La
mort dans la religion
chrétienne
et
son symbolisme
Mon propos est d’examiner
les liens intimes entre la
religion chrétienne et la mort. Après avoir
rappelé les notions de bases et les
origines du culte de la mort et des religions, je vous exposerai mon
analyse en
quatre temps :
-Les religions et leurs origines.
-Le culte de la mort dans ces
religions, en particulier la
religion chrétienne.
-Les évolutions au cours du
temps.
-Le
symbolisme qui s’y rattache.
Je parlerai entre autre de
l’avant mort (le processus de
mourir et son accompagnement), de la mort elle-même (les
modalités de penser et
d’imaginer la mort) et de l’après mort
(les rites funéraires et la survie de la
communauté).
Les thèmes que je
développerai sont la crise de la mort au
sein de l’humanité, l’art de bien
mourir, la vie après ou au-delà de la mort,
la mort comme lieu de la sociabilité.
Tout au long de ce travail, je ferai
le rapprochement avec
nos symboles maçonniques, tâche
simplifiée par le fait que nos traditions et
référentiels sont largement communs, mais qui
reste ardue car leur
interprétation et l’utilisation que nous en
faisons diffèrent de façon notable.
En guise de PRÉAMBULE, nous
commencerons par Freud, qui
disait que…
… « La
religion est l'ensemble du langage, des
sentiments, des comportements et des signes qui se rapporte
à un être (ou à des
êtres) surnaturel(s), surnaturel signifiant qui n'appartient
ni forces
naturelles, ni aux instances humaines, mais qui transcende
celle-ci ».
La religion est une composante
essentielle des cultures
humaines : contemporaine de l'avènement de
l'humanité, les pratiques
funéraires témoignent de l'existence de rites et
de croyances archaïques
véhiculant une expérience collective du sacré.
Cela amène
d’emblée à se poser un certain nombre
de
questions : Quelle est la nature de la religion ? A
quels besoins
répond-elle ? Quel sens les philosophes lui
reconnaissent-ils ?
La religion est
donc avant tout un ensemble de
croyances et de pratiques cultuelles qui régissent la vie
collective des
sociétés dites "archaïques",
du moins pourrait-on le croire.
Effectivement, ce n'est
qu'à une époque récente et sous
l'effet de la sécularisation que la
Religion tend à devenir une simple
institution spécifique régissant la seule
conduite privée (et non plus sociale)
des personnes qui en font partie et qui la constituent, encore
appelées « les
croyants », du moins pour les
chrétiens ; certains branches de
la religion musulmane n’en sont hélas pas encore
arrivés là, les médias nous en
parlent tous les jours.
Alors, on reprend depuis le
début :
« Au
commencement, était le … » ???,
le quoi au fait ? « Le verbe »,
pour ne pas dire le
mot. (tient, je vous l’ai
déjà faite celle-là)
C’est bien ce que nous
disent les religions.
L'étymologie incertaine du
terme « religion »
est controversée depuis l'Antiquité.
Les auteurs chrétiens se
réfèrent au latin « religio »
par les verbes « ligare, religare »
qui veulent
dire « lier, relier ». (tient,
celle-là aussi je vous
l’ai déjà faite).
La
religion serait donc pour eux un lien de piété,
qui aurait pour objet les
relations qu'on entretient avec la divinité et signifierait
« attache
ou dépendance ».
CICERON voit une autre origine, qui
semble plus
probable : « Religio »
se tire de « legere »,
qui signifie « cueillir, ramasser »,
ou de « religere »,
signifiant « recueillir,
recollecter "
Ce dernier verbe n’est
attesté que par un participe, ce qui
est une restitution. CICERON voudrait-il dire :
« revenir sur ce
qu'on fait, ressaisir par la pensée ou la
réflexion, redoublerd'attention et
d'application » (comme le pensait
Émile BENVENISTE) ?
En tout cas, religion est ici synonyme
de scrupule, de soin
méticuleux, de ferveur inquiète.
D’autres (comme Mircea
ELIADE, spécialiste de l'histoire
des religions) estiment que la religion " n'implique
pas
nécessairement une croyance en Dieu, en des Dieux ou en des
esprits, mais se
réfère à l'expérience du
sacré."
Ainsi, le Bouddhisme peut-il parfois
être confondu avec une
religion alors qu'il ne suppose aucune foi en quelque
divinité que ce
soit : il se contente de définir un ensemble
d'interdits.
Aussi, Emile DURKEHEIM (1858
– 1917) définissait-il dans
les « Formes
élémentaires de la vie religieuse »
les choses
sacrées comme étant « celles
que les interdits protègent et isolent »,
à l’inverse des choses profanes qui sont
« celles auxquelles ces
interdits s'appliquent et qui doivent rester à
l'écart des premières ».
Par le sacré, l'homme se
constitue un univers à la fois
protégé, exigeant et prometteur. Il se concilie
ainsi l'au-delà de son savoir,
de son pouvoir et de son espoir.
Il surmonte sa solitude et son
sentiment de déréliction
au sein de l'univers en observant des règles et des rites (État
de l'homme
qui se sent abandonné, isolé, privé de
tout secours divin).
Il transmet son expérience
du sacré sous forme de récits,
le plus souvent mythiques. Il se situe grâce à des
initiations et à des
mystères.
Peu à peu,
l'humanité a spécialisé certains de
ses membres
dans la connaissance et la pratique du sacré.
En effet, je pense que
l’homme n’a vraiment mérité
son nom
que lorsqu’il a cherché à se relier
à ses morts et donc au-delà de la mort.
En tout cas, tout cela remonte bien
loin. La Mort
est en effet une des premières découvertes de
l’homo sapiens, dont un de ses
premiers soucis fut celui d’ensevelir les morts.
Le point de départ se situe
il y a environ 90.000 ans,
quand nos lointains ancêtres ont voulu donner une
sépulture à leurs morts, à la
différence des animaux.
L’homme de Neandertal
(95.000-35.000 avant J.c.) appliquait déjà des
rituels funéraires :
des
litières de fleurs, des offrandes étaient
enfermées dans la nuit avec le défunt
dans sa tombe.L’homme de Cro-magnon (32.000-12.000 avant
J.c.) réalisait des
fresques murales accompagnant aussi bien les vivants que les morts
(voir à Altamira
en Espagne, Lascaux en Dordogne, Pont d'Arc en Ardèche).
Cette inhumation volontaire correspond
à un changement
d’attitude de ces hommes vis à vis des morts et de
la mort, souligné par les
premiers signes d’écritures que l’on
rencontre à l’intérieur des premiers
sanctuaires.
Dès le
Néolithique (10.000-3.000 ans avant J.c.), des
bâtiments à étages sont
dédiés à ces pratiques comme sur le
site de ÇATAL-HUYUK
en Turquie (7ème millénaire), de même
que chez les Aryens (qui signifie « Nobles »)
entre 4.000 et 1.500 avant J.c.
(Ces Aryens sont apparus en Russie méridionale au
4ème millénaire ;
combattants, ils ont pillé et détruit ce
qu’ils ont rencontré en se
déplaçant
vers les plateaux iraniens, où ils s’installent au
3ème millénaire, mais en
assimilant les coutumes des populations locales, l’origine de
la Perse
ancienne, puis ont ensuite continué vers
l’Anatolie, l’Inde et le Gange pour y
fonder les sources de ces civilisations vers 1.500 avant J.c.).
On voit alors apparaître
chez les Perses une nouvelle
idéologie : le Mazdéisme.
L’homme est libre de faire
la part des choses entre le bien
et le mal : il y a un esprit du mal (AHRIMAN) et un dieu de
lumière (AHURA
ou HAZDA) qui règnent sur les autres dieux.
Les âmes sont immortelles et composées de ces deux
parties : elles seront
soumises au jugement dernier.
En 3.300 avant J.c., les
Sumériens utilisent à URUK (en
Mésopotamie) des systèmes pictographiques
évolués (plus de 700 signes)
appliqués sur les objets ou sous forme de fresques, qui sont
à la fois des
ornements et des textes sacrés en offrandes à des
divinités.
On retrouve cette même
symbolique chez les Égyptiens dès
3.200 avant J.c., avec les hiéroglyphes : des
textes sont gravés sur les
parois intérieures des chambres mortuaires des pyramides
à partir de 2.330
avant J.c.
Les mêmes raisons et
objectifs conduisent les hommes et
surtout leurs prêtres à progresser dans leurs
moyens de communication et d’expression ;
citons entre autre :
l’écriture
Cunéiforme (2.400 avant J.c.) ; les VEDA,
textes sacrés hindouistes (1.800 et 1.200 avant
J.c.) ; les civilisations
avancées des Incas, Mayas puis Aztèques
(dès 1.500 avant J.c. puis entre 300 et
900 ans de notre ère).
Cela abouti logiquement à
plus de complexité, plus de
questions et de débats philosophiques, comme dans les
écritures et ouvrages des
Phéniciens dès 850 avant J.C.
Rappelons que la première
tentative de monothéisme (culte
du dieu unique ATON) a été imposée
entre 1371 et 1354 avant J.c. par Akhenaton
sous la 18ème dynastie des pharaons d’Egypte.
Elle a sans-doute inspiré
la première vraie religion
monothéiste, celle des Juifs, comme le laisse sous-entendre
la similitude entre
certains textes de cette époque et le psaume 104 de la Bible.
Inversement, j’estime
qu’une civilisation est en danger
quand elle oublie ses morts et quand elle escamote les rites
funéraires.
Les hommes sont en effet
passés par les pratiques
funéraires puis par celles des liturgies, ce qui leur a
permis de passer dans
cet espace du sacré (cité plus haut),
c’est à dire d’affirmer leur
volonté de
communiquer avec des forces qui les dépassent et avec
l’ordre de l’univers.
Ils reconnaissaient et
vénéraient à
l’époque le lien privilégier
qui existe entre la nature et le sacré, avec la ferveur et
la dévotion que l’on
devrait encore lui vouer, ce qui est devenu de moins en moins
pratiqué au cours
du temps.
Les pèlerinages et les
processions deviennent alors
progressivement l’expression collective d’un
sentiment religieux,
essentiellement individuel à l’origine, ce qui
continue par contre d’être
encore le cas aujourd’hui.
Ce déplacement vers un lieu
exceptionnel de spiritualité
est le plus souvent collectif ; il permet à chacun
de reprendre courage et
confiance grâce au contact avec le divin.
Les pèlerinages existent
dans toutes les religions, de
Lourdes à La Mecque, en passant par
Bénarès : ils ont pour objectif de
modifier le pèlerin, extérieur aux milieux et
sociétés qu’il traverse ;
cette étrangeté vécue le fait
« muter » et passer à
une nouvelle
naissance dans ce parcours aboutissant dans un temps et un lieu
sacrés après
divers obstacles, parfois initiatiques.
Cela aboutit logiquement à
la création de lieux de culte,
ou Temples, dont la première vraie
référence remonte aux Sumériens, en
Mésopotamie (au 3ème
millénaire) : les Ziggourats, constitués
de plusieurs
étages formant une superposition de plate-formes
décroissantes empilées, le
Haut étant le plus prés du Divin.
De grands cataclysmes terrestres
commencent à être décrit
dans les différentes cultures et religions, comme le
déluge :
La première description
date des Sumériens du 2ème
millénaire, dans l’épopée de
Gilgamesh (tablette X), qui est une méditation sur
la mort et l’immortalité.
Après, vous connaissez tous
la suit
La
mort dans la religion
chrétienne
et
son symbolisme
e :
Abraham et ses fils, puis
Moïse et ses tribulations ;
ensuite, Bouddha et son « assise » ;
après, Confucius
et ses entretiens ; viennent enfin Jésus et son
sacrifice par amour des
hommes, puis Mahomet et ses expéditions.
Le fondement principal de ces divers
courants de pensées
n’a en rien changé par rapport aux
premières croyances : tout au plus a
t’il évolué et s’est-il
affiné.
La religion est donc là
pour aider à se poser les vrais
questions, comme nous le faisons : qui sommes-nous, que
faisons-nous, où
allons-nous ?
(Tient,
ça me
rappelle quelque-chose !)
Avec la sépulture
naît la culture : elle porte les
humains non seulement à disposer matériellement
des cadavres mais aussi à
restaurer le lien social, troublé par la mort, et
à chercher une réponse
spécifique à la question de la mort, dont ils ont
peur.
Ainsi, il est juste de
considérer la mort comme fondatrice
de la culture.
La découverte de la mort
sonne aussi l’heure de la
découverte du religieux, car les religions explorent le
mystère de la mort
qu’elles entourent de paroles et de gestes, de chants et de
danses, afin de
combattre leurs peurs.
« Et le
Christianisme dans tout ça ? »,
me direz-vous. Il
est né au 1er siècle de notre ère (je
crois !).
Il est basé sur des textes
référents (l’Ancien et le Nouveau
Testament) et régi par un Pape (le chef de
l'Eglise), reconnu comme le descendant de St Pierre par les seuls
catholiques.
Les chrétiens croient en
l'immortalité de l'âme humaine et
au jugement dernier : le Paradis est accessible à
ceux qui proclament le
Salut par la foi en Jésus-Christ dont la mort efface les
péchés du monde ;
les autres, qui rejettent le Christ, iront en Enfer.
Cet Enfer chrétien
n’est pas détaillé dans les
évangiles :
il a été construit au cours des
siècles à partir de traditions populaires,
d’un
fond mythologique et de savantes constructions intellectuelles,
aboutissant à
la création d’un abîme infernal
constitué de neuf cercles : les visions,
les sermons et l’art de la fin du Moyen Âge ont
ainsi édifié une terrible
menace qui pèse en permanence sur la vie des
fidèles.
Les chrétiens
interprètent ces deux aspects de l'Au-delà de
différentes manières :
Certains, surtout au début,
opposent l'accomplissement de
l'union avec Dieu (le Paradis, le Salut) au vide de son
éloignement (l'Enfer).
D'autres, insistent davantage sur la nature sociale et collective du
Paradis : c’est là où les
âmes sont en communion les unes avec les autres,
ainsi qu’avec l'Eglise. Sur terre, ceci se fait à
travers la prière et le culte
chrétien ; dans l’au-delà, on
ne sait pas !
En fait, on sait peu de choses
sur cet Au-delà : la Bible parle du Royaume de
Dieu, du sein d'Abraham,
d'un lieu de repos, etc.,
… des promesses
faites pour assouvir les espoirs de rédemption et de vie
éternelle.
Pour le Chrétien, c'est par
le
corps que chacun d'entre nous est en rapport avec le monde. Le paradis
est un
lieu décrit comme exquis. Mais "Nul ne rejoint le
Très-Saint, s'il n'est
lui-même sanctifié". L'enfer, lui, est la
séparation d'avec Dieu.
Des évolutions
ont eu lieu au cours du temps,
ponctuées par l’apparition de
différents rites, sans pour autant modifier
réellement les fondements de la vraie pensée
chrétienne vis à vis de la Mort.
Les débats modernes
opposent l’Universalisme (« Tous
pour un », tous les hommes seront
sauvés) et le Particularisme (le
Salut pour les uns, la condamnation pour les autres).
Un premier courant (que l’on
pourrait assimiler aux
« Old Charges » des Anciens)
table sur l'amour absolu de Dieu :
personne ne sera damné.
Le second (les « New
Charges » des
Modernes) met en avant le caractère moral absolu de Dieu et
affirme que les
pécheurs (et/ou non-croyants) seront rejetés pour
l'éternité.
Ce débat anime toujours la
communauté religieuse chrétienne
d’aujourd’hui.
Par contre, la croix a fini par
devenir le vrai centre du
rituel chrétien des funérailles (en particulier
chez les catholiques), même si
elle ne leur est pas spécifique à
l’origine.
En effet, les premiers
chrétiens s’identifiaient dans leur
sépulture par un poisson stylisé, proche de la
représentation mathématique du
signe de l’infini (tout un symbole).
Ceci était plutôt fondé sur la
notion de secret en raison des risques de mauvais traitements.
Par la suite, la croix devient
« leur CROIX »,
même si sa forme et la manière dont le Christ y
est « cloué »
ne sont ni une vérité médicale, ni une
réalité historique : cette CROIX
qui « s'étend sur le
monde » signifie que l'Église
fait un
pas vers l'achèvement du corps mystique du Christ au travers
de la mort de
chacun de ses membres.
Dans l'ombre qu'elle porte sur la terre, derrière le
cercueil qui roule dans
son fourgon noir constellé de regrets éternels et
de fleurs périssables, se
déroule un impressionnant cortège d'images,
suscitées par deux millénaires de
liturgie funèbre.
On entend comme dans un rêve la cloche sonner
le glas, les prières
bourdonnantes des pénitents accompagnant la
dépouille, le frémissement dans les
hautes nefs gothiques, tandis que des chœurs
angéliques entonnent le
"miserere" ou le "de profundis".
En effet, le christianisme a une
vision glorieuse de la
Mort tel que reprise dans ses rituels.
Elle représente une
victoire sur la vie, éclatant dans un
ruissellement d’orgues sous les voûtes des
cathédrales, emportant l'âme du
chrétien dans l'insondable perspective de la transcendance
divine. Cela
correspond au Rite du
passage de vie à trépas, suivit d’une
renaissance.
Depuis des siècles, le
croyant espère en la résurrection
individuelle telle celle de Jésus, lui arrachant un cri de
triomphe célèbre,
celui-là même que poussa le saint Paul
aveuglé de lumière mystique : « Mort
ou est ta victoire ? Mort ou est ton
aiguillon ? ».
La mort est en soi mal et
résolution du mal, exigeant de
l'être un abandon total à Dieu,
dépouillé de la substance de son ego pour
revêtir le vêtement intangible de
l'immortalité.
Que nous dit la Bible de cette vie
après la mort ?
Rien de précis !
Qu’il y aura « le
jour du jugement dernier »,
où tous les morts comparaîtront devant Dieu et
seront jugés d'après l'attitude
qu'ils auront prise à l'égard de
Jésus-Christ.
Ceux qui auront cru en lui pour le pardon de leurs
péchés entreront dans le
royaume de Dieu. Les non-croyants iront au châtiment
éternel.
Jésus a
déclaré que sa vie, sa mort et sa
résurrection
inauguraient un âge nouveau. II parachèvera son
oeuvre en donnant aux croyants
un corps nouveau (comme le sien après sa
résurrection) et en les faisant
participer à la nouvelle création.
Les chrétiens ne croient donc pas seulement à la
survie de l'esprit, mais aussi
à la résurrection du corps.
L'Ancien Testament décrit
la mort comme un état de
ténèbres, de silence et de repos :
personne ne revient de la tombe (ce n’est pas exactement
notre cas en
franc-maçonnerie), mais la mort ne met pas pour autant fin
à l'existence. Dieu
est en effet capable d'arracher l'homme à la tombe (ce
dernier point nous en
rapproche plus).
Le Nouveau Testament
précise ce tableau : les morts
«dorment», mais il y a une différence
entre ceux qui sont morts en croyant au
Christ et ceux qui l'ont rejeté :
Les croyants sont « avec le Christ »,
les autres sont des
« esprits en prison ».
Pour le RITE CATHOLIQUE, la Mort est
une entrée dans la
plénitude de la vie nouvelle du royaume de Dieu. Chacun
devient pleinement
participant de la vie de Dieu.
La Mort est une sortie de
l'univers, du temps et de l'espace libérant
l’Âme.
Il y a encore peut de temps, on pratiquait trois jours de veille
avant
l'inhumation ; l'office, les fleurs, les bougies et les
prières
correspondent à l'illumination et l'éclosion de
l'âme dans le monde de l'esprit
afin d’aider le défunt à passer du
matériel à au-delà.
Dans le RITE PROTESTANT, la Mort est une promesse de Résurrection, une Espérance de vie
éternelle, la découverte d'une
plénitude nouvelle, un passage auprès de Dieu.
Il est ponctué par des funérailles et un office
(avec prières, lectures et culte),
représentant une participation à la
Sainte-Cène, en vue d’accompagner la
famille et les amis.
L'existence
de l'âme est
traditionnellement vue en trois étapes pour ces
derniers : la vie ici-bas,
la période entre la mort et la résurrection
finale (une sorte de sommeil), puis
la résurrection proprement dite, à la fin des
temps.
Selon
un autre courant de
pensée, enfer et paradis sont sur terre et le croyant est
déjà passé de la mort
à la vie. La mort n'est pas pour autant vu comme une
impasse, mais comme une
porte ouverte. Sur quoi ? On l'ignore.
Pour
d'autres encore, la
spéculation sur l'au-delà n'a pas de sens et la
résurrection est à prendre au
sens symbolique. Enfin, il y a aussi des adeptes de la
réincarnation.
Le RITE ORTHODOXE GREC OU RUSSE voit
la Mort comme une
naissance à la vie nouvelle, la rentrée dans la
vie spirituelle. Nous vivons
ici dans la pensée de la vie à venir.
La
mort dans la religion
chrétienne
et
son symbolisme
Les fleurs, les bougies et les
prières de l'office religieux correspondent à ce
qui se passe sur le plan
spirituel : l'illumination et l'éclosion de
l'âme dans le monde de
l'esprit (notons que le corps est traditionnellement porté
à l'église cercueil
ouvert).
L'âme va se purifier et
accomplir
l'effort de détachement de l'enveloppe corporelle durant les
40 jours prévus
pour son l'ascension vers Dieu.
Le paradis (notion
développée en
Orient, comme le rite Orthodoxe, dans un monde de chaleur et de sable)
est vu
comme un jardin. C'est un état de vie dans la
présence de Dieu. L'enfer, c'est
l'inverse, la séparation d'avec Dieu.
Il y a deux formes de mort :
L'agonie (expérience douloureuse de celui qui ne veut pas
quitter son enveloppe
charnelle) et la dormition (dans laquelle celui qui s'endort s'est
préparé et
vit la mort comme un passage, une Pâque).
Comme on peut le voir, ces deux
derniers millénaires ont
été marqués par une nette
évolution de la symbolique de la mort
pour
l’homme en général et chez les
chrétiens en particulier.
Dans les premières
hagiographies latines, les dimensions
morales et pathétiques de la mort cèdent la place
à des dimensions sacrales
d’admiration, mais aussi de crainte.
Ce sentiment de la mort devient tout
à fait original chez
Dante : éprouvant le vide et l’absence,
il se sent contraint de développer
une "stratégie du sens" ; il présente
l’apothéose d’un enfer
médiéval où les méchants
sont punis avec d’extraordinaires raffinements.
Guidé par Virgile dans la Divine Comédie, sa
visite dans un enfer rigoureusement
structuré met fin à une longue tradition de
descentes aux Enfers amorcée deux
milles ans avant J.c., dans le mythe mésopotamien de
Gilgamesh où Enkikou
raconte sa descente aux enfers.
La faisabilité
d’un discours sur la mort devient donc une
priorité : au cours des temps, elle est faite
d’alternance entre
l’évitement et la redécouverte de la
mort ; elle est partagée entre
l’espoir de scruter la mort comme expérience
humaine et celui de la considérer
comme lieu de production du sens pour la vie, à travers des
rites comme ceux de
la disposition du corps.
La mort ainsi
gérée permet alors à la
communauté des
vivants de se structurer un nouvel espace relationnel et de remodeler
le tissu
social afin d’assurer sa continuité.
La filiation de la mort avec la
couleur vient appuyer ces
rites symboliques : Blanc pour l’espoir (mariage) et
noir pour la crainte
(deuil), en occident, ou l’inverse en orient et en
méditerranée.
Le siècle des
Lumières a élaboré une vision de la
mort qui
s’est largement émancipée de
l’héritage religieux.
La survie dans l’affection
des proches et dans la mémoire
collective de la cité deviendra primordiale.
L’« immortalité »
n’est
plus d’ordre métaphysique ou transcendantal, elle
devient civique.
Le marxisme historique, à
son tour, souligne la
signification collective de la mort comme une dure victoire de
l’espèce sur
l’individu. Il abolit l’angoisse de la mort par la
compensation d’une
immortalité pour le genre humain : dans
l’histoire et dans la nature.
Parmi les formes
d’évitement de la
La
mort dans la religion
chrétienne
et
son symbolisme
mort, on peut
considérer
la mort comme un phénomène normal pour le
renouvellement de la société et le
maintien de son infrastructure, ou encore comme une étape
obligée de la
croissance vers la maturité.
Ainsi, la mort s’inscrit
dans une idéologie du progrès,
individuel ou collectif, comme un enjeu de la lutte contre la maladie,
la
vieillesse et les autres limites de l’existence.
La mort finit par apparaître
comme un accident qui échappe
au contrôle de la rationalité. Ou bien on
maintient l’espoir de la prolongation
de la vie sur terre par la victoire sur la mort, ou bien on entrevoit
la vie
après la mort comme un décalque de la vie
présente.
Face à la finitude de
l’existence humaine, la mort et la
résurrection de Jésus sont exemplaires du sens de
la mort pour les humains qui
aspirent à la plénitude
d’être : La discontinuité
réelle de la vie est
enfin vaincue par l’espérance de la
nouveauté du Royaume de Dieu.
Enjolivée, la mort devient
finalement une mort niée au
20ème siècle. D’abord partie
intégrante de la vie, elle a peu à peu
dévié vers
l’évitement : Pourquoi ? Sans
doute pour de multiples raisons :
La montée progressive de
l’individualisme. La
transformation du concept de la famille. L’hospitalisation et
la médicalisation
de la mort. Le primat de la technologie sur les conduites symboliques.
La chute
de la religiosité traditionnelle et la difficulté
de la théologie à traduire
une eschatologie significative pour les fidèles. Le refus
culturel du deuil
relégué à la sphère
privée. Le déplacement du rite des
églises vers les
complexes funéraires.
En effet, la mort était
assumée traditionnellement par la
religion ; elle est désormais confiée
à la thanatopraxie.
Les obsèques effectuent un
déplacement du sacré dans
l’imaginaire de la mort, notamment dans la
représentation du cadavre.
Francis DUCLUZEAU le
détaille très bien dans son ouvrage
« La Mort dans tous ses
états » : il parle de "mariage
raté" entre la vie et la mort dans nos
sociétés modernes, niant de manière
pathologique la mort, au point que, ne sachant mourir, nous ne savons
pas non
plus vivre.
Cela rend plus que jamais indispensable la
nécessité de remettre en place un
art de mourir.
C’est ce que l’on
commence à constater ces dernières
années : une tentative de redécouverte
sociale et médicale de la mort
permettrait une meilleure acceptation de celle-ci.
On parle souvent de l’acte
de mourir, du malade, parfois du
mourant, mais rarement de la mort comme telle. À force
d’en parler beaucoup, on
finit par croire que le savoir sur la mort a
progressé ; mais la mort
elle-même échappe à
l’intelligence humaine et, dès lors, on est dans
l’impossibilité d’un acte de
réflexion sur l’acte de mourir.
On l’envisage alors comme un rappel nécessaire de
l’insuffisance de la pensée
qui n’a pas de prise existentielle sur l’instant de
la mort. Cependant, le
sommeil et le vieillissement offrent des analogies et des
préfigurations de la
mort.
Si l’interrogation est
déjà une voie de la connaissance, il
faut admettre que le christianisme n’apporte pas de vraie
réponse à la question
de la mort : il n’annonce qu’une promesse.
En effet, l’espérance en une vie nouvelle et
transformée naît de
l’expérience
de la négativité de la mort. Or de cette
façon, au lieu de s’approcher de la
mort comme finitude, on l’aborde sous l’angle de la
finalité au-delà de la
mort, au risque d’occulter la mort elle-même.
L’accompagnement de la
personne mourante est une partie
intégrante du rituel funéraire ou, du moins, un
geste rituel qui prépare à la
mort. La fonction des rites est précisément la
« mise en sens »
de l’existence devant le non-sens de la mort et la
représentation de
« l’irreprésentable »
de la mort.
Selon la mentalité des prêtres de
l’Ancien Régime, la « bonne
mort »
est celle que l’on prépare et que l’on
apprivoise durant la vie. Mais, à
l’heure du départ, les sacrements de la
pénitence et de l’extrême-onction ainsi
que le saint viatique aident le chrétien à
éviter l’enfer et à entrer au ciel.
La mort à craindre, c’est la mort subite, celle
qui nous prive de la
possibilité de se mettre en paix avec Dieu.
Dans la culture palliative, la « bonne
mort » est une mort
douce et digne. On cherche à rendre la fin de vie plus
significative grâce à
une médication destinée à
contrôler la douleur et à un accompagnement qui
associe les besoins physiques aux besoins relationnels et spirituels de
la
personne.
S’il faut
reconnaître les motivations religieuses au cœur
de ce projet éthique, il faut garder un oeil critique.
Ainsi, le religieux joue
le rôle d’un adjuvant de la rationalité
médicale dans les soins palliatifs.
Néanmoins, la raison instrumentale peut servir
d’adjuvant au projet éthico
religieux, tout en formulant des réserves à
l’égard d’une acceptation trop
positive de la mort.
Là où les soins
palliatifs cherchent à intégrer la mort
à
la vie (la mort est ce qui ne peut pas être
intégré dans l’existence), le
risque est de s’enfermer dans le piège
d’un modèle unique d’une mort douce et
sereine qui ne correspond pas toujours à la
réalité vécue par la personne
mourante.
Contrairement
à une idée reçue, j’affirme
que le rite ne permet pas d’apprivoiser la mort.
À l’inverse, il donne acte à la rupture
et met en scène le refus culturel
d’intégrer la mort dans la vie.
Ce désir de mort symbolique
ou enchantée est marquée par
l’accroissement des descriptions
d’expériences de mort imminente (EMI) :
ceci révèle un besoin poignant
d’espérance métaphysique face
à un monde dominé
par les progrès de la rationalité scientifique et
de la technique.
Ces expériences de mort
imminente sont déjà sous-entendues
par Jean de la Croix dans « Le chant du
signe » ; il y
interprète les voies purgatives et illuminatives, la
vocation ascétique
suscitées par les étapes proches de la mort, la
conversion à une vie plus
ouverte à autrui.
Des théologiens estiment
que les rites et discours
chrétiens tendent à masquer le
caractère tragique de la mort qui est pourtant
une expérience d’inachèvement et
d’absence au monde.
Pour eux, la Mort constitue la fin
totale de l’existence
personnelle et de la relation au monde de la communication.
L’effort fait pour
l’apprivoiser ne supprimera pourtant jamais la douleur de la
séparation et
l’angoisse de l’inconnu. On peut
néanmoins regretter la disparition du tragique
suite à l’édulcoration de la vie et de
la mort.
Dans une culture linéaire comme la nôtre, la
majorité des gens rêvent d’une
éternité après la mort qui
n’est que prolongement de la vie. Seule une
minorité, consciente de la finitude de cette vie, met son
espoir dans une
éternité au-delà de la mort.
L’au-delà est la
« scène »
d’une
existence toute autre qui est en rupture radicale avec le
présent de la vie.
L’attente intense de la
première génération de
chrétiens à
Thessalonique fut centrée sur la résurrection et
la venue du Seigneur. Leur
désir était de rompre, le plus tôt
possible, avec le monde d’ici-bas pour « être
avec Le Seigneur ».
Ce désir de la
proximité divine contraste avec la
représentation du shé’ol,
séjour des morts et lieu de l’oubli, où
la mort
constitue l’absence de toute relation avec Dieu.
Dans l’héritage
juif, la discontinuité
bat son plein tandis que, dans la
sensibilité chrétienne, la rupture donne lieu
à une relation avec Dieu
radicalement différente et dominée par la
surprise devant l’imprévisible de la
création nouvelle.
Cependant, tout cet héritage religieux représente
la mort dans une perspective
de continuité.
Sous une forme ou une autre, toutes
les religions
considèrent la mort comme un passage, comme la naissance
à une autre vie. La
mort n’est pas la mort, elle est « seuil,
passage, transmutation, métamorphose ».
Citons le
remarquable système d’espace-temps
conçu par la civilisation égyptienne, qui
frappe par sa cohérence interne, ou encore le rite
particulier de la « danse
des morts » chez les Hurons, qui aide les
âmes à franchir l’étape de
la mort et à s’engager dans un long voyage, ou
celui de la « fête des
morts » chez les Mohawks, où
la mort apparaît comme une étape vers
une vie prochaine, la naissance et la mort étant
inextricablement liées dans un
dualisme d’oppositions et de ressemblances, comme chez les
chrétiens.
Dans la célèbre préface de la messe
des défunts, on chante bien que « La
vie n’est pas détruite, elle est
transformée. ».
Le discours religieux traditionnel introduit dans la mort une
expérience
« du même »
et « de l’autre »
selon une
logique qui oppose un double espace et une double
temporalité : la terre
et le ciel, le corps et l’âme, le temps et
l’éternité, le blanc et le noir,
…
etc.
La mort elle-même devient une béance qui rend
possible une échappée vers un
ailleurs, au-delà de la mort, et vers un état de
jouissance au-delà de la
souffrance.
Cette logique de la similitude (après la vie) et de la
différence (au-delà de
la mort) participe au paradoxe de la mort :
continuité et rupture.
En CONCLUSION,
disons que la mort nous unit tous. Un
lien étrange et anxiogène… En
effet, peu importe notre conception, nous
mourrons.
Elisabeth Kübler-Ross le
décrit parfaitement sous le titre
« Accueillir la mort » :
Que l'on soit croyant ou non-croyant,
si nous arrivons à
intégrer le fait que nos disparus continuent à
nous apprendre par ce que nous
avons partagé, cela permettra de
changer en profondeur notre relation à la mort.
L’analyse des
rites et métaphysiques propres aux trois religions
d'Abraham, de l'hindouisme,
du bouddhisme tibétain et du Zen, permet à
l’auteur ZÉNO BIANU de tracer un
chemin de vie :
« Seuil,
passage,
transmutation, métamorphose - la mort qu'évoquent
les spiritualités,
en
Orient comme en Occident,
n'est en vérité qu'une à peine mort.
Non
qu'elle soit niée dans son
indiscutable réalité biologique,
mais elle ne saurait
être la fin de tout.
Quelque
chose subsiste.
Impérissablement.
Quelque
chose nous survit.
Loin
de nous clore, cette
mort-là nous fait éclore. »
(Dans « Sagesses de
la mort
en Orient et en Occident »).
Laissons
à Nietzsche le mot de la
fin :
« Qu’il
est étrange que
cette unique certitude et cette unique communion ne puissent rien sur
les
hommes, et qu’il n’y ait rien de plus loin de leur
esprit que l’idée de sentir
cette
fraternité de la
mort! »
Jean Baptiste LOI\
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