La Transmission en F\
M\
Préambule :
- En
préambule, je rappellerai que si, comme chaque
année, la tenue commune des loges de P…, permet
de nous retrouver et de partager un moment de Fraternité,
c’est aussi l’occasion de nous enrichir de nos
complémentarités et de nos
différences, en travaillant en commun.
- Aussi, le
seul propos de cette planche est d’être une base de
départ pour le véritable travail qui sera vos
apports et enrichissements lorsque la parole circulera.
- Le
thème retenu cette année est la transmission en F\M\
Introduction
La transmission des savoirs et
des connaissances, acquis par l’expérience ou par
l’étude, est pratiquée depuis
la nuit des temps par le genre humain, au moyen de méthodes
et de supports
nombreux et divers.
La transmission s’exerce généralement
par l’éducation, le
but poursuivi dans ce cas étant alors avant tout social, de
manière à assurer
la pérennité du groupe.
Dans cette approche sociologique,
il s’agit d’une transmission entre
générations qui équivaut à
la socialisation
de la génération nouvelle et, en même
temps, à la conservation d’une
civilisation.
Le sujet est donc vaste et
passionnant mais pour ma part, je limiterai cette pl\
à la spécificité de la
transmission en F\M\.
Je
ne reviendrai donc pas sur les exégèses
classiques qui traitent des différences
entre formation, éducation, enseignement, etc…
Par contre, je rappellerai que transmettre,
au sens étymologique,
signifie « faire parvenir quelque chose à
quelqu’un » et que, dès
à
présent, il faut souligner la similitude avec
l’étymologie de tradition,
qui signifie « faire passer
à un autre,
remettre ».
De même, ce n’est pas devant
vous, mes SS\
et mes FF\,
que je vais développer les fondamentaux de la F\M\
moderne, ou retracer le
rappel de ses origines.
Partant de là, ma réflexion va se
décliner en deux parties :
- la première partie, rappellera
quelques principes s’articulant autour des questions
suivantes :
- Que
transmettre en F\M\ ?
- Comment
le transmettre, par qui et à qui ?
- la seconde partie mettra en
exergue certains aspects spécifiques de la
méthode employée pour cette
transmission.
I - Rappel des Principes
- Que transmettre en F\
M\ ?
La F\M\
dite spéculative s’est
organisée depuis le début du XVIIIe
siècle, dans un contexte historique anglais
particulier, par et autour de personnes d’origines diverses
qui recherchaient
un espace de liberté pour exprimer leur besoin et donc leur
quête de tolérance
réciproque, de liberté de conscience, et
d’union. C’est dire que de très
nombreux maçons nous ont
précédés
et
qu’ils ont su transmettre...
Au terme de ces trois siècles et
malgré l’évolution du monde
jusqu’à nos jours, nous constatons que les
fondamentaux n’ont pas changé. Ainsi, les points
suivants sont les mêmes :
- Il
nous a été transmis que le chemin Maç\
est initiatique et qu’il nous appartient de
découvrir un peu plus de vérité sur
soi-même.
- Nous
avons été instruits du fait que le travail
n’est jamais terminé, que chaque situation conduit
à la nécessité
d’étudier, de concevoir, de questionner, de
rectifier avec humilité et avec dignité.
- Des
outils nous ont été confiés pour y
parvenir :
- D’une
part, les symboles qui enrichissent la raison pure ;
- Et
d’autre part, le Rituel qui donne l’axe de la
pensée, du corps mais aussi du cœur.
- Enfin,
nos prédécesseurs nous ont également
instruits que la progression est graduelle et que ce n’est
que lorsque les connaissances du degré
précédent sont assimilées
qu’il est possible d’intégrer
à cette assise des connaissances complémentaires.
La progression ne peut s’effectuer que dans la transcendance
de la verticale et l’immanence de l’horizontale.
Ce legs qu’ils nous ont fait au
fil des siècles est cette méthode de
développement de la pensée symbolique
analogique qui, née de l’intuition ou de
l’émotion, a le don
d’entraîner un
foisonnement d’imaginaire créatif, mais toutefois
raisonné. L’acte de bâtir
oblige, en effet, à donner du sens.
Cette pensée symbolique éclot
dans une sphère personnelle, intime et s’affirme
dans la confrontation
fraternelle et collective des idées en loge.
Car c’est en loge que tout
advient. C’est là, où tout est
ordonné, orienté, discriminé. Le
rituel rythme
et ordonne toute chose, constitue un espace d’apprentissage
des liens de soi à
soi, de soi à l’autre, de soi au monde.
Le chemin de l’initiation
maçonnique est donc cette quête de sens, ce
désir de progresser, de comprendre
pour agir au-delà des opinions partisanes, des carcans
sociaux, de la pensée
unique et des poncifs bornés et stériles.
Notre méthode maçonnique
s’inspire de tout cela pour nous permettre de tendre vers
l’idéal que nous nous
sommes librement imposés : le perfectionnement
spirituel, moral et
matériel de l’Humanité.
Cela constitue notre héritage et
c’est ce patrimoine que nous devons transmettre…
- Comment effectuer cette transmission, par qui et
à qui ?
Pour effectuer la transmission,
la F\M\,
se
sert de la Tradition.
La tradition maçonnique présente
la particularité de contenir des valeurs qui affectent,
au-delà de la morale,
une manière d’être intemporelle.
Voilà pourquoi la F\M\
va
rechercher dans un passé mythique et historique une
façon de vivre la
modernité.
Si la tradition maçonnique avait
été comprise comme la tradition d’un
dogme, elle se serait sans doute
révélée
inadaptée à la modernité car le dogme
se retrouve prisonnier du temps et
empêche l’homme d’évoluer.
Par sa conception même de la
Tradition, la F\M\
évite cette pierre d’achoppement : elle
s’affirme adogmatique en se
référant à des archétypes
non définis.
Ce choix entraîne trois
conséquences majeures :
- elle n’impose
jamais le chemin mais se contente de montrer la
direction ;
- tous les principes de la
tradition demeurent susceptibles d’un
enrichissement personnel permanent ;
- la démarche
maç\ se situe dans le
domaine de l’expérience intime, ce qui
explique le caractère fondamental du secret, à ne
pas confondre avec la
discrétion.
La Tradition affirme aussi
l’idéal de fraternité, facteur de
reliance entre tous les initiés.
La fraternité, construite
dignement par la règle et l’équerre,
est autant un mode de communication qu’un
but, un lien horizontal entre les maçons.
Dès les textes les plus anciens,
nos prédécesseurs avaient compris que la
transmission commence à l’initiation
et se poursuit par la formation des App.App\.
Dès l’apprentissage, il faut
avoir conscience que tout ce que l’on apprend, tout ce que
l’on reçoit, devra
un jour être transmis et qu’il faut beaucoup
d’humilité pour recevoir et pour
donner.
Les MM\
ont le devoir de faire
régulièrement le bilan de ce qu’ils ont
semé en L\, mais aussi au dehors,
dans le monde profane, où se passe l’essentiel de
leur vie.
Cependant, ces règles bien
particulières de transmission qui sont les nôtres,
initiatiques et graduelles,
ne sont pas les seules façons de transmettre.
Il faut également transmettre à
nos App.App. et Comp.Comp\
l’enthousiasme, l’envie de s’accomplir,
d’évoluer, de
cheminer et de partager avec d’autres FF\
et SS\.
En tout état de cause, la
transmission de la Tradition suppose, avant tout,
l’exemplarité. La F\M\
permet à l’être de se
réaliser, de devenir ce qu’il est. Et pour que
cette
transformation s’effectue, il faut des exemples vertueux, des
témoignages
vivants de FF\
et de SS\.
L’homme a besoin de modèles, le F\
Maç\ aussi.
II -
Spécificités
de la méthode M\
Après nous être interrogés sur les
principes généraux de la
transmission en F\M\,
rentrons à présent davantage dans le concret.
Les différentes constitutions de nos Ordres et
Obédiences
respectives font toutes référence dans leurs
préambules, ou pour le moins, dans
leurs tous premiers articles, au caractère initiatique de la
M\
et à
une méthode rituelle et symbolique.
Prenons quelques exemples de la spécificité de
notre méthode.
Je vous propose de survoler très sommairement et
très
partiellement trois pistes.
- Première
piste de réflexion : le caractère
initiatique.
- Bien
d’autres sociétés ancestrales ont
utilisé des cérémonies de passage ou
d’intégration sociale.
- Pour notre
part, il s’agit de permettre à un individu en
recherche de se débarrasser du superflu qui
l’encombre pour accéder à la
lumière qui le guidera sur un nouveau chemin dont nous
savons qu’il n’a pas de fin.
- Par
contre, dans tous les cas, l’initiation présuppose
qu’il existe un avant et un après, un
initié et un initiateur.
- Par la
même, seul un initié est apte à
préjuger si un impétrant possède les
qualités nécessaires pour être
initié et poursuivre le plus loin possible son chemin. Nous
sommes donc, par essence, dans une transmission de type vertical,
où seuls les initiés, ou encore
« les sachants », peuvent
décider de l’accès des autres
à chacun des degrés
précédents du parcours initiatique.
- Cela
nécessite de la part du Maît\,
une prise de conscience réelle et profonde de sa
responsabilité lorsqu’il mettra dans les urnes des
boules blanches ou noires.
- Puis-je
proposer untel et est-ce que je m’engage pour lui et avec lui
pour l’accompagner ensuite ?
- Comment
conduire l’entretien avec le postulant, et ensuite, rendre
compte de façon suffisante de l’enquête
que l’on m’a confiée, de
façon à ce que les MM\
qui vont voter soient informés au mieux ?
- Comment
étayer mon jugement sur celui ou celle dont on vient de me
lire les enquêtes et que je viens d’entendre sous
le bandeau ?
- Ici,
il ne s’agit pas de faire passer
« à
l’essai », au risque de créer
des désillusions certaines et probablement de futurs aigris.
- Cette
question est d’autant plus importante lorsqu’il
subsiste un doute en soi. Même en pays de rugby,
là, on ne peut pas taper en touche. La boule est blanche ou
elle est noire, il n’y a pas de boule grise, ici le feu est
vert ou il est rouge, il ne peut pas être orange clignotant.
- Deuxième
piste de réflexion : le symbolisme.
- La F\M\
demeure un des seuls endroits de construction de soi, en dehors de la
religion ou de la psychanalyse. Mais contrairement à ces
deux autres voies, chez nous il s’agit de la construction en
premier lieu de soi, certes, mais aussi de la construction des rapports
humains avec les autres et enfin de la construction d’une
société meilleure.
- La pierre
que nous travaillons, c’est la nôtre et non pas
celle de l’autre. Bien entendu, nous devons toujours garder
à l’esprit que notre pierre devra
s’intégrer dans l’édifice
global et donc qu’il nous faudra toujours tenir compte des
spécificités de l’autre pour parvenir
à la cohésion de l’ensemble.
- En ce
sens, je m’interroge pour savoir si, lorsque qu’un
Maît\, et bien
évidemment en premier lieu le premier ou le second Surv\,
accompagne le travail d’un App\
ou d’un Comp\, le terme
d’instruction est le plus pertinent ?
- Au sens
étymologique, instruire c’était en
premier lieu « assembler, bâtir, dresser,
construire », avant d’avoir
évolué vers « dispenser un
enseignement ». Mais nous ne construisons pas
l’autre ! Celui-ci doit à
l’aide du maillet et du ciseau se façonner
lui-même !
- Par
ailleurs, nous sommes dans le domaine du symbolisme. Or le symbolisme
est, par nature, un champ d’ouverture et de
liberté. Nous sommes, donc bien, dans un système
à l’opposé du dogme et de la
pensée unique.
- Enfin,
la F\M\
n’est pas une secte. Chacun est libre, non pas d’y
entrer mais d’en sortir ou d’avancer à
son propre rythme. La seule condition imposée est
l’assiduité et le travail.
- En
conséquence de tout cela, le Maît\
n’est pas là pour transmettre la bonne parole ou
la seule réponse admissible. Le Maî\
est là en situation
« d’éveilleur » !!!
Il doit accompagner l’App\ et le Comp\
dans leurs recherches, les mettre en situation de découvrir
leurs voies par eux-mêmes. Il doit les inciter à
explorer au maximum les différentes pistes qui
s’ouvrent devant eux.
- Par
contre, le Maît\ devra aussi
être là pour permettre d’analyser la
situation lorsque la voie se sera
révélée sans issue ou que
l’on aura frôlé
le précipice.
- Tout
cela est beaucoup plus exigeant que de simplement
« révéler une
vérité unique ». La F\M\
se vit pour libérer les esprits et non pour les
inféoder.
- Au-delà
de ce questionnement, l’exemplarité du
comportement du M\ au quotidien, en loge
mais aussi dans sa vie profane, est préalable à
toute crédibilité de son discours.
- Pour
paraphraser Claude Lévi-Strauss qui à
dit : « le savant n’est pas
l’homme qui fournit de vraies réponses,
c’est celui qui pose les vraies
questions », nous pourrions dire :
« le Maît\
n’est pas celui qui transmet La Vérité,
mais celui qui ouvre de nouvelles pistes de réflexion
à explorer ».
- Dernière
piste de réflexion : le rituel et les
règles de comportement.
- Quelque
soit la diversité de nos Rites, nous devons tous suivre un
rituel. Le rituel est imposé et, une fois fixé ou
révisé, il ne peut pas être
« bidouillé » selon le
bon vouloir de chacun.
- Là
encore, ceci n’est pas spécifique à la F\M\.
Bien d’autres groupes sociologiques pratiquent des rituels
destinés à établir une
cohésion interne. Tout rituel est une langue
véhiculaire commune et fédératrice
d’un groupe.
- Au
delà d’une simple technique de passage du profane
au sacré, le rituel nous accompagne tout au long de la tenue.
- Son
intérêt tient, entre autre, au fait
qu’il est là !!!, omniprésent,
mais surtout « qu’il a
sens » !!!
Je ne suis pas un convaincu d’un
rituel qui ne serait que
« rabâché par
cœur » sans être
compris. Par contre, je suis un convaincu de la
nécessité incontournable de cet appel permanent
au travail. Ce travail consiste à chaque tenue :
- d’une
part, à décrypter ce livre ouvert sous nos yeux
que sont les symboles qui nous entourent dans le Temple ;
- et,
d’autre part, à retrouver le sens ancestral
profond des mots et de la gestuelle. Ainsi, je suis convaincu de
l’intérêt de retracer et de
ré effacer à chaque
fois le tableau de loge, pour
recréer un espace sacré hors du temps,
même si par commodité on ne fait plus que
dérouler un tapis ou retourner une planche.
- De
même, la symbolique de la construction de nos relations avec
les autres, nous a conduit à formaliser strictement des
règles de prises de paroles et de communication en L\,
basées sur l’écoute, le respect de
l’autre, la maîtrise de ses passions.
Conclusion
Je conclurai simplement en
retenant ceci :
Tout maçon s’est engagé
volontairement en F\M\
pour
servir l’idéal de perfectionnement spirituel et
moral universel qu’elle
propose.
Tout maçon s’est imposé librement
la voie initiatique symbolique pour tendre vers une
amélioration de lui-même et
de l’Humanité.
Tout maçon a, en conséquence, le
devoir de tenir ses engagements, pour lui-même, pour ses FF\
et
SS\
et pour l’Obédience ou l’Ordre auquel il
appartient.
Tout maçon a le devoir d’être le
fidèle garant, pour sa pérennité, de
la Tradition maçonnique et de sa
transmission. Cela exige l’exemplarité toujours
perfectible de son
comportement, dans le temple et au dehors.
J’ai dit.
B\
M\LL\T
Tenue commune des LL\ de
PAU
|