GODF | Loge : L’Intime Fraternite - Orient de Tulle | 09/10/1999 |
L’Eau,
enjeu du 21ème Siècle
Vouloir
évoquer
l’eau dans une loge maçonnique peut se concevoir
en terme de symbolisme, cet
élément naturel étant largement
présent dans notre corpus rituel comme dans nos
pratiques initiatiques. Ce n’est pourtant pas sous cet angle
que j’ai envisagé
cette planche mais sous un contenu socio-économique ou
socio- écologique.
L’idée de ce thème résulte
de quelques lectures dont la teneur m’a interpellé
et qu’il m’a paru intéressant de vous
faire partager. Il s’agit donc d’une
juxtaposition de quelques données
générales et cette planche n’a pas la
prétention d’aborder le problème dans
sa totalité ce qui nécessiterait des
connaissances que je ne possède pas.
En
introduction, il
convient de signaler combien l’eau est un
élément hautement paradoxal, et, ce,
à plusieurs titres. Le
premier de ces
paradoxes réside dans le fait que l’eau est
à la fois un composant majeur de la
planète et qu’il présente un
caractère de rareté évident. Cette
rareté pouvant
même aller jusqu'à l’absence totale.
Actuellement 450 millions de personnes
manquent d’eau, il y en aurait même 2,5 milliards
en 2025. Apparaît
ainsi un
deuxième paradoxe : celui de l’abondance apparente
et de l’inégalité de la
répartition d’une part, de la consommation
d’autre part. L’inégalité de
la
répartition est bien connue entre les zones très
humides et celles considérées
comme arides ou hyperarides. On remarque d’ailleurs que le
sous-développement
correspond souvent aux situations hydriques extrêmes - trop
ou très peu.
Cette
inégalité de consommation ne cesse en outre de
grandir. Depuis le début
du siècle les besoins en eau ont été
multipliés par 7 alors que la population a
seulement doublé. Les pays riches voient se
développer une offre de confort
(piscines, jardins, golfs....) alors que les pays pauvres peinent
à satisfaire
les besoins élémentaires de leur population. On
verra plus loin que d’autres
considérations peuvent aggraver ces disparités.
Troisième
paradoxe :
l’eau apporte tout à la fois la vie et la mort. Ce
paradoxe est connu et il est
souvent spectaculaire. Il est en tout cas permanent et
présent dans la
conscience humaine comme en témoigne les mythes des
déluges et engloutissements
purificateurs. L’eau,
massive et
rare, vitale et mortelle, a toujours été un enjeu
de société. Elle le demeure
et, sans doute même, est-il de grandeur croissante. Pourquoi ? La
mise à
disposition de l’eau pour l’homme
génère des coûts directs et indirects
croissants. Il faut soit stocker, soit capter en profondeur, soit
pomper et de
plus en plus purifier. Même l’usage non humain,
l’irrigation ou l’industrie
réclament des quantités croissantes. On comprend
bien alors que cette exigence
technique pourra augmenter les inégalités entre
les pays riches et pays
pauvres. L’eau va donc devenir de plus en plus
chère même si l’on fait
abstraction de la part de profit que cherchent à
réaliser les grandes sociétés
distributrices à l’échelon mondial. Si
le prélèvement
provoque cette croissance du coût, le rejet est
également une source de
renchérissement peut-être plus importante encore.
Dans nos pays tempérés, à
structure hydrologique équilibrée, le
coût du traitement après usage dépasse
déjà le coût de production. Il faut
donc s’attendre, là encore, à une cause
de
renchérissement de l’eau. On estime,
qu’à l’heure actuelle,
l’assainissement
des eaux usées ne concerne que 50 % de la population
urbanisée. La moitié de la
population des pays en voie de développement souffre de
maladies endémiques
liées à l’eau. Dès
le début du 21ième siècle, 50% de la
population vivra dans les villes. Une
part croissante, 10% environ, se concentrera dans d’immenses
mégalopoles de
plus de 10 millions d’habitants. C’est pour ces
mégalopoles que se pose avec le
plus d’acuité les questions d’eau
potable et d’assainissement, problèmes encore
exacerbés dans les quartiers
défavorisés. Il
va donc falloir
consacrer des sommes croissantes au cycle humain de l’eau
mais ce serait sans
doute une erreur que de tenter de résoudre le
problème par une augmentation
continue de la production... Il faut aussi songer aux
économies. Si
l’on veut
reprendre le slogan souvent utilisé pour
l’énergie, on peut dire que les
économies d’eau constituent le meilleur gisement
de cet élément. Soyons clairs,
on ne peut parler d’économies
qu’à partir d’un certain niveau de
satisfactions
des besoins. Malgré tout, il convient dans une approche
nouvelle, de faire
cohabiter amélioration de la distribution et recherche des
techniques économes.
Et pourquoi ne pas concevoir que les pays en voie de
développement fasse
d’emblée l’économie de la
phase de gaspillage que nous connaissons dans nos
pays développés. Il conviendrait de mettre en
place des réseaux à la fois
modernes et entrant dans la conception de ce qu’on appelle le
développement
durable. Les
travaux de la
Commission du Développement Durable de la
Méditerranée ont montré
qu’une action
volontaire de lutte contre les gaspillages permettait de
dégager des volumes
d’eaux susceptibles de faire face à
l’essentiel des nouveaux besoins à
l’horizon de 25 ans. De
nombreux ouvrages
sont en chantier ou récemment construits visant à
la production d’électricité.
On dénombre actuellement 170 grands systèmes de
régulation en construction.
Certains sont parfois gigantesques comme le barrage des trois gorges en
Chine
sur le Yangsi Jiang, l’aménagement du bassin de la
Narmada au nord de l’Inde,
l’aménagement d’Anatolie en Turquie. Au
Paraguay, l’utilisation des chute
d’Igassu représente un potentiel
énergétique alternatif à la
création de
plusieurs centrales thermiques ou nucléaires. Il faut
signaler ici que la
réalisation de ces ouvrages gigantesques rencontre de plus
en plus l’opposition
des populations locales. Evidemment, l’opposition est surtout
organisée dans
les pays riches où les meilleurs sites sont
déjà occupés. L’irrigation
agricole représente 70% de ce
prélèvement. La progression est très
importante
comme en témoignent ces quelques chiffres :
Cet
usage a une
efficience très faible et conduit à des
gaspillages importants. L’introduction
de techniques remplaçants les systèmes
traditionnels par submersion pourrait
entraîner des gains de l’ordre de 20% (aspersion,
goutte à goutte). De même,
l’introduction de nouvelles façons culturales dans
les pays à handicap de
sécheresse constitue une piste d’action. En
résumé, il faut
être convaincu que le problème de l’eau
doit être abordé d’une façon
globale,
complexe. Il ne peut se réduire à une
mobilisation croissante de la ressource.
Il doit intégrer la recherche systématique
d’économies, se préoccuper des
questions d’environnement et, bien sûr, placer cet
ensemble dans son contexte
social et humain. Une telle approche, si elle nous paraît
évidente est loin
d’être perçue par les populations en
proie au manque d’eau. Comme on le sait,
les préoccupations environnementales sont un souci de
riches. L’action à
entreprendre est, de ce fait, elle-même également
globale : financière,
sociale, culturelle. Une
telle
problématique pourrait constituer le contenu d’une
autre planche. Je me
bornerai à énoncer quelques-unes des questions
principales. Vient
alors une
autre question : Quelle sera l’origine de ces fonds
nécessaires ? Quel sera le
mode de gestion sachant que dans ce domaine l’amortissement
des installations
ne peut se concevoir que sur une longue période ? Va-t-on
faire de l’eau un
produit soumis aux lois du marché et donc confier les
investissements aux
groupes financiers existants ou à venir ? On voit bien que
ceux-ci conduisent
actuellement des opérations de rachat et de fusion
à l’échelle internationale.
Ou bien va-t-on, à l’opposé, rester
dans une conception de service public ? Les
solutions les
plus durables sont donc celles qui sont le plus
intégrées mais qui sont aussi
internationalisées. Il faut en effet installer une gestion
par bassin
hydrographique, or ces bassins ignorent, en bien des
régions, les frontières
des états. Tous les pays n’ont pas des
rivières du type Loire ou Seine dont le
cours est totalement contenu dans un état. Il
faut s’entendre
pour gérer le Rhin, les fleuves africains ou ceux du Moyen
et Proche Orient.
Dans cette dernière région on connaît
le contenu politique de l’utilisation de
l’eau du Jourdain, de l’Euphrate ou du Nil.
L’eau peut devenir une arme ou tout
au moins un moyen de pression qu’Israël ou la
Turquie savent bien utiliser. En
conclusion, il
existe peut-être une amorce d’action à
l’échelon international. Il y a plus
d’un an s’est tenue à Paris la
conférence internationale sur l’eau et le
développement durable. A côté
d’organisations institutionnelles, d’O.N.G., on
comptait 85 états dont 60 représentés
par un ministre. Un nouveau rendez-vous
pour l’an prochain aux Pays Bas. Bien sûr il faut
se garder de tout angélisme
en ce domaine mais il me semble qu’il y a là un
champ d’action humanitaire
énorme qui ne peut laisser indifférents les
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