Obédience : NC | Blog : Solange SUDARSKIS | Date : NC |
Les Gants Blancs On
peut
caractériser une
société traditionnelle
par le fait que tous les individus de cette
société s'y insèrent en une
hiérarchie sociale harmonieuse qui permet de s'accomplir
pleinement et de
donner carrière aussi bien à l'exercice efficace
d'un métier qu’à une
réalisation spirituelle effective. La F\M\est une société traditionnelle, elle a conservé ces deux aspects du perfectionnement et certains de ses rituels et symboles manifestent l'origine du métier de bâtisseur en même temps que les valeurs spirituelles sur lesquelles elle repose. Les gants sont un de ces symboles à la fois professionnels et gnostiques. Dans l'histoire
du costume, les gants sont, dans un premier temps,
considérés comme symbole de
déférence, de soumission, de loyauté
en particulier. Dès les premiers temps du
christianisme, il est d’usage de se déganter
devant un supérieur. C'est une
exigence que l’on retrouve tout au long des
siècles : les juges royaux
demeurent mains nues dans l’exercice de leurs fonctions, et
on ôte ses gants
pour entrer dans les Grandes et Petites Écuries du
Roi-Soleil ;
aujourd’hui encore, un homme se dégante pour
serrer la main d’une femme. Se
déganter est un acte de respect et on peut
considérer que c'est sur ce registre
que le F\M\ se
dégante pour
prêter ses serments. C’est
en acte
de soumission que le gant est offert au roi, au Moyen âge,
par ses villes
vassales. Lors des cérémonies rituelles du
couronnement en France,
l’archevêque, en bénissant et en
présentant une paire de gants au souverain,
lui assure, par ce geste, possession de son domaine et
loyauté de ses sujets. En
Occident,
c’est vers le VIIe
siècle que les
gants deviennent des accessoires de luxe et donc de mode. Les
comptes
d’Isabeau de Bavière mentionnent en 1408 des gants
« brodés tout
autour », Montaigne ne s’en serait pas
plus passé que de sa chemise et
Catherine de Médicis les offre en cadeau très
apprécié aux dames de la
cour ; ils sont alors en soie ou en cuir, si fins
qu’ils peuvent être
roulés dans une coque de noix, usage qui persistera encore
au XIXe siècle, en
Angleterre surtout, où la noix
est pendue ostensiblement à la taille pour bien marquer la
faveur royale.
Henri III et ses mignons les affectionnent, pour la nuit,
imprégnés de
musc, ambre gris, civette et benjoin. Laissons
là les
fioritures de l'histoire et revenons à nos gants blancs. La
première pensée
qu'il me vient est que les gants blancs sont des masques de main. Le
directeur de la
prison de la Force où était enfermé Lacenaire en 1835 dit de
son pensionnaire: « ses
actes comme sa personne étaient en
contradiction perpétuelle, il était charitable et
assassin, il aimait le sang
et ses traits n'exprimaient que la douceur. Il n'était
repoussant que par ses
mains qu'il avait laides et difformes. C'est par là que
j'avais deviné
Lacenaire. Ainsi ce tigre cachait-il ses griffes sous ses
gants. » Que
cachons nous
sous nos gants ? Et bien je dirai que nous ne cachons pas, mais que
nous
essayons de dominer, comme avec la bavette remontée du
tablier, nos pulsions
les plus ténébreuses pour les tourner en
lumière. La
tragédie antique
masquait de blanc les acteurs. Cela permettait, outre l'identification
cathartique aux personnages, la possibilité de laisser
surgir le tragique c'est
à dire de doubler les significations et les situations qui
se rapportent à
l'homme; mais à quel homme ? Ni à vous, ni
à moi non plus, mais à l'homme en
général, mais à une image de l'homme
au centre de l'univers dramatique et c'est
ce que l'on peut appeler une philosophie. Derrière le
masque, qu'elle qu'en
soit sa couleur, l'attitude ne réussit pourtant jamais
à se dissimuler. Le
blanc ne saurait suffire pour faire d'une main repliée dans
son poing une main
tendue. Eloge de la Caresse ! La main s'ouvre, déploie ses
doigts vers le
dehors. Mais lorsqu'elle atteint et rencontre le monde, objet ou sujet,
chose
ou être humain, les doigts ne se referment pas en un
main-tenant, elles restent
tendues, ouvertes. Ainsi la main se fait caresse. La caresse, comme je
l'ai
souvent évoqué sur la planche à
tracer, s'oppose à la violence de la griffe. La
caresse est un concept ou plutôt un anti-concept qu'Emmanuel
Lévinas introduit
en philosophie en 1947 dans son essai Le temps et l'autre.
Ecoutons le: "La
caresse est un mode d'être du sujet, où le sujet,
le contact d'un autre va
au-delà de ce contact. Le contact, en tant que sensation,
fait partie de la
lumière". On peut dire avec le philosophe Ouaknin
que la caresse
découvre une intention, une modalité de
l'être qui ne se pense pas dans son
rapport au monde comme saisir, posséder ou
connaître. La caresse n'est pas un
savoir mais une expérience, une rencontre, la caresse n'est
pas connaissance de
l'être mais son respect. La
main gantée de
blanc c'est une main qui ne peut être que caresse. La
réflexion sur
les fonctions du rituel a été
profondément marquée par Durkheim, qui, utilisant
des variables à la fois psychologiques et sociologiques (les
«sentiments
collectifs»), y a vu des expressions symboliques de
l’unité d’une
société et de
ses valeurs fondamentales, expressions par lesquelles les individus se
représentent la société dont ils sont
membres. Remarquons
que dans
le clergé seuls les évêques,
archevêques et papes portent des gants et seul le
pape les porte blancs. Les
gants blancs
lissent notre identité commune et nous devenons comme
semblables aux groupes de
personnes qui mettent aussi des gants blancs rituels. Ce
gant blanc était
l'attribut des tailleurs de pierre dans la tradition du rite de
Salomon. Il
signifiait que celui qui le portait était innocent de tout
crime. Respect du
compagnon pour la vie! Mais
comment un app\
pourrait être
coupable de ce qu'il ne peut pas même approcher ? Faut-il
alors n'évoquer pour
le blanc des gants que les qualités profanes de
pureté, de rectitude dans les
actions, de respect de la parole donnée? D'un
point de vue
initiatique nous savons que le blanc, étant la
synthèse des couleurs de l'arc
en ciel, évoque la lumière spirituelle. Le blanc,
couleur initiatique, devient
la couleur de la grâce de la transfiguration qui
éblouit, éveillant
l'entendement. Aux premiers temps du christianisme le baptême
se nommait
illumination. Et c'était après qu'il eut
prononcé ses vœux que le nouveau
chrétien, né à la vie
véritable, endossait, selon les termes du
Pseudo-Denys, des habits d'une
éclatante
blancheur, car, ajoute l'Aréopagite,
échappant par une ferme et divine
constance aux attaques des passions et aspirant avec ardeur
à l'unité, ce qu'il
avait de déréglé entre dans l'ordre,
ce qu'il avait de défectueux s'embellit et
il resplendit de toute la lumière d'une pure et sainte vie. Ne
sourions pas
trop car cela peut aussi s'appeler le perfectionnement de
l'être, mais c'est la
perfection qui reste à définir. Le
rituel est à
considérer comme une sorte de code linguistique qui permet
de découvrir,
au-delà de la signification littérale des actes
et croyances, leur
signification « plus profonde»: les rituels sont
des «énoncés symboliques sur
l’ordre social », sur les valeurs fondamentales
d’une société, des
énoncés non
analysables en termes rationnels, car ils se mesurent
d’après d’autres
standards et appartiennent à des registres cognitifs
différents. Les
saint-cyriens
en tenue d'apparat portent des gants blancs, symboles du savoir-vivre
qui est
savoir mourir, symboles d’une certaine
société où honneur et panache sont
inséparables. Dans
la tradition
compagnonnique, le compagnon fini recevait avec ses gants de travail
une autre
paire de gants blancs, surnommée la clandestine parce qu'il
la remettait à la
femme de son choix qui n'était justement pas toujours sa
femme légitime! La F \M\ masculine
reprendra cette tradition dès l'initiation. Combien de
mères, d'épouses, de
sœurs ou d'amante reçurent cette manifestation
d'Amour. Goethe en offrant à Mme
de Staël cette seconde paire de gants en dira : C'est la seule
chose qu'un
homme puisse n'offrir qu'une fois dans sa vie. La
F\M\ se gante de
blanc, pour toutes ces raisons peut-être et
pour que les mains, en palpant ce qui est
extérieur, captent, par leurs
prédispositions d'antennes, la lumière de nos
loges bleues. Les
gants
liturgiques, et les nôtres puisqu'ils appartiennent aux
rituels, ces gants
furent toujours à doigtiers distincts et non des mitaines.
Chaque doigt
relevant d'une symbolique planétaire particulière
se devait en effet de
conserver son indépendance pour laisser agir son rayonnement
propre, son
énergie et pour mémoire je vous
rappellerai : Vénus en pouce, Jupiter en
index, Saturne pour le médium, le Soleil avec l'annulaire et
Mercure, le petit
messager, à l'auriculaire. Permettez
moi une
remarque sur la possibilité de pouvoir opposer le pouce
à chacun des autres
doigts. Voyez ! Le pouce aligné avec le reste de la main
donne au salut une
connotation qui vaut tout aussi bien, je devrais dire aussi mal, celle où le
pouce disparaît dans la paume. Le
pouce à
l'équerre nous préserve de la forme des
totalitarismes. Je
retourne ma
main, comme un miroir, j'y vois dans les doigts
écartés, les cinq points de
l'étoile flamboyante dans la lumière
indéfinissable de l'électrum des anciens. Léonard
de Vinci a
placé à l'entrée de son labyrinthe un
gant de Notre Dame surnommé aussi
églantine, fleur blanche à 5 éperons.
Cette plante est connue des herboristes
pour la guérison des maux d'yeux et pour l'amplification de
la vision qu'elle
procure. Quand le toucher devient délicatesse et tact, alors
la vue devient
vision et intuition, l'ouïe permet l'entendement de la voie
intérieure, le goût
l'appréciation des valeurs spirituelles et l'odorat unit
l'intelligence au
savoir. Mettre
des gants
blancs, c'est glisser sa main dans un athanor qui alchimise l'homme en
être
fraternel. Etre frère c'est avoir la même origine,
être fraternel, c'est
considérer toute vie comme équivalente d'une
autre. C'est dépasser ses
différences pour ne retenir que ce qui nous est commun ou
partageable, c'est
accepter l'autre pour lui-même, c'est ne pas vouloir, par une
sur-conscience
diminuer l'autre pour se grandir. Avec mes gants blancs, je demeure
moi-même,
l'autre me complète mais, à ses mains si
semblables aux miennes, je n'oublie
pas qu'il est aussi un peu de moi. Parce
que ganté de
blanc, le F\M\n'est ni pouvoir
ni violence mais fraternité; parce qu'il n'est pas fusion
mais relation, il se
dégage d'une assemblée de F\M\une
impression d'apaisement et de
sérénité. On ne peut manquer
d'associer les gants
blancs avec le niveau du 1er surv\ dans l'analogie
de leur symbolique. Le
gant, le niveau nous invitent à inventer une reliance avec
les autres. Il
s'agit de vivre
une fraternité organique fondée sur les
vérités humaines, de fonder une
communauté qui ne repose plus sur le combat pour le pouvoir
ni sur la volonté
de primer mais sur la joie d'être et l'exaltation des
modalités généreuses de
l'être. Dès lors que Walt Disney entrera en F\M\, le personnage
Mickey sera complété avec
des gants blancs qui lui assureront une définitive image de
gentillesse.
Se recouvrir la chair par des gants de
spiritualité c'est affirmer vouloir à la fois se
protéger et protéger les
autres des influences néfastes, que ce soit celles de notre
nature ou celles
des énergies et matières manipulées
lors de cérémonies rituelles. C'est
aussi
utiliser un objet pour fixer la
conscience sur les exigences de "chair spirituelle" comprises par son
interprétation symbolique.
Connaître,
c'est
participer de l'objet connu, dit Corbin.
Le port des gants
est le message apparent du passage du F\M\ à un
autre plan d'être. Alors, faut-il
permettre, par courtoisie, pour le confort de mieux tourner ses pages,
faut-il
permettre aux F\et
S\qui se
présentent au plateau de l'Orat\ de quitter leurs
gants au moment où ils s'expriment sur la
planche qui trace les plans du chantier sur lequel se bâtit
le temple ? Est ce
qu'ils seraient autorisés à quitter leur tablier
pour des raison de confort ? Pour
nous c'est
justement le temps des symboles et nous ne saurions accorder de quitter
ce qui
nous protège tous et qui nous indique ainsi la voie de la
matière spirituelle. Et c'est dans la chaîne d'union, parce qu'en enlaçant nos mains, nous ouvrons aussi nos cœurs, que se quittera l'objet de la conscience, symbole intériorisé par l'égrégore et qui est devenu vivant dans la chair qui est le soufre, qui retient et fixe enfin l'esprit qui est le mercure. L'athanor n'est plus utile, le F\M\ est devenu pierre philosophale.
S\S\ |
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