La
Kabbale
(ou
cabale)
L'étymologie de « Kabbale » signifie, en hébreu, « la tradition » mais
également « le don, le cadeau la chose reçue et le fait d'être en
présence
de... ». Cette mystique juive connaît son apogée aux XIIIe et XIVe
siècles.
Elle se présente d'abord comme le commentaire de la Torah. Elle
recherche son
sens caché dont elle conduit l'exégèse, en relation étroite avec la
tradition
secrète qui aurait coexisté tout près de la religion originelle des
Hébreux.
Les textes fondateurs sont supposés chiffrés, symboliques, et le
kabbaliste
part toujours à la quête du secret* le plus sacré et donc le plus
dissimulé
dans les sons, mots et lettres de l'alphabet qui les composent et qui
recèleraient la signification ontologique de l'univers. En attribuant
un
caractère sacré à l'alphabet hébreu, la Kabbale accorde une valeur
numérique à
chacune des lettres* dont l' interprétation livre la clef d'une
difficulté
théologique majeure en résolvant, par exemple, le paradoxe central d'un
Dieu
transcendant, inconnaissable tout autant qu'ineffable et le mystère de
sa
présence au monde. Ce problème, ainsi formulé, est essentiel à
l'ésotérisme*
kabbaliste qui tente de comprendre l'énigme posée par l'existence du
Dieu
vivant et pourtant inconnaissable, du Dieu révélé et à jamais caché.
Deux thèmes cardinaux de la Kabbale ont pénétré certaines obédiences*
maçonniques soucieuses de rompre avec des courants rationalistes
dominants,
surtout au XVIIIe siècle, par l'intermédiaire de la gnose qui prolonge
l'ésotérisme hébraïque. En premier lieu on retrouve parfois dans la
franc–maçonnerie spéculative une symbolique des nombres*, proche de la
numérologie kabbaliste. C'est ainsi que des « cherchants » établissent
des
correspondances entre les « grades » ou degrés de la « hiérarchie »
maçonnique
et certains nombres dotés de propriétés intrinsèques. Le grade
d'apprenti*
serait ainsi consacré à la connaissance et à la compréhension
symbolique des
nombres 1, 2, 3 et 4.
Le compagnon* étudiant dans le même esprit 4, 5, 6 et 7 les nombres 7,
8, 9 et
10 étant réservés à la maîtrise.
Ces croyances, solidaires d'une arithmologie mystique, supposent que
des
nombres, dotés d'un rythme propre et de valeurs hiératiques, sont des
idées.
On peut ainsi lire dans une publication de la Grande Loge Nationale
Française*
que « le rite est un nombre mimé »
En son sens traditionnel, le nombre sert à manifester la structure du
réel.
« C'est le nombre pythagoricien sur lequel l'univers tout entier
repose, celui
qui engendre la musique des sphères. » Le paragraphe s'achève avec
cette
citation du conseiller d'Eckarthausen: « Qui sait calculer avec les
nombres de
la Nature, celui–là trouve les rapports éternels des choses, la
progression de
l'Unité, les lois de la Nature les rapports du corporel et du
spirituel, des
forces des effets et des causes. Il définit l'espace et la durée des
choses et
calcule le passé et l'avenir.
" Ces conceptions néoplatoniciennes et néopythagoriciennes, se trouvent
dans l'un des livres de référence des kabbalistes, Sefer Yesira (Livre
de la
Création), qui, entre le IIe et le Ve siècle exposait la doctrine des
sefirot,
consacrée à la magie des 10 nombres et des 22 lettres de l'alphabet
hébraïque.
Les correspondances subtiles entre lettres et nombres révélaient
l'énigme de la
Création .
En second point, la Kabbale met en évidence une conception singulière
de
l'homme défini comme microcosme.
Le sens pro fond de l'homme et celui de sa présence au monde ne
seraient
intelligibles qu'au sein de correspondances d'analogies intimes et
nécessaires
qui dissimulent le secret des choses.
La connaissance de ces réseaux analogiques permettrait de comprendre
tous les
autres règnes par sympathie et même d'agir sur chacun d'eux toujours
par la
maîtrise des combinaisons sacrées entre lettres et nombres.
Cette tradition occultiste favorise la mise en ouvre de techniques
fondées sur
l'usage secret de forces que l'on suppose surnaturelles.
La doctrine aboutit alors à une magie à une Kabbale pratique nommée
aussi ars
cabalistica qui se distingue de la dimension purement spéculative.
Mais si l'on parvient à dépasser la mauvaise réputation dont souffre
tout ce
qui est qualifié de kabbalistique, il convient de rappeler que la
Kabbale est
une doctrine d'initiation dont l'ésotérisme vise d'abord
l'accomplissement
spirituel de l'initié et c'est cette dimension symbolique et
initiatique qui
est retenue par les diverses obédiences maçonniques.
A l'intérieur de certaines d'entre elles, des frères parmi les plus
mystiques,
sont parfois ouverts et attentifs à ses enseignements.
Le Grand Orient de France* se montre plus circonspect à l'égard de
théosophies
qui entretiennent des rapports étroits avec l'occultisme ou la magie.
C'est dans cet esprit que « l'instruction pour le premier grade
symbolique
d'apprenti » souligne que l'initiation maçonnique demeure ésotérique
mais qu'il
convient de refuser « toute assimilation de cet ésotérisme naturel à
l'occultisme ».
Cette interprétation fautive « constituerait une défiguration majeure
de
l'initiation maçonnique ».
Sur un plan moins discret et moins magique aussi, il ne faut pas
sous–estimer
la valeur de certains des symboles de la Kabbale dans l'ouvre de Gérard
de
Nerval qui ne fut pas étranger aux interrogations de la
franc–maçonnerie, ainsi
que le confirment certaineS pages du Voyage en Orient. Le Golem, de
Gustav
Meyrink, est également riche en thèmes kabbalistes. On peut aussi
déceler la
présence rayonnante de cet ésotérisme dans la Melancolie, d'Albrecht
Durer. On
ne saurait enfin négliger l'influence des thèmes kabbalistes sur les
sectes
illuministes et les cénacles occultistes qui s'employaient à combiner
lettres
et nombres, selon les enseignements primordiaux, en faisant référence à
l'alchimie*, à la magie et à l'astrologie. Ce sont ces conceptions que
l'on
retrouve dans l'ouvre de Paracelse, de Jacob Boehme, de Valentin Weigel
et dans
une large part de l'ésotérisme chrétien .
Vl. B.
|