GLDF

Loge : Conscience et Fraternité - Orient de Paris

09/05/2007

La Mixité

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(dessin de JIHO)

Il m'a été demandé, en ma qualité de F\M\de la Grande Loge de France, de vous parler de la mixité.

Bien entendu, mes propos ne sauraient engager ni celle-ci ni tous les FF\ de mon atelier.

La mixité est une question qui revient sans cesse depuis quelque temps et qui préoccupe légitimement certaines de nos SS:.et certains de nos FF:., et plus particulièrement les SS\ et FF\ qui font partie d'Obédiences où la mixité existe déjà. En outre, je trouve, dans certains discours que l'on entend de FF\ pro mixité, un paternalisme larvé, en vertu duquel on n'insinue que l'Initiation Maçonnique proposée aux Femmes ne serait pas parfaite tant que les Obédiences uni sexistes n'auront pas fait le choix d'une mixité totale et absolue. Ces discours apparemment généreux sont en réalité, pour moi, méprisants car fort heureusement, les femmes ne nous ont pas attendu pour vivre la Franc-maçonnerie!

Je ne crois pas que la mixité soit un réel problème mais le fait de l’imposer dans toutes les Obédiences me gène car étant un « homme libre…. » je dois avoir la liberté de choisir où je désire et comment je veux travailler sur moi-même. Et puis imaginez demain une Obédience comme le Grand Orient ou la Grande Loge ou toute autre Obédience actuellement uni sexiste qui déciderait de la mixité totale dans ses ateliers ne pensez-vous pas que cela porterait atteinte au développement des Obédiences mixtes et signifierait une certaine volonté d’hégémonisme et d’uniformisation.

Il est fréquent de commencer une planche en donnant l'étymologie du mot. Et bien moi, je ne vous donnerai pas l’étymologie du mot « mixité » qui vient de mixtus, participe passé de miscere qui veut dire: "mêler", car le problème n'est pas de se mêler ou de ne pas se mêler, moi je préfère commencer ma planche en vous récitant un extrait du discours préliminaire aux Constitutions d'Anderson qui s’appelle :

"Apologie des Francs-maçons"

"Je veux avant que de finir
Nous disculper auprès des Belles,
Qui pensent devoir nous punir
Du refus que nous faisons d'elles :
Il leur est défendu d'entrer dans nos Maisons ;
Cet ordre ne doit point exciter leur colère,
Elles nous en loueront, j'espère
Lorsqu'elles sauront nos raisons.

Beau Sexe nous avons pour vous
Et du respect & de l'estime,
Mais aussi nous vous craignons tous
Et notre crainte est légitime.
Hélas ! On nous apprend pour première leçon,
Que ce fut de vos mains qu'Adam reçut la pomme,
Et que sans vos conseils tout homme
Naîtrait pour être Franc-Maçon. »

 

Cette question sur la mixité  je vais essayer de l'aborder devant vous et avec vous avec franchise et le maximum de sérénité et de sérieux, et je le répète en qualité de Franc-maçon de la Grande Loge de France.

Question peut être complexe et difficile, mais assez simple si on veut l'aborder avec méthode.

Tout d'abord, ce que nous avons à résoudre ou à nous efforcer de résoudre, est un problème spécifiquement maçonnique et non pas un problème profane. Donc posons ce problème en termes maçonniques et non en termes profanes c'est-à-dire de ne pas partir de l'homme que je suis, en face d'un autre être profane comme moi, cet être étant la femme. Eviter de poser le problème en termes profanes, c'est rejeter ou refuser une certaine série d'arguments que nous entendons trop souvent et qui n'ont que l'importance que leurs interlocuteurs veulent bien leur donner. Par exemple : Vous refusez la mixité en général parce que vous êtes misogynes.

Cet argument me semble un peu court et assez pauvre et ne traduit pas les vrais sentiments que nous pouvons nourrir pour les femmes en général.

Un autre exemple: Vous refusez la mixité parce que vous avez un sentiment évident et irréfragable de supériorité de la part du sexe masculin sur le sexe féminin.

Là encore, il ne s'agit pas de se demander si l'homme est supérieur à la femme, si la femme est inférieure à l'homme (non ce n'est pas un lapsus…), ni de se demander si la femme est supérieure à l'homme et l'homme inférieur à la femme.

Question qui n'a pas de sens et à laquelle on ne saurait donner une réponse valable, car un être est ce qu'il est et ne saurait être réduit à une quantité et par là-même être comparé à un autre car ils sont l'un et l'autre incomparables, au sens propre de ce mot.

J'ai aussi entendu que si nous n'acceptons pas les femmes c'est que nous serions de "méchants racistes", oui, racistes.

Comme si la féminité était une race…Ici, les mots les plus simples perdent leurs sens.

Je ne me servirai pas non plus de l’argument de nombres de francs-maçons et de francs-maçonnes aussi, qui considèrent la non mixité en loge comme relevant de la sagesse pratique et au regard de la morale maçonnique, pour lesquels les risques de fraternité entre sexes sont évidents et donc légitime d’éviter le désordre des sentiments et les tentations de la chair. Les faiblesses des hommes étant ce qu’elles sont, et celles des femmes n’étant pas moindre, la présence de l’autre sexe perturbe souvent la pensée le comportement : le travail maçonnique rituel, intellectuel ou spirituel peut s’en trouver parasité.

Notre monde est de plus en plus mixte, mais hommes et femmes n’en restent pas moins prisonniers de leur image ; au delà des plaisirs conviviaux, le partage entre personnes du même sexe, sans le masque porté devant l’autre, a une valeur positive.

Enfin, il y a l’argument qui voudrait que nous prenions pour modèle le monde profane c’est à dire le monde socio-politique, professionnel et que nous épousions l’évolution du monde profane. Mais faut-il prendre pour modèle le monde profane ?

La « Loge Juste et Parfaite », n’est pas un « lieu mondain ». Dans ma Loge, je ne suis pas dans le monde. Ce n’est pas un club, un salon mondain ou tout autre lieu de rendez-vous profane.

La Loge c’est ce qui se distingue du monde profane ; c’est un lieu hors du temps et de l’espace, habité par le sacré, par les initiés. Dans la Loge, nous sommes séparés du monde profane et faut-il rappeler ici que le mot profane signifie « devant le Temple » ?

Nous savons, par ailleurs, que la Franc-maçonnerie moderne, dite spéculative et en particulier la Franc-maçonnerie écossaise, se reconnaît une double origine ;

L’une corporative et l’autre chevaleresque.

Or, l’initiation des francs-maçons opératifs dans les Loges du Moyen-Age, du XIIIème  et XIVème siècles est uniquement réservée à des hommes et ces Loges ne réunissent que des hommes au cours de leurs travaux. De plus l’adoubement du chevalier, qui peut être justement considéré comme une initiation, est également réservé à des hommes et l’Ordre de la Chevalerie ne comportera, dans son sein, que des hommes. Ces dispositions seront intégralement reprises dans les Constitutions d’Anderson recueillies par l’auteur dans les anciennes archives et approuvées par la Grande Loge le 25 mars 1723.

L’article III de nos Constitutions stipule expressément :

« Les Personnes admises comme membres d’une Loge doivent être des Hommes bons et loyaux, nés libres, ayant l’Age de la maturité d’esprit et de la prudence, ni Serfs ni Femmes ni hommes immoraux ou scandaleux, mais de bonne réputation. »

Pour moi, Franc-maçon de la Grande Loge de France, ces textes sont clairs, peut être dépassés pour notre époque aux yeux de certains, mais ils ont été et sont « la loi fondamentale de la Franc-maçonnerie » et je vais vous citer encore nos Constitutions :

«  Le respect constant et rigoureux de cette tradition et ces règles traditionnelles sont notre ciment et notre lien…Elles fixent la vie des Grandes Loges et celle des Loges et assignent à tous nos Frères des impératifs moraux et intangibles. »

Il était nécessaire de rappeler cette Loi qui est notre Loi. Il est plus encore indispensable de rappeler que nous avons prêté un serment lors de notre Initiation et que ce serment nous le renouvelons lors de nos augmentations de salaire, lorsque nous accédons à la fonction de Vénérable et à celle de Député, et cela en présence de tous nos Frères et en toute liberté.

Nous nous sommes engagés par ce serment vis à vis de nous-mêmes mais également vis à vis des autres et vis à vis de l’Ordre maçonnique dans lequel nous sommes entrés et que nous avons choisi.

Nous ne saurions devenir parjures et renier ce qui fait notre être de franc-maçon franc et accepté. Rompre ce serment, c’est rompre avec nous-mêmes, c’est rompre avec notre Loge, avec l’Ordre maçonnique lui-même.

Ajoutons que si nous débordons le cadre de l’institution maçonnique, nous pouvons constater qu’il n’y a pas et qu’il n’a pas existé (à ma connaissance), dans les civilisations et dans les sociétés traditionnelles, des initiations mixtes. Toute initiation, dans les sociétés traditionnelles est spécifique, soit masculine, soit féminine, jamais les deux à la fois.

D’ailleurs, les Obédiences féminines qui ne sont pas non plus demandeuses de cette mixité, estiment, en général que seule une femme peut pleinement en initier et en instruire une autre. Top soucieuses d’une indépendance chèrement acquise, je ne crois pas qu’une seule Obédience féminine accepterait de se diluer dans un organisme où leur autonomie d’action et de pensée pourrait être compromise.

Mais pourquoi cette séparation ? Je pense que cela vient de l’initiation elle-même c’est à dire de l’être à initier.

En effet, le sujet à initier n’est pas un sujet abstrait, intemporel et immatériel, une sorte de sujet transcendantal, , il n’est pas une sorte d’entité seulement intellectuelle, sans vie et sans âme. Le sujet à initier est un être concret fait de chair et de sang, un être sexué qui a une certaine polarité sexuelle : il est soit mâle soit femelle. Et la sexualité constitue notre nature ou contribue à la constituer. On a pu constater une certaine différence ou différenciation anatomique, physiologique, morphologique des sexes.

Cette différence ou différenciation sexuelle pénètre l’organisme tout entier. Aucun processus biologique, ne peut échapper à l’emprise de la sexualité, à la polarité sexuelle et par là même aucun processus psychique. Ce qui fait dire aux médecins et aux psychologues qui veulent prendre en compte ces faits qu’il y a une manière féminine et une manière masculine de sentir, de penser, de juger, de vivre, d’être enfin.

Une fois encore, il y a des hommes et il y a des femmes distincts, séparés, dissemblables, non identiques, qu’il ne saurait y avoir d’initiation mixte, que toute initiation est spécifique.

« Nous ne rejetons pas du tout les hommes, soutient Claude Guillaut-Darche, Grand Maître Général de la GLFMM, mais l’initiation est une expérience intime, dans le domaine sacré, qui ne peut se transmettre qu’entre femmes »

Je pense que nous vivons dans la plus grande confusion intellectuelle et morale en particulier dans les rapports masculins-féminins.

Le père et la mère sont indispensables à l’homme d’aujourd’hui comme l’homme et la femme sont nécessaires à notre civilisation. Mais avant toutes choses, il ne faut pas les mélanger et les confondre, il faut les distinguer ; il faut affirmer et maintenir la différence ce qui ne veut pas dire inégalité, soit infériorité ou supériorité, et ne veut pas dire aussi hostilité et guerre l’un contre l’autre ou subordination de l’un à l’autre.

Notre civilisation a besoin de ces deux principes, de ces deux pôles, l’un et l’autre essentiels et fondamentaux..

Les chemins de la vérité et de l’harmonie ne passent pas par l’identité et par l’unité, mais par celui, plus difficile, de la différence et de la dualité !

Voilà un certain nombre de raisons qui font que la Franc-maçonnerie traditionnelle dont nous nous réclamons ne saurait accepter la mixité.

Encore une fois faut-il voir dans cette attitude une sorte de sentiment de supériorité des hommes maçons vis à vis des femmes maçonnes ? Encore une fois non. Faut-il dire que nous avons le plus grand respect et la plus grande considération vis à vis de nos Sœurs et pourrait-il en être autrement ? Nous savons tous ici qu’une femme, notre mère, est l’être à qui nous devons notre première initiation, celle qui constitue à nous donner la vie.

Et pour conclure, je dirai que pour ceux qui désirent travailler côte à côte avec l’autre genre il existe des Obédiences mixtes dont celle qui nous reçoit ce soir et que la question principale est d’oser se parler. Faire prévaloir le dialogue en toutes circonstance pour aller plus loin ensemble. Comme le souligne Marie-Françoise RAST dans l’Initiation des Femmes et aussi Karen BENCHETRIT et Carina BELFOND dans « La Franc-maçonnerie au Féminin » :

« La symbolique maçonnique est avant tout un outil de travail qui s’applique aussi bien aux Frères qu’aux Sœurs. »

 J’ai une question à vous poser :

Les Idées comme les Anges, ont-elles un sexe ?

En fonction de vos réponses, pourriez-vous me montrer l’Intérêt supérieur dans notre travail de la mixité.

Le faîte de se reconnaître  Frères et Sœurs comme Francs-maçons n’est ce pas là le plus important !

Il importe d’aller vers l’autre.. J’espère un jour pouvoir vous recevoir mes Sœurs avec vos décors dans notre Atelier au moins pour vous rendre la politesse de nous recevoir si chaleureusement dans vos Tenues.

Mieux vaut bâtir des ponts que des remparts !

Jean Paul Gos\


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