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La
Vérité La
Vérité que recherche le Franc-Maçon
est-elle différente de la vérité
recherchée
par les hommes de foi, les hommes de sciences et les philosophes ? Introduction Vérité
du Franc-Maçon , vérité du philosophe,
de l'homme de sciences, de l'homme de
foi ... on aurait pu ajouter vérité de
l'architecte, du soldat, du comptable,
du boulanger etc..; car le sujet de cette planche nous confronte
directement au
mythe du concept, de l'univocité
présumée du mot dans le langage discursif. Y
a-t-il une seule Vérité ou autant de
vérités que de personnes qui en prononcent
le mot ? Le mot vérité a-t-il même un
sens ou bien n'est-il qu'une forme
artificiellement idéalisée d'un mix de
certitudes, révélations, validités,
vraisemblances, vérifications expérimentales,
fortes probabilités et loi des
grands nombres ? La vérité ne serait-elle donc
qu'une "platonnade" de
plus ? [ Cf. Nietzsche (le crépuscule des Idoles - aphorisme
5 :" je tâche
de comprendre de quelle idiosyncrasie a pu naître cette
équation socratique :
raison = vertu = bonheur "] Et que Baudelaire nous dit-il dans
l'épilogue
inachevé des Fleurs du Mal où il écrit
: "O vous soyez témoins que j'ai
fait mon devoir, Comme
un parfait chimiste comme une âme sainte Car
j'ai de chaque chose extrait la quintessence Tu
m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or." Au
cours de cette planche, je m'emploierai, dans une première
partie, à tenter
d'analyser brièvement, avec de multiples raccourcis, les
caractéristiques des
vérités respectives de la philosophie, de la
science et de la foi, en
m'attachant à une grille d'analyse fondée sur les
notions de langage et
transmission. Puis,
dans une seconde partie, je m'attacherai à
déterminer la vérité du
Franc-Maçon;
comme vous vous en doutez, la planche changera alors de dimension, il
ne
s'agira plus de La vérité, mais de Ma
vérité, il ne s'agira plus de concept
mais de symbole; et se posera alors inévitablement la
question de la
généralisation de Ma vérité
: la vérité du Franc-Maçon n'est elle
que la sienne
et si oui (comme je serai amené à le dire),
peut-on alors encore réellement
parler de transmission dans l'univers maçonnique qui est le
nôtre ? I -
Sciences, Foi et Philosophie I.1 -
Sciences Commençons
par la vérité scientifique. Celle-ci est celle de
la cohérence d'un système
formel initié par des axiomes et dominé par le
langage de la logique et de la
causalité, c'est à dire par le discours. Les
axiomes de départ, complétés et
enrichis par une méthode, faite de règles,
théorie et théorèmes aboutissent
à un système complexe mais toujours logique.
La vérité scientifique est, de ce fait
nécessairement duelle. Toute proposition
est soit vraie, soit fausse. Pour être reconnue comme vraie,
il suffit qu'elle
puisse être démontrée selon une
équation relevant du jeu de la logique et de la
causalité. Aussi complexes puissent être les
démonstrations, elles ne sont que
des conséquences rationnelles des axiomes d'origine. [Il
convient toutefois de distinguer entre sciences formelles pures et
sciences
empirico- formelles, ces dernières étant en outre
soumises à l'épreuve de
l'expérimentation. Dans
le premier cas, mathématiques par exemple, le
système peut être considéré
comme
décrivant à vide une pure possibilité;
une proposition n'a de sens, et par
conséquent, une valeur de vérité, que
par rapport à un ensemble contextuel plus
ou moins vaste. On peut même modifier les axiomes de
départ, par exemple nier
ou affirmer l'existence de droites parallèles selon qu'on se
situe dans le
système d'Euclide, ou dans celui de Lobatchevsky, mais une
fois intégrée dans
cet ensemble, la proposition ne peut être, relativement
à cet ensemble, que
vraie ou fausse. Dans
le cas des sciences empirico formelles (la physique, par exemple) le
système
n'acquiert sa validité que s'il parvient, outre sa
cohérence logique, à
découvrir, au moyen de l'expérimentation, ce qui
correspond le mieux à la
réalité sensible. Mais là aussi la
validation expérimentale dépend de la
connaissance que l'on a du monde sensible et la
vérité qui en découle ne peut
se concevoir que relativement à cet ensemble fini de
connaissances ponctuelles.
Newton : "jusqu'ici j'ai exposé les
phénomènes de la force de gravité,
mais à cet à cette gravité je n'ai pas
encore assigné de cause."] Peut-on
dès lors parler de vérité
scientifique, ne doit-on pas plutôt employer le terme
d'exactitude dans un référentiel donné
? Aussi longtemps qu'il n'est pas muni
d'un sens, le système scientifique ne parle de rien, si ce
n'est de lui-même,
il ne fait que mettre en évidence certains modes de liaisons
entre
propositions, il n'est qu'un enchaînement
réglé de termes, il est fermé sur
lui-même. En contrepartie, ce système a une
dimension universelle et est
aisément transmissible, il suffit d'en enseigner les
règles de fonctionnement,
c'est à dire le discours interne. Si
l'on ne peut pas parler de Vérité pour la
science, si l'exactitude n'est pas la
vérité, c'est à cause de MOI. Non pas
moi, Pierre-Henri Grenier, bien entendu,
mais moi, toi, nous, pris individuellement en tant qu'individu vivant.
Le
langage scientifique nécessite l'objectivité or
nous somme tous des sujets
différents dotés d'une place unique dans le
cosmos. Sans moi, la vérité du
scientifique n'est rien, elle a besoin de moi pour lui donner un sens,
elle a
besoin que je la sacralise. [
C'est ce que dit très clairement C.G. Jung dans Essai
d'exploration de
l'inconscient - "A mesure que la connaissance scientifique progressait,
le
monde s'est déshumanisé. L'homme se sent
isolé dans le cosmos, car il n'est
plus engagé dans la nature et a perdu sa participation
affective inconsciente
[participation mystique dirait Lévy-Bruhl] avec ces
phénomènes. Et les
phénomènes naturels ont lentement perdu leur
implications symboliques. Le
tonnerre n'est plus la voix irritée d'un dieu [...], les
pierres, les plantes,
les animaux ne parlent plus à l'homme et l'homme ne
s'adresse plus à eux en
croyant qu'ils peuvent l'entendre. Son contact avec la nature a
été rompu et,
avec lui a disparu l'énergie affective profonde
qu'engendraient ses relations
symboliques [...] "] I.2 -
Foi La
vérité de la foi est, quant à elle,
totalement étrangère à la science. Non
pas
que toutes deux s'opposent, car à part quelques
résidus de conservatisme
fondamentaliste anglo-saxons, le débat est maintenant clos
et les successeurs
de Galilée peuvent désormais dormir tranquilles,
mais tout simplement parce que
science et foi se situent dans deux modes distincts de perception. Alors
que la science revendique la neutralité par une analyse
objective du monde
sensible, présent et passé, la foi, au contraire
est une projection dirigée
dans le futur. Comme
on peut le lire dans l'Encyclopaedia Universalis, la foi est
l'assomption de la
progressive manifestation de Dieu. S'il y a histoire, devenir,
progression,
c'est que la notion de destinée a, pour le croyant, un sens.
Mais la destinée
de l'homme ne se vivant que comme devenir, la venue de Dieu vers
l'homme
s'effectue sous la forme d'une démarche progressive, d'une
approche en devenir,
d'une révélation. Au langage de la raison,
succède celui du Verbe, la parole de
la révélation. En se liant par la parole de la
foi, le croyant se fait lui-même
l'agent de ce que sa foi accomplit en lui [superbe
circularité ou syllogisme
vicieux ?]. Comme le dit l'épître aux
hébreux, "la foi est la garantie des
biens que l'on espère, la preuve des
réalités que l'on ne voit
pas".[L'acte de foi apparaît comme une force qui
intègre, sélectionne et
perfectionne des données profanes pour les faire servir, en
les sacralisant, à
sa visée de l'absolu. Complète la science ? ] [A ce
stade, il est intéressant de réfléchir
au débat qui oppose catholiques et
protestants sur les valeurs comparées de la foi et des
oeuvres. "Sola
fide" dixit Luther, les oeuvres aussi répondent les
catholiques faisant
référence à
l'épître (non reconnu par les parpaillots) de St
Jacques. Mais ce
débat semble stérile dès lors qu'on
analyse la foi comme un devenir
révélé. Foi
et oeuvres ne peuvent plus s'opposer et le Bon, celui dont les oeuvres
sont
meilleures, est , comparativement au Mauvais, celui qui a plus de foi
que
l'autre. Mais comment pouvoir avoir plus de foi, celle-ci n'est-elle
pas un don
de Dieu, une grâce ?] C'est
alors que, là aussi, se rebelle mon MOI qui recherche la
part de foi qu'il a
reçue et qui ne la trouve pas, qui se dirige vers les
religions, spécialistes
es-foi, et qui découvre mille versions
différentes de la foi universelle, mille
éducations religieuses destinées à
transmettre une foi pourtant unanimement
présentée comme un don de Dieu, mille actions
criminelles toutes dédicacées à
la plus grande gloire de Dieu, alors mon Moi ne veut plus
obéir et conclut (un
peu rapidement, nous le verrons), comme Nietzsche, aphorisme 18 du
Crépuscule
des Idoles, "celui qui ne sait pas mettre sa volonté dans
les choses veut
du moins leur donner un sens : ce qui le fait croire qu'il y a
déjà une volonté
en elles (principe de la foi)." I.3 -
Philosophie A
l'origine, sciences et philosophie n'étaient qu'une seule et
même discipline,
l'idéal grec étant de construire un grand
système dont on puisse déduire toutes
les lois qui régissent le comportement des objets
empiriques. Cette recherche
était fondée sur la croyance que l'univers
visible forme un tout unifié,
entièrement analysable dans les termes d'un langage formel
adéquat. C'est ce
qu'on peut exprimer en parlant de la croyance en
l'intelligibilité du monde. Par la
suite, la science, se complexifiant et ayant gagné son
indépendance, (notamment
en terme de transmission), la philosophie n'eut plus comme
tâche que de lui
donner une justification, c'est à dire chercher à
valider les deux postulats de
départ : l'intelligibilité du monde et la
justesse du recours au langage
logique. Comme le pose Kant " pourquoi donc les
mathématiques
s'appliqueraient-elles à la nature, alors que rien ne permet
à priori de
conclure à partir de l'expérience seule que
l'univers dût obéir à la logique de
l'esprit humain ?" Dès
lors la philosophie va rechercher un système englobant celui
de la science.
[Encyclopoedia Universalis : il s'agit de retrouver au plan du langage,
la
coappartenance des parties au tout, le processus unificateur qui donne
précisément à l'expérience
et à la réalité leur organisation et
assure leur
fermeture, qui produit leur totalité comme
totalité une, c'est à dire le
mouvement interne par lequel la réalité se
produit elle-même dans le détail de
ses articulations et dans la liaison de tous ses moments. Ce n'est
possible que
s'il y a homologie entre le langage et la réalité
ou, plus profondément, si la
totalité elle-même est langage. Le langage ne peut
reproduire les opérations
constituantes de la réalité qu'en se produisant
lui-même comme totalité, bref,
comme système. Or l'idée pure du
système est celle d'un discours total,
adéquat, autosuffisant et dès lors
fermé sur lui-même, qui peut bien solliciter
la pensée humaine, l'aspirer en elle, mais qui, par essence,
la précède, la
domine et l'absorbe en elle.] Mais
ce système se heurte à son tour au
problème du langage et la possibilité,
à
l'aide du discours et de la causalité, à exprimer
le monde. Dans la philosophie
encore plus qu'ailleurs, les propositions s'organisent, en un
système, de sorte
qu'avec chaque système, les mots fondamentaux se colorent de
nuances
différentes : ainsi, le mot de liberté n'a pas le
même sens chez Descartes,
Spinoza, Bergson ou Sartre. C'est des rapports mutuels entre les termes
que
ceux-ci prennent leur sens, et c'est par la cohérence du
système qu'on juge de
sa vérité. La
vérité de la philosophie se heurte dès
lors tout naturellement à la même
problématique que celle de la science. C'est MOI qui
sacralise, qui donne sens
aux mots que j'emploie. Dès le 3e siècle avant
J-C, Eubulide de Mégare (sans
jeu de mots) avait posé les bases de la critique du langage
causal "si le
menteur dit "je mens" dit-il la vérité ? ". Tout
dépend du référentiel
dans lequel on se place, tout dépend de mon acception des
termes, tout validité
causale dépend de MOI et de moi seul. II -
LA VERITE DU FRANC-MACON Jusqu'à
présent, ce qui m'a fait récuser les
vérités de la Science, de la Foi et de la
Philosophie, c'est le refus d'obéissance à un
système et au langage qui le
constitue, c'est mon ambition à n'accepter, comme le dit
l'article 2 de la
déclaration de principe du convent de Lausanne "aucune
limite à la
recherche de la Vérité". Jusqu'à
présent aussi, mes frères, je vous ai
montré les limites du langage discursif,
mais je n'ai rien fait d'autre que de l'employer, j'ai moi aussi
utilisé ce
langage, aligné les concepts, le jargon et les
idées. Je
pourrais utiliser alors un autre langage et vous dire ceci :
Enfin un pont, une lumière, les rayons le dessine, Le cercle des habitués, écrit en lettres dorées, Au fronton de l'église. Métropolites gracieux dont les chasubles d'or Opaques frénétiques accaparent le Beau, Et le Bon et le Vrai et le cul de Phrynée. Polis ils le sont, ils me tendent la main, Quand par moi je recule Un soupçon qui me glace, car les yeux ils reflètent, Sur le blanc, sur le noir et le gris du plafond, La rougeur des flammes et du poêle amarante L'ordinaire médiocre d'ambitions d'édicule. Sorciers ronds qui cherchez, Ce que nul sur le cercle ne trouvera peut-être, Je vous prie de m'aider, de m'aimer, à fouiller. Un portail je le crois, ouvrira quelque part, Une senteur céleste, Une sphère accomplie. L'archange enfin sur sa colonne, Sourira, il le sait, Ricanera, il le peut, Et m'offrira à moi seul, Nonchalamment car il joue, Son aile d'amitié. Mais ce langage est le mien, je peux vous l'offrir mais point le partager, il n'a rien à transmettre. Heureusement,
il existe un moyen de communiquer, entre mon langage propre et le
langage
univoque, plus qu'un langage, il s'agit d'une méthode, c'est
la voie
symbolique, celle de la Franc-Maçonnerie. II.1 -
la voie symbolique Combien
de fois me suis-je emporté en entendant dire que le symbole
était ce langage
qui permettait de dire l'indicible, d'exprimer l'ineffable. Comment
peut-on
dire l'indicible ? S'il s'agit vraiment de l'indicible, alors il ne
pourra
jamais être dit, quelque soit le langage utilisé,
symbolique, volapük ou
discursif. Pour
moi, le symbole est autre chose, c'est, une fois encore, la
concrétisation,
dans la matière et dans l'esprit, de ce fameux nombre Trois.
Ce qui fait
l'insuffisance du langage discursif, c'est qu'il pose
d'entrée la dualité entre
signifiant et signifié; à l'opposé, le
langage symbolique permet l'unification
du langage et de celui qui le prononce, il ne dit pas l'indicible, il
le vit.
Plus que d'un langage symbolique, c'est bien d'une voie symbolique
qu'il faut
parler. Avant
de réaliser l'alchimie du Trois, encore faut-il trouver le
Deux, et ce n'est
pas si facile. Là encore, je m'élève
contre cette tendance à considérer le Deux
comme point de départ à toute initiation, de
partir de la dualité comme
présupposé. Trouver le Deux est le
véritable point de départ, le Deux, c'est
l'éclatement des multiples Uns qui nous entourent, la mise
au pilon de nos
certitudes scientifiques, religieuses ou plilosophiques. Le Deux, ce
n'est pas
opposer la lune et le soleil, l'homme ou la femme, mais s'est se rendre
compte
qu'il y une part de masculin dans le féminin et de
féminin dans le masculin,
c'est tenter de faire éclater nos visions simplistes,
manichéennes et profanes
en une multiplicité de matériaux
élémentaires, qui seuls permettront la
véritable construction du Trois. Voilà
pour moi le principal travail du maçon, dégrossir
la pierre brute et découvrir
le Deux là où l'on ne croyait voir que l'Un.
"Poser des questions avec un
marteau" dirait Nietzsche. [
Tandis que j'étais dans le froid des approches de la mort,
je regardai comme
pour la dernière fois les êtres,
profondément. Au
contact mortel de ce regard de glace, tout ce qui n'était
pas essentiel
disparut. Cependant
je les fouaillais, voulant retenir d'eux quelque chose que
même la mort ne put
desserrer. Ils
s'amenuisèrent et se trouvèrent enfin
réduits à une sorte d'alphabet, mais à
un
alphabet qui eût pu servir dans l'autre monde, dans n'importe
quel monde. Par
là, je me soulageai de la peur qu'on ne m'arrachât
tout entier l'univers où
j'avais vécu. Raffermi
par cette prise, je le contemplais invaincu, quand le sang avec la
satisfaction, revenant dans mes artérioles et mes veines,
lentement je
regrimpai le versant ouvert de la vie. Henri
Michaux - Alphabet (tiré de Epreuves, exorcismes)] Au
passage, je voudrais dire combien je hais cette
représentation du Ying et du
Yang doucement accolés en un cercle parfait
[malgré le joli petit point blanc
dans le noir et le mignon blanc dans le noir] et combien je
préfère Héraclite
quand il dit "La guerre est le père de toutes choses; de
quelques uns elle
a fait des Dieux, de quelques uns des hommes; des uns des esclaves; des
autres
des hommes libres" (fragment 53). Car la recherche du Deux ne peut se
contenter du "mol oreiller" du doute (Montaigne), cette recherche est
un devenir, un perfectionnement. Puis,
aux pièces élémentaires
laissées par le marteau arrive le moment de la
reconstruction. Assemblage successif des pièces du puzzle et
chaque morceau
réconcilié présente un nouveau Deux
face aux autres pièces encore éparses qu'il
reste à assembler. Chaque trouvaille, chaque
réconciliation présente un nouveau
plan, une autre dimension jusqu'alors
insoupçonnée.Voilà comment je
définirais
le symbole, mes frères, comme deux pièces
déjà assemblées au milieu du magma,
mais qui donne déjà un premier sens à
l'oeuvre. Ainsi le maillet n'est plus
l'illustration de la volonté mais ma volonté dans
mon plan et dans mon
chantier. Le symbole n'est plus alors cette tentative de faire du
discursif
avec de l'indicible, mais de vivre, de commencer à
COMprendre le plan du Grand
Architecte. C'est
ce que dit si bien Paul Valery dans le poème de l'Esclave du
[recueil de La
Jeune Parque] "Comprendre, c'est trouver ce que l'on aurait fait de
soi-même, c'est se reconnaître, trouver qu'une
chose extérieure était soi, à
soi, de soi. C'est mesurer, ou trouver le système de mesure
(compas),
l'accommodation, qui reconstitue la chose." [C'est
que dit aussi, mais autrement, C.G. Jung dans Essai d'exploration de
l'inconscient : " On peut tout savoir des saints, des sages, des
prophètes, des déesses mères
adorées à travers le monde : tant qu'on les
considère comme de simples images, dont on n'a jamais
éprouvé le pouvoir
numineux, on parle comme en rêve sans savoir de quoi l'on
parle. Les mots que
l'on utilisera ne naissent à la vie que si l'on s'efforce de
tenir compte de
leur numinosité, C'est seulement à ce moment
là qu'on commence à comprendre que
tout dépend de la manière dont ils sont
reliés à vous".] II.2 -
le refus d'obéissance Lorsque
j'ai parlé dans la première partie de cette
planche de la science, de la foi et
de la philosophie, j'ai, de mauvaise foi, volontairement
contourné le sujet.
Car ce qui unit la vérité de l'homme de foi, la
vérité de l'homme de science ou
la vérité de l'homme de la philosophie, ce n'est
pas la vérité, c'est l'homme. Faisons
un crochet par les premiers chapitres de la Genèse. Dieu
crée le Ciel et la
Terre, les petits et les grands luminaires, puis, le sixième
jour, il dit
"faisons l'homme" (Genèse, I.26). Pourquoi ce pluriel ?
Simple
pluriel de majesté interprètent quelques
commentateurs mais n'est ce pas
infiniment plus réjouissant d'interpréter ce
"nous" comme "lui
et moi" ? n'est ce pas le signe que la révélation
n'est pas du domaine du
Un [ce qui serait la foi de l'intégriste, mais pas celle de
l'homme de foi.]
mais du pluriel ? " Je sais que sans moi, Dieu ne peut vivre un
instant,
suis-je rendu à rien, il doit rendre l'esprit" disait
Angelus Silesius.
Y-a-il plus belle définition pour l'accession au Trois,
unité restituée, Homme
enfin accompli ? Dans
ce contexte l'épisode de la pomme et de l'arbre de la
connaissance du Bien et
du Mal prend une tout autre dimension. Comme chez certains
commentateurs
hébraïques, dans le livre de Ben Sira (Sir.
17.I-14), par exemple, la
connaissance du bien et du mal peut alors apparaître comme un
bienfait accordée
à l'homme par Dieu. Il devient nécessaire qu'Adam
désobéisse [comme Judas
quelques temps plus tard] et soit chassé du paradis
terrestre pour accéder à
cette dignité d'homme que Dieu, seul, ne peut lui accorder;
il est nécessaire
que l'homme désobéisse, il est
nécessaire que l'homme désire goûter au
fruit
défendu. Pourquoi vous êtes vous fait recevoir
Franc-Maçon " demande le
surveillant, "Parce que j'étais dans les
ténèbres et que j'ai désiré
la
lumière " répond l'apprenti. [ Au
passage, rappelons nous également où se situait
l'arbre de la Connaissance,
parmi les milliers d'arbres qui peuplaient le paradis terrestre. La
genèse (3 -
3 hasard ?) nous dit que l'arbre se trouvait "au milieu du jardin".
Comment trouver le centre dans un espace infini ? le scientifique et
son double
décimètre s'y casseront les dents. Le centre est
en soi, l'arbre de la
Connaissance est en soi, ce qui nous ramène à la
fonction du symbole et du
nombre Trois ] II.3 -
Quelle transmission ? Venons
en maintenant au problème de la transmission. Si la
Vérité du Franc-Maçon est
désir et relation intime entre moi et le plan du Grand
architecte, peut-on et
si oui, comment la transmettre ? On dit
souvent que la transmission maçonnique est celle d'une
méthode, mais comment
puis-je oser transmettre ma méthode, alors que ma pierre est
celle du mur
gauche de la sacristie et la tienne celle de la clé de
voûte ? alors que ma
pierre est de calcaire coquillé et la tienne de granite rose
? La taille
est-elle la même ? A moins d'aspirer bâtir des
pavillons Bouygues, sûrement
pas. La franc maçonnerie n'est pas une religion. On dit
alors que la transmission est celle d'outils, mais que valent les
outils si on
n'a pas le désir de s'en servir ? Ils resteront sagement en
haut de l'armoire,
comme la perceuse que mon beau père m'a offerte à
Noël dernier. Faut-il
vraiment que nous transmettions quelque chose, comme un petit capital
que l'on
transmet sur son lit de mort à ses petits enfants ? Que nous
ont transmis nos
prédécesseurs francs-maçons rad socs
du début du siècle ? Ne confondons pas mes
frères transmission et Tradition. ["Cette
volonté de vérité et de vie est cela
même que NIETZSCHE nomme "le retour
éternel de l'identique" dans le Crépuscule des
idoles. La pensée du retour
autorise "la transmutation de toutes les valeurs", les valeurs ne
sont pas éternelles, pas plus qu'elles ne sont
passées ou à venir , elles
vivent comme un présent auquel un autre présent
peut succéder. Le marteau fait
éclater l'idole du UN, non pour revenir au multiple, mais
pour qu'une autre
histoire du deux et du retour à l'un se manifeste par la
volonté de puissance.
Alors la philosophie n'est plus seulement qu'est-ce que l'un, mais : le
deux
est-il possible, le retour de la puissance peut-il engendre autre chose
que le
même ? l'identique est-il le marteau qui brise le
même au sein de la
multiplicité des formes ? Mais cette rupture n'est pas
négation, la
transmutation des valeurs n'est pas la substitution de valeurs
contraires à
celles qui ont eu cours jusqu'à présent, mais un
événement initial : que
recommence ce qui n'a jamais cessé d'être, que le
cortège des formes cessent
d'être du passé, et de nous étouffer
sous le passé qu'elles ont revêtu, mais
que d'autres formes de la vie et du vrai soient possibles, afin
qu'elles
répètent la vie qui se manifestait en celles
quelles abolissent." ] La
tradition ne transmet rien, elle propose seulement. Demandez et vous
recevrez
[LA LUMIERE], Cherchez et vous trouverez [LA VERITE], Frappez et on
vous
ouvrira [LA PORTE DU TEMPLE]. Pour
moi, c'est cela la tradition; il y a quelqu'un derrière la
porte, et le travail
ne sera pas vain. Quelle autre transmission alors, que celle
d'entretenir ce
désir de chercher, un peu comme cette loi physique de la
conservation de
l'énergie qui veut qu'une boule de billard qui en frappe une
autre la mette en
mouvement. Nous
sommes tous, mes frères, ces boules de billard qui se
heurtent et nous ne nous
transmettons rien d'autre que cette énergie de
désir, de travail et
d'espérance. N'est ce pas aussi cela qu'on appelle, chez
Nous, la Fraternité ? J'ai
dit.
Le
crépuscule des idoles - NIETZSCHE Le
langage est le lieu où se construit un certain type de
vérité, non qu'il
reflète naturellement un réel qui n'attendrait
que lui pour se nommer, bien
plutôt parce qu'en nommant d'une certaine façon
les objets, il leur donne
réalité et sens "partout l'être est
imaginé comme cause, substitué à la
cause... " Pour
N, les valeurs (causalité, Idées morales et
platoniciennes) sont des erreurs.
Elles sont constitutives de la réalité, de la
vision du monde à une époque
donnée, mais sont des idoles. Elles ne sont pas fausses,
dans la mesure où
elles permettent l'apparition du vrai d'une culture donnée.
Mais elles sont
erreurs, dans la mesures où imposées, elles
trahissent un certain de
renoncement de la vie à elle-même. Pour que du
vrai apparaisse (et c'est
l'apparition qui prime, non la révélation), il
faut que d'autres modes de la
vérité ou d'autres valeurs soient
anéanties; il faut une forclusion de
certaines formes de vrai pour que d'autres voient le jour
"transmutation
des valeurs par la guerre, dit N - volonté = risquer un oui
et un non". "Poser
des questions avec un marteau" : le marteau est la
généalogie des valeurs,
dans sa fonction critique : les valeurs, une fois
démontrée l'erreur qui nous
les fait croire universelles, "sonnent creux"; non qu'elles soient
particulières , mais que leur universalité laisse
entendre l'histoire et la
volonté de vérité qui la portait.
Cette volonté de vérité et de vie est
cela
même que NIETZSCHE nomme "le retour éternel de
l'identique". La
pensée du retour autorise "la transmutation de toutes les
valeurs",
les valeurs ne sont pas éternelles, pas plus qu'elles ne
sont passées ou à
venir , elles vivent comme un présent auquel un autre
présent peut succéder. Le
marteau fait éclater l'idole du UN, non pour revenir au
multiple, mais pour
qu'une autre histoire du deux et du retour à l'un se
manifeste par la volonté
de puissance. Alors la philosophie n'est plus seulement qu'est-ce que
l'un,
mais : le deux est-il possible, le retour de la puissance peut-il
engendre
autre chose que le même ? l'identique est-il le marteau qui
brise le même au
sein de la multiplicité des formes ? Mais cette
rupture n'est pas négation, la transmutation des valeurs
n'est pas la
substitution de valeurs contraires à celles qui ont eu cours
jusqu'à présent,
mais un événement initial : que recommence ce qui
n'a jamais cessé d'être, que
le cortège des formes cessent d'être du
passé, et de nous étouffer sous le
passé qu'elles ont revêtu, mais que d'autres
formes de la vie et du vrai soient
possibles, afin qu'elles répètent la vie qui se
manifestait en celles quelles
abolissent. Il n'y
a pas d'erreur plus dangereuse que de confondre l'effet avec la cause,
cette
erreur est sanctifiée parmi nous, elle porte le nom de
religion et de morale.
La formule générale qui sert de base à
toute religion et à toute morale
s'exprime ainsi "fais telle ou telle chose, ne fais point telle ou
telle
autre chose, alors tu seras heureux ! Dans l'autres cas ... toute
morale,
toute religion n'est que cet impératif, le l'appelle le
grand péché héréditaire
de la raison, l'immortelle déraison. Exemple : l'Eglise et
la morale disent "
le vice et le luxe font périr une race ou un peuple", par la
transmutation
des valeurs, ma raison rétablie affirme : "lorsqu'un peuple
périt,
dégénère physiologiquement, les vices
et les luxes en sont les conséquences. La
jeune parque et poèmes morcelés - Paul
Valéry "SILENCE,
mon silence ... ABSENCE, mon absence, ô ma forme
fermée..." L'Esclave
: " Un jour qu'elle me fit son commandement ordinaire : "dis ce que
tu voudras !" Je demeurai dans un silence. C'est que j'avais
épuisé toutes
mes histoires, tout ce que je savais lui était connu. je lui
avais consumé tous
les récits, développé toutes les
doctrines, exposé l'origine de tous les dieux,
les aventures des héros, les hauts faits des hommes
illustres. Mon esprit se
sentait désert, et les ruches étaient vides, les
vérités et les mensonges une
source tarie, et je ne retrouvai en moi que les paroles mêmes
de la reine, que
je me répétai vainement devant les portes closes
de mon trésor. Je désespérais
de mon génie. Mais tout à coup une
lumière se fit en moi. Que les voies de
l'esprit sont ... Je
chanterai les sens les sens Mais
les sens sont vérité, et les sens sont
pureté. Car ce qui est réel n'a aucune
signification et ne vise point autre chose. Ni souvenir, ni
interprétation ni
raisonnement. mais les sens et les sensations présentes et
les choses
immédiates, voilà ce qui est profond... On
dirait que chacun de nos sens a
son mode de comprendre, et il marque qu'il ne comprend pas par sa
souffrance. Comprendre,
c'est trouver ce que l'on aurait fait de soi-même, c'est se
reconnaître,
trouver qu'une chose extérieure était soi,
à soi, de soi. C'est
mesurer, ou trouver le système de mesure, l'accommodation,
qui reconstitue la
chose. Rachel
: Psaume Chair,
conduis-moi hors de moi-même! Ô
dualité embrasée. des frottements, des
mouvements, des élancements élastiques
précipités font jaillir l'âme et tirent
de l'ombre de la substance l'éclair de
la puissance comme un glaive, - qui brille et qui tue. L'île
de Xiphos : Grandeur
et décadence de la Parole. Ubiquité, ruine les
formes (logiques et beauté) - la
confiance - Crédulités; Signification de la
recherche par symboles abstraits -
Babel, Pentecôte - Usage magique (ou harmonique) et usage
opératoire,
"rationnel". Devise
: "Pour que soit ce qui est ". Ceci serait l'une des inscriptions sur
l'une des portes, d'abord mal traduite mot à mot par : SORS
pour ENTRER
(remets-toi à ignorer ce que tu sais, pour savoir comment tu
le savais et
savoir ton savoir). Les artisans et les doctes ou docteurs. Ils avaient, les uns de la matière, les autres de l'esprit un sentiment bien différent du nôtre. Les premiers agissaient sur les corps par leur âme même qui savait comment gagner leur ouvrage et vivre toute dans leurs mains; et les seconds semblaient disposer des idées par leur langage et leurs symboles comme l'athlète, l'acrobate et le prestidigitateur ou le jongleur font de leur membres. Le forgeron battait rythmes et formes [ ...] Et le poète chantait les mots, s'identifiait au langage, - comme le musicien semblait vivre dans un monde sonore.Tout l'utile était comme acquis. Tout l'inutile était l'essentiel. Les pierres tombaient par distraction comme lancées au hasard. El les lois naturelles semblaient des bizarrerie. Ils expliquaient que les lois étaient une fantaisie réalisée. Pour
commenter la genèse - Emmanuel 86 -
Pour l'essentiel de la création, Dieu dit "que soit ..",
sauf pour
l'homme où il est dit "faisons l'homme à notre
image .." Dieu dit :
Faisons l'homme (I.26), mais Dieu crée l'homme (I.27).
Etonnement de l'utilisation
la première personne pluriel. Simple pluriel de
majesté où tâche conjointe
entre l'homme et Dieu ? 87 -
Dans les commentaires, il est raconté " Lorsque le saint,
béni soit-il,
décida de former l'homme, il vit dans sa
postérité, des justes et des méchants.
Il dit, si je le crée, il donnera naissance aux
méchants, mais je ne le crée
pas, comment les justes pourront-ils apparaître ? Et Dieu
forma l'homme. 111 -
Le second chapitre de la Genèse introduit une nouvelle
dimension : celle de
l'homme libre. Adam construit de ses mains son propre destin, la
fatalité
n'existe pas, mais dans toute la nature créée par
la main divine, règne
seulement la volonté d'un être doué
d'intelligence qui est l'homme. 122 -
les arbres de toute espèce, agréable à
voir et bons à manger et l'abondance de
tous les fruits dont on peut se nourrir à
satiété symbolisent la tora, arbre de
vie. La tora se livre à ceux qui le veulent et chacun peut
en cueillir les
fruits. Mais l'arbre interdit symbolise la connaissance mystique de la
tora. si
l'on choisit le premier chemin on connaîtra toutes les joies
de la vie
(abondance). si l'on choisit la voie étroite qui
mène à la perfection, il faut
renoncer aux plaisirs de l'existence. seuls les élus peuvent
s'y engager. Mais
leur récompense est grande. 130 -
Adam ne pèche pas, il désobéit. Pour
pouvoir pécher, il faut connaître le bien
et le mal et Adam ne les connaîtra qu'après sa
désobéissance. Connaître le bien
et le mal, c'est juger, donc prendre conscience de son propre
être par rapport
et par opposition à tout ce qui l'entoure, c'est se
détacher de la nature et
non plus s'y intégrer [apercevoir le DEUX]. Adam sera
chasse, mais s'il ne
l'était pas, il serait parti quand même.
Goûter à l'arbre de la connaissance,
c'est déjà quitter la paradis. Il en
résulte qu'il n'existe pas de péché
originel, mais qu'à l'origine de l'homme il y a la
désobéissance d'un enfant. 136 -
c'est dans la littérature sapientiale post-biblique
qu'apparaissent pour la
première fois quelques allusions à Adam,
d'ailleurs favorables au premier
homme. Jamais il n'est question de son soi-disant
péché. Bien au contraire,
dans le livre de Ben Sira, par exemple, la connaissance du bien et du
mal est
présentée comme un bienfait accordée
à l'homme par Dieu (Sir. 17.I-14) 158 -
Si le péché originel est celui de Caïn,
assassin de son frère, alors toute la
perspective de l'histoire du salut doit nécessairement
changer de dimension. le
vrai péché est celui de l'homme contre l'homme et
non contre Dieu, et un
semblable péché ne se rachète pas par
la souffrance d'un rédempteur, mais par
le repentir de l'homme déchu. 165 -
Dieu dit à l'homme Où es-tu ? (3.9). Cela
signifie que si l'homme se cache,
Dieu ne peut le trouver. Essai
d'exploration de l'inconscient - C.G. Jung "A
mon avis, la foi n'exclut nullement la réflexion; mais
malheureusement, de
nombreux croyants semblent avoir une telle peur de la science, qu'ils
demeurent
aveugles à ces forces psychiques numineuses qui depuis
toujours régissent le
destin de l'homme. Nous avons dépouillé toutes
les choses de leur mystère et de
leur numinosité : plus rien n'est sacré
à nos yeux. A une
époque plus reculée, lorsque des concepts
instinctifs se frayaient encore une
voie jusqu'à l'esprit de l'homme, sa conscience pouvait
assurément les intégrer
en un ensemble psychique cohérent. Mais l'homme
civilisé n'est plus capable de
le faire. Sa conscience éclairée s'est
privée des moyens d'assimiler les
contributions complémentaires des instincts et de
l'inconscient. Car les moyens
d'intégration étaient
précisément les symboles numineux qu'un
consentement
commun tenait pour sacré. Aujourd'hui,
par exemple, nous parlons de la "matière". Nous
décrivons ses
propriétés physiques. Nous menons des
expériences en laboratoire pour démontrer
quelques uns de ses aspects. Mais le mot matière reste un
concept purement sec,
inhumain et intellectuel, qui n'a aucun sens psychique pour nous.
Combien
différente était l'image archaïque de la
matière, la Grande Mère, qui pouvait
embrasser et exprimer le sens affectif et profond de la Terre
Mère. De même, ce
qui était autrefois l'esprit" est aujourd'hui
identifié avec l'intellect,
cessant d'être le père de Tout. Il s'est
dégradé jusqu'à tomber dans les
limites de la pensée égocentrique de l'homme;
l'immense énergie affective qui
s'exprimait dans le "notre père" se perd dans les sables
d'un désert
intellectuel. A
mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s'est
déshumanisé. L'homme se sent isolé
dans le cosmos, car il n'est plus engagé
dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente
[participation mystique dirait Lévy-Bruhl] avec ces
phénomènes. Et les
phénomènes naturels ont lentement perdu leur
implications symboliques. Le
tonnerre n'est plus la voix irritée d'un dieu [...], les
pierres, les plantes,
les animaux ne parlent plus à l'homme et l'homme ne
s'adresse plus à eux en
croyant qu'ils peuvent l'entendre. Son contact avec la nature a
été rompu et,
avec lui a disparu l'énergie affective profonde
qu'engendraient ses relations
symboliques [...] Ceux
qui ne se rendent pas compte de la tonalité affective
particulière de
l'archétype ne se retrouveront qu'avec un amas de concepts
mythologiques, que
l'on peut sans doute assembler de façon à montrer
que tout a un sens, mais
aussi que rien n'en a. Les cadavres sont tous chimiquement identiques,
mais les
individus vivants ne le sont pas [...] On peut tout savoir des saints,
des
sages, des prophètes, des déesses
mères adorées à travers le monde :
tant qu'on
les considère comme de simples images, dont on n'a jamais
éprouvé le pouvoir
numineux, on parle comme en rêve sans savoir de quoi l'on
parle. Les mots que
l'on utilisera seront vides et sans valeur. Ils ne naissent
à la vie que si
l'on s'efforce de tenir compte de leur numinosité, c'est
à dire de leur
relation à l'individu vivant. C'est seulement à
ce moment là qu'on commence à
comprendre que la dénomination des archétypes est
peu de chose, et que tout
dépend de la manière dont ils sont
reliés à vous |
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