Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Le symbolisme, langage du sacré Dans une première partie, je vous proposerai une tentative de définition de ces différents vocables, puis j’essaierai d’expliquer en quoi le symbolisme, par le langage qu’il propose, permet d’accéder au sacré. Tout d’abord, le mot « symbolisme » : il est formé à partir du terme « symbole » qui vient du latin symbolum, « symbole de foi », symbolus, « signe de reconnaissance », du grec sumbolon, « objet coupé en deux constituant un signe de reconnaissance quand les porteurs pouvaient assembler (sumballein) les deux morceaux ». Dans la Grèce antique, le « symbolon » était un morceau de poterie qui était brisé en deux et qu’on donnait à deux ambassadeurs de cités alliées pour se reconnaître. Le symbole sépare et rassemble, il comporte les deux idées de séparation et de réunion. Il faut différencier le symbole d’autres vocables : l’allégorie qui signifie « parler autrement » et qui n’est qu’une figuration d’une situation ou d’un être abstrait, on parle d’allégorie religieuse pour la parabole ou d’allégorie morale destinée à suggérer une leçon ; la métaphore qui développe une comparaison entre deux êtres ou deux situations, l’emblème qui n’est qu’une représentation simple d’une idée. Un signe a pour fonction de mettre sur la voie d’une conclusion ou d’une prévision, la fonction d’un symbole c’est d’évoquer dans sa globalité une chose à laquelle il va se substituer en vertu d’une correspondance analogique, nous dit Georges Komar. Le signe conduit partiellement à une notion générale, le symbole la suggère en son tout. Les nuages qui s’accumulent dans le ciel peuvent être le signe annonciateur d’un mauvais temps imminent mais ils n’en sont pas le symbole. La balance est le symbole de la justice, l’évocation du nom de Crésus, celui de la richesse, sans en être forcément le signe. Quand il se veut porteur d’un message symbolique, l’objet désigné renvoie non seulement au sens établi pour ce qu’il est, mais à une idée, un sentiment, une valeur, une abstraction, qu’à priori il n’est pas, au regard de son étymologie. Ce transfert de l’idée à l’objet, de l’objet au sentiment, auxquels les francs-maçons en viennent à se référer dans le cadre d’une expérience individuelle qu’ils vivent en commun, c’est précisément cela le symbolisme initiatique. Pour Freud, les images et les symboles, ceux de nos rêves comme ceux des mythes et des religions, sont les messagers de l’inconscient : le symbole n’est pour Freud que le signe de la libido refoulée, qui se satisfait d’une manière imaginaire et déguisée, autrement dit il se réduit à un symptôme. Pour Jung, le symbole est une image propre à désigner la nature obscurément soupçonnée par l’esprit ; la valeur du symbole s’affirme dans le dépassement du connu vers l’inconnu, de l’exprimé vers l’ineffable. Jung a compris que quelque chose dans le symbolisme dépasse la conception freudienne : il y a un inconscient collectif constitué d’archétypes, de grandes images comme celle du vieux sage, de la grande mère, de l’animus et de l’anima. Le symbolisme est la science des symboles qui permet l’interprétation des symboles et leur rôle dans le monde. C’est une école philosophique appréciant la capacité qu’a une image ou une réalité à servir de symbole, ce dernier représentant les paroles ou signes auxquels les initiés se reconnaissent. René GUENON précise : « tout geste rituel est un symbole agi ». D’ailleurs, dès le début de l'initiation, le nouveau postulant est prévenu à son entrée dans le temple : « Sachez qu’ici tout est symbole ». De plus, est-il nécessaire de rappeler que le Rite Ecossais Ancien et Accepté est un ensemble de symboles, porteurs de sens, qu’il appartient à chaque initié de découvrir, ce qu’il fait tout au long de sa vie maçonnique, j’y reviendrai plus tard. Dans les chemins de la vérité, Georges KOMAR précise : « la connaissance initiatique relève le défi de la transcendance, du dépassement de soi, en ce qu’elle se réfère à des symboles librement acceptés et librement interprétés, à un rituel que les ans ont épargné de l’usure et de la lassitude, au nom d’une tradition plusieurs fois millénaire ». Deuxième terme de notre sujet de ce midi, le langage. C’est un système articulé de signes, destiné à l’expression de la pensée et à sa communication. Son origine se confond avec celui de l’humanité en distinguant l’homme de l’espèce animale : il n’y a pas de société sans langage ni de langage sans société. Le langage caractérise l’activité consciente de l’être humain, il véhicule l’expression de ses désirs, de ses réactions face aux événements, de sa vie spirituelle. A la différence de la langue qui évoque le caractère parlé d’un langage, celui-ci peut être non verbal ; il pourra alors être en contradiction avec l’expression verbale de son auteur, et refléter l’expression de son inconscient. Le symbolisme est un langage spécifique : l’utilisation des symboles permet d’en assurer le secret et de ne le rendre compréhensible que par l’initié. Elle permet la communication entre initiés qui parlent un même langage qui devient alors universel. Pourtant, le symbolisme est aussi un langage personnel : chacun garde la liberté d’interpréter le symbole qu’il découvre, en fonction de sa propre histoire, de sa culture et de son cheminement. Le symbole permet au franc-maçon d’être libre dans sa recherche, puisqu’il permet de choisir son propre chemin, mais dans un cadre défini qui est celui de la pratique du rituel. C’est donc aussi une ouverture à l’autre puisqu’il impose de le comprendre à travers sa propre lecture du symbole. Il permet de trouver son propre chemin tout en cherchant à comprendre le chemin de l’autre, ce qui donne à la franc-maçonnerie son caractère d’exception : une démarche individuelle et collective. Alain POZARNIK rappelle que le REAA propose une méthode en 33 degrés pour libérer l’homme et en faire un initié, c'est-à-dire un homme achevé dans sa construction, conscient de lui-même, des autres, de l’humanité entière et de tout son destin dans l’univers. Pour permettre ce travail de construction humaine, la franc-maçonnerie utilise un langage initiatique symbolique qui touche directement la nature essentielle de l’homme, ce que nous appelons son Etre intérieur. Le symbole initiatique s’adresse directement à chacun d’entre nous : il nous interroge sur ce que nous ressentons, sur notre réalité présente, il provoque une conscience, un frisson. Le chemin initiatique n’est pas un savoir mais une conscience et le symbole doit m’aider à me tourner vers moi-même, d’abord vers un aspect, une partie de moi-même puis peut-être plus tard, vers la globalité. Enfin, dernier terme, le mot « sacré » : étymologiquement, sacré s'oppose à profane. Sacré désigne ce qui est à la fois séparé et circonscrit (sandre = délimiter, entourer, sacraliser, sanctifier), tandis que profane indique ce qui se trouve devant l'enceinte réservée. II y a donc deux domaines : l'un qui est réglé de manière transcendante, le sacré, et un autre où l'homme a la possibilité de penser et d'agir, dans une relative liberté. La vie est constituée par l'équilibre entre ces deux domaines. Si le sacré renvoie au religieux, en franc-maçonnerie, il renvoie surtout à la définition d’un espace : celui du Temple, espace sacré en opposition à l’espace profane, Temple intérieur ou il s’agit pour l’initié de construire sa propre spiritualité, à travers la pratique régulière du rituel et l’étude des symboles. Le chemin vers le sacré est avant tout un chemin intérieur, où le franc-maçon va à la recherche de lui-même et de la transcendance, chemin qui l’ouvre au divin, à la recherche de la vérité. L’entrée dans l’univers du sacré nous impose de laisser nos métaux à la porte du Temple et de nous consacrer à cette tâche. Le symbolisme langage du sacré : en quoi le symbolisme, à travers le langage qu’il propose, permet d’accéder au sacré ? Autrement dit, en quoi l’étude des différents symboles et la signification qu’ils prennent pour chacun d’entre nous, nous permet l’accès à la spiritualité, à la transcendance, c'est-à-dire au divin ? Premier point, comme le précise Sam KERNBEISER, ce qui fait la spécificité du symbolisme maçonnique, c’est qu’il s’agit d’un symbolisme ouvert. En effet, contrairement aux symboles profanes ou religieux, nos symboles n’ont pas de signification définie, ils ne font que suggérer, que nous ouvrir une voie de réflexion à leur interprétation. Ces symboles sont en fait des métaphores qui nous incitent à les méditer pour en retrouver le sens profond afin de concevoir celui qui convient à une démarche spirituelle pouvant admettre la notion de GADLU non comme une abstraction mais comme le symbole d’une spiritualité maçonnique. Ainsi se construit une spiritualité qui est le fruit d’un travail que la démarche initiatique permet d’accomplir par une libération de la pensée des idées reçues pour laisser place à celle des idées comprises. La spiritualité maçonnique requiert une éthique qui ne rejette la prise en considération d’aucune forme de pensée ; c’est en ce sens qu’elle se doit d’être laïque afin de s’ouvrir à la compréhension de ce qui motive le comportement d’autrui. A la GLDF, peu importe si chacun a sa propre conception de la spiritualité pourvu qu’il accepte que celle d’autrui soit différente et que dans la Loge, elle a sa place au même titre que la sienne. Deuxièmement, dans un article sur le Rite Ecossais Ancien et Accepté, un rite spiritualiste pour une obédience traditionnelle, José BARTOMEUF affirme que la première spécificité de ce rite, c’est qu’il est essentiellement spiritualiste, c'est-à-dire qu’il prône la primauté de l’esprit sur la matière. Cette notion prend une importance majeure, grandissante et d’autant plus nécessaire aujourd’hui que notre société matérialiste, en perte de repères et de valeurs morales, donne la priorité à la croissance économique et à l’acquisition de biens matériels au détriment du développement de l’individu, de son épanouissement et de sa réalisation spirituelle. Il s’agit d’avoir plutôt que d’être. La pratique d’un rite spiritualiste, au sein d’une obédience traditionnelle, permet, par les valeurs qu’il défend, un rééquilibrage et un ressourcement de l’individu à sa Tradition en lui offrant la capacité, avec les moyens et les compétences qui lui sont propres, dans le domaine qui est le sien, de « spiritualiser » ce monde qui l’entoure et qu’il lui appartient toujours d’améliorer « chacun à sa place et à son office ». Notre rite est également spiritualiste en ce qu’il croit en la perfectibilité de l’homme et met à sa disposition une méthode de perfectionnement individuel, le symbolisme et que la progression initiatique qu’il propose apporte à l’initié une connaissance spirituelle de plus en plus élevée, qui lui permettra de conduire une action de plus en plus éclairée dans le monde, avec la conscience d’appartenir à un « Tout » ordonné, cohérent, en évolution permanente et de participer à l’amélioration constante de l’humanité, à la gloire du Grand Architecte de l’Univers. Il ajoute que la spiritualité du REAA, telle que la définit Jean ERCEAU est non dogmatique parce qu’elle ne fait appel à aucune théologie et que chacun peut interpréter librement le principe créateur, laïque puisqu’elle est indépendante des religions existantes, œcuménique puisqu’elle n’exclut aucune religion, humaniste car elle se vit dans une dynamique de développement de la nature humaine. Enfin, dans « spiritualité maçonnique », Henri ROCHAIS affirme que la franc-maçonnerie est spiritualiste : Parce ce qu’elle est initiation : si l’initiation est un rite, celui-ci n’aurait aucun sens s’il n’était le premier pas d’une démarche qui, partant de la connaissance de soi, doit nous acheminer vers l’amour de l’autre. C’est l’ensemble de cette démarche, dans sa progression comme dans sa continuité que l’on appelle initiation et elle est d’ordre spirituel. Parce qu’elle se nourrit de la tradition : la tradition est ce qu’il nous reste des pensées et des expériences vécues des générations et des cultures qui nous ont précédés. Elle représente l’héritage de toutes les civilisations. Or, si matérielles que soient les traces restantes de cet héritage, elles n’ont d’intérêt que comme porteuses d’un sens, comme témoins d’une pensée et d’une vie selon l’esprit. Il n’y a de tradition que spirituelle. Parce qu’elle se veut universelle : la franc-maçonnerie est spiritualiste parce qu’elle rend attentif au lien de fraternité qui existe entre tous les hommes, à cette parenté universelle que l’être établit avec tout ce qui existe. Parce que son langage est celui des symboles : par définition, le symbole renvoie à un signifié ; il est lui aussi vecteur de sens ; il est toujours l’expression, le langage de la tradition. Il nous en apporte l’écho, comme celui d’une parole lointaine venue des origines. Il nous dit pour l’essentiel d’où nous venons, ce que nous sommes, où nous allons. Il est un jalon sur notre chemin vers l’être. Parce qu’elle est philosophie, cette philosophie éternelle qui est recherche de la sagesse, réflexion sur l’être, manière de vivre en conformité avec la nature et notamment avec notre nature d’homme, philosophie qui est amour de tout ce qui existe parce ce que tout ce qui existe est un autre moi-même. Pour conclure, je soumets à votre réflexion ces propos de Sam KERNBEISER dans ce même article sur la spécificité de la spiritualité maçonnique : il prône l’instauration d’un humanisme spirituel, véritable religion universelle fondée sur les seules aspirations du cœur et de la raison. Car une spiritualité sans humanisme risque de conduire au mysticisme de l’abstraction, à l’obscurantisme et au fanatisme. Cette religion universelle pourrait relier tous les individus œuvrant à la propagation des valeurs qu’ils partagent et qui constituent les valeurs fondamentales de la franc-maçonnerie que sont celles qui ont pour but la dignité de la personne humaine et son épanouissement. Une religion dont l’unique précepte serait de raisonner avec le cœur pour aimer avec raison. C’est selon lui la finalité d’une spiritualité spécifiquement maçonnique parce qu’essentiellement humaniste. C’est l’expression la plus haute de la spiritualité, celle de l’humanisation de l’homme par lui-même. J’ai dit V\ M\ M\ D\ |
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