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Réflexions autour du
paranormal
Philosophie et paranormal L’opposition matière-esprit est-elle pertinente ? Gnose de
Princeton et New Age 1)
Les incohérences du dualisme "esprit-matière" Durant
le chapitre Matérialisme, nous avons
considéré comme "allant de soi"
qu’il existe deux entités distinctes, "esprit" et
"matière". Les philosophes ont fait de sérieuses
objections à ce
dualisme : si l’esprit est une substance
différente de la matière (et du
corps), comment expliquer la corrélation entre
eux ? Lorsque je décide de
bouger ma main, je peux le faire. Cela ne prouve-t-il pas
qu’un
"bout" de l’esprit est spatial et peut influencer le corps,
la
matière ? Sinon, comment expliquer cette liaison
entre deux
"substances" radicalement dissemblables ? Il
sera tentant d’en revenir au matérialisme pur, et
de tout réduire à des
interactions physiques. Le matérialisme classique affirme
que la matière est
inerte, dépourvue de vie et de pensée. Comme les
cartésiens, il se trouve
confronté à des problèmes, par exemple
celui de "l’émergence" de la
vie (ou de l’intelligence) à partir de particules
qui en sont absolument
dénuées... Sans oublier l’apparition de
la conscience. On attribue évidemment
celle-ci à la "complexification" du système
cérébral, mais comment
expliquer que l’accumulation de corps n’ayant
absolument pas une certaine
propriété puisse "créer" cette
propriété ? Nous reviendrons sur
cette question, qui est souvent escamotée par un discours
triomphaliste sur les
"propriétés émergentes des
systèmes" . Différencier
"matière" et "esprit", en faire deux mondes, l’un
inerte et
aveugle, l’autre doué de vie et de conscience,
mène à des dilemmes qui durent
depuis plusieurs siècles. Peut-être la question
est-elle mal posée ! C’est
du moins l’avis d’un des introducteurs de la
pensée orientale en occident, Alan
Watts, qui fut aussi un des pères de l’Esalen
Institute et du mouvement
hippie : "Divisez à tort un même
processus en deux, oubliez que vous
l’avez fait et demandez-vous ensuite pendant des
siècles comment les deux
parties ont pu se réunir.(...) Le monde n’est pas
plus fait de matière que les
arbres de bois. Il n’est ni forme ni matière, ces
deux mots désignent un
processus unique (...). Nous avons complètement
oublié que "matière"
et "mètre" dérivent tous deux du sanscrit matr-
(mesurer) et que
l’expression "monde matériel" ne
désigne rien d’autre que le monde vu
comme mesuré ou mesurable à l’aide
d’images abstraites telles que celles des
(...) centimètres, grammes, décibels." La
solution pourrait consister à
récuser dès l’abord
l’opposition de l’étendue et de la
pensée, ces deux
propriétés étant des "attributs"
d’une substance infinie. Nous
rencontrons ici la grande Tradition moniste , incluant (entre autres)
Baruch
Spinoza jusqu’aux spéculations New Age en
Occident, et la plupart des courants
non-dualistes de l’Orient. Ces
philosophes récusent les fondements de
l’opposition matérialisme/spiritualisme.
Selon eux, la réalité ultime consiste en une
substance sous-jacente, incluant
pensée et matière en un Tout. Face aux
difficultés du réductionnisme classique,
certains physiciens s’approchent, avec les nuances qui
s’imposent, d’une telle
conception . Or il faut bien voir que cette Tradition se
sépare tant de
l’athéisme classique que des Religions du Livre.
Pour les monistes, il n’y a
pas d’âme séparée, donc aucun
"Jugement" post-mortem et Dieu est en
général immanent, confondu avec le monde. Mais
ils récusent aussi
l’anéantissement de la conscience ;
à la mort, celle-ci réintègre le Grand
Tout dont elle est issue. Thèse : "Matière"
et "Esprit" sont des catégories verbales,
héritage d’une tradition
occidentale périmée. Ces mots ne recouvrent pas
le Réel. Nous participons d’un
champ infini d’énergie qui est aussi conscience,
et prend de multiples formes
mais ne doit pas être découpé en
aspects opposés. Aujourd’hui
cette théorie est l’apanage de la "nouvelle
physique", qui prétend
que chaque grain de matière est aussi un grain de conscience
. Un animisme
modernisé émerge : tout est plein
d’âme, et c’est la science qui va le
démontrer ! s’écrient ces
enthousiastes. Attention !
Ne réagissons pas de façon sarcastique. A en
croire Raymond Ruyer, qui fut
professeur à la faculté de Nancy et auteur
d’un best-seller philosophique (La
Gnose de Princeton), dès les années 1960-70 il
existait dans les hautes sphères
de la technoscience américaine un réseau
d’intellectuels élaborant ce genre
d’hypothèses . Mouvement discret et qui serait le
symptôme du trouble
métaphysique que causent les récentes
avancées de la science ! D’autant
que les ouvrages dans la même ligne de pensée
prolifèrent depuis quelques
décennies . Les
successeurs de la Gnose de Princeton considèrent que la
physique quantique a
détruit la notion de localité, tant au niveau
matériel que psychique. Il s’agit
là d’une spéculation hautement
discutable, et qui n’a plus grand chose à voir
avec la science. Mais les expériences de NDE et
d’OBE suggèrent que la
conscience n’est pas située "à
l’intérieur" du cerveau. Ne serait-ce
pas un indice fort en faveur de la non-localité de notre
esprit ?
L’univers physique n’est plus un ensemble
d’objets séparés ; il
s’agit
d’un tout en interaction, la moindre particule
influençant les autres et
réciproquement . Or, cette interaction
généralisée ne se retrouve-t-elle pas
au
niveau psychique ? Considérer son propre esprit
comme une île, n’est-ce
pas en rester à une image dépassée,
atomistique, du réel ? Nous allons
voir qu’en déconstruisant peu à peu le
dualisme cartésien, c’est l’ensemble de
notre rapport au monde qui va être
bouleversé ! 2)
La fin de l’opposition esprit-matière ? Au
premier abord, les concepts d’esprit et de matière
ne semblent pas se réduire à
des mots, ils se rattachent à
l’expérience de chacun d’entre nous.
J’ai bien
l’expérience immédiate de "quelque
chose", sans étendue, qui est ma
conscience et, d’autre part, je vois autour de moi un espace
avec des objets.
La réalité semble scindée en
deux ! Qu’y a-t-il de commun entre des
émotions, des concepts, bref tout ce qui fait la valeur de
notre vie
intérieure, et des volumes, des densité, des
corps solides, cet ensemble de
"choses" qui meublent l’espace
extérieur ? Il semble qu’il
existe bel et bien un hiatus : les objets ont des
propriétés différentes
des sujets ! D’un côté il y a
des corps aux contours définis se déployant
spatialement et perceptibles, de l’autre il y a des
vécus subjectifs que l’on
ne perçoit jamais par les cinq sens, et que l’on
devine "à l’intérieur
d’autrui". Comment
puis-je savoir qu’il y a une conscience en
l’autre ? Comment être certain
qu’un autre être possède une
intériorité semblable à la mienne, une
subjectivité ? Dans
La controverse de Valladolid , Jean-Claude Carrière nous
fait revivre un
épisode déterminant de l’histoire des
idées. Nous voilà transportés en 1550,
peu après la découverte des Amériques.
A la suite d’une longue traversée de
l’Atlantique à bord d’une caravelle, un
couple d’amérindiens captifs a
été
amené sans ménagements jusque en Espagne. Un
groupe de théologiens examinent
ces indiens, enchaînés et traités comme
des bêtes, pour déterminer si "les
sauvages" sont dotés d’une
âme ! Bien sûr, les indiens ne manient
point la langue de Cervantés, et ils se sentent
apeurés, réduits à
l’impuissance. Pendant ce temps, nos doctes
théologiens observent de
l’extérieur les malheureux et essayent de
discerner en eux des signes
d’intelligence ! Comme les "indigènes" ne
se comportent pas tout
à fait selon l’étiquette de la cour
d’Espagne, ne mangent pas avec des
fourchettes, ne bougent pas comme des nobles, ne supportent
guère les vêtements
etc., ils se trouvent fortement soupçonnés
d’être de simples animaux
dénués
d’âme. Nous
croyons qu’il est évident de "ressentir"
qu’un autre être a une vie
intérieure, des pensées et des
émotions. Mais il s’agit en fait d’un
long
processus, requérant de nombreuses conditions. Si, comme
dans le cas mis en
scène par Carrière, le langage et les codes
communs viennent à manquer, il
s’avère difficile de percevoir la richesse
intérieure d’un alter ego. Qu’en
est-il lorsqu’il s’agit
d’entités beaucoup plus
éloignées de nous ?
Comment savoir si elles sont douées d’une
intelligence élémentaire, animées par
une vie intérieure ? Cette
difficulté nous ramène à notre
sujet : les êtres dits inertes ! Rien
que pour "observer" l’intelligence chez un frère
humain d’une autre
civilisation (ou d’un parti politique adverse !), il
faut déployer
beaucoup d’efforts et supprimer nombre de
préjugés ; comment alors
arrivera-t-on à découvrir des symptômes
de conscience au sein de la
matière ? Il
ne s’agit pas de se demander si notre poste de
télévision a une vie
sentimentale, ni si les fleurs réfléchissent
à Kant (elles se faneraient bien
plus vite si c’était le cas) ! Mais
notons que c’est une particularité
occidentale de dénier toute sensibilité,
même élémentaire, à la
nature et aux
objets. Ce parti-pris doit être examiné, car il
n’est pas anodin ; au
contraire, il comporte des conséquences philosophiques et
écologiques majeures.
Si tout corps étendu était pourvu
simultanément d’une conscience, alors la
distinction esprit-matière
s’évanouirait. La substance qui compose
l’univers
serait une "chose" paradoxale faisant l’unité
entre la pensée et
l’étendue. Mais pour que cette idée
fasse sens, il faudrait qu’une forme de
conscience existât "à
l’intérieur" des particules. On entend par
"conscience" non une pensée construite, mais une
ébauche de pensée et
d’émotion. Hypothèse absurde ?
C’est à voir... Qu’est-ce qui me permet
d’affirmer que la conscience n’existe que chez les
êtres vivants, et plus
particulièrement chez les mammifères ? Nous
utilisons trois moyens pour répondre à cette
question : la croyance que
tout vivant doué de système nerveux
possède une forme de conscience ; la
communication directe ; l’observation. On
a vu par les expériences de "sortie hors du corps"
qu’on peut ne pas
faire une équation absolue "système nerveux =
conscience". En effet,
les OBE et NDE montrent une activité psychique intense
"hors" du
cerveau, comme si un esprit pouvait fonctionner sans
l’appareillage des
neurones et autres synapses ! Il
est possible de séparer la conscience,
momentanément au moins, de son supposé
siège cérébral. La conscience
résulte-t-elle de la complexification ? Ou
bien, est-elle déjà présente partout,
constitutive de la matière
elle-même ? Nous allons voir que les deux
hypothèses rencontrent des
obstacles.Si la conscience apparaît par un brusque saut,
à quel moment le
situer ? En
général on admet que les mammifères
supérieurs possèdent une certaine
conscience du monde, même si leur conscience de soi est bien
moins développée
que chez l’être humain. La conscience perceptive
existe chez tous les animaux,
insectes compris. Une fourmi perçoit son environnement. Mais
pourquoi
n’attribuer une certaine conscience qu’aux
animaux ? A partir de quel
critère affirmera-t-on : cet être ressent
du plaisir et de la douleur, et
cet autre n’est qu’une machine qui semble
ressentir, mais ne possède aucune vie
intérieure ? A un bout du spectre, on trouve
Descartes qui considérait
tout animal comme une machine ; battez votre chien, il aura
l’air d’avoir
mal, mais il ressent autant de choses qu’une canette de
bière ! Il donne
des signes mécaniques que vous, vous interprétez
comme de la souffrance, et qui
servent à indiquer l’état de son
organisme. A l’autre extrême, certains ont
conjecturé que les plantes "ressentaient" la musique ou
d’autres
émotions ! Par
ces différents chemins, on rejoint la question
formulée par Leibniz : à
quel moment quelques grains de sable deviennent-ils un tas de
sable ? Pour
ce philosophe, il n’y a pas de ligne de
démarcation : "la nature ne
fait pas de saut", tout est continu et la conscience existe
déjà de façon
diffuse dans chaque entité
élémentaire. Ce qui voudrait dire
qu’une
subparticule est déjà "consciente" ! Raymond
Ruyer a cette jolie métaphore :
"l’étoffe de l’univers est fait
d’endroit et d’envers". L’envers,
c’est
l’extériorité ; vu de
l’extérieur,
tout être se présente comme un corps soumis aux
lois physiques. Mais se
percevant de l’intérieur, de son propre point de
vue, chaque sujet est une
forme de conscience. Pour autrui, chacun d’entre nous ne peut
être qu’un objet
apparaissant dans l’espace sous forme de corps, alors que
pour-soi nous savons
que nous sommes un sujet conscient . Si
une bouilloire possédait, elle aussi, une forme de
conscience, il n’est pas dit
que nous y accéderions, car nous n’avons pas de
"langage" commun avec
elle. Le système nerveux ne révèle pas
si un être est doué de conscience, mais
il dote d’outils d’expression et permet de
communiquer avec les êtres
cérébrés.
En Occident, nous dénions l’âme aux
autres formes de vie, celles qui ne peuvent
pas communiquer avec nous . En observant de façon purement
extérieure un objet,
un animal, une particule, impossible de savoir si cette
entité a, ou n’a pas,
une subjectivité ! Allons plus loin. Certaines
particules ne
présentent-elles pas des "symptômes" de conscience
propre ?
Après tout, leur indéterminisme, ne serait-ce pas
un autre mot pour la liberté,
ou la spontanéité d’individus
autonomes ? Essayons
de mieux cerner cette conception, qui semble a priori farfelue. Ruyer a
le don
d’utiliser des images suggestives. Suivons-le :
"Imaginons sur une
table (...) les pièces d’un jeu de puzzle. Ces
pièces resteront indéfiniment en
désordre. Un enfant arrive et s’amuse à
les mettre en ordre. Dans ce cas,
"l’esprit" (la conscience visuelle plus les connaissances sur
le jeu)
ordonne la "matière" (...). Les pièces
matérielles d’un puzzle ne se
mettent pas en ordre d’elles-mêmes (...) Mais la
"matière" (en
microphysique) s’organise bien
d’elle-même, dans un espace et un temps
"matriciels", analogues à un schéma de test
psychologique par complétion
et arrangement selon un sens." Etre
conscient, c’est constater la présence
d’autrui. Or tout objet, même
infinitésimal, réagit par avance aux mouvements
des autres particules. Par
cette simple réaction, on peut reconnaître
l’ébauche de ce qui,
réfléchi en
notre cerveau, donnera la "conscience". Ce que Ruyer explique
ainsi : "(les particules réagissent) comme si elles
étaient, tout à
la fois, les pièces de carton du puzzle et les images de ces
pièces dans le
champ visuel de l’enfant qui les arrange.(...) Normalement,
toute matière est
déjà esprit en ce sens qu’elle se
"voit" elle-même et s’organise
elle-même dans son champ de vision." Dans cette perspective,
l’organisation cérébrale ne
"crée" pas la pensée, elle lui permet de
se rendre visible, de se penser elle-même. Ce raisonnement
permet la croyance
en une certaine manière d’immortalité.
En effet, si je suis "totalement
présent" et conscient dans chacune des particules de mon
cerveau,
lorsqu’elles se disperseront je continuerai
d’exister d’une certaine façon -
c’est la doctrine du physicien Jean Charon, par exemple. Belle
hypothèse ! A croire ces théoriciens,
tout est doué de conscience, la
conscience existe associée à n’importe
quel état d’organisation. En modifiant
les échanges au sein d’un organisme, ses diverses
propriétés devraient donc
changer, sauf une seule, la conscience, puisqu’elle
réside en quelque sorte
au-delà des propriétés du
système. Evidemment, le seul organisme dont nous
puissions constater la conscience, c’est notre propre
cerveau ! Or nous
faisons une expérience gênante : nous
"perdons" chaque nuit
cette conscience ! Ceci constitue un contre-argument
évident : la
conscience semble bien la propriété
d’un état particulier du cerveau, la
veille, et non un constituant des particules
élémentaires. De plus, si notre
conscience s’efface avec le sommeil, cela constitue un indice
sérieux pour
penser qu’à la mort elle disparaît de
façon encore plus radicale ! Voyons
ce que peut nous dire la science. Pendant le sommeil, il existe une
forme de
pensée : lorsqu’on réveille
des sujets à quelque phase du sommeil que ce
soit, même les plus profondes, ils peuvent
immédiatement se souvenir qu’ils
avaient une activité mentale. Images, pensées
fragmentaires, etc., existaient .
Il semble que la même remarque s’applique en ce qui
concerne le coma, état
encore plus "endormi". Ainsi, contrairement à ce que
l’on croit
naïvement, la conscience ne semble pas interrompue par le
sommeil ; la
plupart du temps, nous ne nous souvenons pas de nos rêves, et
pourtant ils sont
bien là ! La pensée non plus ne
s’interrompt jamais complètement. Les
recherches actuelles en neurologie semblent indiquer que la conscience
n’est
pas localisée dans une zone spécifique du
cerveau. Elle serait globalement
présente, comme "dispersée" dans le cerveau
entier - ou comme effet
global des rétroactions neuronales. Ainsi,
la conscience subsiste malgré les différents
stades cérébraux, un peu comme si
elle était indépendante des échanges
neuronaux. De plus, la théorie de la
conscience élémentaire constitue une
réponse élégante à un
problème récurrent
du matérialisme : le problème de
l’apparition de la conscience. Il
est difficilement compréhensible qu’une somme de
mouvements mécaniques
microscopiques puisse produire la conscience. Ou encore, que
l’assemblage de
particules mortes finisse par donner la vie. Il y a un inexplicable
saut
qualitatif ! Les
échanges chimiques ne se réduisent-ils pas
à une classe de mouvements
(électriques) ? Mais la nature du mouvement est
trop étrangère à la nature
de la pensée pour que l’une puisse
résulter de l’autre. Ici, Descartes nous
aidera à saisir la difficulté : la
pensée est intensive ; une
émotion, un concept ne sont pas "spatiaux". Ce sont des
qualités
pures. Au contraire, tout ce qui relève du monde
matériel s’étend spatialement.
Comment, en ajoutant des étendues, obtiendrait-on ce qui
n’a pas
d’étendue ? La différence
entre le mouvement et la pensée n’est pas
quantitative ; ce n’est pas en complexifiant les
mouvements que l’on
finira par obtenir des idées, concepts, émotions,
etc. C’est comme si on disait
qu’en ajoutant des sons, on finira par obtenir des
couleurs ! Soit
il faut décréter que la subjectivité,
ce pur inobservable, n’existe pas. Cette
position aurait été soutenue par des psychologues
comportementalistes extrêmes.
Soit il faut que la conscience se trouve, à
l’état latent, dès l’origine.
Teilhard de Chardin supposait une conscience
élémentaire, qui existe de façon
"délayée" dans toute matière. Elle
n’apparaît pas brusquement, ni la vie
d’ailleurs. Au niveau élémentaire est
associé un esprit élémentaire, les
petites "briques de conscience" s’ajoutant pour donner une
pensée de
plus en plus réflexive. On rejoint une forme de
monisme : conscience et
matière ne se distinguent pas. La vie et
l’intelligence manifestent et
déploient ce qui était contenu implicitement dans
la matière. Il n’y a rien de
nouveau, il n’y a que passage du potentiel à
l’actuel. Et si la matière était
déjà consciente ? La théorie
selon laquelle la conscience existe à
l’état
élémentaire dans la moindre parcelle de
"matière" rend compte de
nombreux faits : organisation immanente de la
matière, persistance des
pensées durant tous les stades
cérébraux et même en sommeil profond.
Ainsi,
l’énigme de "l’apparition" brusque de la
conscience ne se pose plus. 3)
L’expérience chamanique. Ce
n’est sans doute pas un hasard si les spéculations
du style Gnose de Princeton
naissent dans le milieu universitaire américain, au cours
des années hippies.
La conscience n’est-elle pas partout présente,
tout ne vit-il pas ? Ce
genre de question échappe visiblement au "bon sens", mais
elle n’est
pas forcément vide de sens ! Elle
procède en réalité d’une
masse
d’expériences tout à fait
concrètes et vécues par des millions
d’Occidentaux.
Je veux parler ici des drogues. Il serait vain de cacher cette source
de
réflexion pour les générations
récentes. Les substances hallucinogènes ont
procuré des expériences fondamentales, obligeant
à remettre en question du tout
au tout les délimitations habituelles sujet-objet,
intérieur-extérieur. Sous
drogues (nous nous référons ici au L.S.D., au
peyotl...), certains individus
ont perçu un sentiment d’unité avec
l’univers entier, d’autres ont pu
"projeter" leur conscience dans un chien ou un homard . Ainsi, la
plasticité
de la psyché humaine s’est traduite pour eux en
une ubiquité réelle et
ontologique de la conscience. Les théories dites New Age
constituent alors une
rationalisation, après-coup, d’un bouleversement
de la sensibilité. Si
l’expérience des hippies est discutable, il
n’y a pas que sous l’effet de
substances hallucinogènes que le monde a
été perçu différemment. Un
certain
nombre de vécus intérieurs amènent la
personne à ressentir l’univers comme un
grand être vivant, ou un océan de conscience. Mais
l’interprétation de ces expériences
est-elle correcte ? Le nouvel animisme
auquel aboutissent ces spéculation est-il
cohérent ? Conclusion :
une danse d’énergie... sans rime ni
raison ? La
théorie New Age rencontre des difficultés. Elle
se réclame volontiers du
Taoïsme, identifiant celui-ci à un
pan-énergétisme. Tout est énergie, il
faut
se fondre dans le flux cosmique sans chercher à trop
comprendre... Vision qui
dérive vers les conceptions les plus nébuleuses.
Dire que la matière est de
l’énergie, tout comme la pensée, cela
ne répond pas à un certain nombre
d’interrogations profondes, dont on ne peut pas faire
l’économie : d’où
vient cette matière-énergie ? Est-elle
créée ou éternelle ? Y-a-t-il
une finalité à cet univers ? Ou bien
est-ce une simple "danse
cosmique" qui nous entraîne en des cycles de
déploiement et de retour sans
issue ? Et quel est précisément le
rapport entre l’univers et moi ?
Suis-je une cellule du Grand animal cosmique, ou bien ai-je une part
d’autonomie et de responsabilité ? On
ne peut pas admettre facilement les théories de la "Nouvelle
physique". Elles se fondent sur un grand nombre de conjectures plus ou
moins possibles, mais invérifiables. Les
spéculations qui attribuent une
conscience aux électrons et autres particules finissent par
se réduire à une
pure et simple croyance ! Quelle expérience
cruciale concevoir, qui
permettrait de vérifier ou d’infirmer cette
hypothèse ? Elle relève au
mieux d’une illumination mystique difficile à
communiquer. Bien sûr, l’auto
organisation de la matière nous émerveille, et
tend à contredire le
réductionnisme. Mais cette intelligence à
l’oeuvre dans l’univers pourrait
s’expliquer par un Dieu transcendant et immanent, ou par
l’aptitude humaine à
projeter de l’ordre sur tout phénomène
même aléatoire. Le cerveau humain crée
constamment du sens à partir de données
incohérentes, comme l’ont montré
diverses expériences en psychologie sociale . On
en arrive donc à une position proche de celle de
Kant : le noumène - ce
qui se tient sous les apparences -, reste inconnaissable, et
échappe
peut-être à nos catégories habituelles
d’espace-temps. La réalité ultime
s’éloigne de nos perceptions communes, mais
faut-il aller plus loin à ce stade
de notre enquête ? Qu’il
s’agisse des plus anciennes versions du monisme, des
hypothèses du physicien
Jean E. Charon, ou du "paradigme holographique" le plus
récent,
exposé de façon complète par Michael
Talbot, l’origine de cette
conscience-énergie reste en suspens ! A vouloir
évacuer le Créateur, on se
retrouve dans un matérialisme élargi,
l’univers s’expliquant par une ronde de
cycles attribués à une matière
incréée. Mais est-ce bien le cas ?
L’explication métaphysique ultime se
réduit-elle à cette vision d’un
déploiement d’énergies, ou y a-t-il un
Dieu bon et intelligent qui oeuvre derrière
ce processus ? Synthèse :
Les limites du monisme New-Age L’inconvénient de
la théorie qui considère le
Tout comme un champ unifié de conscience-énergie
est que cette idée ne forme
pas une vision de l’univers. Elle élude plusieurs
questions-clefs, notamment
sur l’origine et la finalité du cosmos. A
cette étape de la connaissance, il me semble aventureux,
sinon impossible, de
trancher entre les multiples interprétations de la physique.
Certains auteurs
prétendent que leur parole vient du fond du laboratoire, et
que la science
actuelle "démontre" une vision holographique du cosmos. Nous
ne
pouvons accepter un tel argument d’autorité . La réflexion sur le comportement des particules nous a montré une difficulté : il n’est pas si facile de tracer la frontière un phénomène "mental" et un phénomène "physique" ! Les "objets" quantiques alimentent les spéculations les plus étranges, leur complexité fascinante devient un miroir de l’esprit. L’évidence d’une "intelligence" animant la matière à ses niveaux les plus profonds ne doit pas faire d’elle une nouvelle idole ! Par EJD, philosophe |
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