Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Réflexion sur la Mort

J'ai peur de la mort, de la destruction de l'être que je suis, de tout ce qu'elle peut me priver de plaisirs et biens matériels en ce monde. L'éducation religieuse que j'ai reçue n'a rien fait pour aller à l'encontre des divers postulats qu'elle enfonce scrupuleusement dans le crâne de ses adeptes : crainte de Dieu, flammes de l'enfer, résurrection de ceux uniquement en règle avec la loi imposée, etc... Bref, jusqu'à preuve du contraire, rien ne me laissait présager un avenir meilleur dans l'au-delà ! Pourtant, tout aurait été si agréable d'espérer ne point mourir vraiment ou tout au moins de pouvoir approcher ce moment inéluctable avec toute la sérénité possible. À y bien réfléchir, il me manque certainement une raison valable de vouloir me perpétuer au-delà de cette étape ; je ne pense pas, au tréfonds de moi-même, que seuls plaisirs et bien-être suffisent...

Au fond qui suis-je ? Un potentiel d'énergie mal employé et enrobé d'une espèce de paquet cadeau destiné, un jour, à être mis au rebut... mis au rebut ? Mes craintes réapparaissent : sueurs froides ; et si l'instant fatidique approchait ? Un point de côté, cette fois c'est l'infarctus, une douleur dans la poitrine, c'est le cancer, une autre dans le crâne, c'est la tumeur irrémédiable! Mais je suis toujours en vie ! Cancer, tumeur, problèmes de vie. Après tout, mon cancer n'est-il pas uniquement cérébral et mes problèmes, de ne pas en avoir ? Essayons de réagir ! Seul ? Et comment ? J'en étais resté là de mes pérégrinations internes, lorsqu'un jour mon Frère Jean me présenta à un de ses amis, Jean l'Evangéliste ; les premiers instants, compte tenu de mes antécédents religieux mêlés d'incrédulité et de ma foi catholique avortée, se révélèrent assez délicats.

Quoique très serein, l'Evangéliste ne pouvait me faire oublier tout ce qu'on avait essayé de m'enfoncer dans la tête à grands coups de dogmatisme de bas étage. Notre hôte, néanmoins, voyant ma réserve, se proposa cordialement de mieux nous faire connaître l'un à l'autre, de nous faire raconter mutuellement. C'est ainsi que Jean, que j'appellerai désormais l'Evangéliste, m'apprît, après que je lui avais révélé mes états d'âme, qu'il était prêcheur es qualité, que ses parents se nommaient Zébédée et Salomé, son frère Jacques, et qu'il vivait à Bethsaïde. Ma curiosité, mise en éveil, ne put se dominer, et je lui demandais en quoi consistait sa profession de prêcheur ; ce qu'il fît brièvement sans se faire prier, en me prévenant qu'il n'avait nullement l'intention de me convertir à quoi que ce soit, ce dont je le remerciais vivement. À la suite de cela, il m'avoua avoir eu récemment une vision qui l'avait fortement ébranlé, et ce qu'il avait vu, l'avait amené à en faire part autour de lui, tant le message lui apparaissait d'une importance primordiale pour la survie de tous. Mon intérêt ne faisait que s'accroître au fur et à mesure de ses paroles : peut-être trouverai-je là une réponse à ce qui m'obsédait ! Comme je ne le connaissais que de ce jour, à l'inverse de notre hôte, je lui demandais de me relater tout en détail. Chaque mot, chaque phrase, entrait en moi sous son aspect « brut » et ce monologue me faisait penser à un puzzle gigantesque où tout semblait incohérent mais où planait néanmoins une impression de divin, de grandiose, de crainte, de destruction et paradoxalement d'amour et d'espoir.

Notre soirée se terminant trop tôt à mon goût, bien que l'heure fut déjà bien avancée, après avoir pris congé de mon hôte et de son invité, c'est la tête remplie de questions et d'inquiétudes diverses, de ce que je venais d'entendre, que je me dirigeais vers chez moi. Chemin faisant, chaque mot, chaque phrase, me revenait en mémoire avec une résonance différente. Pourquoi ce récit que l'on pourrait qualifier d'apocalyptique, car apparemment il s'agit bien d'un chaos, d'une apocalypse, semble-t-il m'effrayer mais aussi me rassurer ? Pourquoi ne suis-je animé que de si peu de crainte alors qu'il n'y a pas si longtemps, rien que le fait de penser à la mort ou de l'entrevoir me choquait ?

Cet homme, fils de Dieu, Alpha et Omega, habillé de tout ce qui brille, relation entre le Cosmos et l'Humanité, possesseur du pouvoir spirituel et temporel, qui nous annonce le « temps proche », n'est-il pas le messager d'une vie éternelle que seul le langage commun nous laisse entrevoir comme un chaos ? Pourquoi toutes ces mises en garde, sinon pour inciter les hommes à se transcender par la réflexion, à s'élever par leur seule foi en eux-mêmes afin de devenir « responsables ». On peut-être amené à réfléchir sans toutefois comprendre, sans toutefois se rendre compte qu'un important processus s'est mis en marche ; réfléchir, c'est peut-être déjà comprendre. Peu à peu, les pensées initiales se modifient et certains aspects voilés se révèlent. Ainsi, aux seuls initiés seront accessibles les messages du livre « Ecrit en dedans et en dehors » et « Scellé par sept sceaux », puissance, richesse, sagesse, force, honneur, gloire les y aideront. Mais pourrai-je être de ces initiés ? Peu à peu, la mort temporelle ne m'apparaît déjà plus comme une fin en soi, comme un espace d'où l'on ne peut irrémédiablement plus se transcender...

L'Esprit semble demeurer. Néanmoins ce septième sceau, quand sera-t-il brisé ? L'inconnu de mon avenir ne serait-ce point là ma grande frayeur ? « Ne faites point de mal à la terre, ni à la mer, ni aux arbres jusqu'à ce que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de Dieu »... Enfin un espoir ! Mais comment se faire marquer de ce sceau ? Quelles démarches entreprendre ? Que de questions, que de portes à entrouvrir, que de réflexions avant de se lancer ! Ne serait-il pas plus raisonnable de supposer que la quête de cette marque du « sceau » de Dieu est une affaire individuelle et non collective ? Dès lors, reprenons le Cheminement initial de notre pensée : je suis seul, j'ai peur, et il y a de par le monde des hommes initiés qui sont susceptibles de dominer leur frayeur, d'avoir la paix intérieure, de se faire ouvrir le « Temple de Dieu dans le ciel »... Je marchais, m'égarant sans doute, mais plus importantes étaient les paroles de l'Evangéliste qui m'incitaient à trouver mon « moi » au terme de cette individualisation que j'avais du mal à mettre au point. Un banc se présenta et je m'y assis, tentant de faire le vide en moi afin de mieux y pénétrer ; dès lors un conflit s'instaura entre mon conscient et mon inconscient : était-il possible de concilier ce que je pouvais normalement concevoir et ce que mes supputations me laissaient imaginer ? Y aurait-il une vie permise au-delà, une nouvelle  « Jérusalem » ?

Toutes ces pérégrinations me ramenèrent soudain à mon identité de Franc- Maçon. Bon Dieu mais c'est bien sûr ! Comment n'y ai-je songé plus tôt ! « L'intelligence qui a de la Sagesse » vient de me faire découvrir que depuis ma naissance, je côtoie cette mort dont je me suis fait un épouvantail, je suis déjà mort un certain nombre de fois pour mieux renaître différent, et cette allégorie, armée de sa faux a toujours été mon compagnon de vie. A-t-on peur de celui où celle qui chemine à vos côtés ? Le jour vient de se lever et je suis là, sortant avec difficulté de mes pensées, la clarté commence à border de festons le noir de cette nuit qui s'estompe. Noir et blanc, Bien et Mal, Mort et Renaissance... Au fond, ne s'agit-il pas d'une entité à part entière ? Je me lève, encore tout abasourdi de cet instant, si rapidement, écoulé et reprend ma démarche vers ce « moi » qui me rassure : « une porte s'était ouverte dans le ciel » et je venais d'avoir l'occasion de « voir ». J'avais moins peur, la Nouvelle Jérusalem, le Vrai Paradis, le Jardin d'Eden semblaient réellement devoir exister quelque part : ils étaient en moi.

Par notre F\


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