Obédience : NC Loge : NC 10/2004

Abel et Caïn

Les mythes sont des récits dont les personnages sont des êtres surhumains. En grec, le Mythos désigne un récit imagé, qui s’oppose au logos- le verbe qui est un récit raisonné. Le Mythe est donc un mensonge qui contient du sens.

Comment aborder un thème, qui est archi connu et bien imprégné dans l’imaginaire collectif, et surtout, comment y voir dans ce mythe des fils, qui puissent nous rapprocher de la Maçonnerie, et comme je ne suis pas Victor Hugo, il va bien falloir que je prenne un axe de travail, pour débuter cette planche, alors, ensemble nous allons ouvrir la Bible, afin de voir ce que cache ce mythe, qui comme tout mythe possède un enseignement.
Tout d’abord, je crois qu’il faut dire, pour la compréhension du propos qu’Adam Eve, et leur deux fils Caïn et Abel, ne sont pas des personnages individuels, comme vous et moi, mais les principes de base de l’humanité. Adam étant le modèle générique de l’Homme et bien sûr Eve celui de la Femme, donc on peut dire que Caïn et Abel sont les prémices de l’Humanité, et qu’il ne faut pas les considérer comme des êtres humains mais comme des principes d’où découlent l’Humanité. Ceci évite le propos de l’inceste et de la procréation entre mère et fils, mais aussi d’aborder le problème sous l’angle scientifique.

Comme tout principe et comme émanation de la Volonté divine, ils sont les prototypes de la Femme et de l’Homme, et comme ils sont d’essence divine, ils devaient être parfaits. Mais nous le savons la situation idyllique n’a pas duré. La Religion catholique appelle cela la chute ou le péché originel. J’ai pris des références dans l’enseignement martinisme, qui considère qu’Adam est une forme pensée, émanée de Dieu et qui contient en lui toute la vie matérielle. Un mot sur la chute originelle, car elle explique la destiné de Caïn et Abel, au début de la Création Adam ne devait être qu’une émanation spirituelle du GADLU, Intervient alors Lucifer, le porteur de lumière, qui propose à notre Adam, de se substituer au GADLU, afin de créer lui-même des formes matérielles, en utilisant son potentiel divin qui est en lui ; ce qui fut dit fut fait, mais les choses se compliquèrent sérieusement pour Adam. D’émanation du GADLU, il devint une forme terrestre soumise à la vie à la mort et à la dégradation du Temps, lui qui avant était immortel.

Nous qui sommes à la recherche de la PAROLE PERDUE, et qui par l’Initiation, nous nous efforçons de retrouver le divin qui est enfoui en nous, nous devrions être attentif à cette explication.

Ceci devait être dit ou redit, car nous sommes en plein mythe, et les mythes sont utiles pour notre compréhension de l’histoire humaine.

Pour en revenir à Abel est Caïn, que nous apprend la Bible sur ces deux frères :
Chapitre IV
L’homme connut Eve, sa femme, elle conçut et enfanta Caïn, elle dit « j’ai acquis un homme grâce à Iahvé. » Elle enfanta ensuite son frère Abel. Abel fut pasteur de petit bétail et CaÏn cultivateur de sol.

Si je comprends bien ce texte, nos deux frères, sont donc des créatures de Iahvé, comme tel, ils ont chacun une tâche à accomplir sur Terre. Abel, le berger, le pasteur, se contente de profiter des fruits de la Terre en faisant paître ses troupeaux dans la végétation provenant de la Création divine. Il profite, sans faire fructifier. Dans certaines langues sémitiques, Caïn veut dire forgeron et Abel signifie souffle, chose vaine !

Caïn, lui est investi, d’un travail plus gratifiant, plus dur ; celui de faire en sorte que la Terre ne reste pas un jardin inculte, mais que la main de l’homme laisse une trace en modelant, en organisant cette Création Divine. C’est en cela que Caïn m’interpelle, car je pense qu’il est investi d’une mission par Iahvé. Mais c’est le choix d’Iahvé ! Nous reviendrons plus tard sur ma lecture de la Genèse.
« Il advint au bout d’un certain temps, que Caïn apporta des fruits du sol en oblation à Iahvé. Abel de son côté apporta les premiers nés de son petit bétail avec leur graisse. Or Iahvé eut égard à Abel et à son oblation, mais à Caïn et à son oblation, il n’eut pas égard, Caïn en éprouva une grande colère et son visage fut abattu. Alors Iahvé dit à Caïn : « Pourquoi éprouves tu de la colère et pourquoi ton visage est il abattu ? Si tu agis bien, ne te relèveras tu pas ? Que si tu n’agis pas bien, le Péché est tapi à la porte : son élan est vers toi, mais toi domine le ! »

On peut comprendre le désappointement de Caïn, lui qui a travaillé durement pour faire offrande à Iahvé des fruits de son travail. Mais cette amertume, nous indique aussi qu’Iahvé impose à Caïn, une discipline et même une obligation précise, celle de travailler de ses mains. Si j’ose dire, on peut comprendre l’attitude de Caïn, lui qui fit des efforts alors que son frère ne fit que profiter de ce qui existait déjà. Faut-il y voir une épreuve imposée à Caïn pour voir s’il était capable de surmonter cette épreuve. Faut il y voir un choix délibéré de Iahvé, choisissant Caïn plutôt qu’Abel ? Pensant que c’est par le travail que peut s’accomplir le projet divin, et non pas par la désinvolture et la facilité d’Abel. Faut-il y voir, que l’homme est la synthèse d’Abel et de Caïn ? Faut-il y voir que la récompense de Caïn réside dans les fruits de son travail, et non dans son offrande à Iahvé ? Les questions restent posées.

N’est ce pas la préfiguration, de la destiné de l’Humanité à venir. En tout cas ce mythe, m’y fait penser sérieusement. Et si je transpose cette destinée dans le monde maçonnique, on peut mieux accepter et mieux comprendre cette acclamation : Gloire au travail ! Non pas seulement du fait que la Maçonnerie vient du monde du labeur et de la sueur, mais tout simplement que le travail est une obligation pour notre réalisation initiatique, et qu’il devient une jauge, une mesure, pas seulement pour nous-mêmes mais aussi pour nos pairs, de l’état d’avancement initiatique.
Dans la Légende des Siècles, le père Hugo écrit : « l’œil était dans la tombe, et l’œil regardait Caïn ! » Une tombe comme une loge est un endroit clos, à l’abri du monde extérieur, et je m’enhardi à faire une comparaison entre l’œil qui observe Caïn et l’œil placé à l’orient de la Loge. J’y trouve la même cause, la surveillance de nos actes. Que l’activité maçonnique n’est pas désinvolte, et qu’en aucun cas, il faut en attendre une récompense. Autre point de contact avec le rituel maçonnique, la transcription de l’hébreu en langue moderne, nous donne pour Caïn, forgeron donc le feu, et pour Abel le souffle. Mais comme je ne suis pas Kabbaliste, je n’en tire pas de suite.

Mais revenons au texte biblique : « Caïn dit à Abel allons aux champs ! Et comme ils étaient aux champs, Caïn se leva contre Abel, son frère et le tua … ! »

C’est la deuxième transgression aux Ordres du Divin, la première étant la fameuse pomme. Mais je pense qu’il s’agit de l’obligation de passage d’une façon d’être à une autre façon d’être. Je dirai que Caïn modèle de l’humanité descend de l’échelle d’un barreau. Le crime de tuer une autre créature divine, conduit forcément à la régression. Mais le GADLU, ne condamne pas Caïn définitivement en l’obligeant désormais à vivre sous la surveillance divine, non il l’oblige à vivre dans les regrets.

Il y aurait à faire un long détour sur la symbolique du Sang, de sa couleur rouge, je n’en retiendrai que celle qui semble convenir à cette planche, le sang est le symbole de l’animalité, c’est ce qu’en pense René Guénon dans sont petit livre : « formes traditionnelles et cycles cosmiques ! » Il fallait donc si je puis dire, éloignait l’Homme de l’animalité personnifiée par Abel le pasteur.

Saint Augustin s’interroge dans son texte concernant la Cité de Dieu, sur la nature du péché de Caïn, le premier meurtrier de l’Humanité. Saint Augustin pense que la faute de Caïn réside dans le sacrifice qu’il a offert, avant son meurtre pour « jouir du monde » en usant de Dieu et non pour « jouir de Dieu en usant du monde. Si cela est vrai, il s’agit d’interdire à l’homme, l’idolâtrie ou l’adoration des biens terrestres. Mais surtout les sacrifices humains !
« Caïn dit à Iahvé ma faute est trop grande pour que je la porte ! »
« Iahvé lui dit : eh bien quiconque tuera Caïn, Caïn en sera vengé sept fois ! »

Caïn connut sa femme, elle conçut et enfanta Hénoch. Comme il bâtissait une ville, il appela la ville du nom de son fils Hénoch !

Une fois de plus la Maçonnerie a utilisé le mythe avec Hénoch. Caïn étant lui aussi un constructeur. Si l’on veut bien analyser le mythe, j’en arrive à cette explication : l’humanité possède un caractère divin, mais étant sur Terre, elle doit faire un choix :

La glorification de son caractère divin, ou alors s’abandonner à la vénération des choses matérielles. C’est la grande interrogation de l’Homme sur Terre. C’est le défi de notre humanité, avec le choix constant entre l’animalité la plus simple mais la plus profonde et la marche vers la spiritualité.
Pour conclure je voudrais vous faire part de quelques lignes trouvées dans un poème anonyme, qui parle justement du Mythe :
Race d’Abel, dors, bois et mange
- Dieu te sourit complaisamment.
- Race de CaÏn, dans la frange
- Rampe et meurs misérablement
- Race d’Abel ton sacrifice
- Flatte le nez des Séraphins
- Race d’Abel aime et pullule !
- Ton or fait des petits.
- Race de Caïn, cœur qui brûle
- Prends garde à ces grands appétits

Comme le poète nous le fait comprendre l’Homme a le choix en deux attitudes, une attitude portée vers le spirituel, et l’autre attitude orientée vers le matériel. Il est aussi vrai que le mythe peut satisfaire les croyants comme les non croyants ; ces derniers voyant en Dieu, un Dieu vengeur et partial, rejetant sa propre Création, et ne justifiant pas une adoration ni une croyance en son existence. Quant aux Croyants, le mythe donne une justification à leur foi.

Pour conclure, je pense que nous sommes à la fois CaÏn et Abel, tout autant matériel et spirituel, et que nous avons grâce à notre liberté, le choix de prendre le chemin qui nous semble le plus utile à notre vie, c’est de notre responsabilité d’assumer notre choix. Et que si nous voulons retrouver un état détaché des contingences matérielles, il nous faut travailler et travailler encor et encor. Et si la Terre, était la rédemption de l’Humanité, le lieu de notre purification afin de reconquérir notre part de Divin ?

J’ai dit

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