Le
Labyrinthe
Planche
du Frère Orateur
Selon son étymologie, le mot
Labyrinthe (du latin
labitinthus, du grec laburinthos) désigne, au XVe
siècle, « un bâtiment
dont l’issue est difficile à
trouver ». Peut-être, mais qu’il
s’agisse
d'un bâtiment ou d’un simple tracé, ce
qui importe le plus n’est pas d’y
pénétrer, mais de découvrir
l’issue et le plus juste moyen d’en sortir.
Comme tout autre
symbole, le Labyrinthe est né de
l’imagination humaine. Il tente d’exprimer
l’inexprimable auquel se heurte le
monde des mots, face au mystère que pose tant le visible que
l’Invisible.
Le Labyrinthe peut
être rapproché de
l’organisation complexe des mythes et des arcanes. On
pourrait dire qu’il
représente la somme, car la tradition peut être
labyrinthique. Elle comporte
volontairement, du moins le semble-t-il, des zones d’ombres
propres à égarer
ceux qui manquent de perspicacité, d’intuition,
voir simplement de ténacité et
d’audace.
La notion de
Labyrinthe a pu être aussi suscitée
par l’obsession de sortir de tout lieu où
l’on se trouve pris dans un écheveau
de voies diverses, et dont aucune ne conduit apparemment à
une issue. Quoi
qu’il en soit, le Labyrinthe implique la
nécessité et l’obligation de
découvrir
une secrète issue.
L’homme
désire toujours sortir, ne serrait-ce que
de sa condition, pour découvrir la vision d'un autre monde.
Celui que projette
l’esprit du chercheur, du quêteur qui gît
au plus profond de son être.
Le mot suggère
également l’idée d’une
certaine
complexité. Complexité de lignes – de
méandres – pluralités de cheminements
possibles. Comment faire un choix ? Faut–il tout
expérimenter ? Le
premier Labyrinthe que tout homme rencontre est sa pensée.
Elle fourmille
d’idées, d’images, mais le lien
susceptible de les unir est parfois bien
difficile à saisir.
C’est
peut-être là qu’intervient la
nécessité de
découvrir un fil, qu’il soit d’Ariane ou
de tout autre guide. Lui seul permet
en effet de se retrouver dans l’enchevêtrement des
voies qui se présentent, et
d’échapper au piège que nous dressons
parfois devant nous-mêmes. Le problème
est de savoir créer le fil,
son fil, celui du raisonnement
intuitif
personnel.
Les circonvolutions
du cerveau humain évoquent
une sorte de Labyrinthe. En anatomie, le mot désigne
l’ensemble des parties qui
composent l’oreille interne. On peut dès lors
imaginer que l’un des moyens de
cheminer vers l’issue secrète réside
dans la faculté de maîtriser
l'entendement. Autrement dit, dans la faculté
d’établir une juste perception.
Une façon de naître par l’oreille
chère à Rabelais.
Le Labyrinthe est
lié aussi à la notion de mystère,
de message caché qu’il faut découvrit
au prix de nombreuses errances. Il
éveille la curiosité quelles que soient les
difficultés de parcours présentées
par la multiplicité de ses arcanes.
Il est
aisé de dire ou de suggérer, que de toute
façon, il comporte une entrée et une sortie. En
revanche, il est moins aisé de
déterminer si toutes deux ne se confondraient pas en une
seule porte. Une porte
qui, paradoxalement, serait duelle.
En admettant
qu’il en soit ainsi, la lecture de
cette porte unique ne varie-t-elle pas selon le sens du
parcours ? Sens
étant ici entendu à la fois comme signification
et comme direction.
C'est-à-dire selon que l’on prend pour guide la
satisfaction de la curiosité ou
la volonté de la Connaissance.
Corrélativement,
l’être qui parvient à sortir
est-il demeuré de même nature que celui qui
était entré ? Dans
l’affirmative, il semble bien que le voyage ait
été inutile. En effet, ou le
Labyrinthe usurpait son nom, ou son message n’a pas
été lu et entendu par le
voyageur.
Autre problème, si la
possession s’effectue
horizontalement depuis l’entrée, la voie de sortie
ne peut-elle être conçue
selon la verticalité ? D’où
l’idée que la raison d’être du
labyrinthe est
de conduire à une possible élévation
de l’esprit, à une possible modification
spirituelle de l'être. N’est-ce-pas ce que propose
clairement le mythe de
Dédale ? Alors que le mythe de
Thésée maintiendrait plutôt
l’être sur le
plan horizontal. Certes, il a tué le monstre
(peut-être une part de lui-même),
mais il n’a pas modifié la voie
indiquée par le fil. Il sort par la porte
d'entrée. Il n’a fait qu’une
expérience suivie d’un retour en
arrière. Ariane
lui a donné le fil qui ne devait conduire
qu’à un retour vers une Ariane
désirant le garder à ses
côtés et en son monde.
L’enseignement,
résultant de cela, est que si
l’on croit à l’indispensable
présence d’un guide, est-il raisonnable, si
surprenant que l’idée puisse paraître,
d’en accepter un autre que celui que
l’on aurait su créer soi-même ?
Il convient d’être attentif sur ce point
particulier, car il semble bien que le psychanalyste ou le gourou ne
sont en
fait que des guides qui proposent leur
fil repère. Ce qui est totalement
étranger à un véritable engagement
dans
une quête initiatique.
Le Labyrinthe peut
comporter des impasses,
réelles ou apparentes, des obligations de retour sur ses
pas, sur une voie
maintes et maintes fois parcourue (au moins partiellement). Faut-il le
déplorer
ou y voir plutôt l’occasion
inespérée d’approfondir, de
réviser sa
pensée ? Les subtils méandres ou les
diverses pièces du Labyrinthe peuvent
en effet présenter des lieux de réflexion
nécessitant un arrêt, un temps de
repos méditatif. Ils peuvent être des lieux
d'enseignement. Mais, là encore, il
n’est d’enseignement véritable que celui
qui résulte d’une réflexion,
d’une
inlassable quête personnelle. Encore une fois, gardons-nous
d’adopter des
doctrines.
La forme particulière
revêtue par chaque
Labyrinthe
peut avoir une précieuse signification. La forme
géométrique telle que le
cercle, le carré ou la spirale, et leurs
développements,
peut être une source
d’inspiration. Il ne s’agit pas de
tracés ou de
dessins imaginaires, mais de
tracés répondant aux lois de création
et
intégrant, dans la quête du sens de la
démarche, l'épreuve de l’inconnu.
C’est-à-dire l’épreuve de la
découverte du
centre immuable de toute chose, de la fin absolue du chemin par la
connaissance
possible de l’Etre.
Si le Labyrinthe est
circulaire, peut-être
faut-il le relier au monde de la spiritualité, de
l’infini, de tous les
possibles. S’il est carré, peut-être
faut-il le relier au monde de la
manifestation. Au monde formulé, mais dont on ne
possède pas cependant la clef,
bien que y nous soyons immergés, bon gré, mal
gré.
Il est des
Labyrinthes créateurs, mais il est
aussi des Labyrinthes doctrinaires : ceux qui constituent,
d’une certaine
manière, diverses organisations initiatiques, religieuses,
philosophiques ou
sectaires.
Nous pouvons
proposer le Labyrinthe comme étant
l’une des représentations
géométriques de
l’initiation. Dans ce sens, il peut
évoquer la causalité de l’homme dans
son aspect le plus individuel et dans sa construction collective et
universelle, autrement dit dans sa faculté consciente
d’intégration à la
Création.
En fait, le
Labyrinthe exprime un parcours vers
un centre, supposé ou réel, mais de toute
façon inconnu du voyageur. Il en
appelle à ses sens perceptifs pour lui imposer un chemin. On
serait tenté de
délimiter le parcours du Labyrinthe à un
cheminement allant de son entrée
(naissance) jusqu’à son centre (mort).
Mais il
suggère plutôt un continuum,
c’est-à-dire
un mouvement perpétuel qui peut être
rattaché au temps (car rattaché à
l’espace) ce Labyrinthe devient alors tout simplement
principe de Vie.
Le Labyrinthe
propose un voyage symbolique pour
le quêteur. Il lui propose le voyage,
en d'autres termes la mise en mouvement d’une recherche
intérieure (c’est la
raison pour laquelle un Labyrinthe est toujours caché ou
enfoui en chacun de
nous). Il est une incitation, à travers le long chemin qui
emmène vers un centre
(et non au centre).
Ce voyage est une
mise en mouvement, une façon de
scander le rythme de Vie. Appel et proposition pour un voyage qui peut
être
immobile en apparence, mais qui implique un parcours dont on ne
connaît pas le
but.
Mais y a-il un
but ? Le centre n’est pas un
but, mais un appel au retour, au témoignage.
L'être qui parvient au centre
croit se confondre dans ce centre et donc disparaître ou
alors faire
disparaître le Labyrinthe. Le voyageur s’enrichit
de bagages qu’il rencontre au
cours de ses pérégrinations. Doit-il les
conserver ?
Le chemin est un
repérage dans la diversité de
propositions nouvelles que le voyageur reçoit en permanence.
Il en tire des
informations pour se guider, s’orienter
vers un orient immuable et sensible dont il a la prescience.
Le chemin est une
sorte de cordelette, de corde
dont les nœuds sont des portes à franchir. La
corde s’étire selon les lois de
la Vie, dès lors le voyageur ne peut choisir
d’autre chemin que celui que lui
impose le soudain éveil de sa perception. Le Labyrinthe
n’est pas un piège
conçu pour s’égarer, il est
là pour diriger les pas vers ce qui est juste. Il
ne représente pas des fausses pistes, il est
l’itinéraire de la rectification
permanente de l’être pris dans ses
égarements ou son destin mal maîtrisé.
Il propose une sorte de
« moule » du
voyage exemplaire et une carte, de libres lectures, d’un
chemin à la hauteur de
ses ambitions les plus justes.
Le Labyrinthe est
une grille initiatique que
l’on compare avec sa propre empreinte
personnelle. Il instaure alors un itinéraire de conscience
qui offre le moyen
de pénétrer la profondeur de notre monde, de
s’y plonger puis d’en sortir afin
d’accomplir selon les lois sa propre destinée.
C’est
ainsi que le Labyrinthe est aussi une règle
de Vie. Non pas une règle comme
des hommes peuvent en établir à leur guise, mais
comme un juste rappel
permanent de notre accomplissement du devoir.
Ceux qui travaillent
les plans initiatiques, à
partir de rituels ou d’organisations
cérémonieuses, devraient réhabiliter
un tel
symbole. D’une richesse secrète
évidente, source d’une naissance permanente
dans la conciliation de l’individu : le
Un du cosmos et le multiple du Tout. Le fil
d’Ariane est en réalité un
tracé conçu par les Anciens. Toutefois, il ne
s’agit pas d’une transmission,
mais d’une proposition-témoignage.
On peut y
déceler le thème du mariage, ou celui
du combat avec soi-même (le Minotaure, l'Hydre) ou encore
celui de la rencontre
de l’inconnu (de l’autre qui est en fait
nous-mêmes), celui de la connaissance
des ténèbres (ou du monde souterrain), pour y
trouver son contraire : la
Lumière.
Le Labyrinthe est un
révélateur. Celui qui nous
offre la capacité de nous construire selon l'enseignement
géométrique. Il faut
apprendre à reconnaître cet ordonnancement
inconnu. On peut se demander si les
cinq polyèdres ne sont pas une proposition
labyrinthique ?
Il est une
géométrie sidérale qui manifeste,
à
tous ceux qui le souhaitent, une entrée permanente dans le
mystère. Cette
entrée du Labyrinthe n’est pas cachée,
mais elle n’a de signification que par
rapport à celle du centre.
Le Labyrinthe peut
exprimer également
l’expérimentation (Labyrinthe = Laboratoire). Il
ne peut y avoir de retour en
arrière. Chaque avancée détruit la
précédente. Ce symbole
pousse l'impétrant à avancer de nouveau,
à parcourir la voie et donc à se
mettre en mouvement permanent. Car on ne peut rester statique.
C’est pour cela
que vivre le Labyrinthe en conscience, c’est
décider de mourir. Mourir à
soi-même, mourir aux faux chemins, à
l’apparence des êtres et des choses.
C’est
accepter de pénétrer dans un processus
éternel.
Bien sûr, comme tout symbole,
le Labyrinthe est
avant tout un prétexte pour suggérer, proposer
d’autres ouvertures sur d’autres
modes de pensée qu’une simple étude
mentale ne peut révéler. Il a la richesse
de son propre chemin. C’est pourquoi chaque symbole peut
être vu comme un
Labyrinthe.
Jean-Claude
von L\
Carré labyrinthique sans et avec numéro
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