Mythe et initiation
En préambule au thème de ce soir, « Mythe
et initiation »,
je ne vous parlerai ni de l’histoire des mythes ni de leur inventaire;
ces sujets ayant été traités par de nombreux mythographes. Il est
plutôt de mon intention de vous raconter une histoire au travers de
l’initiation d’un profane désireux d’entrer en Maçonnerie. Dans le
cadre de Rites cérémoniels initiatiques, où le Protagoniste joue le
principal rôle, sans y comprendre grand-chose, en une seule soirée il
passera du stade de profane à celui d’impétrant et de néophyte il
deviendra F\ M\ à l’instant où la Lumière lui aura
été
accordée. Pour être admis à nos mystères pour naître à nouveau en
recevant l’initiation, c’est-à-dire être mis sur la voie, le profane
aura au préalable, frappé de son propre chef à la porte du Temple, il
aura eu à effectuer plusieurs voyages symboliques. Le premier, l’aura
fait séjourner quelque temps dans une caverne ; nous appelons cela
l’épreuve de la terre, puis d’autres tribulations lui feront subir au
péril de sa vie, lui semblera-t-il, les épreuves de l’air, de l’eau et
du feu, ces épreuves étant de nature à lui inspirer de grandes
craintes. Il en sortira toutefois victorieux et pourra être assimilé au
Héros de nos mythes. Maintenant, essayons de clarifier ce qui
différencie les mythes, des contes, des légendes et des fables. Il est
généralement considéré qu’un conte est un récit dont l’objectif est de
distraire, une fable est un court récit bref ou humoristique où
l’histoire se confond avec celle d’un conte; quant à la légende, elle
est un récit écrit, vrai ou faux, destiné à être lu. Bien que l’origine
du mot Mythe, soit, pour certains, issu d’une racine signifiant muet il
semble en fait qu’elle proviendrait du grec muthos, parole, récit et de
muthein parler.
Sans auteur connu ou reconnu, les Mythes sont des
récits populaires venus jusqu’à nous depuis des temps immémoriaux, au
travers de la tradition orale. Ce n’est qu’ultérieurement qu’ils seront
retranscrits. Proche des paraboles, le Mythe exprime un enseignement
concret dans un contexte abstrait ; soit, sous une forme allégorique,
soit symbolique ou métaphorique. Il décrit les rêves, les pensées, les
fantasmes ainsi que les comportements de la vie intérieure et sensible
des hommes.
Précisons qu’il n’a aucun rapport avec un sentiment religieux, il se
situe entre réel et fantastique, entre rêves et mystères. Virtuel mais
psychologiquement réel, le mythe n’est pas vérité historique, il est
réalité psychologique.
Ni vrai ni faux il est psychosomatique !
le mythe, vecteur d’un enseignement
La liste des types de mythes est immense et sans être exhaustif, ils
peuvent être entre autres :
-théogoniques quand ils s’essayent à donner une explication sur la
naissance et la généalogie des dieux,
-cosmogoniques, ils tentent alors une interprétation sur la formation
de l’Univers, -eschatologiques, ils proposent ce qui pourrait advenir à
la fin du monde, ils sont aussi primordiaux, profanes, bibliques ou
religieux : ils narrent, entre autres : Eve et la côte d’Adam, le
Paradis perdu, Le Déluge, l’Arche de Noé, la Jérusalem céleste etc.
Chaque pays, chaque continent et chaque religion possède sa propre
mythologie. Présents tout au long des fêtes qui jalonnent la vie des
hommes, mythe et rite sont mémoires du monde populaire qui transmet au
delà des générations le souvenir de tout événement important de la vie
sociale des hommes. Le mythe du déluge et de l’Arche de Noé en est un
archétype.
Proche du Sacré, tout rite et toute gestuelle de cérémonie
d’initiation, de mort, de renaissance ou de passage implique un ou
plusieurs mythes.
La plupart du temps, le mythe met en scène des formes surnaturelles ;
mi-divines, mi-humaines ou mi-divines mi-animales. Au cours d’actions
surhumaines imaginaires ou fantastiques dont l’issue peut être heureuse
ou malheureuse, cette «créature» devient un héros comme notre profane
décrit précédemment.
Au travers des mythes, l’homme reçoit un éclaircissement sur le monde,
sur la naissance de l’univers et des hommes.
le mythe, tentative d’explication du monde
Je l’ai dit précédemment, que le récit soit imaginaire, inventé,
mensonger peut-être, cela n’a pas d’importance, car vrai ou faux,
accessible à tous, il est tentative d’explication sur les phénomènes de
la nature, sur l’origine de la première plante, sur l’orage, les
éclairs, les coups de tonnerre ou pourquoi le soleil se lèvera
peut-être ou pas demain matin.
Dans l’esprit, proches des métaphores, les événements mythiques et les
transpositions qu’ils proposent, permettent à chacun d’y projeter sa
propre quête, ses propres questions, ses propres complexes ou les
interrogations qu’il a dans sa vie de tous les jours.
La richesse
des mythes permet à chacun d’y trouver une interprétation
différente selon sa culture ou son angle d’appréhension.
Par essence, opposé au rationnel et à la raison, le mythe possède en
lui-même, une fonction intrinsèque de média ou de support de formation.
Universel, évolutif dans le temps, il repose sur le postulat de
tolérance selon lequel la démarche de l’esprit humain est identique
quelle que soit celui qui l’écoute.
Ce que
chacun pourra en retirer
dépendra plus de la vision personnelle que l’on peut avoir des choses
de la vie que de l’histoire énoncée dans le mythe. Si nous admettons
maintenant que le mythe est un moyen de comprendre la raison d’être des
choses et si la dialectique exclue le raisonnement sur des histoires
illogiques ; il devient nécessaire de prendre le mythe pour un langage
indirect qui dissimule d’authentiques vérités, il en est de même pour
les images publicitaires subliminales construites de manière à
atteindre l’inconscient de celui qui les reçoit et qui est touché sans
qu’il le sache. Créativité et exemplarité (au sens propre du terme)
caractérise la structure du mythe ; il décrit toujours comment, en ce
temps là, quelque chose a commencé, comment cela s’est passé peu
importe l’histoire car il y a eu création; dans cet univers là, il
existe ! L’événement a bien eu lieu. Cet évènement est devenu modèle
exemplaire pouvant être réitéré ainsi que nous le faisons dans nos
temples avec nos rituels.
Voilà donc
comment les choses ont été
fondées, disent les mythes, et les explications sous-jacentes qu’ils
nous apportent sont aussi valables aujourd’hui qu’elles le furent à
l’origine. La voie symbolique retrouve la voie du mythe au travers du
rituel et quand, selon notre tradition, l’espace sacré est ordonné, au
delà de l’histoire, l’initié retrouve le temps primordial. Alors
l’enseignement ésotérique pourra être retransmis tel qu’il l’a été
depuis l’origine de la chaîne initiatique, nous reliant aux initiés
passés, présents et futurs. De la sorte, dans la cérémonie
d’initiation, le profane participe à la réitération de l’acte
primordial il se « coule »
dans le mythe ; de protagoniste, il devient héros, il revit le récit
mythique dans son sens universel. A l’anecdote semblant superficielle,
succède un sens plus profond ; éloigné du sens historique, qui effleure
son intellect, et y substitue petit petit d’autres
significations
qui touchent l’homme dans ce qu’il a mentalement de plus sensible. La
transformation s’effectue sur les 3 plans « Corps-Ame-Esprit
»
et se développera au fur et à mesure de la progression maçonnique,
cette évolution sera proportionnelle au travail personnel effectué.
L’initié a bien reçu les outils, mais il lui restera à travailler seul,
avec l’aide des autres, pour atteindre les objectifs personnels qu’il
s’était donné en frappant à l’origine à la porte du Temple.
En
synthèse, la technique symbolique de l’initiation consiste, comme l’a
écrit Raoul Berteaux, à provoquer une rupture espace/temps, à pénétrer
dans une enceinte sacrée, à réactualiser des évènements primordiaux, et
à réitérer des modèles traditionnels exemplaires. Si nous acceptons
qu’un des postulats de l’initiation est que chaque être humain est
perfectible, l’initié, qui aura par son travail sur lui-même, vaincu
ses passions, soumis ses volontés et fait des progrès en maçonnerie se
perfectionnera et pourra accéder à de nouveaux états de conscience
spirituelle.
Par le
mythe, l’initié peut entrer en contact avec la
réalité profonde de son être et de ce fait pourra approcher ta parcelle
de divin qui existe en lui. En conclusion, ni fables, ni contes pour
enfants à dormir debout, les mythes sont porteurs d’espérance, associés
aux rites, ils apportent symboliquement des réponses aux questions
éternelles que se posent ou se sont toujours posées les hommes et dont
la synthèse pourrait être « Qui sommes-nous, que sommes nous
venus faire ici? ».
Toute sa vie le M\, issu du profane évoqué au début de cette planche,
se coulera dans d’autres mythes. Il effectuera un long pèlerinage au
sein des 33 degrés du REAA et ce jusqu’à son ultime initiation,
certains disent passage, qu’il sera alors prêt à assumer et que le
profane appelle la mort.
Prométhée (dont
l’aigle dévore ici le foie), un grand mythe
G\
L\
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