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Tolérance et Intolérance

Je vais donc ce soir vous parler de la tolérance et tenter de rappeler que  la tolérance doit être par excellence le propre de l’initié.

Je commencerais ma planche par cette interrogation que tout vrai maçon a dû se poser au moins une fois dans sa vie.

Que venons-nous faire en loge ?

Le rituel de 1802 au REAA y répond surement davantage que certaines approches expurgées du rite français.

 « Vaincre nos passions, soumettre notre volonté et faire de nouveaux progrès en F.M. »

Il ne suffit pas de dire au nouvel initié même de façon allégorique, qu’il est en train de naître à une vie nouvelle, sans qu’il prenne conscience de l’importance du sens donné à ces mots. D’ou l’essentielle nécessité de la formation de l’apprenti sur la colonne du nord afin qu’il puisse s’imprégner petit à petit de la responsabilité de la transmission.

La Maçonnerie, conçue pour être le centre de l’union, a su poser la vraie définition de la tolérance. Rappelons nous l’article premier de notre constitution « …elle a pour principe la tolérance  mutuelle… » L’indispensable est dit car la tolérance ne vaut que par le partage. La tolérance n’est pas une attitude univoque de ceux qui en sont adeptes, la tolérance ne s’exprime véritablement que grâce aux prosélytes.

Mais revenons sur ce fabuleux mot de la « tolérance » que l’on ne peut comprendre et vivre qu’en ayant fait l’analyse de son pendant, « l’intolérance »

Si l’intolérance sanglante s’est flétrie au long des siècles, le danger de l’intolérance frustre, qui n’a même plus à être furtive si elle est faible est surement de nos jours la plus dangereuse, au point qu’on ne peut plus la reconnaître, ni l’isoler, ni en conséquence la combattre.

Nous n’avons pas fait beaucoup de progrès depuis le lointain et ambiguë conseil : «  si on te frappe sur la joue droite, tend la joue gauche »

Le drame est que l’intolérance, comme la « dame de Shanghai » d’Orson Wells, apparait dans de nombreux miroirs. On ne sait où viser pour l’atteindre. Dès qu’elle disparaît dans une glace brisée, une autre s’impose aux regards. Nous sommes donc menacés, sans savoir si c’est par des reflets ou par la réalité.

L’intolérance est partout et présente mille visages et mille dimensions. Infime, on n’ose pas la suspecter, de peur de passer pour un maniaque de la persécution. Immense, elle semble dominer le monde et paralyse toutes les énergies. Pourtant, dès qu’on l’affronte, ou la traverse, on peut alors se rendre compte qu’elle n’est qu’une ombre.

A ce stade  de ma planche je ferais un clin d’œil à cette merveilleuse phrase d’Elisabeth Badinter.

« Chaque fois que l’on fait passer nos différences avant nos ressemblances, on met le doigt dans un processus d’affrontement. »

La tolérance n’est ni innée, ni spontanée, c’est une démarche née de son contraire, c'est-à-dire venue par réaction face à l’intolérance.

L’homme est intolérant, chacun croit détenir la vérité et dénie ce droit à l’autre. L’homme est un animal grégaire, sa constitution en sociétés est un facteur important dans le développement de son intolérance. L’intolérance individuelle devient alors intolérance sociétale, corollaire du sentiment d’appartenance et de rejet commun des dissemblables.

Etre tolérant semble aller de soi en maçonnerie et pourtant que d’observations d’une tolérance d’apparence. En effet, on peut afficher une attitude tolérante, de bonne foi, sans avoir réalisé ce qu’est la tolérance et rester dans son âme profonde âprement sectaire et violemment partisan.

La tolérance est alors l’ignorance dédaigneuse et méprisante des idées opposées, chacun restant prisonnier « des mots de sa tribu ».

La couleur, la religion, le sexe, l’appartenance sociale, l’appartenance politique, l’aspect physique, la langue, le langage, les traditions, l’habillement, l’handicap voilà tout un ensemble de différences qui nous atteignent et nous mettent dans des situations de non-tolérance.

Beaucoup n’ont pas ou ne veulent pas avoir conscience de leur intolérance. Ils se satisfont de leur état ne recherchant pas ou peu le moyen d’en changer. Cela résulte certainement de deux conditions : la sécurité en rapport avec la peur de l’inconnue et l’Ego en rapport avec l’autosatisfaction.

Mais vouloir s’enrichir, s’est vouloir progresser. « Albert Jacquard rappelle qu’il faut prendre conscience de l’apport d’autrui, d’autant plus riche que la différence avec soi-même est grande ».

L’enrichissement est, bien entendu, l’aboutissement de la constatation de sa différence, de la tolérance de son prochain et de l’acceptation de son opinion. Peut-il ou doit-il  y avoir enrichissement à chaque fois ? Mon avis est que oui, en effet, l’enrichissement  ne réside pas dans la qualité du message ou de sa réception mais dans le dialogue et l’acception de l’un par l’autre et vice versa.

Ghandi se chantre de la paix dans « tous les hommes sont frères » nous dit que « la règle d’or de la conduite est la tolérance mutuelle, car nous ne penserons jamais tous de la même façon, nous ne verrons qu’une partie de la vérité et sous des angles différents ».


Je vous livre mes frères quelques éléments  de ces questions soumises à l’Unesco en 1995 et qui ont conduit aux réflexions résumées simplement ici :

- L’Intolérance est-elle inhérente à la nature humaine ?
- Est-elle insurmontable ?
- La Tolérance peut-elle s’apprendre ?

Quelques réponses :
-         La lutte contre l’intolérance nécessite des lois pour garantir la justice et punir les discriminations.
-         La lutte contre l’intolérance nécessite l’éducation car elle a souvent pour causes l’ignorance et la peur, de l’inconnu, de l’autre…
-         La lutte contre l’intolérance nécessite l’accès à l’information pour conduire à limiter ainsi l’influence des propagateurs de haine.
-         La lutte contre l’intolérance nécessite la prise de conscience individuelle car l’intolérance d’une société se mesure par la somme des manifestations individuelles d’intolérance de ses membres et parce qu’elle engendre ainsi l’intolérance et incite ainsi ses victimes à chercher vengeance…

Mes frères à ce stade de ma planche, il nous faut constater que l’approche de la tolérance, pour nous francs et libres Maçons est avant tout initiatique et demande un travail sur soi même.

Je conclurais cette planche par cette phrase ô combien d’actualité de Françoise Dolto «  Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l’entraide et la solidarité visant à un but commun : l’épanouissement de chacun dans le respect des différences.

J’ai dit

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