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Le vif saisit le mort

« Il y a deux sortes d’initiations : les initiations de ce monde, préparatoires ; et celles de l’autre, qui achèvent les premières ». Olympiodore

On n’en disconviendra pas, nous avons des secrets ! Ce sont des signes figuratifs empruntés d’abord à l’outillage des bâtisseurs, puis à la symbolique du parvis du Temple de Salomon, ce sont des paroles sacrées (des hébraïsmes empruntés à la Bible), et ce sont des attitudes instaurées par les rituels. Ces secrets composent un langage, tantôt muet et tantôt très éloquent, pour communiquer, pour nous reconnaître. Ces signes, ces paroles et ces postures rappellent le souvenir de quelque vertu morale ou de quelques mystères  de notre foi de maçons. Ce n’est qu’aux adeptes que l’on en dévoile le sens.

Aujourd’hui, il reste de la forme archaïque des premiers rituels fondateurs de la maçonnerie un symbolisme correspondant à  un ensemble de rites de reconnaissance mutuelle, et il reste  aussi des rites porteurs d’exégèse, celle d’un catéchisme allégorique conduisant aux mystères du Christ, tels qu’ils furent divulgués au commencement ; commencements marqués par le calvinisme. En effet, le calvinisme apparaît historiquement comme fondateur des débuts de la maçonnerie spéculative. Les références au temple de Salomon n’étaient pas seulement des références à des réalités du passé en tant que temple de Jérusalem ou du corps du Christ, c’était aussi une référence à une réalité future espérée : l’Eglise presbytérienne dont il fallait poursuivre et parachever l’édification.

Dans la cérémonie d’élévation, quel est l’objet de la substitution par le rituel, objet qui est aussi en l’espèce un sujet ? Quel est le sens de ce qui hante énigmatiquement les signes qui se donnent comme symboles ? De l’identité primitive, que vivons-nous aujourd’hui avec la cérémonie d’élévation ? On est élevé, je dirai relevé, révélé, Maître par les cinq points du compagnonnage, en entendant le mot secret du Maître et en recevant connaissance du signe de reconnaissance. Avant de tenter de donner une explication à ce cérémoniel, voyons d’abord comment les « cinq points du compagnonnage » furent préconisés à travers les traces des « textes fondateurs » les évoquant.

Dans le manuscrit d’Edimbourg de1696, qui date donc de la période de transition de la Maçonnerie opérative à la Maçonnerie spéculative, ( il est à l'heure actuelle, en Ecosse et dans le monde, le plus ancien document connu de caractère rituel. C'est ce qui fait son intérêt exceptionnel)  on trouve le passage suivant : Q. 2 : Combien y a-t-il de points du compagnonnage ? R. : Cinq, à savoir : pied à pied, genou à genou, cœur à cœur, main à main et oreille à oreille. Faites alors le signe du compagnonnage, et serrez la main [de votre interrogateur], et vous serez reconnu pour un véritable maçon. Les mots sont dans le premier livre des Rois, ch. 7, v. 2l. (Il dressa les colonnes dans le portique du temple ; il dressa la colonne de droite, et la nomma Jakin ; puis il dressa la colonne de gauche, et la nomma Boaz.) et dans le deuxième livre des Chroniques, ch. 3, dernier verset (Il dressa les colonnes sur le devant du temple, l'une à droite et l'autre à gauche; il nomma celle de droite Jakin, et celle de gauche Boaz).

Dans « le Sloane », un Manuscrit datant de +/- 1700 (British Museum), il est écrit : Ils ont un autre mot qu'ils appellent le mot de maître, et c'est Mahabyn, qu'ils divisent toujours en deux mots. Ils se tiennent debout l'un contre l'autre, poitrine contre poitrine, les chevilles droites se touchant par l'intérieur, en se serrant mutuellement la main droite par la poignée de main de maître, l'extrémité des doigts de la main gauche pressant fortement les vertèbres cervicales de l'autre ; ils restent dans cette position le temps de se murmurer à l'oreille l'un Maha et l'autre, en réponse, Byn.

Dans le manuscrit Graham de 1726, qui est catéchisme maçonnique, se présentent des parallèles certains avec d’autres écrits du même genre, comme « The whole institutions of free-masons opened » de 1725. Il s’y rappelle trois légendes dont celle de l’histoire de la découverte du cadavre de Noé par ses fils. Sem, Cham et Japhet, les trois fils de Noé, se rendent à la tombe de leur père pour tenter d’y découvrir quelque chose à son sujet, qui les guiderait jusqu’au puissant secret que détenait ce fameux prédicateur. Ces trois hommes étaient déjà convenus que s’ils ne trouvaient pas le véritable secret, la première chose qu’ils découvriraient leur tiendrait lieu de secret. Arrivés à la tombe, ils ne trouvent rien d’autre que le corps de leur père, corrompu, et dont la main et l’avant-bras se détachent en morceau ; ils le relèvent alors « en se plaçant avec lui pied contre pied, genou contre genou, poitrine contre poitrine, joue contre joue et main dans le dos  », selon la méthode que l’on apprend plus loin être celle des « cinq points des compagnons francs-maçons » « Aide-nous, 0 Père ». Comme s’ils avaient dit : « 0 Père du ciel aide-nous maintenant, car notre père terrestre ne le peut pas ». Ils reposèrent ensuite le cadavre, ne sachant qu’en faire. L’un d’eux dit alors : « Marrow in this bone (II y a de la moelle dans cet os) », le second dit : « Mais c’est un os sec » et le troisième dit : « il pue ». Ils s’accordèrent alors pour donner à cela un nom qui est encore connu de la Franc-maçonnerie de nos jours et qui est le mot du M\. Pour mémoire, la troisième légende concerne Hiram, il y achève le Temple mais ne meurt pas de mort violente.

Dans le catéchisme irlandais « les 3 coups distincts » du rite d’York de 1760, représentant l’usage des anciens,  on peut lire: Ils enfoncèrent les cinq doigts de leur main droite dans le poignet de sa main droite (ce qui constitue l’attouchement du M ) et en tirant de toute leur force, leur pied droit contre son pied droit, leur genou droit contre son genou droit, leur sein droit contre son sein droit, leur main gauche soutenant son dos et susurrant dans son oreille le mot Mahhabone qui signifie à peu près, pourri jusqu’à l’os et constitue le mot du M\.

Dans la version, complétée par Jean-Baptiste WILLERMOZ, du rituel du Régime Ecossais Rectifié,  rédigé au Convent Général de l'Ordre en l'an 1782, il est dit : Enfin, le Vénérable Maître lui prend le poignet droit avec sa main  droite, lui passe sa main gauche sous l'épaule gauche, tenant le pied droit contre le pied droit du candidat, genou contre genou, et  poitrine contre poitrine. Dans cette attitude, et aidé par les deux Surveillants, il le relève entièrement, disant d'une voix élevée : Il recevra la vie dans le sein de la mort.

Dans le rituel du Rite Français du 18ème siècle, on trouve : 2.S. : Très Respectable, j'ai cru pouvoir le relever par l’attouchement d’Apprenti, mais la chaire quitte les os. 1.S. : Très Respectable, j’ai cru pouvoir le relever par l’attouchement de Compagnon, mais la chaire quitte les os. TR. : Ne savez-vous pas que vous ne pouvez rien sans moi et que nous pouvons tout à nous trois. Il s’approche du Récipiendaire, pose le pied droit contre le sien, genoux contre genoux ; de la main droite il lui enserre le poing, de façon que les paumes des deux mains soient l’une contre tous l’autre, et lui passe le bras gauche sous l’omoplate droite, ayant par ce moyen, estomac contre estomac ; puis à l’aide des deux Surveillants, il le relève et lui dit à l’oreille, en lui donnant l’accolade par trois, les trois syllabes du mot. Machaben.

Que ce soit dans le Cooke, 1400-1410, le Sloane environ 1700, le Dumfries 1711, le Wilkinson 1724-1730, le Graham 1726, tous les rituels fondateurs font référence à des corps à corps, âme dans âme, pour la cérémonie d’acceptation du maçon à sa maîtrise. Juste une remarque : Ce n'est qu'avec la deuxième édition des « Constitutions d’Anderson », publiées en 1738, que la maîtrise sera formellement intégrée comme troisième degré hiérarchique.

Voici pour les textes fondateurs. Quant à  l’interprétation, les courants maçonniques divergent. Retenons en cinq, sans prétention à l’exhaustivité.

1 - La fraternité comme code moral. C’est l’explication qu’en donne le « catéchisme des trois coups distincts » de 1760 : Premièrement, main contre main, signifie que je tendrai toujours la main à un F\ pour l’aider, tant que cela sera en mon pouvoir. Deuxièmement, pied contre-pied, signifie que je n’aurai jamais peur de m’écarter de mon chemin pour rendre service à un frère. Troisièmement, genou contre genou, signifie que lorsque je m’agenouille pour faire ma prière, je ne dois jamais oublier de prier aussi bien pour mon frère que pour moi-même. Quatrièmement, poitrine contre poitrine sert à montrer que je garderai les secrets de mon frère comme les miens propres. Cinquièmement la main gauche qui soutient le dos signifie que je serai toujours prêt à soutenir un frère tant que cela sera en mon pouvoir.

2 - Le rappel ecclésiologique et spirituel du calvinisme. La doctrine calviniste exprimant les fondements de la foi presbytérienne fut présentée et définie en cinq points, je dirai même en cinq contre-points de la réfutation de l’arminianisme au synode de Dordretch en 1618. Ces cinq points résumés par l’acronyme anglais TULIP (Total depravity, Unconditonal election, Limited atonement, Irresistible grace, Perseverance of the saints) portaient essentiellement sur le primat et les modalités de la grâce et constituaient par là les clefs de la rédemption en vue du salut éternel. Ils représentaient des instruments de la résurrection des corps. Le pouvoir résurrecteur des cinq points du calvinisme suggéra aux rédacteurs du Graham  en 1726 l’idée de relever un cadavre, probablement celui de Noé.

Par ailleurs le « Contrat de la loge écossaise » de Perth, qui décrit en 1658 le rite calviniste des cinq points du compagnonnage, développait l’attouchement originel de la griffe. Cette griffe était à considérer d’une part – ut singuli - comme un double instrument d’union fraternelle et d’onction spirituelle, et d’autre part – ut universi –comme référence au double symbolisme ecclésiologique et spirituel du temple de Salomon. La communion fraternelle engendrant l’onction spirituelle, l’onction spirituelle engendrant la communauté fraternelle. Le relèvement est donc à interpréter, ici, comme l’affirmation en la foi presbytérienne. Ce n’est qu’en 1730, sur fond d’opposition religieuse, que la Grande Loge d’Angleterre, en majorité anglicane, remplace Noé par le cadavre d’un meurtre, Hiram : par réaction, la légende d’Hiram, occulta l’interprétation calviniste, allant même jusqu’à identifier les calvinistes aux assassins du bâtisseur.

3 - La connaissance du métier des compagnons. Le manuscrit Graham 1726 se termine en insistant sur le nombre cinq. Outre les cinq points physiques qui sont pied contre pied, etc., le manuscrit faisait référence aux cinq ordres d’architecture et aux cinq ordres de la maçonnerie, affirmant qu’ils tirent leur force de cinq figures primitives : une divine et quatre temporelles qui sont comme suit : premièrement le Christ, le chef et la pierre d’angle, deuxièmement Pierre appelé Képhas, (nom signifiant rocher), troisièmement Moïse qui grava les commandements (sur deux tables de pierre), quatrièmement Betsal’el le meilleur des maçons (qui construisit le sanctuaire à l’époque de l’exode), cinquièmement Hiram qui était rempli de sagesse et d’intelligence. Ici l’interprétation « lithocentrique » du métier des bâtisseurs s’impose confirmée par la question-réponse 24 du Graham : Qu'est-ce qu'un maçon ? Un ouvrier de la pierre.

4 - Je voudrais juste effleurer l’interprétation Alchimique car dans quelques manuscrits anciens, on trouve de cet art plusieurs définitions desquelles il importe que nous parlions ici. Hermès dit : « L'Alchimie est la science immuable qui travaille sur les corps à l'aide de la théorie et de l'expérience, et qui, par une conjonction naturelle, les transforme en une espèce supérieure plus précieuse ». C’est essentiellement le Rite de l'Etoile Flamboyante dont on retrouve trace dans le « Système philosophique des Anciens Mages égyptiens revoilé par les prêtres hébreux sous l'emblème maçonnique » vers 1750 qui développa en franc-maçonnerie cette interprétation. Ce Rite est réellement alchimique. Son catéchisme est une description du Grand Œuvre avec en parallèle l'explication alchimique des principaux symboles maçonniques.

5 - L’interprétation christique. On ne peut ignorer l’influence réelle d’une culture religieuse catholique dans la maçonnerie française du 18ème siècle. La posture de relèvement et d’accueil du nouveau Mest une invitation à déchiffrer le sens de la légende d’Hiram dont la première version parut en 1730 dans l’ouvrage de Samuel Prichard intitulé « La Maçonnerie disséquée ». C’était une divulgation du rituel de la Grande loge de Londres de 1730. Analysant les deux sources immédiates de cette légende (le Graham de 1726 et le Wilkinson de 1727), il est permis de montrer que la figure d’Hiram était une figure allégorique renvoyant à une réalité bien précise : Jésus. Et c’est en ce même sens allégorique sans équivoque que le rituel de la Grande loge de Londres reprit la figure d’Hiram, la superposant à celle de Noé, pour élaborer sa légende, afin d’entamer une herméneutique biblique à l’abri des clergés. La légende maçonnique d’Hiram n’avait rien d’irréel ou d’irrationnel, elle n’avait rien d’arbitraire ou d’artificiel car elle exprimait une interprétation spirituelle, et non charnelle, de la résurrection des morts tout en invitant les maçons à s’interroger sur la notion mystérieuse d’attouchement corporel.

Selon la théologie chrétienne : « C’est Dieu le Fils lui-même, le Verbe de Dieu, qui se ressuscite Lui-même à partir de son corps mort. Son âme resurgit donc et la forme glorieuse de ce corps réanime victorieusement son cadavre. Il est le Médiateur en Son corps de Sa résurrection ! Le sens réel de résurrection, en tant que promesse placée devant nous dans les écritures, a été très généralement perdu de vue, en partie parce que ce terme est employé de diverses manières ».

- Dans l’usage courant, il n’est pas rare d’utiliser ce terme au sens figuré. En disant ressusciter pour réveiller, revigorer, faire sortir de sa torpeur, ranimer, rendre force tant à des objets, des idées que des personnes.
- Dans l’usage biblique, il y a une autre confusion terminologique entre un simple réveil et une résurrection pleine et entière hors la mort.

Les chrétiens parlent de la résurrection de Lazare « sors d’ici », de la résurrection du fils de la veuve de Naïn « jeune homme lève toi », de la résurrection de la fille de Jaïrus « Jeune agnelle, debout ». Ils donnent à ce vocable le même sens qu'aux promesses eschatologiques. A remarquer le terme d’agnelle  préfigurant le sacrifice de l’agneau Jésus. Or il n'est pas vrai que Lazare et les autres furent ressuscités ; ils furent simplement réveillés, ranimés. Réveiller signifie simplement faire fonctionner à nouveau l'organisme de la vie. Ranimation, « Ressuscitation » ou « ressuscitement » c'est ce qui fut fait pour Lazare ou pour le fils de la veuve de Naïn ou pour la fille de Jaïrus. Ils étaient encore soumis à la sentence de mort, et n'obtinrent qu'une brève prolongation des conditions de la vie mourante. Ils ne furent pas relevés, sortis de la mort pour entrer dans des conditions de vie parfaite.

On trouvait déjà chez les prophètes de l’Ancien Testament ce thème de résurrection et pour mémoire : Elie s'étendit trois fois sur l'enfant, invoqua l'Éternel, et dit : Éternel, mon Dieu, je t'en prie, que l'âme de cet enfant revienne au dedans de lui ! (1 Rois 17 : 17-24) Elisée monta, et se coucha sur l'enfant ; il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains, et il s'étendit sur lui. Et la chair de l'enfant se réchauffa. (2 Rois 4.34). Et comme on enterrait un homme, voici, on aperçut une de ces troupes, et l'on jeta l'homme dans le sépulcre d'Élisée. L'homme alla toucher les os d'Élisée, et il reprit vie et se leva sur ses pieds. (2 Rois 13.21).

Le terme « résurrection », tel qu'on le trouve dans le Nouveau Testament, vient du mot grec anastasis. Anastasis ou anistèmi (de histèmi se tenir debout après s’être couché et du préfixe ana de bas en haut). Il se trouve quarante-trois fois dans le Nouveau Testament et signifie se tenir debout à nouveau, ou se relever. On ne l'emploie, cependant, jamais pour désigner le relèvement debout d'un cadavre dans un tombeau, pas plus pour désigner la simple reviviscence ou une remise en fonction de l'organisme de la vie. Il signifie quelque chose de beaucoup plus important. Il est employé comme l'antithèse, ou l'opposé, de la mort - le rétablissement hors de la mort. Pour avoir une idée exacte de la signification du terme anastasis, il faut d'abord que nous ayons une idée exacte de ce qui constitue la vie du point de vue divin. Il nous faut ensuite comprendre ce qui constitue l'état mourant et la mort. Ayant ces deux pensées bien à l'esprit, il nous est possible de saisir la pensée de résurrection, ou de relèvement hors de la mort pour entrer dans la pleine perfection de vie dont nous sommes tous déchus en Adam, selon la doctrine chrétienne.

Il n'y a que deux hommes qui aient jamais possédé cette vie parfaite : le premier, Adam, avant sa transgression, avant qu'il n’ait attiré sur lui la malédiction ou la sentence de mort ; et le second, l'homme Christ Jésus. A l'instant où la sentence de mort fut prononcée contre Adam, sa vie fut perdue, le processus de mort commença son œuvre. Adam était dans la mort, il n'était donc plus en vie. La postérité d'Adam n'a jamais eu la vie, l'étincelle qui vacille pendant quelques années n'étant pas considérée par Dieu comme étant la vie, étant donné que la sentence de mort demeure sur tous, et que ceux qui naissent dans le monde ne reçoivent pas la vie dans le plein sens de ce terme, mais simplement une vie mourante. Dieu ne reconnaît comme ayant la vie parfaite que ceux-là seuls qui s’uniront au Fils de Dieu, Rédempteur des hommes,  Donateur de vie.

Le sens du terme anastasis est à comprendre comme voulant dire un rétablissement, un relèvement à la condition d'avant la chute, à la condition de perfection dans laquelle Adam fut créé. C'est à cette condition de perfection que Dieu se propose d'amener tous ceux des humains qui le voudront par l'intermédiaire du Christ, étant admis que, lorsqu'ils seront amenés à la connaissance de la Vérité, ils devront accepter la faveur divine, et prouver leur loyauté par l'obéissance à l'esprit de la Loi divine. Une fois acceptée que anastasis signifie relèvement complet hors de la mort, il reste à s’interroger sur son caractère soit instantané, soit graduel. En ce qui concerne la résurrection de Jésus vue par les théologiens chrétiens, il est certain qu'elle fut instantanée, de la mort à la vie parfaite, tandis que, pour les hommes, elle sera une résurrection graduelle, ou un relèvement à la vie, qui prendra plusieurs années destinées à cette œuvre de résurrection, ou de rétablissement. Anastasis ne change pas non plus la nature de l'être qui sera relevé, car l'être relevé sera de la même nature que quand il mourut. Dans des études des textes 18ème siècle, on peut retrouver ce même esprit d’actualisation de la foi chrétienne à travers le mimodrame du relèvement d’Hiram, en particulier dans le signe de Maître au Rite du Mot de Maçon. Pour interpréter correctement le signe de maître au rite du Mot de maçon, il faut d’abord commencer par le pratiquer correctement, c’est à dire conformément à la manière dont il était pratiqué à l’origine, et non pas, comme l’affirme Patrick Négrie, de la manière fantaisiste et contre-traditionnelle qu’on voit aujourd’hui pratiquée par exemple au rite dit écossais ancien et accepté.

De fait nous lisons dans le texte de 1745 de l’abbé Gabriel-Louis PERAU « L’Ordre des francs-maçons trahi » : « Le signe de maître...est de porter la main droite au-dessus de la tête, le revers tourné du côté du front, les quatre doigts étendus et serrés, le pouce écarté, et de la porter ainsi dans le creux de l’estomac ». L’abbé poursuit quelques pages plus loin : « Le signe de maître est de faire l’équerre avec la main, de la façon qui a été déjà expliquée plusieurs fois ; de l’élever horizontalement à hauteur de la tête, et d’appuyer le bout du pouce sur le front ; et de la descendre ensuite dans la même position au-dessous de la poitrine, en mettant le bout du pouce dans le creux de l’estomac ». Dans le contexte de l’interprétation implicite de la légende hiramique en tant que  Passion/résurrection de Jésus de Nazareth, ce signe de maître faisait référence par sa forme d’équerre à la croix de Jésus, et le coup donné par la main en équerre dans le creux de l’estomac faisant penser,  non pas aux femmes et aux autres témoins de la crucifixion qui se frappèrent la poitrine (Lc 23,27.48) mais aux coups physiques donnés à Jésus lors de son procès (Mt. 26,67-68 ; Mc 14,65 ; Lc 22,63-64 ; Jn 18,22-23 ; 19,3) et plus particulièrement au coup de lance infligé par l’un des soldats au côté de Jésus décédé sur la croix (Jn 19,34).

C’est bien-là l’interprétation d’un abbé ! Nous pourrions poursuivre avec l’analyse des origines du mot secret ou encore avec celle de l’art diagrammatique du tableau de loge, au grade de maître. Je laisserai pour le moment ces études pour être gravées sur d’autres planches. A travers les textes fondateurs, il y apparaîtra clairement que le rituel maçonnique représentait une liturgie judéo-chrétienne dont les éléments devaient servir de support à l’instruction spirituelle et d’encouragement à la pratique spirituelle d’une manière analogue aux liturgies religieuses des églises chrétiennes.

Alors de l’essence biblique qu’est-ce qui s’impose à nous dans la praxis de la cérémonie ? Trois plans s’interfèrent  où l’opposition mort-vie est renouée dans la résurrection : la putréfaction ranimée, le vifs saisit le mort et le salut éternel. La putréfaction ranimée par la résurrection du compagnon qui fera dire : Notre maître Hiram est ressuscité nous interroge. Le nouveau M\ est-il devenu Hiram ? Est-il la réincarnation du Maître ? Il sera nommé vénérable par ses frères et sœurs, qu’est-ce que cela signifie ? Le vif saisit le mort par la grippe ; c’est une résurrection semblable à celles relatées dans la Bible.  Redonne-t-elle une nouvelle vie au nouveau M\ ? Et laquelle ? Cela n’est pas sans rappeler que, par l’épée flamboyante, le vén M\ a donné renaissance à l’impétrant en le faisant app F\ M\.
 
Le salut éternel par la résurrection de Jésus engendrée par lui-même et la promesse de la résurrection en Jésus car ne dit-il pas à Marthe la sœur de Lazare : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort » n’est-il pas au cœur de l’instant de l’élévation. N’est-elle pas, alors, l’affirmation du dogme chrétien de la foi en l’éternité de Jésus ? Le cordon représenterait-il alors la descente de l’esprit saint ? Chacun répondra avec ses croyances et sa façon de  dominer les paradoxes de nos rituels ; Au-delà du rôle sacramentel du respectable Maître qui, à cet instant de don innocent de la dette, offre un dépassement de l’expérience de la perte, il s’agit alors, non de recevoir, mais d’accueillir « Mac Benah » ou « Moha Ben » comme la substitution de l’esprit au corps. Et c’est sur nos tabliers que seront tatoués les stigmates de la passion qui a fait de nous des M\ F\ M\.Alors advient le récit où la voix, cassée de consonnes, se lie de voyelles. Alors advient l’histoire, ce tissu  d’évènements choisis. Le sublime est bien cet effort indéfini vers le sens de ce qui échappe à la représentation, et qui cependant s'y révèle. Il nous est rendu, alors, ce qui ne peut plus pourrir, la lumière.

S\ S\


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