La
Lumière
Le sujet de la planche que je vais vous lire ce soir est
: la Lumière.
La maçonnerie nous la propose des notre entrée.
Ce sujet de « la lumière » coule donc de
source. Et comme il est facile, intellectuellement de passer sur des
évidences, sans s’arrêter, pour tenter
de les rendre réellement évidentes,
j’ai eu envie de m’arrêter sur la
Lumière.
Histoire d’y voir un peu plus clair. A priori, rien de
véritablement intéressant dans
l’approche scientifique du phénomène
lumineux. Tout au moins pour moi voila ce que cela dit, en gros dans
les livres. Au tout début de l’étude de
la lumière, une question fondamentale se posait (pour les
savants intéressés bien sur) : La
lumière était-elle composée
d’ondes ou de particules ? Les Grecs en observant le ciel
avaient constate que la partie brillante de la lune est toujours
tournée vers le soleil. Donc se disent-ils, en grec, la
lumière vient du soleil. Si elle arrive à la
lune, c’est qu’elle se déplace.
Là où la lumière ne va pas, ce sont
les ténèbres. Directe et efficace, la
lumière se déplace, et les
ténèbres, sont l’absence de
lumière. Notez que j’ai dit, absence de
lumière et non, l’opposé de la
lumière. Il a fallu attendre le XVIIe siècle, et
le discours de Descartes sur la lumière pour avoir une
approche plus scientifique. Descartes apporte une conception double.
Celle-ci serait ondulatoire et corpusculaire. Les travaux de Descartes,
enrichis par Huygens et Malebranche s’orientent vers la
théorie ondulatoire.
Newton, quant à lui, installe une
théorie mixte où domine l’explication
corpusculaire. La lumière serait composée de
corpuscules, qui se déplacent dans l’espace
à une vitesse finie, en produisant des vibrations. Les deux
théories ondulatoires et corpusculaires, n’ont
trouve de base réelle qu’avec la
découverte du photon par Albert Einstein en 1905.
Aujourd’hui, le photon n’est ni une onde, ni une
particule, mais un caneton, objet de la théorie quantique.
En essayant d’être clair, dans le
texte, on peut dire que la lumière est soit une
manifestation corpusculaire, soit une manifestation ondulatoire.
La lumière dans ses différentes manifestations
nous permet d’appréhender le monde.
C’est grâce à elle, que nous percevons
formes et couleurs. Nous la voyons, nous la sentons (la
lumière exacerbe les odeurs), sa chaleur nous touche. Elle
nous permet de nous situer dans l’espace, et finalement de
former un ternaire : la source lumineuse, l’objet
éclairé et l’observateur.
La fameuse loi du miroir
l’énoncé, l’angle
d’incidence est égal à
l’angle réfléchi.
Deux angles et un miroir, pas de doute c’est de la
maçonnerie. Cette loi du miroir est très
intéressante sur le plan analogique. L’angle sous
lequel vous observez les choses, induit la perception que vous en avez.
Ou bien encore notre façon d’être avec
les autres induit le rapport qu’ont les autres avec nous.
Deux angles et un miroir, pas de doute c’est de la
maçonnerie.
Mais la lumière détient une
caractéristique que je considère de toute
première importance. La lumière est mouvement.
Qu’elle soit onde ou matière, elle implique un
déplacement, une mobilité, qui est au
cœur de la vie. Tout ce qui bouge vit, tout ce qui est
immobile meurt. Tant sur le plan de la matière que des
idées.
La lumière est inscrite dans
l’histoire de l’humanité, en mouvement
de la matière à l’esprit. Au
début, à la genèse,
c’était le chaos. Pour ne pas dire autre chose. Il
y avait des ténèbres au-dessus de
l’abîme.
Le créateur décide d’extraire la
lumière des ténèbres. Le jour et la
nuit cohabitent et ne sont qu’un avant de sembler
être deux.
Donc Dieu sépare la lumière des
ténèbres, et comme la lumière
était bonne, il fit le premier jour, et comme tout le monde
le sait, Dieu dit : « Que la lumière
soit » et la lumière fut.
Cet extrait de la bible, n’est bien sur pas sans rappeler
l’ouverture de nos travaux. La lumière est
mouvement. Elle est née du verbe. Ce mouvement est
à la source du développement de la terre. De son
premier jour à ce soir, la terre a bougé,
évolué, recyclé,
développé en pleine lumière.
L’énergie lumineuse est
à l’origine de la photosynthèse qui
permet aux plantes de pousser comme elle permet aux idées
d’avancer.
D’abord pour l’homme, la lumière,
c’est le feu. L’astre solaire qui chauffe, la
foudre qui brûle, le feu qui cuit, qui éloigne les
animaux sauvages. Elle permet à l’homme de se
nourrir, de survivre face aux climats, la guerre du feu
était déjà une guerre de pouvoir. La
lumière se faisait dans la tête en même
temps que dans les grottes.
La lumière est
vénérée, elle est un bien dans les
civilisations ou la connaissance représente le pouvoir :
Indiens, Egyptiens, Incas… Si le soleil est
présent dans toutes les civilisations, la lune
l’est aussi.
Les Indiens du Mexique croyaient que quatre mondes
avaient précédé le notre, et que ce
cinquième monde était ne des efforts
conjugués du serpent à plumes (soleil) et du
miroir fumant (lune). L’un Dieu de la lumière,
l’autre Dieu des ténèbres.
Les Babyloniens, 17 siècles avant
Jésus-Christ, accouchent de la même mesure, le
soleil et la lune, sont nés ensemble de la déesse
Hamac. D’ailleurs, ces deux lumières se partagent
le ciel, à la pleine lune, celle-ci se lève
à l’est quand le soleil se couche à
l’ouest.
Pour les esquimaux, la lune et le soleil sont
frère et sœur. Dans les croyances populaires, il
est convenu que le soleil est l’œuvre de Dieu, la
lune l’œuvre du diable. La lune serait une sorte de
soleil déchu alors qu’on lui prête plus
d’influence que le soleil.
Elle est plus proche de nous. Nous pouvons assister à sa
transformation. Ses apparitions sont chaque jour nouvelles. Le soleil
lui est immuable. La lune, de son plus petit croissant à sa
plénitude, nous signale le temps qui passe et
l’empreinte qu’il laisse sur toute chose.
Nombre de croyances populaires sont
rattachées à la pleine lune : loup garou,
vampires, sorcières, crises de folies, l’astre de
la nuit semble être le détonateur des furies
maléfiques.
Il semble même que de nos jours, les hôpitaux,
commissariats, et caserne de pompiers soient en alerte les soirs de
pleine lune. Etonnant, quand on sait que l’homme, qui peut se
transformer en tueur de rêves, a foulé le sol de
l’astre de la nuit en faisant un grand pas pour
l’humanité, et en transformant l’objet
de tant de foi, de songes, et d’évasion ou une
vulgaire météorite.
Un mythe est mort ce jour-là. L’homme a grandi en
connaissance, en faisant disparaître de la mythologie
collective, une source de rêve.
Il reste le soleil. Il inonde de ses rayons la terre
depuis plus de 4 milliards d’années, mais les
cultes solaires sont plus rares qu’on ne croit. Ils sont
inconsistants dans les mythologies d’Afrique,
d’Océanie, et d’Australie. Ainsi
qu’aux Amériques, sauf pour le Pérou et
le Mexique.
C’est-à-dire, les deux seuls peuples qui dans le
passe ont développé de vastes organisations
politiques.
Sur le reste du globe, il y a le même lien entre le culte
solaire et la politique : Egypte, Europe, Asie. Il y aurait un
glissement du mythe sur la réalité politique : le
roi est l’astre du peuple. La lumière est
l’esprit.
Qu’en est-il en maçonnerie ? Pour
développer cette dernière partie de ma planche,
j’ai commencé par relire le rituel
d’initiation au grade d’apprenti.
Ce rituel, peu entendu, une fois par an au mieux, est le premier
discours maçonnique que le profane perçoit. Il
est construit autour de l’idée de la
lumière, il dynamise l’initiation en la mettant en
mouvement, être initie, c’est justement recevoir la
lumière.
Pourquoi ces profanes demandent-ils à être
reçus maçons ?
Parce qu’ils sont libres et de bonnes mœurs,
qu’ils sont dans les ténèbres et
cherchent la lumière. Première petite lueur pour
le profane, avant que ces pas ne le guident devant cette porte, il
était dans les ténèbres.
Remarquez, que cela tombe bien, de l’autre
côté de cette porte il y a la lumière.
Quel est ce secret qui va lui être
révélé. Qu’elle est cette
illumination qu’il va recevoir ?
Et bien la lumière c’est dans le noir que cela
commence, mon frère au bandeau sur les yeux,
bientôt tu iras t’asseoir dans l’ombre
tout au long de l’initiation, du premier voyage, au
troisième voyage à la purification par le feu. Le
trajet nous conduit à la lumière.
L’initiation est une quête, où nous
sommes amputés et handicapés, dans la recherche
de la lumière, signe annonciateur de la
difficulté du chemin initiatique entre
parenthèses, thème
fédérateur de nos travaux cette année.
Donc Le Vénérable détient la
lumière et la transmet.
Cette lumière a un goût de fraternité
et d’amitié. La lumière serait
l’amour qui unit les maçons. Puis le
Vénérable crée le Maçon,
avec l’épée flamboyante avant
d’inviter les nouveaux frères à joindre
leur lumière à celle de tous les
maçons, le long de la chaîne d’union.
Et cette lumière demandée librement devient le
symbole de l’homme Macon, un trait d’union entre la
matière et l’esprit.
La maçonnerie propose et l’homme
dispose : la maçonnerie m’a proposé la
lumière, comment en ai-je disposé ?
Comme je viens de le dire précédemment, le
premier éclairage auquel tout Maçon a
accès est celui de la fraternité. Cette
fraternité, ou plutôt cette humanité,
devrait transpirer de l’atelier. Et si cette
lumière vient à faiblir, le cadre, le rituel, la
volonté peut nous aider à la raviver. Tous ici
nous sommes frères. Inities, nous travaillons sur la
lumière de tous et sur notre propre lumière. Les
ombres de l’autre sont nos propres ombres.
Les vrais et seuls flambeaux de la loge sont
constitués de nos différentes
individualités, la lumière reçue lors
de l’initiation est un droit d’entrée
à la lumière des tenues. Cette lumière
reste en nous avec plus ou moins de force.
De toute façon Brel, le chantait. « On
se croit mèche, on n’est que suif
».
Nous sommes combustibles, le choix que nous avons fait est de nous
consumer à la même mèche, dans le
partage du chemin initiatique.
Pour exploiter cette lumière, un outil peut
nous aider à délimiter des frontières,
de la matière à l’esprit
c’est le compas. Le rayon lumineux de notre esprit
éclaire notre champ d’action, au delà,
c’est comme de l’autre coté de la porte
: il fait noir. Si nous posons une pointe de compas en
nous-mêmes Nous pouvons tracer le cercle de notre
rayonnement. Nous sommes à la fois
l’étoile et le berger, les
ténèbres et la lumière.
L’immobilité ne nous permet pas de nous trouver,
seul la mise en mouvement de notre volonté peut nous
éclairer. Comme un berger décide
d’avancer pour aller vers son Etoile.
Et puis, il a fallu que le créateur dise que
la lumière soit, pour qu’elle fût.
Nommer, c’est mettre en mouvement. De tous les
êtres chers que nous avons perdu, ceux dont la
lumière s’est vraiment éteinte, sont
ceux que nous ne nommons plus.
La religion hébraïque fait
qu’une fois l’an, on prononce le nom de ceux qui
sont partis. En prononçant leur nom, on allume une bougie.
A propos de cette idée du verbe et de la vie, le rituel de
nos travaux nous rappelle cette dynamique lors des excuses. Cette phase
de la tenue permet de rendre présents les absents en les
nommant. En poussant un peu le raisonnement, les oboles
d’absences sont comme les pierres que le visiteur laisse sur
la tombe du juif pour marquer son passage, d’ailleurs la
hauteur du tronc est estimé en kilos les êtres que
nous nommons sont éternels. Pourquoi, parler de la mort sur
un sujet tel que la lumière ? Comment ne pas le faire.
Le rituel d’initiation nous invite
à mourir pour renaître à la
lumière. Je n’ai pas lu sur les
expériences d’approche de la mort, il y a
concordance entre la pratique de nos rituels et la narration faite par
des hommes et des femmes qui ont approché le stade de la
mort.
Fait troublant, ces expériences relatées par des
gens de toute culture, de toute nationalité, racontent
à quelques détails près la
même histoire. Le passage de l’ombre à
la lumière. L’existence ne serait qu’un
éternel mouvement, une succession de passages ou la
conscience se perd.
La lumière des étoiles mortes ne
nous parvient que maintenant, c’est une idée
banale et pourtant ? Certaines lumières ne parviendront
à nos descendants que dans plusieurs années. De
la, à penser, que tous nos actes s’enregistrent et
voyagent comme la lumière, pourquoi pas.
Nous savons que la lumière de l’homme peut
traverser le temps. L’art nous en apporte l’exemple
: l’œuvre continue d’éclairer
bien après la mort du créateur.
N’est-ce pas le sens de la lumière
maçonnique. Rayonner, mettre notre lumière en
mouvement et la faire sortir de soi et, si nous parvenons à
ce que notre lumière voyage, bien après notre
passage, n’aurions-nous pas trouvé là
ce que tant d’hommes ont recherché ? une porte
ouverte sur l’éternité. Voila mes
frères, une planche telle que j’aurais pu la
terminer, et puis je n’étais pas très
content de mon travail, pourquoi ? Et bien la lumière est un
sujet dangereux ! En faisant une planche sur la lumière,
j’ai travaillé, réfléchi,
sur ce que l’on pouvait en dire et j’ai fini par me
dire que la lumière c’est aussi la
vérité, or, la vérité ce
n’est pas ce que l’on doit dire, la
vérité c’est ce que l’on veut
dire parce que en maçonnerie, comme en dehors de ce temple
il y a ce que l’on peut dire, et le reste.
Je lis beaucoup de textes ayant trait à la
maçonnerie, j’en débats pas mal avec
des frères et des sœurs, j’ai une haute
idée de la maçonnerie et à chaque fois
que je viens en loge je me dis avoir rendez-vous avec cette
idée.
Oui la maçonnerie fut une grande et belle
lumière. J’ai l’impression que nous
vivons aujourd’hui sur un passé glorieux, la
chaîne d’union symbole, sert aussi à
rassurer notre ego sur la qualité d’être
Macon, la lumière peut soit nous éclairer, soit
nous jeter dans son ombre.
Nous ne sommes pas grands parce que nos frères le furent
liberté égalité fraternité,
voila trois belles lumières !
Nous les nommons à chaque tenue est-ce sous forme
d’espoir, de volonté, ou n’est ce que du
formalisme. Les mots sont comme les images, à force de les
utiliser on finit par ne plus les voir. Liberté, quand la
liberté s’habille de diplomatie ça
devient de la politique, moi, j’ai pas envie de faire de la
politique, j’ai envie de vous dire les mots qui me viennent,
par ce qu’avec liberté, il y a
fraternité, et que normalement entre frères, on
se tire pas dans le dos, pas plus qu’on ne se le caresse dans
le sens du poil égalité, ça
c’est une belle lumière égale
à une autre moi je ne détiens aucune
vérité, je ne pense pas que quelqu’un
la détienne, à chacun la sienne, ou
plutôt à chacun sa quête par ce que la
lumière de la vérité ça se
cherche plus que ça ne se trouve.
Profane et sacre même combat, dehors
c’est aussi liberté égalité
fraternité, et à force de vulgarisation, de
détournement, de renoncement, de manque
d’idéalisme, cette formule alchimique a fait des
pauvres et des riches, des gros et des squelettiques, des qui dirigent
et d’autres qui écoutent, en se taisant par ce que
de toute façon, ils ont voté en toute
liberté. Je suis maître Macon, dans ma loge et
j’ai envie de dire aujourd’hui dans ce temple ce
que je dis au dehors, vénérable maître
et vous tous mes frères en vos grades et
qualités, je suis content de partager nos
lumières, j’y trouve source de joie et de
réflexions, mais sans devenir mystique, je continuerai de
penser que s’il est possible d’être un
Macon libre dans une loge libre, c’est a condition
d’accepter que la maçonnerie peut nous conduire
vers l’amélioration de la cité, et pas
le contraire, à condition d’admettre que la source
de la lumière en ces lieux reste
l’héritage maçonnique et que la
politique, les associations, les syndicats peuvent
bénéficier de notre rayonnement mais à
l’extérieur du temple.
Si les idées évoluent, les
aspirations de l’homme restent elles toujours les
mêmes. Depuis la nuit des temps, l’homme aspire
à plus de lumière, à plus de
liberté, plus d’égalité,
plus de fraternité, dans la liberté de
conscience, la tolérance mutuelle et le respect absolu des
autres et de soi-même avant de dire j’ai dit.
Je dirait en post scriptum, particulièrement
à l’attention des apprentis et peut être
des compagnons, qu’il n’y a dans cette planche
aucune autre vérité que la mienne tout cela
n’est que vu de ma fenêtre ; à
chacun la sienne.
J’ai dit.
N\ J\
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