La vertu selon Spinoza
Pour traiter ce thème, nous allons tout d’abord nous intéresser à
l’auteur puis en étudiant la notion de vertu dans son oeuvre, tenter de
dégager ce qui relie la maçonnerie à la philosophie de ce penseur.
Baruch de Spinoza naît en plein 17ème siècle classique le 24/11/1632 à
Amsterdam d’une famille juive sépharade d’origine portugaise
relativement aisée, installée aux Pays Bas après l’expulsion des juifs
d’Espagne en 1492, bientôt suivie de celle des portugais. Jusqu’à l’âge
de 18 ans, il étudie le Talmud, apprend l’Hébreux et travaille avec son
père dans le commerce familial, tout en s’intéressant à Descartes,
Galilée, ou encore Hobbes. Puis il connaît des chrétiens libéraux et se
met à fréquenter les cours des ex jésuites Van Den Enden et apprend le
latin. Il fréquente aussi des protestants souvent marqués par le
cartésianisme. Il ne vient donc nullement d’un milieu fermé. Ses prises
de position successives par rapport à la communauté juive le feront
exclure de celle-ci en 1656, il a 24 ans. Très vite en effet il savait
qu’il ne partageait pas leurs croyances dualistes, ni non plus
d’ailleurs la croyance fondamentale en l’incarnation humaine du Dieu
des chrétiens.
Il sera toujours ainsi l’objet de rumeur, de pression et portera toute
sa vie son manteau percé d’un coup de poignard porté par un fanatique.
«Le triomphe de la vertu», version sculptée
Il commence alors à vivre de la taille d’instrument d’optique, réputés
excellents, et entame son travail d’écriture vers 1660. Il fera publier
le traiter Théologico- politique sous l’anonymat et aura consacré sa
vie entière à « L’Éthique » qu’il
renoncera à publier en 1675. Il meurt le 21/02/1677 et sera enterré
dans la fausse commune.
Un don anonyme permettra la publication intégrale de ses manuscrits,
post mortem. Pourquoi tant de passion autour de ce personnage ?
On pourrait répondre par cette phrase tirée de l’Ecclésiaste : « Qui
augmente la sagesse, augmente la douleur »
et Spinoza qui faisait grand cas de la sagesse de Salomon aura mené un
combat douloureux avec celle-ci, qui ne dévalorise pas sa recherche
comme voie de salut, de liberté et de bonheur.
Hors le salut, ce philosophe ne trouve rien au monde qui vaille la
peine d’être recherché.
Le salut de l’homme est l’union à Dieu. L’union pour Baruch de Spinoza
est la vraie science, c’est-à-dire la compréhension ou connaissance,
claire et distincte de ce qui est : de soi-même, de Dieu et du monde,
tels qu’ils sont en soi.
Dieu n’est pas celui qui a créé le monde, et qui le regarde d’en haut,
non, Dieu est le monde, ou le monde est en Dieu. Dieu est la réalité
même, et rien que la réalité : ce qui est en vérité. L’Être est dans le
Tout, la vérité est l’Être, ou encore, Dieu est la nature.
Voilà donc énoncée la sagesse Spinoziste qui a valu à son auteur tant
de critiques, le faisant passer pour athée, panthéiste, traître au
judaïsme, ennemi de la chrétienté, « Monsieur de
l’Être »,
comme le surnommaient ses détracteurs. Abordons maintenant la vertu
selon Spinoza. Il énonçait que la liberté consiste à comprendre, quelle
est la vie de la raison. Qui a des idées inadéquates désire les choses
périssables ; qui a des idées raisonnables, désire la raison, désire
comprendre, et cet effort pour comprendre se nomme « Vertu »
ou « Puissance » propre de l’esprit.
Un homme qui est sur la voie de la connaissance et qui place celle-ci
au rang suprême de vertu, ne pourrait-il pas porter un tablier de maçon
?
Les 5 minutes de réflexion précédentes sur le thème du « M\ sans
tablier », ne sont-elles pas un drôle de hasard ? Rappelons
nous à ce stade la définition de la vertu que donne le rituel :
« La vertu c’est la propension à faire le bien, et a
contrario le vice est la propension à faire le mal ».
Aidons nous des définitions des notions du bien et du mal chez Spinoza
pour approfondir ces réponses : « Le Bien est ce que nous
savons avec certitude nous être utile. Le Mal est ce qui nous prive de
ce Bien ».
Il poursuit en disant que l’effort de chacun pour persévérer dans son
être est la recherche de l’utilité qui lui est propre, joie quand notre
puissance augmente, tristesse quand elle diminue. Ainsi connaissons
nous notre bien même et notre mal par la joie et la tristesse.
La Vertu est la puissance même d’exister, ou de penser ce qui est la
même chose, immanente à notre action pour autant que cette action
réalise notre essence, l’essence même de l’homme, ou sa nature, en tant
qu’il a le pouvoir de faire certaine chose qui peuvent être comprises
par les seules lois de la nature.
La Vertue, puissance même d’exister
A contrario, l’impuissance de l’homme à gouverner et à
contenir ses sentiments, il l’appelle la « servitude ».
Le parallèle est ici facile à faire avec le M\ qui rentre en
Loge
en laissant ses métaux àla porte du Temple et qui vient
chercher
de la joie dans le travail, sur le chemin de la connaissance de
soi-même.
Il lui apparaîtra, ainsi que Spinoza l’exprime, que Dieu qui était le
principe est aussi le terme de la connaissance, mais il n’est l’un et
l’autre que parce qu’il est l’être infini, qui est nécessairement
l’intelligibilité absolue de ce qui est.
L’itinéraire philosophique, ou initiatique, qui va de Dieu à Dieu,
c’est la découverte la vertu propre de l’homme : l’intelligence, le
comprendre.
Au tuilage du 1er degré il est demandé ce qu’est la Lumière (opposée
aux ténèbres) et la réponse est : « la connaissance
et la vertu qui mènent au GADLU » ; CQFD aurait
conclu B. Spinoza.
Nous avons donc bien des raisons de nous sentir très proches de
l’auteur, même quand sa philosophie l’emmène bien plus loin, et qu’il
conclu son ouvrage par cette idée :
« La
béatitude n’est pas la récompense de la vertu, mais la vertu même, et
nous n’en éprouvons pas la joie parce que nous réprimons nos désirs
sensuels, c’est au contraire parce que nous en éprouvons la joie que
nous pouvons réprimer ses désirs ».
Cela
ne nous rappelle t’il pas qu’un M\ doit aussi vaincre ses
passions
? Attention toutefois à bien interpréter ce passage de l’Éthique : par
sensualité, Spinoza entend seulement ici des désirs qui seraient
partiels et passifs, et par conséquent contraires à l’adéquation
entière de l’individu et à sa joie véritable. Ce qu’il s’agit de
réprimer ce sont les passions et non pas le désir comme tel. Pour bien
comprendre la conception eudémoniste de la vie pratique qui se dégage
de sa philosophie, citons des passages d’un autre scolie de l’Éthique :
« Il
appartient à l’homme sage d’user des choses, d’y prendre plaisir autant
qu’il est possible ; d’utiliser pour la réparation de ses forces
et
pour sa récréation, des aliments et des boissons agréables en quantité
mesurée, mais aussi les parfums, l’agrément des plantes vives, la
parure, la musique, le sport, le théâtre et tous les biens de ce genre
dont chacun peut user sans aucun dommage pour l’autre.».
Il découle de l’ensemble de la doctrine spinozienne une règle de vie
qui est en effet la conséquence de la doctrine de la vertu,
c’est-à-dire de la véritable perfection humaine ; Règle centrée autour
de la joie et de l’allégresse, pourvue qu’elle soit active c’est-à-dire
désirée, connue et adéquate. Enfin, la vertu est à poursuivre pour
elle-même, elle n’attend ni sanction, ni récompense, ce n’est pas une
ascèse mais la conduite de l’homme libre, dénuée de tout calcul et
c’est ainsi que nous devons nous efforcer d’éclairer les autres hommes,
de les amener à comprendre leur nature individuelle, puis celles de
leurs semblables et la notre. Plus leurs âmes s’identifieront avec la
notre dans la contemplation des mêmes essences, plus nous développerons
la sagesse comme force de structuration de vivre ensemble.
En conclusion j’aurai trouvé en étudiant la vertu selon Spinoza, une
philosophie d’exaltation de l’humanité en tentant de lui donner les
moyens de son élévation et de son accomplissement, car Spinoza croit en
la perfectibilité de l’homme et qu’il appartient à son bonheur que le
plus grand nombre accède, lui aussi, à la joie et à la raison. Pour
«rayonner», dirait-on en Maçonnerie.
Réprimer les passions, et pas le désir
P/ B/
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