Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Malgré
le caractère optimiste de cet ouvrage, il va falloir vous laisser
entraîner
dans la tristesse et la désolation, des choses viles, des immondices,
du
fumier, de la fiente de cheval et de leur fermentation... Dans la
décomposition
de la matière, les sépulcres et la dissolution
« imparfaite » :
dans Ha!...
Je viens de recevoir un coup de levier sur l'épaule ! Par un
fanatique,
sans doute. Je vois 27 chandelles, la voûte céleste se remplit
d'étoiles. Aïe...
un autre coup, avec une règle cette fois, quelle hypocrisie,
j'entrevois
l'ampleur du cosmos. Tiens, Saturne. Aïe...
Cette fois, c'est un coup de maillet, sur la tête. Le coup a été plus
sourd.
Mon crâne va éclater... Je crois que je vais mourir. Ça tourne dans ma
tête.
Quelle ignorance !... Tout
s’obscurcit, j'ai pitié d'eux, je vois défiler mon passé. Je ne suis
pas tout
blanc. Je
me rappelle un certain soir, j'ai eu la même impression, tout défilait.
J'étais
dans un lieu obscur, presque noir, avec juste une petite veilleuse qui
me
permettait à peine de lire quelques inscriptions. J'eus beau réfléchir
sur
l'une d'entre elles !... Je
crois que je comprends à présent un peu mieux les idées qui furent
alors
suggérées : V.I.T.R.I.O.L. Ces lettres s'agrandissent
démesurément, elles
dansent devant moi, je perçois une curieuse odeur de soufre... mélangée
à celle
de l'œuf pourri. Le
sang de ma blessure, qui coule dans ma bouche, me laisse un goût
particulièrement
salé. Le sel, oui, je me souviens mais c'est flou... Un crâne, oui, il
y avait
un crâne, mais aujourd'hui c'est le mien, avec une fracture
probablement. Des
gouttes de sueur coulent dans mes yeux, comme de petites perles, ma vue
se
trouble, elles scintillent comme des étoiles, des myriades
d'astérisques, on
dirait des petites gouttelettes de mercure. Oui, je me rappelle, il y
avait du
Mercure. Il faudrait les fixer, elles se volatilisent... La
douleur se transforme en un feu brûlant. Je me sens lourd, très lourd,
comme du
plomb. La douleur est aveuglante. Je tombe. Ils me traînent, ils m'entraînent, ils me portent, loin du chantier, je les entends creuser un trou en hâte. Ils me jettent dedans ; quelques pelletées de terre suffisent à me cacher à la vue des vivants. Ils enterrent également les outils. Équerre et compas ne servent ici qu’à mesurer leur vanité. Beaucoup
d'hommes ne se rendent pas compte qu'ils sont en conflit permanent. Ils
agissent comme des morts vivants. La
peur, le désir possessif provoquent la violence et entraînent la
douleur. Ils
éprouvent du plaisir à détester les individus, à les voir souffrir, à
éprouver
des sentiments de haine, haïr des races entières. Ils ne savent pas la
joie que
procure l'amitié et l'amour ; le bonheur est à leur portée
mais ils
l'ignorent, ils en sont exclus, parce qu'ils ignorent la nature.
Faut-il les en
excuser pour autant ? Le
geste de mes assassins servira probablement à leur ouvrir les portes de
leur
propre enfer. Le temps de leur putréfaction se manifestera sans doute à
son
terme. Leur tour viendra de recevoir leurs coups pour mourir. Pour
mieux
renaître, qui sait ? Pourquoi
les hommes font-ils des choses nobles ? Pourquoi les hommes font-ils
des choses
ignobles ? Tiens,
délicate attention, ils plantent une branche de feuillage sur ma
tombe !
On dirait de l'Acacia, ou du Mimosa, j'adore cette plante, elle sent
bon, elle
a toute une histoire. Je
crois que je ne vais pas leur en vouloir : étaient-ils pressés
d'en savoir
plus ? Rien
ne se fait sans le temps « ici bas ». Ils sont
vraiment ignorants,
sinon ils n'auraient pas agi de la sorte. Leurs cinq sens les ont
trompés,
l'envie, les passions, les ambitions, l'orgueil, ils ont choisi la
mauvaise
voie, ils n'ont même pas cherché la vraie raison des choses. Ils ne
savaient
pas qu'en me tuant, ils se tuaient eux-mêmes. Ils ne seront plus jamais
en
paix. Ils auront à combattre leurs propres démons. Le souvenir de leur
geste
restera à jamais gravé dans le défilement des
« acachas ». Leur fuite
en avant les prive d'un avenir qu'ils ne se sont même pas imaginé. Le
sang qui
tache leur tablier, leurs vêtements et leurs mains a autant entaché
leurs âmes. Même
si mes pairs ne les retrouvent pas, ils seront jugés. L'immortalité de
leurs
âmes donne une durée éternelle à ce jugement-là. Je
n'entends plus rien, j'ai froid, je gèle, je n'ai plus la notion du
temps.
Dehors, c'est peut-être l'hiver... Sommes-nous au mois de
décembre ? Le 21,
c'est la fête de la lumière et du soleil ! Et je suis dans les
ténèbres. Ne
sentez-vous pas une odeur fétide et repoussante, une odeur de cadavre
envahir
cet endroit ? La
chair quitte déjà mes os, je la sens partir en lambeaux. Ma
décomposition s'accélère,
mon abdomen verdit, puis peu à peu noircit. Plus noir que le noir.
Devant la mort,
nous ne sommes pas grand-chose. Peu
à peu je ne sens plus rien, mes sens m'ont abandonné. Ils ne me
révèlent plus
rien du monde extérieur. Je n'entends plus rien, même pas le cri des
corbeaux.
Peut-être seulement une vibration ; un vague son :
AAAAAAAUUUUUUUMMMMMMM Je
suis seul, le chaos, la confusion règnent dans mon esprit. Ne suis donc
pas
tout à fait mort ? Je ne sais pas, je ne sais plus, j'ai
l'impression
d'avoir toujours un bandeau sur les yeux !... Dans
cet endroit d'isolement, privé de toute splendeur. J'envisage une vie
d'ombre.
Les pensées qui habitaient ma conscience se sont tues. Condamné à
l'inertie, je
me prépare à « co-naître » l'empire des morts, à
sombrer au cœur de
la terre, dans les profondeurs de l'Océan de mon inconscient. Je vais
peut-être
connaître mon enfer... Réveiller le prince de mes ténèbres. Je
me souviens du tumulte de certains « voyages »... Mon
premier voyage
représentait le premier élément ; c'était Pourquoi
l'inquiétude ? Pourquoi la maladie ? Pourquoi la
mort ? Mon
esprit s'échappe, plane et vient se fixer au-dessus de mon corps,
presque
volatilisé. Il me regarde sans pouvoir intervenir. C'est les ténèbres,
la nuit
noire, comme au premier voyage. Je suis là, dans mon tombeau. L'endroit
est
lugubre. Tous les morts sont-ils condamnés à l'inertie ? Pourquoi
la souffrance ? Si
je suis mort, je devrais « en principe » ne plus
souffrir ! Mais
la souffrance, c'est peut-être celle de l'âme errante, qui ne sait pas
où elle
va, sans jamais reposer en paix. Je
ne crois pas à la mort. Je pense qu'il y a seulement transformation.
Mais il y
a un point d'équilibre à trouver. Je pense que l'initiation, quelle
qu'elle
soit, apprend à moins souffrir, à mieux mourir. Peu
à peu les petits vers s'en mêlent. Ils viennent en nombre : 1-3-5-7-9,
puis 36
- 64 - 72 - 108 - 144 - 360 et plus !. Ils grignotent le
« macchabée »
que je suis. Ils commencent par les yeux. Ça n'a aucune importance,
dans le
noir de ma sépulture, ils ne me servent à rien. Maintenant, il me faut
regarder
avec les yeux de l'esprit ! Mais
que se passe-t-il ? Une épaisse fumée noire, là
devant moi. Des grondements sourds qui semblent provenir d'un grand
bâtiment
carré, recouvert d'une pyramide, qui rapidement se transforme en une
demi-sphère. Les
croisillons
du portail cachent une serrure. Où sont passées mes clefs ? Mon corps
éthérique
passe au travers de la porte. Tapi dans l'ombre un monstre féroce
m'attendait.
Il rugit, et fonce droit sur moi. Son haleine nauséabonde remplit le
bâtiment. Le feu
qu'il crache brûle le portail. De l'air frais entre en spirale. Une
pâle lueur
occasionnée par les restes calcinés de la porte offre de distinguer les
formes
de la bête : c'est drôle, il me ressemble ! Etais-je
donc si laid ? Qu'est-ce
que la beauté ? Par
Jupiter ! ou par mars ?
Pourquoi la guerre ? Décrochant
mon épée flamboyante, j'enfourche Pégase, je livre peut-être mon plus
dur et
ultime combat. Il semble bien me connaître, le monstre ! Il
subit des
transformations permanentes. Je tente de le pourfendre par tous les
moyens : A
moi... Hercule ! A moi... Jason ! A moi...
Thésée ! Ce dragon
est coriace. Imaginez
le combat d'un aigle et d'un lion qui à la fin meurent tous les deux,
et
seraient donnés en nourriture aux corbeaux…à
qui, à leur tour on couperait la tête ? Des
têtes coupées du monstre repoussent, je lui jette de la terre, il me
jette de
la poudre aux yeux. Il lance toujours des flammes. De ses plaies coule
un sang
vert. Le
sol se remplit d'eau qui curieusement ne mouille pas les
mains ! Je
ne sais plus où frapper. Décrivant des croix et des cercles autour de
moi, à
l'aide de mon épée. Frappé à la perpendiculaire au niveau du cœur, je
crois
l'avoir touché gravement et mis hors d'état de nuire. S'il
gardait un trésor, il remplissait parfaitement sa tâche. Je
crois que le temps s'écoule à l'extérieur, comme si je n'avais jamais
existé. Tout
s'apaise. Je
sens monter en moi une chaleur diffuse dans la région du coeur, comme
du feu
intérieur qui gagne peu à peu toutes les autres parties de mon corps.
Une sorte
de bien-être indéfinissable. Né
de la terre, je suis retourné à la terre et, acte d'amour sublime, mon
corps
humide s'est fondu en elle. Je
sens, sous cette terre, des petites graines, si près de moi que j'ai
l'impression
de les voir, de les toucher, qu'elles sont en moi. Je croix voir leur
quinte
essence dans la perfection naturelle de leur devenir. Décidément, ce
qui est en
dessous aussi est comme ce qui est en haut ! Ici,
une petite peau éclate tel un œuf qui éclot, une autre là, de son
enveloppe
sort une petite forme blanche, un petit germe fouissant à travers la
terre tel
un bébé s'enfonçant dans le sein de sa mère ; image de vie. Une
autre pousse apparaît là, d'un jaune tendre, couleur de soleil, pas
encore
vert, elle se faufile à travers cailloux et grains de terre, elle
cherche un passage
vers le haut, elle cherche la lumière. Elle sera peut-être un nouvel
acacia, ou
bien des épis de blé ? L'énergie
développée par ces futures plantes à la recherche de la lumière me
rappelle
qu'un certain soir je fus purifié par l'eau, par l'air et par le feu. Au
sortir de la terre, elles auront de l'air, du soleil et de l'eau. Tout
participe
de ses éléments. Ils interprètent une telle symphonie, lorsqu'ils sont
en
harmonie, qu'on devrait passer notre temps à les équilibrer. Je croix
qu'une
clef fondamentale est d'équilibrer toute chose, tout acte, et à
commencer par
les éléments pour les fondre en un. A
présent, je perçois autrement que par les sens, comme un murmure, comme
un « air
de messe » : Le Vent l'a porté dans son ventre, Les
diverses combinaisons de ces éléments symbolisent l'infinie diversité
des êtres
et de la manifestation. Il n'y a point d'éléments simples. La terre par
exemple
est composée d'eau, de feu, d'air et de terre. L'excès cause
l'altération et la
proportion due au mélange équilibré occasionne le repos et la
stabilité. Ils
agissent tous les uns sur les autres, et si c'est directement, ils
s'altèrent.
L'impureté de la terre doit être lavée par l'eau, et corrigée par
l'air. La
volatilité de l'air est fixée par le feu... Pourquoi
la dualité, le noir, le blanc, le masculin, le féminin ?
Harmoniser les
contraires... le
pouvoir entier
de l'alchimie se trouve dans le point central de l'équilibre universel,
centre
des diagonales du rectangle long. Confucius dirait l'invariable milieu.
C'est
le Yin et le Yang quand tous les commentaires se sont tus. Le point
central de
la nature humaine est l'endroit où le corps et l'âme se rencontrent, de
sorte
que leurs actes soient en harmonie. Le point d'équilibre entre la vie
et la
mort serait le secret de l'éternité. En
géométrie, c'est la quadrature du cercle. Pas de point central si la
structure
n'existe pas. En
alchimie, c'est la réalisation du Grand Œuvre, « le
couronnement du Roi et
de Mais
le vent s'est levé, la branche d'acacia a remué au-dessus du tertre, la
pluie
tombe de plus en plus fort, ravine sous la terre et nettoie mon
tombeau. Des
pas se font entendre de plus en plus proche, des voix de plus en plus
nettes. J'entends : M... B..., M... B… ! Je sens la terre « re-muer ». On va peut-être me découvrir, c'est des amis, qui sait ?
Tiens
pourquoi recueille-t-on Un
immense sentiment de joie m'envahit au sortir du dédale de mon
labyrinthe. Un
guide est venu m'insuffler la vie par cinq points. Il m'a indiqué de
chercher à
connaître la vérité, veiller au bien faire et dire ce qui est juste,
emprunter
la voie du cœur, chercher le centre. La
corruption d'un corps est le commencement de la génération d'un autre.
Il ne se
fait pas de génération sans la mortification d'un corps précédent. La
putréfaction se fait lentement, mais elle n'est pas une vraie
corruption ni une
vraie pourriture sans lendemain. La matière semble mourir, mais au bout
d'un
temps l'esprit igné, aidé de la chaleur et de l'eau, reprend de
nouvelles
forces et domine à son tour pour achever la génération. J'ai
l'impression que je viens de naître. D'autres entraves sont tombées.
J'ai rencontré
des animaux qui font parfois peur, et quoiqu'il soit bon de les savoir
là, il
faut être vigilant pour les combattre dès qu'ils se réveillent. Le
vent s'apaise, la pluie s'est arrêtée de tomber, la lueur du soleil
m'éblouit,
après être resté longtemps dans l'obscurité... |
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