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Le Verbe « Réflexions psychagogiques sur la pédagogie de l’âme »
«Je suis l’Eternel… je suis le créateur du Verbe, je suis le Verbe », cette phrase est issue du chapitre 307 des Textes des Sarcophages. Dans le chapitre 554 il est dit quechou «le verbe», par l’intermédiaire de chou «la lumière», s’incarne dans la langue sacrée des hiéroglyphes et dans la parole rituelle qui contient l’essence primordiale. « Celui qui connaît cette parole vivra au ciel en compagnie de Ré parmi les Dieux» (VI, 273d). Cet autre texte des Sarcophages explique le rituel d’ouverture de la bouche, qui permet la formulation du Verbe et donne vie à la momie, à la statue, ou au Temple conçus comme des corps d’éternité. Ainsi la connaissance et la pratique du Verbe étaient des chemins vers l’immortalité pour l’initié égyptien qui avait eu accès aux mystères. « Ceci est la parole qui était dans les Ténèbres. Quant à tout esprit lumineux (akh) qui la connaît, il vivra parmi les vivants » (VII, 364 a- d). Ces trois textes datent de la IX à la XIIème dynastie égyptienne (-2160 –1700) et ont a priori inspiré l’auteur du prologue de Saint Jean au 1er siècle après Jésus Christ, écrit avec la notion de Verbe éternel incarné en Jésus Christ, 2ème personne de la Sainte Trinité. Or le Verbe, du latin verbum, est selon la tradition la traduction latine du terme grec logos, ou parole. Nous serons donc amenés à travers la notion de Verbe, à étudier la Parole et ses différentes définitions, puis nous essaierons de la retrouver dans les lieux où elle s’exprime avec la notion des 3 temples ésotériques et l’individuation, modèle psychagogique maçonnique, permettant de s’approcher du Verbe originel. A – Définition de la Parole Nous l’envisagerons au niveau du Verbe Johannique, puis auparavant au niveau du Logos, et ensuite dans le cadre de la psyché moderne. I - Le Verbe et l’Evangile de Jean En fait Jean utilise le mot Logos, traduit par Verbum dans la Vulgate. Verbum vient d’une racine indo européenne qui signifie en grec «Fereo: je dirai».Jean dit que le Verbe existait au commencement, avant même la création du monde, et que c’est par lui que Dieu a tout créé. Le Verbe était Dieu tout en étant une personne distincte de Dieu. Il est appelé aussi fils unique de Dieu. Ce qui fait la spécificité du Verbe Johannique est qu’il s’est fait chair et a habité parmi nous ; l’incarnation confine au Verbe une mission de communication avec les hommes, de révélation et de salut. Le Verbe a été assimilé à la Sagesse de l’Ancien Testament (Hochmah ou Sophia) par Saint Paul et Philon d’Alexandrie. Jean quant à lui, l’a rapproché du davar de l’Exode, l’intelligence, la parole créatrice, la «chose» qui se révèle à l’homme en informant, en nommant comme en théologie positive. Les pères de l’église associeront le Verbe à «véritas» (Saint Augustin), à «ratio» renvoyant à la raison divine du Dieu créateur (Tertulien), à «causa» faisant reposer dans le Verbe les Idées c’est à dire les causes premières à partir desquelles touches choses ont été créées (Jean Scott Erigène ou Maître Eckart en Néoplatoniciens). Ils ne feront que réinvestir le Verbe des valeurs de la philosophie grecque et de son logos. II – Le Logos grec ou acte de parole Le mot Logos vient de la racine grecque «leg» : rassembler, recueillir, choisir… La polysémie du mot logos fait qu’il est impossible de le traduire. Pour commencer à nous rapprocher de la signification du mot, disons que toutes les occurrences du logos tournent autour de trois axes principaux : la structure unitaire d’une chose, un ensemble de mots ou un discours, la raison ou l’intelligence. Le mot logos est familier à toutes les grandes écoles philosophiques de l’Antiquité qui peuvent se résumer en deux types de paroles selon Marcel Detienne :
a) La parole magico religieuse, du domaine de la pensée mythique C’est l’Aletheia Elle existait avant le VIème siècle avant Jésus Christ, siècle de la création des religions révélées et de la parole dialogue de la philosophie grecque dont nous parlerons ensuite. Langue de la Muse et de la Mémoire, elle est avec Homère associée à «muthos» variété de «épos» (parole proférée), aux personnages mythiques de l’Iliade et l’Odyssée qui ne trompent pas, qui ne mentent pas, qui sont véritables, réels. Le mythe a sa vérité qu nul ne conteste, nul ne démontre. Le poète du mythe est un «maître de vérité» dont la parole, l’Aletheia, concept empirique n’est pas l’accord de la proposition et de son objet ou l’accord d’un jugement avec les autres jugements ; il n’y a pas de «vrai» en face du «faux», pas de 1/3 exclu, de concept hypothético déductif ou transcendantal. C’est la parole d’un homme exceptionnel, doué d’un pouvoir religieux. Etymologiquement, elle s’oppose à «Lethe» (l’oubli) pour produire du sens. Toutes les paroles efficaces, de la vérité type Aletheia, sont antérieures au temps, n’ont pas d’auteur individualisé, ne sollicitent aucune référence particulière notamment la raison. Elles ne sont pas la manifestation d’une volonté ou d’une pensée individuelle ou d’un moi. Elles coïncident avec l’action qu’elles instituent dans un monde de forces et de puissances en les transcendant grâce à ses sources mythiques. Une parole efficace permet d’effectuer une domination sur soi, c’est celle de l’Elu qui a le privilège de mémoire et qui vit dans le mystère. b) La parole dialogue Elle a succédé à l’Aletheia après le VIème siècle avant Jésus Christ. C’est d’abord le droit à la parole des guerriers. Parole dialogue, de caractère égalitaire, le Verbe des guerriers est aussi de type laïcisé en s’inscrivant dans le temps des hommes. C’est une parole qui précède l’action humaine, qui en est le complément indispensable. Elle concerne les affaires du groupe, celles qui intéressent chacun dans son rapport avec autrui. C’est dans les assemblées des grecs de l’époque que se préparait le futur statut de la parole juridique ou de la parole philosophique, de la parole qui se soumet à la «publicité», et qui tient sa force de l’assentiment d’un groupe social : la cité. C’est l’outil politique par excellence pour exercer une domination sur autrui. C’est le domaine de la doxa, de l’apparence, de l’opinion d’un groupe à un moment donné. C’est aussi celui de l’Apaté qui associe le pseudo, l’illusion, la duperie, le trompe l’œil, l’ambiguité, la contingence, comme les sophistes, l’éristique (combattre dans le discours), la rhétorique l’ont développé d’une façon particulièrement brillante dans le cadre de la persuasion «peitho». C’est le monde trompeur de la raison grecque et des religions révélées où la lumière se mêle à la nuit, dans le domaine de l’avoir, du ministère, s’opposant au domaine de l’être de la parole magico religieuse, du mystère, des mythes. III – Le Verbe et la psyché moderne Le Verbe est présent au niveau de l’inconscient qu’il soit individuel ou collectif. Avec Jacques Fontaine (L’Elan) référons nous à la psychanalyse de Freud, à la psychologie des profondeurs de Jung et à la psychologie humaniste de Abraham Maslow et de Carl Rogers. La psyché englobe le moi conscient et le soi inconscient. Ce soi inconscient est double. Il est d’abord individuel avec les personnalités parcellaires : la personna (le masque social), l’ombre (la partie maléfique), le complémentaire ou l’anima (la partie féminine de l’homme), le double ou le jumeau (l’ange gardien que nous aimerions avoir comme ami qui nous réprimande mais qui bien souvent est plein de compréhension pour ce que nous sommes). Ce soi individuel est celui de la parole – dialogue du logos de l’Apaté. Le soi collectif appartient au domaine de la parole magico religieuse, du mythe, des universels de l’Aletheia. On l’appelle le «soi Un». En son centre se trouve le Verbe, l’Homme Universel. B – But de l’initiation : retrouver le Verbe L’ésotérisme repose sur l’analogie : retrouver le Verbe au niveau des trois temples ésotériques. I – Les trois temples ésotériques Il s’agit de l’Univers, du Temple de Pierre et de l’Humain. a) L’Univers C’est le temple parfait de l’architecte éternel. Il est appelé temple macrocosmique ; c’est le symbole de la manifestation universelle de la divinité. C’est le lieu de la création par le Verbe comme on le conçoit par exemple dans les religions révélées. b) le Temple de Pierre Le plus typique car le mieux décrit est le temple de Jérusalem construit en pierres sur le Mont Moriah à l’image du temple égyptien. C’est un univers en miniature, microcosmique, construit par l’homme pour réaliser le culte divin en refaisant l’œuvre de création universelle. Dans son Saint des Saints se tient la présence de la divinité, comme dans le temple égyptien. On y retrouve le logos universel, la parole magico religieuse. c) Le Temple Humain Il est constitué d’un corps visible et de deux éléments invisibles, l’âme et l’esprit. L’âme est le domaine du soi individuel de la parole dialogue, alors que l’esprit est celui du soi universel mythique, de l’homme universel et du verbe magico religieux. Le verbe est donc présent dans les trois temples par analogie et selon la notion de Dieu Un le Tout. Le travail en loge nous amène à le trouver progressivement dans le Saint des Saints. Au niveau de l’homme la démarche pour le trouver, est l’individuation psychagogique, que nous allons décrire maintenant. II - Le chemin de l’initié Dans l’utérus et jusqu’à huit mois nous vivons dans l’inconscient collectif, une brisure se fait avec la maman quand le bébé prend conscience des personnalités accessoires de son inconscient personnel et à deux ans son moi s’établit avec la personna, l’ego. La régénérescence de l’homme avec le retour vers l’inconscient est donc le chemin inverse que va suivre l’initié. Plusieurs étapes se succèdent et se renouvèlent aux différents degrés de la maçonnerie afin d’essayer de trouver le verbe, la parole perdue de certains rites en rendant conscient l’inconscient, en changeant de niveau de conscience. a) Première étape : le masque social Au cabinet de réflexion ou dans la chambre de préparation, le néophyte doit se séparer de son milieu social habituel. Il s’agit de la personna ou ego, personnalité accessoire, qu’il faut détruire en déstructurant le «Vieil Homme». b) Deuxième étape : la descente dans le soi individuel C’est un degré vertical. La pratique de l’équerre le long du fil à plomb réalise une introspection dont le but est une purification des personnalités accessoires dans les relations et les émotions quotidiennes. L’ombre de l’agression va diminuer en maîtrisant ses passions. C’est l’œuvre au noir de l’alchimiste, du passage du vil plomb à l’étain sous l’égide de Jupiter. c) Troisième étape : 1er essai de réalisation du moi C’est un degré horizontal dans la joie de la relation à l’autre, de l’altérité. C’est un degré d’accord profond de l’homme avec l’univers, telle une étoile à cinq branches qui avec la pierre cubique construit le temple humain extérieur, celui de Salomon et est fier de la réalisation du moi conscient en paix de l’homme véritable. C’est l’œuvre au blanc quand l’étain s’est mué en argent miroitant sous le signe de la lune. Jusqu’à ce stade le maçon ne sait qu’épeler à deux et utilise des mots de passe et des mots sacrés. Il n’a pas encore conscience de la notion de parole. d) Quatrième étape : la première cassure et le soi individuel Vers 40ans ou plus tôt, en dégrossissant la pierre brute le verbe du soi inconscient commence à poser des questions au 1er moi conscient réalisé. Nous nous questionnons sur nos conduites avec notre conjoint, nos enfants, nos collègues… Cette cassure est une transgression personnelle, le début de la destruction du temple du 1er moi comme le 1er temple de Jérusalem par Nabuchodonosor. e) Cinquième étape : 2ème essai de réalisation du moi Comme les hébreux vont reconstituer le 2ème temple de Zorobabel, le maçon va reconstruire son temple intérieur. Il va lutter contre les tribus ennemies que sont les personnalités accessoires du soi individuel et les purifier une seconde fois. L’ombre va disparaître de plus en plus, la personna va se marier avec le moi, le double ne sera plus forcément l’ami bienveillant qui pardonne tout mais peut être l’homme prudent, sage et intelligent, fils d’une femme parmi les fils de Dan et d’un père tyrien…. dont il nous reste le nom ineffable. C’est la rencontre puis l’intégration du soi individuel inconscient par le moi conscient. Beaucoup de maçons restent à ce stade, d’autres vont plus loin dans la recherche du verbe. f) Sixième étape : la deuxième cassure et le soi – Un Cette deuxième transgression personnelle est le passage de la ligne de cassure entre le soi individuel historique et personnel de la parole dialogue du temple matériel, et le soi un collectif intemporel du verbe magico religieux mythique de la sagesse du temple spirituel. C’est donc passer dans le domaine des mythes, des archétypes de l’homme universel en tentant d’imiter la création initiale de l’univers du verbe créateur. C’est le passage des petits mystères aux grands mystères, du retour à l’état du nouveau né avant huit mois, des vertus cardinales aux théologales lieu de l’Amour, de la paix intérieure (au REAA). Cet état est parfois atteint au cours d’un changement apocalyptique dans notre vie : perte du conjoint, d’un enfant, remise en question totale de notre vie… C’est le sacrifice du 2ème moi individuel au soi Un universel, c’est l’holocauste des parties impures de l’agneau. g) Septième étape : l’intégration du soi – Un Le verbe mythique parle en nous et nous fait vivre dans notre temple spirituel notre œuvre au rouge. On peut espérer y toucher dans des moments furtifs de sagesse comme classiquement un Grand Initié. Nous prenons conscience du feu ouranien du ciel et non plus chtonien de la terre qui vit en nous. Nous vivons avec le verbe, parole perdue, émanation la plus proche du principe que nous avons peut être retrouvée... Le double est devenu un héros mythique tel un initié parfait comme le Jésus Christ Johannique. Cet état est celui de l’homme universel, l’androgyne primitif de l’hermétisme, l’Adam Kadmon de la Kabbale, l’initié placé au centre de la «roue cosmique» et qui la meut invisiblement, par sa seule présence, sans participer à son mouvement et sans avoir à se préoccuper d’une action quelconque, qui assemble ce qui est épars et apporte en corps glorieux la lumière du verbe. C’est le stade de la prêtrise qui associe l’art royal des petits mystères de la connaissance de la nature humaine, et l’art sacerdotal des grands mystères de la connaissance de ce qui est supra humain, au delà de notre nature. En conclusion Mes Frères, cette étude sur la reformulation du verbe a pour but de nous faire progresser vers notre état originel d’homme universel en essayant de le retrouver en nous par auto création en créant de la conscience à partir de l’inconscient, seul espace de notre liberté. Par analogie, la présence du verbe dans le Saint des Saints de notre loge, et le verbe de la création cosmogonique initiale sont des collaborateurs précieux à intégrer dans notre recherche d’initié. Ce retour à l’Aletheia, au soi Un, effectué de façon collective nous permettrait de trouver ici bas la cité glorieuse entière réintégrée, le grand corps glorieux où devrait se réunir à la fin des temps tout l’humanité selon notre rêve eschatologique. VM\ J’ai dit. |
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