GLSA Loge : Fidélité et Prudence - Orient de Genève - Suisse 03/03/2005


Le Labyrinthe

Planche du Frère Orateur 

Selon son étymologie, le mot Labyrinthe (du latin labitinthus, du grec laburinthos) désigne, au XVe siècle, « un bâtiment dont l’issue est difficile à trouver ». Peut-être, mais qu’il s’agisse d'un bâtiment ou d’un simple tracé, ce qui importe le plus n’est pas d’y pénétrer, mais de découvrir l’issue et le plus juste moyen d’en sortir.

Comme tout autre symbole, le Labyrinthe est né de l’imagination humaine. Il tente d’exprimer l’inexprimable auquel se heurte le monde des mots, face au mystère que pose tant le visible que l’Invisible.

Le Labyrinthe peut être rapproché de l’organisation complexe des mythes et des arcanes. On pourrait dire qu’il représente la somme, car la tradition peut être labyrinthique. Elle comporte volontairement, du moins le semble-t-il, des zones d’ombres propres à égarer ceux qui manquent de perspicacité, d’intuition, voir simplement de ténacité et d’audace.

La notion de Labyrinthe a pu être aussi suscitée par l’obsession de sortir de tout lieu où l’on se trouve pris dans un écheveau de voies diverses, et dont aucune ne conduit apparemment à une issue. Quoi qu’il en soit, le Labyrinthe implique la nécessité et l’obligation de découvrir une secrète issue.

L’homme désire toujours sortir, ne serrait-ce que de sa condition, pour découvrir la vision d'un autre monde. Celui que projette l’esprit du chercheur, du quêteur qui gît au plus profond de son être.

Le mot suggère également l’idée d’une certaine complexité. Complexité de lignes – de méandres – pluralités de cheminements possibles. Comment faire un choix ? Faut–il tout expérimenter ? Le premier Labyrinthe que tout homme rencontre est sa pensée. Elle fourmille d’idées, d’images, mais le lien susceptible de les unir est parfois bien difficile à saisir.

C’est peut-être là qu’intervient la nécessité de découvrir un fil, qu’il soit d’Ariane ou de tout autre guide. Lui seul permet en effet de se retrouver dans l’enchevêtrement des voies qui se présentent, et d’échapper au piège que nous dressons parfois devant nous-mêmes. Le problème est de savoir créer le fil, son fil, celui du raisonnement intuitif personnel.

Les circonvolutions du cerveau humain évoquent une sorte de Labyrinthe. En anatomie, le mot désigne l’ensemble des parties qui composent l’oreille interne. On peut dès lors imaginer que l’un des moyens de cheminer vers l’issue secrète réside dans la faculté de maîtriser l'entendement. Autrement dit, dans la faculté d’établir une juste perception. Une façon de naître par l’oreille chère à Rabelais.

Le Labyrinthe est lié aussi à la notion de mystère, de message caché qu’il faut découvrit au prix de nombreuses errances. Il éveille la curiosité quelles que soient les difficultés de parcours présentées par la multiplicité de ses arcanes.

Il est aisé de dire ou de suggérer, que de toute façon, il comporte une entrée et une sortie. En revanche, il est moins aisé de déterminer si toutes deux ne se confondraient pas en une seule porte. Une porte qui, paradoxalement, serait duelle.

En admettant qu’il en soit ainsi, la lecture de cette porte unique ne varie-t-elle pas selon le sens du parcours ? Sens étant ici entendu à la fois comme signification et comme direction. C'est-à-dire selon que l’on prend pour guide la satisfaction de la curiosité ou la volonté de la Connaissance.

Corrélativement, l’être qui parvient à sortir est-il demeuré de même nature que celui qui était entré ? Dans l’affirmative, il semble bien que le voyage ait été inutile. En effet, ou le Labyrinthe usurpait son nom, ou son message n’a pas été lu et entendu par le voyageur.

Autre problème, si la possession s’effectue horizontalement depuis l’entrée, la voie de sortie ne peut-elle être conçue selon la verticalité ? D’où l’idée que la raison d’être du labyrinthe est de conduire à une possible élévation de l’esprit, à une possible modification spirituelle de l'être. N’est-ce-pas ce que propose clairement le mythe de Dédale ? Alors que le mythe de Thésée maintiendrait plutôt l’être sur le plan horizontal. Certes, il a tué le monstre (peut-être une part de lui-même), mais il n’a pas modifié la voie indiquée par le fil. Il sort par la porte d'entrée. Il n’a fait qu’une expérience suivie d’un retour en arrière. Ariane lui a donné le fil qui ne devait conduire qu’à un retour vers une Ariane désirant le garder à ses côtés et en son monde.

L’enseignement, résultant de cela, est que si l’on croit à l’indispensable présence d’un guide, est-il raisonnable, si surprenant que l’idée puisse paraître, d’en accepter un autre que celui que l’on aurait su créer soi-même ? Il convient d’être attentif sur ce point particulier, car il semble bien que le psychanalyste ou le gourou ne sont en fait que des guides qui proposent leur fil repère. Ce qui est totalement étranger à un véritable engagement dans une quête initiatique.

Le Labyrinthe peut comporter des impasses, réelles ou apparentes, des obligations de retour sur ses pas, sur une voie maintes et maintes fois parcourue (au moins partiellement). Faut-il le déplorer ou y voir plutôt l’occasion inespérée d’approfondir, de réviser sa pensée ? Les subtils méandres ou les diverses pièces du Labyrinthe peuvent en effet présenter des lieux de réflexion nécessitant un arrêt, un temps de repos méditatif. Ils peuvent être des lieux d'enseignement. Mais, là encore, il n’est d’enseignement véritable que celui qui résulte d’une réflexion, d’une inlassable quête personnelle. Encore une fois, gardons-nous d’adopter des doctrines.

La forme particulière revêtue par chaque Labyrinthe peut avoir une précieuse signification. La forme géométrique telle que le cercle, le carré ou la spirale, et leurs développements, peut être une source d’inspiration. Il ne s’agit pas de tracés ou de dessins imaginaires, mais de tracés répondant aux lois de création et intégrant, dans la quête du sens de la démarche, l'épreuve de l’inconnu. C’est-à-dire l’épreuve de la découverte du centre immuable de toute chose, de la fin absolue du chemin par la connaissance possible de l’Etre.

Si le Labyrinthe est circulaire, peut-être faut-il le relier au monde de la spiritualité, de l’infini, de tous les possibles. S’il est carré, peut-être faut-il le relier au monde de la manifestation. Au monde formulé, mais dont on ne possède pas cependant la clef, bien que y nous soyons immergés, bon gré, mal gré.

Il est des Labyrinthes créateurs, mais il est aussi des Labyrinthes doctrinaires : ceux qui constituent, d’une certaine manière, diverses organisations initiatiques, religieuses, philosophiques ou sectaires.

Nous pouvons proposer le Labyrinthe comme étant l’une des représentations géométriques de l’initiation. Dans ce sens, il peut évoquer la causalité de l’homme dans son aspect le plus individuel et dans sa construction collective et universelle, autrement dit dans sa faculté consciente d’intégration à la Création.

En fait, le Labyrinthe exprime un parcours vers un centre, supposé ou réel, mais de toute façon inconnu du voyageur. Il en appelle à ses sens perceptifs pour lui imposer un chemin. On serait tenté de délimiter le parcours du Labyrinthe à un cheminement allant de son entrée (naissance) jusqu’à son centre (mort). 

Mais il suggère plutôt un continuum, c’est-à-dire un mouvement perpétuel qui peut être rattaché au temps (car rattaché à l’espace) ce Labyrinthe devient alors tout simplement principe de Vie.

Le Labyrinthe propose un voyage symbolique pour le quêteur. Il lui propose le voyage, en d'autres termes la mise en mouvement d’une recherche intérieure (c’est la raison pour laquelle un Labyrinthe est toujours caché ou enfoui en chacun de nous). Il est une incitation, à travers le long chemin qui emmène vers un centre (et non au centre).

Ce voyage est une mise en mouvement, une façon de scander le rythme de Vie. Appel et proposition pour un voyage qui peut être immobile en apparence, mais qui implique un parcours dont on ne connaît pas le but.

Mais y a-il un but ? Le centre n’est pas un but, mais un appel au retour, au témoignage. L'être qui parvient au centre croit se confondre dans ce centre et donc disparaître ou alors faire disparaître le Labyrinthe. Le voyageur s’enrichit de bagages qu’il rencontre au cours de ses pérégrinations. Doit-il les conserver ?

Le chemin est un repérage dans la diversité de propositions nouvelles que le voyageur reçoit en permanence. Il en tire des informations pour se guider, s’orienter vers un orient immuable et sensible dont il a la prescience.

Le chemin est une sorte de cordelette, de corde dont les nœuds sont des portes à franchir. La corde s’étire selon les lois de la Vie, dès lors le voyageur ne peut choisir d’autre chemin que celui que lui impose le soudain éveil de sa perception. Le Labyrinthe n’est pas un piège conçu pour s’égarer, il est là pour diriger les pas vers ce qui est juste. Il ne représente pas des fausses pistes, il est l’itinéraire de la rectification permanente de l’être pris dans ses égarements ou son destin mal maîtrisé.

Il propose une sorte de « moule » du voyage exemplaire et une carte, de libres lectures, d’un chemin à la hauteur de ses ambitions les plus justes.

Le Labyrinthe est une grille initiatique que l’on compare avec sa propre empreinte personnelle. Il instaure alors un itinéraire de conscience qui offre le moyen de pénétrer la profondeur de notre monde, de s’y plonger puis d’en sortir afin d’accomplir selon les lois sa propre destinée.

C’est ainsi que le Labyrinthe est aussi une règle de Vie. Non pas une règle comme des hommes peuvent en établir à leur guise, mais comme un juste rappel permanent de notre accomplissement du devoir.

Ceux qui travaillent les plans initiatiques, à partir de rituels ou d’organisations cérémonieuses, devraient réhabiliter un tel symbole. D’une richesse secrète évidente, source d’une naissance permanente dans la conciliation de l’individu : le Un du cosmos et le multiple du Tout. Le fil d’Ariane est en réalité un tracé conçu par les Anciens. Toutefois, il ne s’agit pas d’une transmission, mais d’une proposition-témoignage.

On peut y déceler le thème du mariage, ou celui du combat avec soi-même (le Minotaure, l'Hydre) ou encore celui de la rencontre de l’inconnu (de l’autre qui est en fait nous-mêmes), celui de la connaissance des ténèbres (ou du monde souterrain), pour y trouver son contraire : la Lumière.

Le Labyrinthe est un révélateur. Celui qui nous offre la capacité de nous construire selon l'enseignement géométrique. Il faut apprendre à reconnaître cet ordonnancement inconnu. On peut se demander si les cinq polyèdres ne sont pas une proposition labyrinthique ?

Il est une géométrie sidérale qui manifeste, à tous ceux qui le souhaitent, une entrée permanente dans le mystère. Cette entrée du Labyrinthe n’est pas cachée, mais elle n’a de signification que par rapport à celle du centre.

Le Labyrinthe peut exprimer également l’expérimentation (Labyrinthe = Laboratoire). Il ne peut y avoir de retour en arrière. Chaque avancée détruit la précédente. Ce symbole pousse l'impétrant à avancer de nouveau, à parcourir la voie et donc à se mettre en mouvement permanent. Car on ne peut rester statique. C’est pour cela que vivre le Labyrinthe en conscience, c’est décider de mourir. Mourir à soi-même, mourir aux faux chemins, à l’apparence des êtres et des choses. C’est accepter de pénétrer dans un processus éternel.

Bien sûr, comme tout symbole, le Labyrinthe est avant tout un prétexte pour suggérer, proposer d’autres ouvertures sur d’autres modes de pensée qu’une simple étude mentale ne peut révéler. Il a la richesse de son propre chemin. C’est pourquoi chaque symbole peut être vu comme un Labyrinthe.    

Jean-Claude von L\ 

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Carré labyrinthique sans et avec numéro


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