Maçonnerie :
Club ou Groupe Initiatique ?
Récemment j'ai
rencontré une sœur qui a
« décroché »,
un peu déçue, dit-elle, besoin de faire le point
et puis… : « tu
sais, la vie se réorganise sans les
tenues… ; et quand on y pense, les
soirées sont déjà
réservées »…
Ces sortes d'allées et venues et hélas
souvent des « aller simple »
m'ont interpellé dès mes
débuts sur la colonne du nord.
Depuis une 30aine d'années, je suis une
groupie, j'aime les groupes, j'en ai étudié leur
fonctionnement, cela m'intéresse et m'amuse. Appartenir
à un groupe a été d'ailleurs
une de mes raisons pour entrer en maçonnerie. Car
livrée à moi-même, je ne vaux pas
grand-chose.
Mais en ce qui concerne notre groupe, dit initiatique, j'ai plein de
questions sans réponses (et tant mieux sans doute), les
manuels psycho-socio-philosophico-politiques ne regorgeant
pas d'études sur les fonctionnements de ce type de groupes.
J'ai donc participé, depuis longtemps, à des
groupes à vocations différentes. Il y a
ceux que j'ai animés et surtout ceux qui m'ont
animé.
Des groupes à tâche, des groupes de
réflexion, de thérapie, de fiestas diverses, en
passant même par un club joueurs
d'échecs et me maintenant dans un groupe
initiatique.
Mon vécu des groupes étant ce qu'il est,
il m'est difficile, voire impossible, de ne pas
faire des comparaisons, d'essayer de comprendre notre fonctionnement.
Dans cette planche-ci, j'ai voulu cibler quelque chose que je
considère comme important pour un groupe : sa vie et sa
survie liée à la présence/absence de
ses membres.
Dans certains groupes que j'ai fréquenté, on
allait et venait (club d'échec par exemple), on s'excusait
quand on ne venait pas et à condition que le
remplaçant soit là pour faire le boulot
et faire gagner l'équipe ; tout le monde s'en fichait.
Dans les groupes de thérapie, là,
c'était bien plus simple, tant qu'on était sous
contrat, on payait qu'on soit présent ou non et comme cela
faisait plutôt mal au porte-monnaie le nombre des absences
était très limité !
En plus, les absences étaient durement
confrontées et la maladie, famille et la vielle
mère ne passaient pas comme genre d'excuses !
Dans d'autres sortes de groupes, de travail, de
réflexion, les absences quand
répétées étaient assez mal
vécues, sans doute aussi parce que nombre de membres de ces
groupes était restreint (15 à 20 max.).
Puisqu’il y avait une
certaine « intimité »
entre les membres, quand quelqu'un s'absentait à
répétition : ma femme, ma famille, mes enfants,
mon job,...on lui disait : « Allez,
arrête de charrier qu'est-ce qui se passe ? »
Dans 90% des cas, on obtenait une autre réponse qui n'avait
que peu de rapport avec la grippe, les enfants ou le boulot.
Très souvent ces informations permettaient au groupe de se
réajuster, de se souder, de croître ou parfois
même de mettre la clef sous le paillasson. On n'a pas
d'omelettes sans casser d’œufs.
En débarquant dans mon atelier, je me suis dit (comme pour
plein d'autres choses) que cette histoire d'absentéisme,
j'en comprendrais la substantielle moelle quand je serais
maîtresse et bien non. Dans ce domaine là
aussi mes interrogations persistent.
Dans les 2 générations de maîtresses
qui m'ont précédée, nous
étions 8. Actuellement il reste 3
+1 maîtresses, 3 dans notre atelier une
sœur qui est partie vers d'autres cieux.
Cela ferait donc 50% de décrochages… Je trouve ce
chiffre important.
Les apprenties semblent motivées, les compagnonnes aussi. Il
leur est d'ailleurs fortement conseillé de faire partie de
groupes de travail. Ceux-ci impliquent et soudent les
participantes.
A ne pas négliger quand même, ce fameux nombre de
présences nécessaires pour avoir ses
galons… C'est aussi un facteur motivant !
Alors, après un nombre d'années fixes,
nous voilà maîtresses.
Des lors, il nous est possible de s'absenter et s'excuser, s'absenter,
ne pas s'excuser, et finalement pour ne plus s'excuser du tout.
Peut-être qu'à la maîtrise, on s'imagine
que tout est fait et ce qu'est là le degré
ultime de son évolution ?
L'apprentie se dit sans doute (comme je me le suis dit aussi),
plus que 3 ans à tirer et après je m'absenterai
quand je voudrai.
Par ailleurs, ces absences ont l'air de passer comme une lettre
à la poste.
Qu'importe du moment qu'on paie sa cotisation.
Cela nous faisait d'ailleurs pouffer de rire ma condisciple et moi en
étudiant les règlements
généraux : en
Maçonnerie, on peut tuer son père et sa
mère. On n'en sera pas exclu tant qu'on paye sa cotisation.
Enfin j'exagère un peu.
Bon, bref, à la tenue, les
officières sont-elles présentes ou
remplacées ?
Si oui, la ruche bourdonne et les ouvrières ne
s'affolent pas outre mesure.
Etonnant n'est-il point ?
Dans les sous-groupes on s'interroge : tiens tu as vu un telle
? Et les langues se délient un peu mais quand on est dans le
mauvais sous-groupe on n'en sait rien !
Il me reste à espérer que la
véné ou la sœur hospitalière
ont des échos plus consistants
;…mais moi en fin de compte, je ne peux pas savoir
!
Bien qu'une sœur hospitalière me racontait
récemment : les sœurs absentes sont
très chatouilleuses quand on leur demande leurs motifs.
Dans le meilleur des cas, l'absente
réapparaît, on peut alors quelques fois, refaire
un petit tour d'excuses du genre : les enfants, le mari, le
job, le besoin de
réfléchir...et le carrousel
redémarre.
Depuis que je fais partie de cet atelier (6 ans), il y a des
sœurs inscrites que je n'ai jamais vues...et qui continuent
à payer leur cotisation.
La M serait-elle aussi une assurance pour nos vieux jours ?
En ce qui concerne ma petite personne, sans faire
évidemment de généralisations, une
sœur qui s'absente me frustre, me prive de sa
présence, de son sourire,…de ses
réflexions… Même quand celles-ci
m'agacent.
Je suis d'ailleurs en maçonnerie aussi pour être
agacée.
La chaîne d'union continue pourtant à se fermer.
Les maillons absents ne laissant aucun trou.
La maçonnerie « à la
carte » n'est pas neuve ni spécifique
à notre atelier.
Beaucoup d'ateliers en souffrent et me semblent
résignés : c'est partout comme cela !
Comme si cet organisme vivant : càd l'atelier
était convaincu de sa survie.
Une de perdue, 10 de retrouvées ?
Ceci ne provoquerait-il pas un relâchement certain dans nos
critères de sélection ?
L'absentéisme est-ce aussi une caractéristique de
notre société de consommation :
acheté, usé, jeté ?
Des droits, uniquement des droits et basta pour les obligations.
Notez que je peux comprendre tout à fait pourquoi on
décroche. Je n'ai qu'à en
référer à mes propres
réflexions : je m'ennuie, je suis agacée
par celles qui souffrent de cordonite ; par les longueurs
administratives des tenues, par les salutations
distinguées des loges visitées ou en visite qui
ne font avancer aucun schmilblick ; par les votes aux boules
qui n'en finissent pas parce que certaines sœurs ne
souhaitent partager leurs secrets d'alcôves
maçonniques qu'avec la véné
; par des planches livresques,
kilométriques, nombrilistes, obscures ou simplement
qui ne m'intéressent pas et quelques fois, pas de
bol, la planche super intéressante qui passe
à 22h est en compétition
perdante ; avec Morphée.
Mais cela c'est juste moi, et je ne vais pas
généraliser !
Certaines d'entre nous cherchent, d'autre pas, certaines n'ont pas
envie de chercher parce pour elles il n'y a rien à trouver.
Certaines pensent avoir trouvé.
Il y en a qui se sont trompées : la
maçonnerie ce n'est pas leur trip.
Mais j'ai tendance à croire que ce sont les
déçues qui font la
majorité… Celles qui espéraient avoir
enfin trouvé la perfection, la loge parfaite, la solution
à leurs problèmes psychologiques, spirituels ou
existentiels.
Celles qui ont des conflits avec une telle ou telle et qui choisissent
la fuite plutôt que la résolution, faute de moyens.
Il y a en a qui sont déçues, qui se regroupent et
espèrent que l'herbe sera plus verte ailleurs en fondant une
nouvelle loge.
Mais bon, je n'en sais rien une absente, çà
ne cause pas beaucoup.
Je connais une véné très dynamique qui
battait le rappel chaque fois qu'une sœur s'absentait. Son
système fonctionnait pas mal du tout. Le taux
d'absentéisme était minime et l'atelier
réputé comme étant très
dynamique.
Quand elle est descendue de charge, les rappels n'ont plus eu lieu et
les absentes ont repris leur rôle.
Quand on entre en M, on achète un chat dans un sac et
figurez-vous que régulièrement je me demande
quelle est cette drôle de bestiole que j'ai donc
achetée dans ce sac. Est-ce d'ailleurs une bestiole ?
La Maçonnerie est aussi auberge espagnole. Le couvert est
fourni et c'est strictement tout. J'ai tendance de plus en plus
à le croire.
On m'a demandé à mon initiation et cette question
est souvent posée d'ailleurs « qu'est-ce
que vous pouvez apporter à la Maçonnerie »
?
Peut-être que cela vaudrait la peine d'insister que c'est
cela et seulement cela « ce fameux chat
qui se cache dans le sac ». Si
cette notion était vraiment intégrée,
peut-être qu'il y aurait moins de
déçues ?
J\P\ L\
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