La Loge
est-elle le centre de l'union ?
Prétendre qu'il existe aujourd'hui, quelque
part dans notre monde, un endroit qui serait le CENTRE DE L'UNION
semble être pour le moins illusoire.
Ma réflexion est le fruit de plusieurs
étapes.
La première a été un constat de ce qui
se passait chez nous en loge. Et le plus naturellement notre
procès était nécessaire.
La seconde était la recherche d'une explication
raisonnée de ce que j'avais constaté chez nous.
Le groupe où nous travaillons n'est qu'un groupe d'hommes.
Et aussi le plus naturellement l'analyse sociologique m'a permis de
ramener à un niveau différent les constats de ce
qui se passe chez nous.
La troisième réflexion tournait autour d'une
recherche. Entre le procès et l'analyse il devait exister
quelque chose de plus, que vous m'avez peut-être
communiqué, mais que je n'ai pas pu ou pas su saisir, qui va
au delà de nous et où tous les F\ M\ se
reconnaissent envers et contre tout unis.
Car, nous sommes réunis ensemble et c'est cette loge qui
nous réunis.
La loge est-elle le centre de l'union ?
La première approche est conforme aux
versions initiales des constitutions d'Anderson de 1723. Je cite :
« ...un maçon est
obligé d'obéir à la loi morale... Elle
consiste à être bon, sincère, modeste
et gens d'honneur, par quelque domination, croyance
particulière qu'on puisse être
distingué : d'où il s'en suit que la M\ est le
centre de l'union et le moyen de concilier une sincère
amitié parmi des personnes qui n'auraient jamais pu sans
cela se rendre familières entre elles. »
Autrement dit, cette première approche consiste à
savoir si la loge est un centre de l'union amicale, malgré
la diversité de nos qualités mais grâce
à nos valeurs morales : bons, sincères, modestes
et gens d'honneur. Ce que nous sommes tous...
Mais même, en admettant que la loge soit
réellement le centre de l'union, tel que Anderson la
définit, c'est-à-dire celle de la rencontre, de
l'amitié et de la solidarité pourquoi
être F\ M\ ? De telles amitiés et
solidarités se rencontrent très fortement
ailleurs, dans des clubs, des cercles et associations amicales,
sportives, confessionnelles ou professionnelles, par exemple.
Cependant, au regard de nombreuses constatations, la loge, centre de
l'union et de l'amitié reste encore à
démontrer. Constats de heurts et de conflits,
d'indifférence des uns envers les autres, d'abandon et
d'exclusion, de rivalités, de méfiance et de
jalousie.
Il m'a été dit, lors de mon
initiation au premier degré symbolique : «
ne condamne pas hâtivement ce qui te semble faux ; peut
être n'as-tu point compris ».
Et en effet, je pense :
1° que nous ne devons pas nous reconnaître uniquement
dans ce constat.
2° qu'il existe des preuves de solidarité et
d'amitié, le plus souvent discrètes, pour que ces
conflits et heurts soient secondaires.
3° qu'une loge est une société en
miniature avec une vie groupale. C'est un lieu où les
affinités, les liens et les oppositions éclatent
comme dans tout groupe sociologique.
Et c'est la seconde approche possible. Elle s'organise
autour de la sociologie groupale. Car la loge est un groupe d'hommes.
Ce groupe vit, évolue et crée une
unité variable dans le temps.
La loge est une enveloppe qui tient les hommes que nous sommes,
disparates, individualistes et personnalité unique. Les
structures de la loge doivent maintenir une unité pour la
construction de l'union.
Ainsi, le groupe travaille toujours dans un lieu symboliquement
identique. L'enveloppe du groupe, tournée vers
l'intérieur, s'ouvre et se ferme avec nous dans des horaires
symboliquement constants.
L'enveloppe du groupe oblige au travail commun qui est
très clairement définit par l'article premier de
la Constitution :
« La F\
M\, institution
essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, a pour
objet la recherche de la vérité,
l'étude de la morale et la pratique de la
solidarité ; elle travaille à
l'amélioration matérielle et morale, au
perfectionnement intellectuel et social de l'humanité ».
La perception, la mémoire, les jugements et
raisonnements de nos planches individuelles ou triangulaires
contribuent à la clarification de nos interrogations,
à la préservation de nos valeurs cardinales qui
s'appellent liberté et égalité,
à la mise en commun des enthousiasmes, des
capacités, des volitions vers une ligne commune.
Cette structure de travail empêche tout dogmatisme. Elle
permet l'éclatement de la pensée
indépendante, sans solution arbitraire et sans rapport de
forces.
Nous travaillons tous dans un même laboratoire
d'idées pour l'amélioration de l'homme et la
perfection de la société.
Notre vie de groupe, en loge, serait donc une vie d'entente, de
compréhension, de travail et où nous nous
articulerions les uns aux autres en un tout souple et solide
à la fois.
La loge serait le centre de l'union des hommes qui la compose pour une
œuvre commune, avec un fort sentiment d'appartenance
à un même corps et dont la traduction à
chacun est la solidarité.
Comme pour la loge, centre de l'union amicale des individus, la
réalité de la loge, centre de l'union progressive
est très éloignée de cette image
idéale.
Si nous avons un sentiment d'unité, si nous
ressentons une appartenance commune, si nous pouvons
prétendre à l'unité de corps pourquoi
alors tant d'absences, voire tant de défections ? Manquer
une réunion, voire plusieurs, c'est évidemment
passer à côté du travail collectif.
C'est se couper un peu d'abord puis beaucoup du reste du groupe. Les
absents deviennent des étrangers.
Et pourtant, présents ou absents, actifs ou passifs, ces
hommes gardent très fortement leur appartenance à
la F\M\. Alors, pourquoi l'oubli de la loge ?
Si nous œuvrons tous à un
idéal commun de perfection, pourquoi nos divisions et nos
morcellements ?
Comment expliquer, que le groupe que constitue la loge, qui devrait
orienter l'union, éclate et se disperse ?
Les structures seraient-elles en cause ? Je ne le pense pas.
La loge possède une trame de règlement et un
rituel plus ou moins tolérés ou
contestés mais toujours acceptés car elle tient
les hommes en leurs grades et qualités et fait durer la loge
quand sa vie intérieure s'affaiblit ou défaille.
Le travail est-il en cause ? Je ne pense pas non plus.
La loge n'est pas un centre de travail passif. C'est un chantier en
perpétuelle évolution.
Les sujets traités doivent, bien entendu, être
intéressants.
La qualité des planches est certes importante.
Mais c'est surtout par la qualité de leur
perception par l'ensemble, c'est surtout par l'importance des
réactions, par la pertinence des questions, c'est par la
justesse des réponses et par la valeur
équilibrante de la synthèse qu'une loge s'affirme
dans l'union du travail.
C'est peut-être là que le bât blesse,
car il ne se dégage pas toujours une certitude dans le
devenir du travail commun.
A la limite, cela peut être secondaire, parce que le travail
en loge a pour but de réunir ce qui est épars en
dehors même des thèmes de réflexion ou
de l'action, de réunir ce qui est épars en dehors
du temps et de l'espace.
Les hommes sont-ils en cause ? C'est la principale
interrogation.
L'idée que la loge est une association où
l'individu entrerait volontairement dans un but
déterminé, comme par contrat, est une
idée fausse. De plus, que nous participons tous, comme un
seul homme, au travail commun est aussi une idée fausse.
Trois principes sont nécessaires pour le bon
fonctionnement humain du groupe : l'intégration, la
cohésion et l'adaptation.
Les hommes de la loge passent tous par le même circuit de
recrutement selon des règles clairement définies
par Anderson. Leur intégration concerne les uns et les
autres. Chacun d'entre nous, et plus particulièrement le
néophyte, ne se sent pleinement membre de la loge que si
tous les autres membres lui auront fait prendre conscience de son
appartenance physique, morale et psychologique à la loge.
L'intégration des uns passe par le contact avec les autres,
contact ressenti comme un engagement. C'est la capacité de
chacun à accepter l'autre.
Et je nous interroge sur capacité.
La cohésion est nécessaire pour
mêler les hommes de trois, cinq et sept ans. Elle est
nécessaire pour mêler des hommes de
cœur, de tête et de métaux
différents. Elle permet la mise en œuvre de tous
les moyens pour qu'un esprit de corps se développe par
étape et s'impose à tous, en même temps
que tous participent au patrimoine commun.
Elle est la capacité des hommes à contribuer
à l'union.
L'adaptation est la capacité des hommes à
résister aux événements sociologiques.
La loge, société en miniature,
donc union d'hommes en nombre limité, implique tous les
phénomènes sociaux à son
échelle, phénomènes complexes voire
contradictoires.
Ainsi l'exercice de l'autorité implique son organisation
acceptée par tous, tout comme la mise en cause de cette
autorité. A la hiérarchie, aux grades et
qualités s'opposent les clans et l'esprit de caste. L'esprit
de corps et d'appartenance à un ensemble suscite la rupture
et la scission. Il apparaît des conflits entre les
nécessités générales et la
préservation des particularismes. Il y a
hésitation entre la tolérance et l'ostracisme ;
résistance au changement et au sang neuf des admissions
nouvelles.
Le moral du groupe, le climat de la loge et
l'unité collective varient.
Comme l'union, qui exprime des relations résultant d'un
processus convergent des hommes, les conflits participent aussi
à la vie de l'ensemble. Ces conflits sont
nécessaires pour permettre au groupe de franchir un nouveau
palier vers l'union.
Cette seconde analyse exprime une parallèle entre les
convergences et les divergences dans un groupe d'hommes. Toutes les
deux sont nécessaires pour faire avancer les choses. L'union
facilite le travail mais les conflits sont l'antithèse qui
appelle la réflexion. Ce sont les « nourritures
terrestres »
du groupe.
Il faut cependant que la force émotionnelle
des conflits ne soit pas supérieure à la force
d'intégration et de cohésion du groupe sous peine
d'éclatement.
Union et conflit permettent la mise en commun des émotions
aussi bien convergentes que divergentes créant une variable
psychologique.
Tantôt elle est forte. Les structures, le travail et les
hommes sont en concordance. La loge est unie.
Parfois, comme nous pouvons peut-être le percevoir chez nous,
cette unité psychologique est affaiblie. Les structures
tiennent, le travail et surtout les hommes faiblissent, le moral est
bas, les tensions fortes.
La force du groupe, notre force, se définira
par sa capacité à surmonter les conflits,
à en tirer parti et à repartir vers d'autres
unions et d'autres conflits. La force du groupe est de savoir
relativiser et de s'adapter.
Les groupes que je viens d'analyser ne sont que la forme brute d'une
réunion d'hommes dont l'unité n'est que virtuelle
et qui foisonnent dans le monde profane.
Le monde est rempli d'amis chaleureux. Le monde est rempli de groupes
solidaires, d'associations philosophiques, philanthropiques ou
militantes. Le monde est rempli de sectes et d'obédiences.
Une dimension différente intéresse les hommes de
la loge. Et c'est le troisième volet de ma
réflexion.
La loge comprend des hommes dont les
différences, loin de susciter les antagonismes appellent une
étroite solidarité. L'unité de toutes
ces différences tient à ce qu'un même
esprit les anime : c'est l'esprit de la M\. La loge,
constituée d'hommes est une totalité. Un tout
différent de la somme de ses parties. Chacun de ces hommes
est le représentant, malgré ses particularismes
et en dehors d'eux, de l'essence de la loge. Ils se reconnaissent en
plus des liens indissolubles.
Ce sont des frères.
La loge est la base fondamentale et unique sur laquelle repose la F\ M\.
La loge est un foyer spirituel dont les outils
permettent l'élévation par un travail qui est le
fruit d'une tradition opérative enrichit des multiples
branches spéculatives.
Le symbolisme, premier des outils, intéresse la Loge, le
Centre et l'Union.
La Loge, souveraineté spirituelle, trois
la dirigent, cinq l'éclairent, sept la rendent juste et
parfaite, ouvre la voie de la connaissance qui s'effectue
dans une trace à la fois personnelle, et c'est l'esprit
initiatique et à la fois collective et c'est la
fraternité.
La loge est le centre de ces idéaux.
Symboliquement, elle est le lieu où la Lumière
naît d'elle même. Les initiés sont les
témoins de cette naissance, et les MM\, chercheurs de la
vérité et de la lumière, sont les
gardiens de la pérennité de la pensée
humaine.
La Montagne sacrée où se
rencontrent le Ciel et la Terre qui représente le monde
profane, se trouve au centre du monde. Tout Temple est une Montagne
sacrée donc Centre.
La voie de la connaissance, en terme de Lumière que seule
l'initiation peut donner a pour objectif la recherche du Centre.
Car à côté de tous les
excès, il y a un point où se résorbent
toues les forces antagonistes. En ce Centre se concilient et se
résolvent toutes les oppositions et tous les conflits. Tous
le cercles des choses connues, tous les cercles des dits et des
écrits, tous les cercles des destinées peuvent
être concentriques et par conséquent avoir le
même Centre. Chaque Loge par les qualités et les
grades de ses M\ a son propre Centre.
La convergence des esprits vers un Centre permet la
plénitude de la Vie et de l'Action. Selon les uns il s'agira
de spiritualité, selon les autres d'Utopie.
Le troisième élément symbolique
intéresse l'Union. La tradition Egyptienne d'Isis
rassemblant les membres épars d'Osiris est à la
base du premier devoir du M\.
Anderson a su exprimer ce besoin de rassemblement : « La
F\ M\
est au centre de l'Union vers laquelle tous les Hommes peuvent
converger sans pour cela renoncer à aucune de leur foi
particulière. »
Toutes les individualités représentent une partie
de l'Humanité. En Loge, l'Homme est une entité
différente du tout et il doit s'intégrer dans un
tout où passé, présent et futur se
confondent.
Chaque homme a sa vie intérieure, celle de
l'âme, du cœur et de l'intelligence, Il
représente l'Unité de l'Espèce,
unité qui évolue, qui change. Et c'est pourquoi
l'Egrégore est difficile à avoir et constitue la
marche et le travail de tout instant.
Le mouvement vers le centre implique aussi le mouvement qui l'en
éloigne. La Montagne sacrée, le Temple et la Loge
sont autant de centres de ralliement que de départ de
départ. Le centre est le lieu où renaît
l'espoir, où se construit le cœur et
l'intelligence et d'où part le devenir.
Et voilà pourquoi toutes nos divisions et
conflits restent dérisoires en regard de
l'Egrégore, car comme l'écrit J.P.BAYARD
« l'homme est supra-individuel ».
L'Egrégore c'est la force de cohésion qui unit
dans un groupe humain les membres qui la composent : 1e rassemblement
d'idées terrestres constitue l'unité
hiérarchisée.
C'est une somme de pensées humaines accumulées
dans un but précis matérialisé :
c’est la chaîne d'Union.
Le fondement des rapports humains en loge est la liberté
guidée.
Petit à petit, au sortir des ténèbres
du cabinet de réflexion, il reçoit la
lumière. Le nouveau F\ s'ouvre à son rythme mais
son aspiration, son ascension, est enchaînée
à l'évolution spirituelle de l'ensemble de la
loge.
Aucun d'entre nous ne peut entrer d'emblée au cœur
de la loge. L'homme extérieur que nous sommes chacun d'entre
nous, avance selon son tempérament et selon sa construction
intérieure.
C'est pourquoi il y a diversité.
L'activité spirituelle demande le temps de la
réalisation intérieure. Vous le savez, nous
sommes des pierres brutes, chacun en ses grades et qualités,
Le travail en loge a pour but aussi le polissage commun des pierres,
polissage harmonieux pour la compréhension de nos
personnalités individuelles ou collectives
L'atmosphère de la loge doit permettre la remise en question
de l'homme extérieur. On va de l'extérieure vers
l'intérieur tout comme la pensée progresse du
pourtour, vers le centre qui se réduit en un point
où s'identifie le divin pour certain, le G\A\D\L'U\ pour
d'autres ou encore tout simplement l'Homme, C'est la loge qui provoque
l'Egrégore, le climat propre à
l'évolution spirituelle.
La spiritualité est Universelle. Elle touche
tous les êtres car elle « elle
commence, en l'homme, où la lumière de
l'intelligence et de la réflexion commencent à
poindre. » (Littré)
Finalement, la démarche du F\ M\ est une quête
humaniste.
La spiritualité communiquée à nos
vies, nous acheminera vers l'harmonie, la conscience de l'homme unique
et la solidarité collective.
La F\ Maç\ est une école car elle permet la
maîtrise des passions, de se dominer et de respecter autrui.
L'homme intérieur qui renaît
à la lumière spirituelle se situe au centre de la
loge, lieu où tous les états se concentrent et se
réalisent.
Grâce à son travail effectué dans le
centre, le F\ M\, est bien le citoyen de l'Univers.
La loge est alors le Centre de l'Union.
« Etre F\
M\ c'est le devenir ».
J'ai dit…
S\ K\
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