèbres.

V\ M\ et vous tous mes F\ F\, j’ai dit.

M\ D\