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Le Miroir
La planche de travail que j’ai honneur de vous présenter a pour thème le miroir, objet à forte connotation symbolique que je vais tenter d’expliquer à mon grade d’apprenti. Dans un premier temps, je m’attèlerai à vous donner la définition et le principe du miroir, puis j’aborderai le symbolisme ésotérique qui en découle. Enfin, je conclurai par la problématique du miroir dans le cheminement de la connaissance de soi. Par définition, un miroir est une surface suffisamment polie pour qu'une image s'y forme par réflexion. C'est souvent une couche métallique fine, qui, pour être protégée, est placée sous une plaque de verre pour les miroirs domestiques. Les miroirs utilisés dans les instruments d'optiques comportent la face métallique au dessus, le verre n'étant qu'un support de qualité mécanique stable. L'adjectif relatif au miroir est spéculaire car il permet de voir (comme le spéculum le fait également). Les termes généralement utilisés en rapport avec le miroir sont : eau, glace, rétroviseur, image, représentation, portrait, reflet, psyché , cœur , âme, etc….(3) Le principe du miroir est la réflexion qui se manifeste systématiquement dans tout face-à-face avec lui. Il se caractérise par un renversement ou une inversion de l’image. Selon Titus Burckhardt, l’image réfléchie ressemble à son image d’origine d’un point de vue qualitatif, tout en se distinguant d’elle matériellement. La loi de réflexion signifie par ailleurs que l’image d’origine apparaît de façon plus ou moins complète et précise, selon la forme et la position du miroir. Cela est également valable pour la réflexion spirituelle, et c’est pourquoi les maîtres du soufisme disent habituellement que Dieu se manifeste à son serviteur selon la disposition ou les aptitudes du cœur, tout comme l’eau adopte la couleur de son récipient. »(1) En d’autres termes, on peut se voir en utilisant le reflet à la surface de l'eau (comme Narcisse qui se noie dans son image, dans le reflet ondin de sa beauté) ou dans une vitre ; dans ce cas la réflexion est partielle tandis qu'avec un miroir parfaitement poli, la réflexion est totale. Et lorsque l'on dit que la surface d'un miroir doit être polie, cela signifie qu'aucun défaut n'est acceptable afin que toute la réflexion de l'onde incidente se fasse dans la direction voulue.(3) Pour beaucoup d’auteurs, le miroir est le symbole des symboles, par la place prépondérante qu’il occupe dans de nombreux rites et religions, en tant qu’instrument magique ou sacré. Par exemple, dans le bouddhisme tibétain, il est symbole de l’une des plus hautes connaissances : que la réalité de toute manifestation n’est que vacuité(4). Selon Luc Benoist, tout symbole est susceptible d’au moins deux interprétations opposées qui doivent s’unir pour obtenir son sens complet. Le miroir en tant que symbole n’échappe pas à cette assertion. En effet, de manière générale, sa symbolique revêt deux notions contraires: il est symbole de la vérité-réalité, mais il est également symbole d’inversion de la vérité. Il est illusion, mensonge et hypocrisie. Il est « le double ». En psychanalyse, il est le côté caché de la personnalité. Dans le cadre de cette planche, je me limiterai essentiellement au symbolisme du miroir dans le rite écossais, ancien et accepté, mais je ne pourrai m’empêcher de faire quelques références à d’autres écoles initiatiques, pour démontrer l’universalité de ce symbole. Dans le rite écossais, ancien et accepté, le miroir apparaît à différentes étapes de la cérémonie d’initiation : d’abord au cabinet de réflexion lors de l’épreuve de la Terre, puis après les trois voyages par l’air, l’eau et le feu. Il est également présent en loge et même en dehors de celle-ci. Conduit dans le cabinet de réflexion pour subir l’épreuve de la terre, le récipiendaire découvre en autres objets, un miroir qui lui renvoie sa propre image à la lueur vacillante d’une flamme de bougie. C’est la première étape de purification illustrée par l’acronyme maçonnique « V.I.T.R.I.O.L » inscrit sur les murs du cabinet. Cette formule alchimique signifie : Visite l’intérieur de la Terre et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée. On pourrait dire autrement : « descends au plus profond de toi-même et trouve le noyau insécable sur lequel tu pourras bâtir une autre personnalité, un homme nouveau. ». Elle exprime donc un processus de transformation concernant le retour de l’être au noyau le plus intime de la personne humaine, c’est à dire la pierre cachée des sages.(3) Ce processus est matérialisé dans le cabinet de réflexion par le morceau de pain qui est l’élaboration d’une profonde mutation, illustrée par ce verset de l’Evangile : « si le grain ne meurt, il ne pourra porter du fruit ».Toute germination provient d’un pourrissement invitant le récipiendaire à mourir à lui-même, à rompre avec le « vieil homme », participant à la véritable transformation intérieure, devant par la suite le rendre capable, à son tour de produire du fruit. Mais la présence de la cruche d’eau est là pour rappeler que cette dernière est essentielle à cette transformation. Car l’eau est étroitement associée à la vie. Elle symbolise la pureté par sa capacité à dissoudre et effacer les impuretés. Ces impuretés, ce sont les défauts, les préjugés. En un mot, ce sont les métaux.(2) Ainsi, cette image renvoyée par le miroir est-elle la première confrontation avec le moi véritable(1).C’est une interpellation de soi par soi-même. Certains ne la supportent pas. Pourquoi cela ? Parce ce qu’elle évoque la fugacité de ce qui s’y mire et son immédiate disparition, d’où sa signification mortuaire matérialisée par le crâne, mais aussi parce qu’elle évoque l’aspect éphémère des choses : tout change, tout bouge ; le miroir ne capte que les reflets, tout comme nous ne percevons que les mirages du réel. De plus, il astreint celui qui s’y contemple à remettre en cause tous les acquis, toutes les affirmations.(2) Après les 3 voyages par l’air, l’eau et le feu, le postulant après avoir reçu la Lumière, sera confronté à l’épreuve du miroir. Les yeux débandés, le néophyte est d’abord invité par le Vénérable Maître à scruter la salle à la recherche d’un hypothétique ennemi, puis à se retourner car argumente-t-il, ce n’est pas toujours devant soi qu’on rencontre des ennemis, les plus à craindre se trouvant souvent derrière soi. Le néophyte se retourne et se retrouve alors face au miroir qui lui renvoie une fois de plus sa propre image, image qu’il doit affronter, non pour la rejeter avec répulsion, ni pour l’agréer avec satisfaction, mais pour la constater. Constater qu’il est son propre ennemi. Le miroir est le début du travail de l’apprenti. Ce travail maçonnique s’exerce sur soi-même par une véritable autopsie. L’apprenti devra aller au-delà des apparences. C’est le début de la connaissance de soi. Le miroir est donc l’emblème idéal de cette introspection qui a débuté au cabinet de réflexion et qui durera toute une vie terrestre. Se regarder dans le miroir, c’est se dévoiler, c’est admettre ses faiblesses, reconnaître ses défauts, c’est apprendre l’humilité. Et accepter de se dévoiler doit marquer la confiance que l’on a dans les autres et c’est un pas supplémentaire vers les autres. L’essentiel du travail maçonnique de l’apprenti consiste à dégrossir sa pierre brute avec la volonté du maillet et la précision du ciseau. En cela, la perpendiculaire, outil du 2ème surveillant, la règle à 24 divisions et la marche de l’apprenti viennent compléter le rôle symbolique du miroir. La perpendiculaire m’invite à descendre en moi-même, à rendre mon mental comme un récipient vide, dans lequel les expériences nouvelles et la connaissance de soi s’acquièrent par l’élimination du trop plein de savoir profane. Quant à la règle, elle m’aide à trouver la mesure dans cette descente, à mettre l’ordre inhérent à toute chose, à mettre la discipline au quotidien, à être présent dans l’instant, à prêter attention à tout ce je fais, enfin à mettre la constance dans une ligne de conduite librement choisie pour l’édification de mon Temple intérieur. Enfin, La marche de l’apprenti , marche rythmée est significative des efforts constants et des luttes que je dois mener contre moi-même, pour m’avancer en direction de ma propre lumière. Dans certains rites initiatiques, Le miroir est présent au parvis. Loin de jouer un rôle exclusivement ornemental, il est la représentation matérielle de l’eau, cette eau purificatrice qui jadis se trouvait à l’entrée des temples initiatiques de l’ancienne Egypte et qui était destinée aux ablutions des disciples avant leur entrée dans l’espace sacré. Aujourd’hui encore, nous retrouvons ce miroir sous la forme d’eau bénite dont sont aspergés les fidèles dans certaines églises ou sous-forme de fontaines à l’entrée des mosquées. A l’entrée du temple, le miroir est symbole d’une limite vers un autre monde, symbole d’une porte ouverte sur l’infini. En loge, est également présent dans le visage du frère qui siège sur l’autre colonne. Et c’est dans la rencontre avec cet autre soi-même que naissent les notions d’amour et de fraternité. Dans le monde profane, le miroir, c’est l’autre, c’est autrui, c’est mon prochain. Jiddu Krishnamurti, écrivain et philosophe indien disait : « les relations (entendez les relations avec les autres) sont sûrement le miroir dans lequel on se découvre soi-même. » En conclusion, le miroir est donc essentiel à la vie du maçon en général et de l’apprenti en particulier pour qui, il reste un instrument de purification. Il est symbole de connaissance de soi: reflétant la vérité, il la révèle. Il concilie les contraires que sont l’être et son reflet. L’alchimie soufie rappelle que « le croyant est le miroir du croyant » : plus la face du miroir de l’âme a été polie par le travail intérieur et les épreuves, plus elle sera capable de refléter ce qui l’entoure, même les secrètes pensées d’autrui. En d’autres termes, plus l’apprenti aura dégrossi sa pierre brute, plus celle-ci sera le reflet de la pierre cachée des Sages, but ultime du travail maçonnique. Toi
qui dans ce Temple vas entrer,
Quel secret espères-tu trouver ? Sache que de ce que tu verras, Peu de symboles tu comprendras. Certes, tes frères te guideront, Mais ne te berce pas d’illusions, Comme toi, il cherche le secret, …… Le vrai secret n’est pas là : Plonge dans la fange de ton être, Alors, après, tu pourras renaître. René-Pierre AMSELLE V\ M\ , D\ Q\ DEC\ L’O\E\ V\ T\ M\ T\C\F\ E\ V\ D\ E\ Q\ J’ai dit! I\ K\ Bibliographie 1. Les planches du compagnon. Christian GUIGUE. Edition GUIGUE. 2. La symbolique maçonnique du 3ème millénaire. Irène MAINGUY. Edition DERVY 3. Sites internet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Miroir |
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