L’Espérance
Il était une fois, il y a très longtemps,
tellement longtemps que l’on ne se
souvient pas vraiment où c’était.
Pourtant, comme c’était juste avant que nous,
pauvres mortels, n’apparaissions,
je pense que cette histoire se passait quelque part en
Grèce, pas très loin de
l’Olympe.
Les Dieux avaient presque terminé leur guerre parricide et
fratricide et Zeus
avait conquis, après son dernier combat avec Typhon, une
autorité certaine sur
ses frères, oncles, neveux et cousins.
Quelle famille ! Entre lui et ses aïeux Ouranos et
Gaïa (le Ciel et la Terre),
il y eu une collection impressionnante de dieux sur laquelle je ne
m’étendrai
pas.
Pourtant, je ne peux passer sous silence, les Dieux que la Tradition
désigne
comme nos créateurs, nous les hommes.
Nous ne descendons pas de Cronos comme Zeus, mais d’un autre
Titan, Japet et de
sa femme l’Océanide Clyméné
qui eurent quatre enfants nommés Atlas,
Ménoetios,
Prométhée et Epiméthée.
On dit parfois que c’est Prométhée qui
nous créa, que ce soit avec de la glaise
ou à partir de son fils Deucalion, peu importe !
L’essentiel dans cette histoire est que
Prométhée chouchoutait les mortels
comme ses enfants, ce qui n’était pas le cas de
Zeus qui n’était qu’un oncle,
à
une époque où faire partie de la Famille
était particulièrement dangereux.
Prométhée donc, aida les mortels, mais en
trompant Zeus.
Une première fois en maquillant la dépouille
d’un bœuf sacrifié, au
bénéfice
des mortels qui récupérèrent la
meilleur des parts, ensuite en leur donnant le
Feu que Zeus, en punition, refusait de leur livrer.
Prométhée fut puni
sévèrement
puisqu’il fut condamné à passer
l’éternité, si je
puis dire, enchaîné sur le Caucase à se
faire
dévorer le foie par un aigle.
Dieu merci, grâce à Héraclès
et à un
subterfuge, Prométhée fut
libéré.
Mais Zeus était rancunier et la punition qu’il
infligea aux Mortels fut
terrible, car elle demeura sans remède et dure encore.
Il demanda à Héphaïstos et à
Athéna de créer un être encore inconnu,
que les
dieux orneraient chacun d’une qualité.
Cet être fut la Femme et, comme elle avait reçu
tant de dons, on l’avait
appelée Pandore (celle qui a tous les dons). Elle
possédait, entre autres, la
beauté, la grâce, l’habileté
manuelle et la persuasion, mais Hermès lui avait
donné aussi le mensonge et la fourberie.
Zeus, dit on, fit cadeau de cet être exceptionnel
à Epiméthée qui, évidemment
séduite, n’écouta pas les conseils de
son frère Prométhée et
l’accepta.
Elle arriva donc, revêtue de sa seule beauté et
portant un coffret certainement
magnifique, puisqu’il lui avait été
offert par Zeus.
Une des premières choses qu’elle fit,
c’était fatal, ce fut d’ouvrir le
coffret.
Or celui-ci contenait, mais elle l’ignorait, toutes les
misères du monde qui
s’échappèrent alors.
Effrayée Pandore referma la boite qui contenait encore
l’Espérance collée au fond..
Une autre version de cette histoire remplace les maux par les biens.
Mais sa chute est la même :
Les biens s’échappèrent à
l’exception de l’espérance.
C’était, en apparence, une maigre consolation,
mais dont l’importance n’est
plus à démontrer.
Cette merveilleuse histoire, issue de la mythologie grecque, fait
partie de
notre héritage puisque cette civilisation, comme beaucoup
d’autres, a contribué
au progrès de l’humanité en
générale et de la civilisation occidentale en
particulier.
Et pourtant, si Zeus manqua sérieusement de
tolérance et d’amour pour les
mortels, il ne fut pas le seul.
Dieu, le seul, l’unique, qui lui, contrairement à
Zeus, créa volontairement
l’Homme pour parachever son œuvre, ne fut pas
meilleur.
Non seulement il lui accola la femme, Eve, (toute aussi belle que
Pandore),
mais il donna à celle-ci le goût
immodéré des pommes, qui en
l’occurrence
décoraient, tentatrices, l’Arbre interdit de la
connaissance.
Mal lui en prit car, après avoir partagé sa
gourmandise et son péché avec Adam,
ils s’aperçurent qu’ils
étaient nus et en eurent honte. Ils recouvrirent donc
comme ils le purent ce qui chez nous encore fait l’objet de
scandale et
attendirent la suite des évènements.
Dieu, qui voyait et entendait tout, surgit devant eux, les surprit
cachant leur
nudité et découvrit le pot aux roses.
Il mit la femme sous la coupe de l’homme, lui promettant les
peines lors de ses
grossesses ; il maudit le sol tout en disant à
l’homme de le cultiver à la
sueur de son front ; il leur promis la mort, et, magnanime, leur
tricota une
tunique pour remplacer la feuille de vigne, nettement insuffisante,
puis sans
pitié il les mit à la porte du paradis.
Dieu est donc rancunier.
Il regretta quelques siècles plus tard d’avoir
créé l’Homme et le prouva en
noyant purement et simplement la descendance d’Adam
à l’exception de Noé, de sa
famille et de quelques animaux qui passaient par là. Il est
vrai qu’à part
quelques verres de trop, Noé était apparemment le
dernier des justes.
A remarquer, que Dieu le Père, n’a pas
donné l’Espérance aux mortels que nous
étions devenus.
Mais il fit alliance avec Noé, lui donna des consignes et
lui promit qu’il n’y
aurait plus de déluge. C’était un
début de réconciliation.
Il faudra attendre 7 à 800 ans avant JC, pour entendre les
prophètes Isaïe et
Amos, entre autres, annoncer un Messie annonciateur d’un
avenir radieux et
céleste, concrétisation religieuse de
l’espérance.
Si j’ai pris ce ton irrévérencieux pour
annoncer mon sujet, c’est par
appréhension. J’ai en effet découvert
que depuis la nuit des temps, l’espérance
est au centre de la vie des hommes. Individuelle ou collective, elle
est en
sorte la motivation qui nous pousse à agir.
Est-elle force ou faiblesse ? Réalité ou illusion
? Vertu ou escroquerie ?
Ces questions sont en apparence simples et manichéennes. En
fait, les réponses
sont beaucoup plus complexes car, à notre image,
l’espérance peut-être tout et
son contraire en même temps.
Le Larousse 1922 la définissait comme «
l’attente d’un bien qu’on
espère »,
l’espoir, lui, était définit comme
« un sentiment qui porte à espérer
».
Le Larousse actuel définit l’espérance
comme un
« sentiment qui porte à
considérer ce que l’on désire comme
réalisable. » et l’espoir comme
« un
état
d’attente confiante ».
Il y a donc, dans le temps, confusion et imprécision dans
ces définitions.
Je retiendrai donc la plus récente qui la définit
comme un sentiment. Mais un
sentiment individuel flou, dans la mesure où cette
définition implique
d’utiliser à haute dose la méthode
Coué. Elle tend en effet à nous faire
prendre nos désirs pour des réalités.
C’est donc un sentiment dangereux que nous cultivons tous
plus ou moins.
Une citation d’A. Camus nous met en garde « tout le
malheur des hommes vient de
l’espérance ».
Et pourtant comment vivre sans espérance ?
Descartes a écrit : «
l’espérance est une disposition de
l’âme à se persuader
que ce qu’elle désire adviendra, laquelle est
causée par un mouvement
particulier des esprits, à savoir par celui de la joie et du
désir, ensemble ».
En fait ces deux citations ne se contredisent pas vraiment, bien que
Camus soit
plus restrictif.
Il est vrai que Descartes, en son siècle, était
imprégné par la religion
catholique qui a promu l’espérance au rang de
vertu théologale en compagnie de
la foi et de la charité.
Je reviendrai sur ce triptyque.
L’espérance apparaît donc comme un
sentiment indomptable et vagabond mais
indispensable à notre vie comme une motivation à
agir et à vivre.
Les religions et les sectes ont bien compris l’importance de
ce sentiment
puisque c’est à partir de lui qu’elles
bâtissent une partie de leur doctrine ou
de leurs actions.
(Comme je ne suis pas théologien, les termes que
j’emploie
ne sont pas
forcément les plus précis mais
j’espère
qu’au moins mes idées sont claires.
Cette planche n’est ni une conférence, ni un
sermon,
c’est un essai dans lequel
j’essaie de trouver mon équilibre entre des
idées,
des réalités … et
l’idée
personnelle que je me fais de mon espérance.)
Comme je l’ai dit précédemment, la
Bible a essayé de canaliser l’espérance
dans
la notion de messie.
Dans le développement religieux d’Israël,
les Prophètes grands et petits ont
joué un rôle considérable. Leurs
contributions se rejoignent et se combinent
selon trois lignes maîtresses qui distinguent la religion de
l’Ancien testament
: le monothéisme, le moralisme et le messianisme.
Pour eux, le châtiment n’est pas le dernier mot de
Dieu. Les prophètes ne
parlent que pour le peuple élu dont Dieu ne veut pas la
ruine totale. Dans leur
vision, les deux plans du châtiment imminent et du jugement
dernier se
superposent. Dans leur esprit Dieu doit établir et
régir son royaume sur la
Terre.
Cette grande espérance survécut à
l’écroulement des rêves de domination
terrestre et à l’Exil, mais, plutôt que
comme un roi puissant, les prophètes
présentent alors le Messie comme un médiateur ou
un pasteur (Ezéchiel) humble
(Zacharie).
Jésus sera un de ces prophètes sauf pour les
chrétiens qui le reconnaîtront
pour le Messie.
Il a libéré l’homme de
l’aliénation qui consiste à rechercher
sur terre le
paradis perdu aux origines et dont il garde la nostalgie. Une illusion
dangereuse, car dans cet idéal paradisiaque, toute blessure
signifie échec.
Le Christ annonce l’immortalité de
l’âme et la vie sur terre comme un passage
vers une vie radieuse. Par sa résurrection, il a
révélé que la vie est plus
forte que la mort. "Il apporte donc l’Espérance
fondée sur une certitude,
celle de la victoire de la vie au-delà du temps et de
l’espace, de la mort et de
nos limites naturelles. "
Cette Espérance, le christianisme en a fait une des trois
vertus théologales,
toujours citée en deuxième position, entre la foi
et la charité.
Il s’agit là, d’une construction
parfaite : le postulat (la foi), le futur, le
but, l’objectif (l’espérance),
l’action, la justification terrestre (la
charité), cette dernière étant
définie comme l’amour de Dieu et du prochain.
Ainsi doté, le chrétien est en principe
paré pour échapper au désespoir : sa
vie à un sens.
En fait, je pense que toutes les religions sont construites de la
même façon.
Elles prêchent des vérités ou imposent
des dogmes, recommandent la prière et la
charité et promettent un paradis au juste.
La réincarnation, le paradis d’Allah ou la
recherche d’une fusion harmonieuse
du Ying et du Yang procèdent, avec des
différences, évidemment, de cette
démarche.
Les anciennes religions concrétisaient cette croyance
d’une vie dans l’au-delà,
en momifiant leurs morts et en les enterrant avec les objets et
nourritures
nécessaires à leur vie éternelle. Ils
y ajoutaient même leurs serviteurs
parfois vivants ou leurs gardes. (Egypte, Chine…).
Cette sujétion à une religion, nous pouvons tous
la comprendre dans la mesure
où nous cherchons tous des réponses rationnelles
à des questions qui ne le sont
pas. D’où la question demeurée sans
réponse pour beaucoup d’entre nous : Est-ce
Dieu qui a créé l’homme ou
l’inverse ?
La faiblesse actuelle des religions chrétiennes, notamment
dans une grande
partie de notre vieille Europe, vient, non des valeurs
enseignées, mais de la
confusion institutionnelle entre les pouvoirs religieux et politiques
institués
par Constantin, au début du 4° siècle.
Les buts humanistes du christianismes, énoncés
assez
clairement dans
l’Evangile, ont été
occultés, voire
détournés dès l’instant
où les
religions
sont devenus d’état.
Dés cette époque, la résignation fut
quasiment élevée au rang de vertu, du
moins pour le plus grand nombre. Peu importe les guerres, les famines,
puisque
le bonheur éternel était au bout du chemin
terrestre. Imposée par la force,
cette espérance là ne pouvait durer que par la
force.
Mais voilà, l’arbre de la connaissance
était toujours là.
L’invention de l’imprimerie et son
développement au début du 16°
siècle permit
la diffusion en français des écrits et donc le
développement de la lecture.
Elle permit surtout grâce au courage de quelques hommes,
humanistes, religieux,
imprimeurs-éditeurs et « manants », de
mettre l’Ancien et le Nouveau Testament
à la portée de tout ceux qui savaient lire.
En effet, l’Eglise attaquée par les «
évangélistes » puis par les
réformistes
de Luther puis de Calvin, interdisait la diffusion des textes
sacrés en
français qui permettaient, par
l’exégèse d’en restituer,
à tous, l’humanisme et
l’espérance, confisqués et
dénaturés par Rome.
François 1er, plus pour des raisons politiques que par
convictions religieuses,
céda aux objurgations de l’Eglise de France et de
la Sorbonne et interdit ces
écrits jugés séditieux, voire
hérétiques. Les imprimeurs-éditeurs
coupables de
leur diffusion furent contraints de se renier ou de s’exiler.
Les autres furent
condamnés au bûcher.
Des personnages en vue comme Clément Marot, poète
de la Cour et Rabelais durent
leur salut à leurs puissantes relations.
Cette période faîte d’ombres et de
lumières, d’obscurantisme et
d’espérance,
sert de toile de fond à un excellent livre,«le
Maître de Garamond » d’Anne
Cuneo, racontant l’Histoire, plus ou moins
romancée de quelques imprimeurs
courageux et de leurs luttes pour la liberté
d’écrire.
Le ver était dans le fruit et la lutte pour la
vérité, la tolérance, la
liberté
religieuse et la véritable espérance,
s’insinua dans une société
déjà malade de
ses contradictions et de ses abus.
Mais il fallut encore plus de deux cents ans et beaucoup de
bûchers, de
dragonnades et de misères pour que les choses
évoluent vraiment et que les
humanistes, les philosophes et les premiers francs-maçons
spéculatifs puissent
divulguer leurs idées en France.
Dès le 18ème siècle, ils
diffusèrent des idées de liberté, qui
sans remettre en
cause la religion et le pouvoir royal, laissaient entrevoir une
alternative à
l’oppression politique et religieuse.
Une espérance naissait.
Elle fut distillée dans le Tiers état, par des
hommes dont l’histoire et la
démarche ont été racontées
par Claude Manceron dans son ouvrage : « les hommes
de la Liberté » qui firent la
révolution de 1789.
Ces hommes étaient de milieux souvent différents
: bourgeois et paysans,
nobles, ecclésiastiques
(Robespierre, Danton, abbé Grégoire, etc .).
Leurs motivations étaient de toutes natures : ambitions,
aigreurs, frustration
mais aussi générosité, altruisme,
philosophique.
Leurs buts étaient de modifier la donne : amener la
démocratie et les libertés.
Les moyens préconisés sont très
différents et souvent opposés. La
réforme ou la
révolution telle est la question.
Ce furent les états-généraux, puis le
14 juillet et la Révolution. Un grand
espoir était né, immédiat, palpable :
l’égalité pour tous, avec en prime la
liberté et la fraternité.
Voilà une espérance à
portée de mains.
Tout fut balayé, et ce fut la terreur.
L’irrévocable fut, croyait-on, accompli
avec la mort du roi et la proclamation de la république.
Puis ce fut le
Directoire et la corruption. Les privilèges
changèrent de titulaires. Chacun
pouvait croire en sa chance. L’esclavage fut aboli.
Mais le désordre persistant et la guerre patriotique
s’éternisant, les nouveaux
citoyens, voulurent consolider leurs acquis. Ce fut donc
l’apparition de
l’homme providentiel, issu de la République.
Bonaparte, puis Napoléon.
L’esclavage fut rétabli.
Cela dura une quinzaine d’années à
l’issue desquelles la déception succéda
au
rêve et à la puissance.
L’histoire reprit un cours chaotique alternant la
démocratie bourgeoise et le
despotisme.
La religion retrouva ses droits mais non son exclusivité.
Bien qu’imparfaite,
la liberté de conscience fit timidement son apparition.
Les révolutionnaires de 1830, 1848 ou de la Commune avaient
pris leurs
distances avec la religion mais se heurtèrent au
conservatisme implacable de la
bourgeoisie d’affaires.
L’espérance au milieu du 19°
siècle, se résumait encore pour beaucoup
à
l’instinct de survie tant la misère continuait
à sévir chez les paysans et chez
les ouvriers qui commençaient à surpeupler les
faubourgs industriels.
Heureusement, malgré les répressions de 1848 et
1871, les sociétés de
libre-penseurs purent s’exprimer et furent
représentées par des personnages
comme Victor Hugo, Louis Blanc, Marcellin Berthelot etc.
La franc maçonnerie, toujours en lutte pour
établir durablement la démocratie,
participa activement à la création de la III
°République, puis fut à
l’origine
des lois sociales et syndicales, du droit prud’homal, de la
protection des
femmes et des enfants, des lois concernant la
laïcité etc.. Elle avait
auparavant fait abolir l’esclavage.
L’aube du XX° siècle
s’annonçait donc bien et
l’espérance d’un monde meilleur
et plus juste, n’était plus un rêve.
Et pourtant, la première guerre mondiale arrive. Elle
déclenche, après
l’hécatombe que l’on connaît,
un bouleversement géopolitique incommensurable
dont les conséquences économiques et politiques
perdurent encore de nos jours.
L’empire Austro-Hongrois disparaît, le Reich
allemand, se transforme en une
république exsangue à la merci de toutes les
aventures. L’empire russe renverse
son Tsar au profit d’une fausse république qui
devint l’URSS.
C’est l’époque où
commencèrent
à triompher en Europe, le populisme et les
idéologies, basés tous deux sur une
démagogie
effrénée, destinée à
récupérer
par tous les moyens possibles la place laissée vacante par
les
religions et la
politique traditionnelle.
L’espérance de populations entières,
vaincues, humiliées abandonnées de Dieu et
des hommes étaient à prendre.
Cette situation engendra le fascisme, le nazisme et le communisme
soviétique.
Il en résulta une nouvelle guerre mondiale avec son
cortège d’horreurs, de
massacres et de génocides.
Même si la disparition d’un grand nombre de
dictatures depuis la 2ème guerre
mondiale et la difficile libération des peuples
opprimés apportèrent une
nouvelle espérance de justice et de paix, les abus
générés par la
mondialisation semblent repousser les lendemains qui chantent
à une date
ultérieure et faire la place belle à de nouveaux
hommes providentiels et au populisme.
Alexandre Dorna, professeur de psychologie sociale et politique
à l’université
de Caen, a décrit le populisme dans un article
récent du Monde : « La crise
d’une société bloquée, un
électorat volatil et l’effilochage
idéologique sont
le produit d’un long processus de décomposition,
dont les indices s’accumulent
: discrédit des hommes politiques en place, transformation
des partis en
machines électorales, abstention galopante des citoyens,
avidité des puissants
et, plus grave, dysfonctionnement de l’Etat.
Impasse de régime donc.
Voilà l’enjeu de tous les populismes,
présence brutale d’une question devenue
urgente : Comment se débarrasser d’une classe
politique inapte et corruptrice ?
Ensuite Alexandre Dorna, dont l’article se rapporte
essentiellement à la
période actuelle, décrit le recours au populisme
charismatique comme le point
de départ d’une réflexion sur
l’avenir d’un peuple psychologiquement en
errance.
Il décrit le « néopopulisme
télécharismatique » dont est atteint
l’Amérique
depuis longtemps et dont l’Europe et la France montrent des
signes
avant-coureur.
Heureusement, la rationalité reste encore au centre des
décisions politiques.
Beaucoup d’écrivains, souvent philosophes connus
et reconnus, tentèrent et
tentent encore, soit de construire des sociétés
utopiques, soit d’extrapoler, à
partir de l’évolution de la
société actuelle, la
société de demain.
Toutes ces tentatives et ces réflexions
débouchent presque toujours sur une
civilisation de masse où la grande majorité des
citoyens est intégrée dans un
système ultra sophistiqué où la
liberté d’agir et de penser de façon
autonome
n’existe plus.
Parmi ces auteurs on peut citer Platon (La République),
Campanella (La cité du
soleil), Thomas More (L’utopie) Fourier
(Phalanstère), A. Huxley (Le meilleur
des mondes), G.Orwell (1984), JM Ruffin (Globalia), le film «
Bienvenue à G
ataca » de A. Nicoll.
Il apparaît donc à la lumière de ce
bref historique que l’espérance
considérée
collectivement est une sorte d’auberge espagnole
où l’on apporte sans le
savoir, ce que l’on cherche, mais d’où
l’on repart avec un plein de mirages, de
rêves et d’utopies proposés par des
marchands d’illusion, démagogues en tous
genres, escrocs psychologues ou idéalistes naïfs.
En fait, le problème vient que l’on cherche
désespérément à trouver des
modèles
adaptables à tous. Sachant qu’en fait
l’espérance se situe très souvent dans
la
recherche d’un bonheur palpable, accessible et souvent
égoïste.
A défaut de pouvoir satisfaire tout le monde, les
démagogues font des
promesses. Les pouvoirs publics favorisent les jeux d’argent
qui donnent à
chacun l’illusion qu’il peut gagner ses
rêves sur un coup de dés.
Les jeux télévisés, où
monsieur toutlemonde peut en principe jouer et gagner,
fleurissent allègrement sur nos petits écrans qui
multiplient également les «
réality shows» et les fabuleux destins
où l’on peut se libérer ou se faire
peur
par procuration.
Mais notre espérance, cette force qui nous fait avancer, qui
nous pousse à
agir, la connaissons nous vraiment ?
Qu’est-ce qui nous permet de surmonter les obstacles ?
Qu’est-ce qui nous permet de nous battre pour notre bonheur ?
Les psychologues définissent cette capacité par
le mot résilience.
C’est la capacité d’une personne ou
d’un système social à vivre et se
développer positivement malgré les conditions de
vie difficiles, et ce de
manière socialement acceptable. En fait, il s’agit
de notre propre résistance
aux épreuves.
Malgré les réserves, que pour des raisons
personnelles, j’ai envers la pratique
professionnelle de la psychologie médicale, je reconnais
qu’elle peut-être
utile pour ceux qui n’ont plus
d’espérance et qui, par exemple, souffrent de la
solitude.
Malgré beaucoup de doutes et de remises en cause,
j’ai toujours cru en un
certains nombre de valeurs comme l’amour,
l’amitié, la famille, la patrie dans
le sens de terre de mes pères, celle où une
certaine façon de vivre et de
penser, mérite qu’on donne un peu de soi.
Constituer une famille, la défendre, transmettre
à mes enfants les valeurs
auxquelles je crois et même leur faire partager mes doutes et
mes problèmes,
une certaine conscience professionnelle, l’écoute
de ceux dont j’avais la
charge ont suffit à occuper ma vie.
Ces objectifs m’ont servi d’espérance.
Le départ des enfants, puis la retraite ont
changé la donne. Les
petits-enfants, les bénévolats, les voyages, les
activités artistiques et
culturelles, la franc-maçonnerie ont comblé les
vides.
Malgré tout, la théorie de la
relativité s’applique au vieillissement.
Plus les années passent, plus le temps passe vite.
Malgré un solide optimisme,
certaines échéances commencent à
fréquenter un subconscient surchargé.
Heureusement, l’espérance de vie existe !
Je n’en avais pas encore parlé de celle
là, mais elle repousse à plus tard
certaines questions.
Quoiqu’il en soit, ces valeurs dont je viens de parler
n’auraient peut-être pas
suffit à me servir d’espérance si
depuis mon initiation je n’avais pas taillé
ma pierre brute et retrouvé avec l’humanisme et la
tolérance
Les valeurs de l’évangile. Je pense que nous
sommes tous
des individus uniques
qui participont quelque part au progrès de
l’humanité. La vie éternelle, partie
de cet absolu que nous ne comprenons pas, si elle existe
évidemment, est
peut-être l’expression de la
pérennité de
l’humanité et de ses progrès.
Voilà
mon espérance quand j’essaye d’y penser.
Mais ceci est ma démarche.
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