GLSA | Loge : La Bonne Harmonie - Orient de Neuchâtel - Suisse | 21/06/2008 |
Lumières
et ténèbres
« Sans
émotions, il est impossible de transformer
les ténèbres en lumière
et l’apathie en mouvement » Carl Gustav Jung L’opposition Lumière - Ténèbres constitue un symbole universel. Pour en esquisser l’enjeu symbolique, on peut introduire trois grandes acceptions de la lumière sur le plan de l’imaginaire : La lumière - séparation La lumière - orientation La lumière - transformation. Ces trois aspects de la lumière comme symbole se définissent par rapport a trois altérités ou trois formes de ténèbres, soit respectivement : L’abîme L’obscurité L’ombre et l’opacité Lumière séparation et abîme s’opposent dans une symbolique de la création. Lumière orientation et obscurité structurent la symbolique de la connaissance. Lumière transformation se heurte à une double altérité : s’opposant à l’opacité, elle est le symbole de la manifestation. Se confrontant à l’ombre, elle devient le symbole de la purification,catharsis. La dimension proprement démiurgique de cette opposition se retrouve à la racine de toutes les grandes cosmogonies. Du sein d’un abîme préalable : le Chaos , tehom , tohu-bohu, sans fond sans forme , va brusquement émerger l’ordre, c’est-à-dire la séparation archétype originelle. Deux principes opposés sont ainsi différenciés : la lumière et les ténèbres. Trois séparations démiurgiques vont en procéder. Elles engendrent le cosmos dans sa totalité. Une première séparation opère la création des grandes oppositions cosmogoniques fondamentales : l’avant et l’après, le haut et le bas, la nuit et le jour . Elle correspond à la croisée horizontale et verticale du ciel et de la terre. Il s’agit du symbolisme lié à la lumière répartition. Celle-ci déploie l’inter monde où vont jouer les forces fécondes ouraniennes et les forces matricielles chtoniennes. La deuxième séparation est liée à la genèse de la vie. Elle joue sur les variations régulière nuit jour qui déterminent les saisons. Création des cycles de mort et de renaissance, de lumière croissante et décroissante entre solstice d’hiver et solstice d’été... Cette séparation règle donc le jeu d’équilibre et de conflit entre eau et feu. Lui correspondent tous les symboles de la lumière fécondation : lumière souterraine et psychopompe d’Anubis, soleil vert de l’émeraude qui est sang et fécondité chez les Mayas, comme dans le symbole du Graal, soleil chtonien comme Dieu grain qui meurt à l’automne et ressuscite au printemps. La troisième séparation cosmogonique a lieu entre zénith et nadir. Au-dessus de la fertilité végétale de l’âme lunaire et aquatique, se différencie le symbolisme de l’esprit de la lumière illumination. Ce symbolisme oppose les images ascensionnelles de l’air et du vent aux images de la pesanteur de la terre. Au soleil terrestre et à ces cycles de fécondation se sur ordonne la permanence du soleil céleste, porteur de la clarté de l’intellect symbolisé par la lumière éclatante de la foudre. La dimension spécifique de la lumière orientation se donne à travers l’image-archetype du Chemin. Chemin ascendant peuplé d’images lumineuses, aériennes, portant allégresse et éveil ; Chemin descendant jalonné d’images sombres et étouffantes, lourdes de toutes les peurs et les tourments. Symbole d’un combat éternellement recommencé entre l’élan spirituel vers la lumière et l’inertie matérielle qui fait régresser dans les obscurités de l’âme. Toutes les gnoses reposent sur ce conflit latent. D’une part règne le constat effrayant de l’obscurité du vécu de l’âme… « Sauve moi de la matière et des ténèbres », supplie la Pytie Sophia. D’autre part lui répond la lueur d’espoir née de ce constat même universellement, l’étoile est l’image symbolique de la lumière salvatrice. Dans la nuit de l’âme, seule brille l’étoile guide (étoile polaire, étoile des bergers, des rois mages, étincelle des alchimistes). Si certains gnostiques accentuent le dualisme à l’extrême, la plupart des gnoses présentent le chemin du retour de l’âme vers la lumière, comme constitué d’alternances entre phases sombres et phases claires. Ce chemin se donne alors dans le symboles « noir et blanc » des damiers et échiquiers, des pavements sacrés, des labyrinthes sur les sols des ouvrages sacrés, du côté noir et du côté blanc de l’Ouroboros . L’orientation symbolique est une conversion à la lumière . De la connaissance lunaire : réfléchie, cyclique, rationnelle, le regard se retourne vers la connaissance solaire : jaillissante, irradiante, intuitive. Le symbolisme de la lumière orientation joue sur l’opposition montagne/caverne, comme dans le mythe de la caverne de la République de Platon. Le héros ou l’âme exilée, tel Gilgamesh, doit affronter l’obscurité du monde souterrain, pour sortir de l’autre côté de la montagne dans la lumière de l’aurore. Que ce soit l’Orphisme, le poème de Parménide, la gnose valentinienne, les actes de Thomas, les récits visionnaires de Sohrawardi, Avicenne ou Âttar, il s’agit toujours d’un voyage vers la lumière de la connaissance, par la distinction initiale entre la droite, lumineuse, aurorale, et la gauche, obscure, crépusculaire. Ces deux directions se révèlent être l’Orient et l’Occident de l’âme. Si l’aurore symbolise la sortie de la nuit de l’inconscient, selon Carl Gustav Jung, c’est en plein midi qu’a lieu la délivrance de l’inconnaissance. « Soudain, une lumière comme un feu jaillissant, surgira de l’âme »(Platon- cf. lettre VII) « Tout à coup, vers midi, une lumière venant du ciel resplendit autour de moi » (actes des apôtres XXII-6) « Pour le connaissant il est toujours midi » (Chandoya Upanishad III XI 3) « À quelle heure commencent nos travaux ? À midi vénérable maître » . Tout au bout du chemin de connaissance, la lumière orientation symbolise finalement la brusque éclaircie de la contemplation, comme ouverture de l’instant de l’éternité. Disparition de la durée du moi, apparition de la présence du soi. Enfin, lumière et ténèbres déterminent un troisième axe de symbolisation, celui de la transformation de la réalité. La création se transforme par le regard de la créature. Ce regard est le creuset de l’alchimiste, par où se transmue la nature en visage. Ce troisième aspect de l’opposition repose sur la reconnaissance symbolique du paradoxe de la lumière. D’une part, la lumière est à soi-même son propre obstacle et donc sa propre altération. La lumière révèle, manifeste, suscite la vision rédemptrice ; mais par là même elle se diffracte dans le prisme de la vision. En retour, elle permet éclairage et focalisation, mais par là même, elle crée de l’asymétrie, de l’écart, du retard, entre le jaillissement et le reflet, entre le sujet et l’objet, entre l’original et sa représentation. D’autre part, la lumière est à soi-même illumination et retour à son intégrité. Au mystère de la lumière créatrice correspond le miracle de la vision réceptrice. Ainsi la lumière est saisie symboliquement comme tissage avec soi-même. « C’est lumière sur lumière », affirme le Coran ; « Dans ta lumière, nous verrons la Lumière », annonce la Bible. Lumière et ténèbres sont les deux faces d’une même réalité. La lumière voile en dévoilant, les ténèbres dévoilent en voilant. La lumière engendre et dissipe ses propres ombres, mais elle est formée d’opacité. La lumière est la forme de l’apparaître et de sa propre disparition. « Plus claire la lumièr,e plus sombre l’obscurité, il est impossible d’apprécier correctement la Lumière sans connaître les Ténèbres » Jean-Paul Sartre Fête de la saint- Jean d’été D\ H\ |
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