Obédience : NC Loge : NC 08/05/2008


La Colonne d’Harmonie

L

La musique est l’art de combiner les sons afin de les rendre harmonieux à l’oreille.
C’est la définition que l’on m’a apprise dès mon enfance.
La musique a tellement évoluée depuis le monocorde de Pythagore jusqu’au synthétiseur d’aujourd’hui que cette définition serait peut être à revoir.
Harmonieux, en grec, veut dire « assembler » : c’est trouver le juste équilibre dans le choix et la préparation de la disposition des notes.
La musique est donc la science du rapport entre les sons.

La musique est aussi un art : le nom de musique vient de « muse », les muses étant les déesses des arts. L’art est l’activité humaine par laquelle une personne peut volontairement et au moyen de signes extérieurs communiquer à d’autres les sentiments et les sensations qu’elle a éprouvées elle-même.
La musique est une expression, un art typiquement humain. Elle est fille de l’esprit de l’homme, de sa sensibilité, de son sens de la beauté. Par elle, par le rythme, l’intensité, la mélodie, les silences mêmes, passe la communication universelle.
La musique peut atteindre une grande puissance émotionnelle.
En Loge, elle oriente l’émotion de toutes les Sœurs assemblées vers une communion fervente et constructive.

Vous connaissez toutes le début de l’Evangile de Jean : « Au commencement était le Verbe… » Ne pourrait-on pas remplacer le mot « verbe » par son ou chant ? Le mystère que représente la musique pour l’homme l’a toujours fait associer au verbe.
Ne pourrait-on pas dire que la musique dit en hiéroglyphes sonores ce que le Logos dit avec des mots ?

Debussy a dit « Le vrai conservatoire, c’est le rythme éternel de la mer, le vent dans les feuilles, les mille petits bruits qu’on écoute avec soin ; toute connaissance musicale doit devenir vie ». Cette citation me permet de vous parler des rapports entre la musique et la nature.
La vie sans la nature ne serait pas la vie, la nature sans la musique ne serait pas la nature. Il n’y a pas de nature sans musique, tout est musique dans la nature : le fracas d’une cascade, le grondement du tonnerre, le chant d’un oiseau, la stridulation d’une cigale… Sans la musique, la nature est un désert, sans vie.
 « La vie sans musique serait une erreur » disait Nietzsche : n’est ce pas dire que la musique exprime la vie dans sa perfection, dans son essence la plus intime.
Paradoxalement, c’est la musique de la nature qui est la plus difficile à imiter par les compositeurs !

Il peut paraître étrange d’évoquer le silence quand on parle de musique : les silences sont nombreux dans les œuvres musicales, peut être même que ce sont les passages les plus émouvants. Dans une partition, tout silence est parcelle de vie et permet de donner aux sons leur véritable relief.  L’ombre et la lumière ne s’épousent que pour engendrer le contraste, c'est-à-dire le relief sans lequel tout discernement serait chimérique.
S’il faut écouter le silence, il faut aussi le vivre. Il est un des impératifs nécessaires à la méditation. On dit que le génie de Mozart réside dans la qualité des silences de sa musique.

Sur un autre plan, le silence ouvre aussi la voie à la musique intérieure, celle de l’âme.
Chaque fois que le silence se fait autour de moi, j’entends la musique qui habite mon âme. La musique devient alors un des moyens d’accéder à la spiritualité.
Une expression de Beethoven est révélatrice du pouvoir de la musique sur l’âme : un jour il a dit « ce matin, je me suis réveillé en Ré majeur » et il s’est mis à composer sa 7ème sonate pour piano. C’est d’ailleurs dans le silence insoutenable de sa surdité qu’il composera ses plus belles œuvres.

La musique est symbole : par le symbolisme de son écriture et par le symbolisme de sa signification puisque chacun peut en donner le sens qu’il entend selon son intellect, son intuition ou son cœur.
La musique amène à un grand bonheur, celui de la liberté, je parle de liberté intérieure. Elle rend l’esprit libre et donne des ailes à la pensée. Je vous citerai la devise de Beethoven : « faire le bien où l’on peut, aimer par-dessus tout la liberté... Les portes de la lumière ne s’ouvrent qu’à ce prix. La liberté et le progrès, voilà le but de l’art ».

La musique ne serait elle pas une vérité profonde qui dirait ce que les mots ne peuvent exprimer ?
N’est elle pas le véritable langage universel ?
« Où manque la parole, commence la musique, où s’arrêtent les mots, l’homme ne peut plus que chanter » nous dit Heinrich Heine.

En Franc-maçonnerie, on mêla très tôt la musique au rituel et au déroulement des travaux. D’ailleurs, le premier contact qu’a la profane en entrant dans le Temple, n’est ce pas la musique ? La profane ne voit rien mais entend la musique qui d’angoissante après le chaos initial, va devenir rassurante au fil du chemin de son initiation jusqu’à son arrivée dans un monde baigné de lumière.
La musique est présente tout au long de nos tenues : musique ponctuée par le martellement des maillets de la Vénérable Maîtresse et des deux Surveillantes, initiée par les questions et réponses liées au rituel, musique produite par le bruit feutré des pas lors des déplacements. Ces rythmes, c’est aussi de la musique ainsi que les phases de silence total.
Dans les travaux et les cérémonies, la musique n’a pas d’autre but que de préparer, élever spirituellement la communauté des Sœurs en éveillant un état émotionnel correspondant à la cérémonie : susciter et créer une atmosphère autre. Elle constitue un vecteur essentiel à l’accomplissement de notre chemin initiatique.

Dès l’entrée dans le temple, les premières notes qui retentissent marquent la séparation entre le monde profane et le domaine initiatique.
La musique obéit à la réceptivité et au psychisme particulier de chacune et sera donc différemment reçue par chacune selon sa sensibilité propre.
Dans les travaux, la musique est là pour approfondir l’intensité du rituel, à condition qu’elle s’adapte à son contenu et que chaque assistant soit ouvert à son écoute. Elle est inséparable du rituel dont elle grandit, accompagne et approfondit la dimension : telle une colonne, elle le soutient et l’embellit.
Elle crée l’unité, relie les cœurs et les esprits, transporte et transforme, fait appel aux profondeurs les plus intimes. Elle est support de l’élévation, de la concentration et de la méditation.
L’atmosphère en loge est celle du sacré : la musique en est l’essence et l’illustration, l’éveil des profondeurs et de la spiritualité.
La musique est une ascension permanente, un chemin vertical qui nous aide à nous rapprocher du spirituel, de nous emmener du terrestre au céleste.
« La musique est faite pour l’inexprimable » disait Debussy.

En charge de la colonne d’harmonie, le choix des musiques m’aide à vous faire partager et ressentir, mes Sœurs, les émotions qui m’animent au cours de nos travaux en Loge.
Mes choix ont toujours été ceux de la gravité, de la simplicité, de la profondeur et de l’intensité d’évocation. Je m’efforce de rechercher une unité pour créer l’unisson.
La colonne d’harmonie est un condensateur des énergies mentales, l’expansion de l’âme, ouverture sur l’infini. Mais quelle récompense lorsque une Sœur me demande : « mais de qui était donc ce morceau qui m’a bouleversé ! »

La musique me permet d’aller plus loin dans le don de moi, elle exprime ma recherche constante dans l’étude du rituel et des symboles.
C’est une prise de conscience de quelque chose d’irréel qui a de tous temps permis à l’homme de s’élever au dessus de lui-même en lui permettant d’atteindre des sommets où le cœur et la raison fusionnent pour donner du sens, du beau et du vrai à notre existence.
La musique, ne serait elle pas de nature divine ? ou bien, serait elle l’émanation de la puissance divine ?

« Jouis de la musique » dit Confucius « c’est la formation de l’harmonie intérieure »
Car, pénétrer le monde du symbolisme, n’est ce pas tenter de percevoir les vibrations harmoniques de l’univers ?  N’est ce pas aussi travailler à entendre et enfin, savoir écouter la musique des sphères qui émane des grands équilibres cosmiques qui président à la construction permanente du monde ? On l’entend comme on l’écoute, c'est-à-dire avec le cœur.
Je finirai sur cette réflexion de Victor HUGO : «  La musique est dans tout, un hymne sort du monde. »

J’ai dit.

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