Le GADLU
Dans
le monde de
l’initiation, nous retrouvons toujours les trois formes
d’un même principe, que
les hommes depuis la nuit des temps ont voulu représenter
par des triades ou
trinités comme le Père, le Fils, le saint Esprit,
Osiris, Isis, Horus, Brahma,
Civa, Vishnou, cette Trinité pouvant se trouver
représentée par d’autres noms
comme le Vénérable Maître, le Soleil et
la Lune (dans les rites modernes), ou
la Bible, l’Equerre et le Compas (pour les rites anciens) !
Le fait de changer
les noms ne modifie en rien aux "puissances, principes et actions"
qu’ils recouvrent.
Tout le monde sait que, dans toutes les trinités, on fait
tenir au Créateur le
rôle du Père, par une anthropomorphisation de
mauvais aloi qui dénature et
dévalorise tout, et que toute chose émane de lui.
A côté de cette manifestation
procréatrice se trouve le principe metteur en forme et
transformateur : le
saint Esprit des Chrétiens ou le Civa Ischvara des hindous,
l'Etre en lui-même,
qui ne tombe même pas dans le domaine de notre
pensée la plus haute, car la
pensée humaine ne peut pas le définir dans ses
possibilités réelles. Je veux
dire qu'il ne possède aucune des qualités qui
définissent les êtres connus et ne
peut être assimilé à aucun d'entre eux.
En lui et par lui se trouvent manifestées toute
intelligence, toute vie, toute
forme, toute possibilité d'être, mais dans un
aspect tellement abstrait que,
même pour donner une première création
à toutes ces formes qui aspiraient à la
vie, l’Eternel s’est
différencié de lui-même, par une sorte
d'ébranlement ou de
bing-bang, se manifestant sous un aspect qui n’a
naturellement rien de
matériel, il est devenu Celui qui Est,
c'est-à-dire le Dieu manifesté, celui
qui préside à I’existence de ce monde
comme de tous les autres mondes.
Toute vie vient de l’Eternel, de Brahma, d’Allah,
du GADLU qui regroupe en lui
tous les noms des dieux, et doit revenir à lui, mais il y a
bien du chemin à
parcourir avant que l'homme ait pris conscience de la
présence en son coeur de
la divinité. Il lui faudra on ne sait combien de temps,
avant que la révélation
lui soit faite provoquant l’éveil, ce qui ne
pourra s’opérer que lorsque le
cœur sera devenu un habitacle digne du dieu qui doit
l'habiter.
La divinité se cache dans le cœur de celui qui la
cherche, car elle sait bien
que celui qui la cherche finira bien par la trouver, pourvu qu'il ne
ménage ni
son temps ni ses peines. Cette graine minuscule qui a
été semée dans le cœur de
l'homme et qui doit y devenir l'habitacle du sublime architecte des
mondes,
c'est la découverte et la reconstitution de sa
personnalité véritable, et non
de celle qui fut artificiellement façonnée et qui
vit aujourd’hui uniquement
occupée à la satisfaction des besoins
matériels, des plaisirs personnels et
l’apaisement des malheurs individuels, sans se douter que ces
plaisirs et ces
peines ne dépendent pas du monde des hommes mais que les
épreuves sont imposées
comme une sorte de signal d’alarme indiquant que
l’on se perd, que l’on
n’accomplit pas ce que l’on
s’était engagé à faire avant
de venir dans ce
monde. C'est dès le premier instant où
l'être a senti que, sous toutes les
apparences de la vie fallacieuse, se cache une vie plus
réelle, que c'est
seulement en se retirant de soi-même pour se retrouver dans
une vie supérieure,
qui aspire à se fondre avec la vie divine. Elle ne pousse
pas hâtivement et,
pendant quelques existences, c'est une donnée bien vague,
une petite flamme à
peine perceptible, jusqu'au moment où, sous une direction
ou, par suite d'une
lecture, ou par n'importe quel autre appel, l'humain trouve sa voie ;
il
devient alors un Cherchant et il ne tâtonne plus.
Quand cette perception lui est venue, il ne connaît plus
d'obstacles, et sa
délivrance lui devient le seul besoin qu'il puisse sentir.
Il cesse de se fier
aux forces comme il l’a fait sans cesse jusque là,
car ses propres expériences
lui ont appris que nos sens nous mentent constamment et que toutes les
erreurs
de notre âme proviennent de la foi que nous avons
ajoutée à leur témoignage.
Les choses visibles ne sont rien en elles-mêmes que des
apparences et nous
devons, pour les posséder, les
pénétrer en leur essence. Mais, quand l'homme
est arrivé à ce stade, la possession des objets
sensibles a bien diminué de
prix à ses yeux ; il n'aspire plus qu'a
l'éternel, à ce gui ne peut mourir ni
changer, et cette immuabilité, il ne peut la trouver dans
les êtres doués de
forme, car qui dit forme dit changement. L’absolu, l'immuable
ne peuvent se
trouver qu'en la divinité du Grand Architecte de
l’Univers.
C'est un point d'arrivée où les plus sages et les
mieux entraînés arrivent
difficilement. Pour que cette délivrance se produise, il
faut subir bien des
existences et, dans les dernières - je ne dis pas la
dernière - avoir consacré
tout son temps à la recherche de la
vérité, de l'Absolu que nous dérobe le
monde, des choses, formelles et différenciées,
piège charmant du regard et de
l'affection, mais sans existence réelle, puisque seul le
Grand Architecte
existe. Beaucoup, parmi les plus savants en l’Art et les plus
sages,
privilégient le principe divin du GADLU que l’on
peut considérer comme la
causalité première, mais aussi comme la
causalité " spécialisée ",
sortie de son repos pour donner la vie et la forme à ces
apparences que le sage
ne doit pas considérer comme autre chose que des moyens de
parvenir à la
perfection, comme des symboles, d'une existence supérieure
qui les conduira
vers la seule existence, souhaitable, l'abandon volontaire, d'abord de
toute
personnalité, puis de toute direction volontaire, dans le
sein lumineux de
l'Absolu. Ce n'est qu'après, avoir aboli en soi toute
individualité que,
parfois pour une courte durée, l’on peut arriver
à la délivrance consciente.
Une fois parvenu a cet état, même pour le temps
d'un éclair, on est sûr de ne
pas revenir en arrière, d'aboutir, dans un temps
déterminé, dans une libération
ou un Nirvâna qui n’est pas comme on le croit trop
facilement une sorte de
sommeil et d’inconscience, mais au contraire l'extinction de
toute vie
terrestre, de toute agitation de l'âme, pour arriver
à la fusion volontaire et
consciente dans la vie qui ne change point parce qu’elle
n’a pas d’aspect, mais
en qui se résume toute vie, toute activité
supérieure.
Une ascèse excessivement rigoureuse, un renoncement
acharné peuvent seuls
conduire à de tels états, mais
l’Oriental possède en son cœur et en son
âme la
volonté et le trésors des expériences
personnelles vécues dont les races
occidentales connaissent rarement la force trop occupées
à théoriser les choses
au lieu de les vivre.
Cherchant, tu parviendras à ton initiation
complète par des voies moins rudes
et moins, périlleuses, certes mais tout aussi exigeantes car
la Connaissance ne
se laisse pas approcher ; elle ne se révèle pas
à ceux qui se montrent indignes
d’Elle. Si les hommes vivent essentiellement
tournés vers la satisfaction de
leurs besoins égocentriques, ils n’obtiendront
rien, mais rien n’interdit aux
autres de se consacrer à la recherche de la
Vérité. Ceux qui
bénéficient d’une
initiation possèdent une chance remarquable car,
s’ils deviennent effectivement
soucieux de se rapprocher du divin, ils comprendront rapidement vers
quoi tend
cette mort fictive que l’on ne saurait séparer
d’aucune initiation valable.
C’est dans ce détachement absolu de tout et de
lui-même que l’adepte peut
espérer s’élever jusqu’au
cœur de la
lumière, ce qui lui permettra d’accéder
à
l’objet divin de sa recherche. Cette union parfaite demeure
impossible pour
celui qui vit essentiellement préoccupé par la
satisfaction des sens, dans
l’inquiétude des affaires, dans le rythme
perturbé
et perturbant de la société
actuelle. Mais pour celui qui a accepté de voir les monde et
les
hommes avec un
certain recul, afin de les appréhender dans leur
réalité et non sous celle qu’
on leur affecte arbitrairement, celui qui s’est
retiré
dans son " désert
" intérieur, ne fut ce qu’un instant, celui-ci
pourra
découvrir le sens
mystérieux de la vie et de ses finalités ; son
âme
connaissant le chemin
pouvant mener à l’éternité ;
elle saura le
retrouver lorsque le jour du trépas.
Cherchant, il est plus d’une voie pour arriver au but que tu
cherches et celle
qui t’est offerte ne compte pas parmi les plus
aisées mais rien ne doit
faciliter la quête de celui qui aspire à la
divination de l’Etre. Cependant, ne
crois pas que le détachement que préconise toute
initiation ne te soit en rien
demandé. Au contraire, pour arriver à la mort
fictive et pour obtenir d'elle
tout le bien que tu en attends, il faut d'abord arracher de ton
cœur et de ton
esprit tout ce qui est inutile, car ce qui est inutile est
déjà nuisible.
Regarde le monde qui t’entoure comme un livre ouvert
où tous les êtres sont des
images et manifestent pour toi non des moyens de plaisirs mais des
enseignements.
Il n'est rien ici-bas qui ne soit un symbole, et tous les symboles
doivent
parler à ton cœur et à ton esprit de
celui qui les a formés. Même si tu te
trouvais dans le plus entier dénuement, si tu comprends
cette vérité, tu
posséderas le monde autrement et mieux que ne peuvent faire
les plus opulents
potentats. Tu ne te contenteras pas de la décevante
volupté des yeux, pas même
de la satisfaction artistique, créatrice de joies plus
hautes, mais chaque
objet de ce monde te parlera dans son langage de cet Absolu
à quoi tu tends de
toutes les puissances de ton être, en qui seul tu trouveras
l'apaisement
complet de ton cœur et de ton esprit. C'est parce que l'Inde
a compris le monde
de cette manière qu'elle a créé dans
son âme et dans ses œuvres cette prodigieuse
poésie où tous les êtres fraternisent,
se comprennent et s'aiment, tendant tous
au même but, qui est l'avènement de la
lumière dans la paix entière
retrouvée.
Pour toi, Cherchant, sans renoncer aux affections permises ni aux
devoirs de
ton état, tu peux laisser aller ton âme et ton
cœur à cette radieuse tendresse
envers tous, tendresse qui te pénétrera si tu les
considères comme ce qu'ils
sont, des frères venus d'un même Père
céleste, mais qui ne sont pas encore
arrivés au stade que tu parcours. Que cette pitié
fraternelle soit le fond
commun de toutes les affections que tu éprouveras en dehors
de ton foyer et, là
encore, fais le départ entre ce qui est licite et ce qui ne
l'est point. Car
les passions ne sont pas interdites par un caprice du
législateur; elles
doivent être écartées de l'adepte,
parce que ce sont elles qui troublent son
esprit, le conduisent au mal. Pour toi, Cherchant, crée en
ton cœur le plus de
calme possible, écartes-en toute violence, car ton
âme doit être sans cesse
comme un lac paisible où se mirent les lumières
venues d'En haut. Pas plus que
la lumière visible ne se mire en une eau
troublée, ces lumières ne peuvent
atteindre que les âmes où règnent les
joies pures, les affections
désintéressées, la Beauté
pure, la Sérénité parfaite.
T\ A\ |