La Colonne d’Harmonie
L
La
musique est l’art de combiner les sons afin de les rendre
harmonieux à
l’oreille.
C’est
la définition que l’on m’a apprise
dès mon enfance.
La
musique a tellement évoluée depuis le monocorde
de Pythagore jusqu’au
synthétiseur d’aujourd’hui que cette
définition serait peut être à revoir.
Harmonieux,
en grec, veut dire
« assembler » :
c’est trouver le juste
équilibre dans le choix et la préparation de la
disposition des notes.
La
musique est donc la science du rapport entre les sons.
La
musique est aussi un art : le nom de musique vient de
« muse »,
les muses étant les déesses des arts.
L’art est l’activité humaine par
laquelle
une personne peut volontairement et au moyen de signes
extérieurs communiquer à
d’autres les sentiments et les sensations qu’elle a
éprouvées elle-même.
La
musique est une expression, un art typiquement humain. Elle est fille
de
l’esprit de l’homme, de sa sensibilité,
de son sens de la beauté. Par elle, par
le rythme, l’intensité, la mélodie, les
silences mêmes, passe la communication
universelle.
La
musique peut atteindre une grande puissance émotionnelle.
En
Loge, elle oriente l’émotion de toutes les
Sœurs assemblées vers une communion
fervente et constructive.
Vous
connaissez toutes le début de l’Evangile de
Jean : « Au commencement
était le Verbe… » Ne
pourrait-on pas remplacer le mot
« verbe »
par son ou chant ? Le mystère que
représente la musique pour l’homme l’a
toujours fait associer au verbe.
Ne
pourrait-on pas dire que la musique dit en hiéroglyphes
sonores ce que le Logos
dit avec des mots ?
Debussy
a dit « Le vrai
conservatoire, c’est
le rythme éternel de la mer, le vent dans les feuilles, les
mille petits bruits
qu’on écoute avec soin ; toute
connaissance musicale doit devenir
vie ». Cette citation me permet de vous
parler des rapports entre la
musique et la nature.
La
vie sans la nature ne serait pas la vie, la nature sans la musique ne
serait
pas la nature. Il n’y a pas de nature sans musique, tout est
musique dans la
nature : le fracas d’une cascade, le grondement du
tonnerre, le chant d’un
oiseau, la stridulation d’une cigale… Sans la
musique, la nature est un désert,
sans vie.
« La vie
sans musique serait une erreur » disait Nietzsche :
n’est ce pas dire que la musique exprime la vie dans sa
perfection, dans son
essence la plus intime.
Paradoxalement,
c’est la musique de la nature qui est la plus difficile
à imiter par les
compositeurs !
Il
peut paraître étrange
d’évoquer le silence quand on parle de
musique : les
silences sont nombreux dans les œuvres musicales, peut
être même que ce sont
les passages les plus émouvants. Dans une partition, tout
silence est parcelle
de vie et permet de donner aux sons leur véritable relief. L’ombre et la
lumière ne s’épousent que pour
engendrer le contraste, c'est-à-dire le relief sans lequel
tout discernement
serait chimérique.
S’il
faut écouter le silence, il faut aussi le vivre. Il est un
des impératifs
nécessaires à la méditation. On dit
que le génie de Mozart réside dans la
qualité des silences de sa musique.
Sur
un autre plan, le silence ouvre aussi la voie à la musique
intérieure, celle de
l’âme.
Chaque
fois que le silence se fait autour de moi, j’entends la
musique qui habite mon
âme. La musique devient alors un des moyens
d’accéder à la spiritualité.
Une
expression de Beethoven est révélatrice du
pouvoir de la musique sur
l’âme : un jour il a dit « ce
matin, je me suis réveillé en Ré majeur »
et il s’est mis à composer
sa 7ème sonate pour piano.
C’est d’ailleurs dans le silence
insoutenable de sa surdité qu’il composera ses
plus belles œuvres.
La
musique est symbole : par le symbolisme de son
écriture et par le
symbolisme de sa signification puisque chacun peut en donner le sens
qu’il entend
selon son intellect, son intuition ou son cœur.
La
musique amène à un grand bonheur, celui de la
liberté, je parle de liberté
intérieure. Elle rend l’esprit libre et donne des
ailes à la pensée. Je vous
citerai la devise de Beethoven : « faire
le bien où l’on peut, aimer par-dessus tout la
liberté... Les portes de la
lumière ne s’ouvrent qu’à ce
prix. La liberté et le progrès, voilà
le but de
l’art ».
La
musique ne serait elle pas une vérité profonde
qui dirait ce que les mots ne
peuvent exprimer ?
N’est
elle pas le véritable langage universel ?
« Où
manque la parole,
commence la musique, où s’arrêtent les
mots, l’homme ne peut plus que
chanter » nous dit Heinrich Heine.
En
Franc-maçonnerie, on mêla très
tôt la musique au rituel et au déroulement des
travaux. D’ailleurs, le premier contact qu’a la
profane en entrant dans le
Temple, n’est ce pas la musique ? La profane ne voit
rien mais entend la
musique qui d’angoissante après le chaos initial,
va devenir rassurante au fil
du chemin de son initiation jusqu’à son
arrivée dans un monde baigné de
lumière.
La
musique est présente tout au long de nos tenues :
musique ponctuée par le
martellement des maillets de la Vénérable
Maîtresse et des deux Surveillantes,
initiée par les questions et réponses
liées au rituel, musique produite par le
bruit feutré des pas lors des déplacements. Ces
rythmes, c’est aussi de la
musique ainsi que les phases de silence total.
Dans
les travaux et les cérémonies, la musique
n’a pas d’autre but que de préparer,
élever spirituellement la communauté des
Sœurs en éveillant un état
émotionnel
correspondant à la
cérémonie : susciter et créer
une atmosphère autre.
Elle constitue un vecteur essentiel à
l’accomplissement de notre chemin
initiatique.
Dès
l’entrée dans le temple, les premières
notes qui retentissent marquent la
séparation entre le monde profane et le domaine initiatique.
La
musique obéit à la
réceptivité et au psychisme particulier de
chacune et sera
donc différemment reçue par chacune selon sa
sensibilité propre.
Dans
les travaux, la musique est là pour approfondir
l’intensité du rituel, à
condition qu’elle s’adapte à son contenu
et que chaque assistant soit ouvert à
son écoute. Elle est inséparable du
rituel dont elle grandit, accompagne
et approfondit la dimension : telle une colonne, elle le
soutient et
l’embellit.
Elle
crée l’unité, relie les cœurs
et les esprits, transporte et transforme, fait
appel aux profondeurs les plus intimes. Elle est support de
l’élévation, de la
concentration et de la méditation.
L’atmosphère
en loge est celle du sacré : la musique en est
l’essence et
l’illustration, l’éveil des profondeurs
et de la spiritualité.
La
musique est une ascension permanente, un chemin vertical qui nous aide
à nous
rapprocher du spirituel, de nous emmener du terrestre au
céleste.
« La musique est faite pour
l’inexprimable » disait Debussy.
En
charge de la colonne d’harmonie, le choix des musiques
m’aide à vous faire
partager et ressentir, mes Sœurs, les émotions qui
m’animent au cours de nos
travaux en Loge.
Mes
choix ont toujours été ceux de la
gravité, de la simplicité, de la profondeur
et de l’intensité
d’évocation. Je m’efforce de rechercher
une unité pour créer
l’unisson.
La
colonne d’harmonie est un condensateur des
énergies mentales, l’expansion de
l’âme, ouverture sur l’infini. Mais
quelle récompense lorsque une Sœur me
demande : « mais de qui était
donc ce morceau qui m’a
bouleversé ! »
La
musique me permet d’aller plus loin dans le don de moi, elle
exprime ma
recherche constante dans l’étude du rituel et des
symboles.
C’est
une prise de conscience de quelque chose d’irréel
qui a de tous temps permis à
l’homme de s’élever au dessus de
lui-même en lui permettant d’atteindre des
sommets où le cœur et la raison fusionnent pour
donner du sens, du beau et du
vrai à notre existence.
La
musique, ne serait elle pas de nature divine ? ou bien, serait
elle
l’émanation de la puissance divine ?
« Jouis de la musique » dit
Confucius
« c’est la
formation de l’harmonie
intérieure »
Car,
pénétrer le monde du symbolisme, n’est
ce pas tenter de percevoir les
vibrations harmoniques de l’univers ? N’est ce pas
aussi travailler à
entendre et enfin, savoir écouter la
musique des sphères qui émane des grands
équilibres cosmiques qui président à
la construction permanente du monde ? On l’entend
comme on l’écoute,
c'est-à-dire avec le cœur.
Je
finirai sur cette réflexion de Victor HUGO : « La musique est dans tout, un
hymne sort du monde. »
J’ai
dit.
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