Obédience : NC | Loge : NC | 01/08/2005 |
Humilité Courbez la tête, cette porte est très basse: par cette première parole, adressée au novice, la cérémonie d’initiation se place d’emblée sous le signe de l’inflexion. Le grand expert fait ressortir l’impétrant, le confronte avec le premier élément, puis le ramène. Courbez-vous cette porte est très basse. Le myste vient de vivre l’épreuve de la Terre. Il lui est rappelé qu’il en est le fils (il en vient, il y retournera). Et à ce fils de la Terre (humus en latin) il est demandé de montrer de l’ humilité par son inclination. Le néophyte entend: « Courbez-vous, cette porte est très basse ». Hésitera-t-il? Peut-il douter que l’entre-deux par lequel il doit passer pour franchir le seuil ne soit pas ce qu’on lui dit ? Depuis son obscurité, le récipiendaire fait confiance à la parole dans la lumière. Alors il se baisse, par acceptation que la porte soit basse; en réalité ou symboliquement. C’est CELA l’humilité, se baisser non pour se faire petit, mais pour faire confiance à l’autre; pour laisser place à la parole d’un autre qui sait mieux, qui guide, qui indique, qui dit. C’est l’humilitas selon Spinoza et non la micropsuchia (se minimiser) d’Aristote. L’humilité n’est pas le mépris de soi, mais une connaissance de soi et une re-connaissance de l’autre. En se baissant le futur maç\ rend sensible sa confiance sous forme d’un acte qui n’est pas obéissance mais entendement et compréhension. Il se met en relation avec une forme du monde qui l’environne; il s’y adapte, il tient compte de ce qui lui est extérieur en se modifiant pour se conformer à une unité harmonique. L’humilité est ainsi une conscience extrême de ses limites. Je suis trop grand pour une porte plus basse que moi, ce n’est pas la porte que j’agrandis, car je ne le peux, c’est moi que je diminue pour me placer avec juste mesure dans l’espace que je traverse. Ainsi l’humilité vécue par le profane n’est pas une humiliation. C’est une épreuve de savoir-faire par une réponse de réalité adaptée à une parole qui ne commande pas mais recommande. Baissez-vous, la porte est basse et si je me baisse pour passer il y a alors une relation de qualité, de sujet à sujet, qui échange des informations constructives. Il est indiqué que la porte est basse. Une raison est donnée qui explique pourquoi il faut se baisser, il s’agit de pouvoir passer sans se faire mal. Et le récipiendaire qui vient juste de se baisser, pour toucher la terre, répète son mouvement pour avancer. Il se protège en se rapprochant de l’humus et se présente ainsi dans une position fœtale pour aller vers sa renaissance. Baissez-vous, c’est comme l’invitation à naître, à se baisser pour vivre debout; baissez-vous cela s’entend, en ce temps initial, comme une indication du moment à renaître. Allez maintenant, sortez de la matrice obscure pour pénétrer dans la loge-mère. Franchissez cette limite au-delà de laquelle il y a votre devenir franc-maçon. En se baissant, c’est par un changement de position que le profane passe d’une attitude rigide et droite à une autre position dans son mental. Il s’ouvre en laissant place en lui à sa renaissance. La porte basse est à vivre comme une difficulté de l’accès à un autre soi-même, comme nécessité d’une modification du récipiendaire pour parvenir à l’initiation. La porte est basse pour être le lieu de passage d’une arrivée de plus d’être qui, de ce fait, va participer de l’autre côté à la transformation du monde. La porte basse marque l’espérance de cette possibilité d’accès à une réalité supérieure Les rites maç\ placent au commencement de l’initiation une recommandation, celle de l’humilité qui de ce fait apparaît comme fondamentale et fondatrice du rapport entre F\et S\ La fraternité c’est avant tout de l’humilité en ce sens qu’elle fait place à l’autre dans un relatif renoncement de la dilatation naturelle de l’ego au profit de la réalité de l’autre : Humilité, synergie de Tolérance. Par l’humilité, c’est à dire en se retirant de soi pour s’ouvrir aux autres, la tolérance se dynamise. Ce n’est plus seulement : tu penses ce que tu veux mais moi aussi et je ne change pas d’avis; c’est avec l’humilité se replacer, par un pluralisme interprétatif, dans un rapport au monde dans ce mouvement de transcendance vers l’autre qui ne signifie pas appropriation de la vérité, mais convergence vers le possible. L’écoute de la parole de l’autre permet une mise en mouvement orientée. Il y a articulation et clarification de l’expérience temporelle. Baissez-vous la porte est basse, mais en vérité la porte n’est pas basse. Que peut-on en penser? Pour les maç\ sur les colonnes il leur est donné à voir l’inexactitude de la parole du gd\exp\ qui guide le myste. De fait, cela se passe dans le contexte d’un rite, là où ce qui est dit, comme dans un récit mythique, devient vérité apodictique: ce qui est dit fonde la vérité absolue. Il s’agit évidemment de réalités sacrées car à ce moment c’est le sacré qui est réalité. Alors la porte est vraiment basse. Le temps sacré rend l’espace sacré et cette porte basse est celle du temple érigé dans la matière cosmique sanctifiée. Le modèle architectural de l’ouverture pour entrer dans le temple est donc une porte basse qui veut ainsi créer une rupture de niveau d’être pour parvenir dans ce nouveau monde que le maç\a choisi d’habiter. L’humilité maçonnique est cette capacité à se plier pour pénétrer dans le temple parmi les autres. C’est savoir tailler sa pierre avec la juste mesure pour qu’elle s’assemble, pour parvenir à être parmi les hommes. Mais c’est aussi entrer dans le temple intérieur pour s’accepter dans une recherche de soi à travers des niveaux de compréhension de plus en plus profonds. L’humilité maç\ est un acte dans le rapport à l’autre. Ecouter en humilité est en soi un acte complet, il sera celui du F\M\ et tout particulièrement celui de l’apprenti. Cet acte porte en lui même sa liberté parce qu’il s’agit d’œuvrer pour que le moi laisse place à la relation. C’est l’abandon du vieil homme au profit d’une conscience attentive, c’est le renoncement de la répétition des enregistrements expérimentaux pour un temps sans cesse inaugural qui ajoute du nouveau à l’être, qui le fait avancer vers un être-autrement, un être avec les autres. L’humilité est cette conscience d’être perfectible et la capacité de douter qui laisse de la place en soi à autre chose qu’à ses certitudes. L’humble n’est pas un éclopé de la réussite, car cela suppose d’aller jusqu’au bout de ses forces pour reconnaître autrui, non comme négation victimaire de soi mais comme condition héroïque où l’homme fait place à l’homme. L’humilité est une mise en mouvement du « JE » qui fait place au « NOUS » pour l’instauration d’un juste rapport entre partenaires. L’humilité en tant que tolérance de soi avec les autres est l’indispensable manière d’être du maç\ sur laquelle se solidifie l’édification du temple. Solange SUDARSKIS |
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