Obédience : NC Loge : NC 15/08/1996


Les Colonnes J et B
 et l’Hébreu en Maçonnerie tel que je la pratique,

Pourquoi ? Comment ? Depuis quand ? Par qui ?

En épelant les mots Sacrés aux grades du rite bleu, l’on profite de l’une des caractéristiques de l’écriture hébraïque.
À savoir que l’on écrit les consonnes mais jamais les voyelles.
Transmettre le “ Secret “, c’est transmettre les voyelles de la prononciation.
Contrôler si quelqu’un connaît le mot Sacré, c’est vérifier s’il connaît les voyelles, donc la juste prononciation du mot.
Car les consonnes lui sont peut-être connues par la lecture, mais la prononciation exacte des voyelles de ce mot, ne peut que lui avoir été communiquée par voie orale.
Cela se passe lors d’une initiation, s’il en a la connaissance, il livre la preuve qu’il est un initié.
Car lors des initiations, le candidat au 1er degré reçoit deux voyelles et en donne deux autres au 2e degré.

Pourquoi l’emploi du nom des colonnes situées de part et d’autre de l’entrée d’un temple maçonnique ?
Ceci s’explique pour moi, par le fait que les noms des colonnes sacrées “ JAKIN + BOAZ “ citées dans la Bible ( I Roi VII, 21 ) ont comme valeur respective, 90 (18x5) + 85 (17x5) = 175, qui après réduction théosophique = 1+7+5 = 13, valeur des mots hébraïques, UN - AMOUR - HARMONIE, puis 1+3 = 4, c’est la valeur de la lettre  Daled = porte  c.à d. : la porte initiatique, celle qui ouvre la route vers la “CONNAISSANCE ULTIME“, ... La “LUMIÈRE“, La “PAROLE PERDUE“, ... Le “NOM DIVIN”, ... Le  “YOD-HEH-VAV-HEH“, ... etc, etc.

Cette manière de procéder avec les mots Sacrés, s’est développée en Angleterre puis en France vers le 17e siècle, en même temps que l’usage généralisé de mots hébreux et de la Kabbale en maçonnerie, suite à  l’acceptation depuis +/- 1600 déjà , (A la loge d’Edimbourg), de maçons  spéculatifs ( accepted masons ), dont des alchimistes, des kabbalistes et des mystiques juifs.

Nous n’en connaissons avec certitude que deux, Menashe ben Israël (1662) et Jacob-Leon-Yehouda Ben Monida ( 1680 ), tous deux descendants de Marannes ( Faux convertis ), survivants de l’épuration ethnique perpétrée par la Sainte Isabelle et Ferdinand, les très catholiques souverains d’Espagne, en l’an 1492.      

Pour rappel : presque tous les mots de passes ou sacrés ainsi que les noms de personnages à  tous les grades et dans la plupart des Rites sont en hébreu, proviennent de la bible,  et en plus ont comme valeur kabbalistique 13 - 4 ( voir ci-haut) ou 5 = Héh = Esprit Sacré ou Souffle de VIE ou un multiple de ceux-ci.

Mais d’où  vient donc cet engouement pour des mots hébreux en maçonnerie ?
Voici une hypothèse !

On sait qu’au début du 17e siè cle, c.à d.  à la fin de l’ère ou la Maçonnerie opérative agonisante des constructeurs de Cathédrales, ces Bibles de pierres, se transforma en Maçonnerie spéculative, le Temple de Salomon, spiritualisé avait pris figure allégorique dans la littérature anglaise éprise non seulement de récits authentiquement bibliques mais de biblisme.

N’oublions pas que les racines de la Maçonnerie, tel que nous la connaissons aujourd’hui,  sont surtout Chrétiennes.
Déjà  Origène (185-254 ) dans ses commentaires sur les deux testaments et plus tard St.Augustin ( 354-430 ) dans ses “Soliloques” et les Cités de Dieu, prétendaient que l’Hébreu était la langue Divine et universelle infuse dans l’homme depuis la Création ( Un Dieu - Une Création - Un Univers - Une Humanité - Une Langue ) et cela jusqu’a l’époque de la Tour de Babel, (Bavel=confusion), ou suivant la Bible ( Gen.XI,10 ) Dieu créa la confusion des langues.

Donc pour arriver à  comprendre Dieu, Ses Lois et Préceptes, il fallait étudier la Bible dans sa langue originelle, l’Hébreu, langue parlée par Dieu avec les anges, avec Adam et Eve et d’autres Hommes privilégiés et puis par la révélation de la Bible au Sinaï , avec tous les hommes.

Cette idée de base et de discussions dans la Chrétienté à  l’époque du Haut Moyen-âge ( 476-1456 ) prit de l’ampleur et devient un sujet d’étude poussé de la kabbale   la Renaissance ( XIVe au XVIe siècle ), pour arriver à  un syncrétisme universel, comme si la Kabbale, concue comme une révélation Divine au Sinaï , serait la clef de toutes les religions, et de toutes les philosophies, et ainsi essayer de prouver la Divinité de Jésus, par les écrits du judaïsme même et par l’alchimie, de trouver la Pierre mystique et philosophale.

Le sujet étant trop vaste pour pouvoir couvrir ce courant de pensée en quelques pages, voici donc une petite liste non limitative des principaux hommes d’église, savants et écrivains qui ont étudié la Kabbale avec l’aide de rabbins juifs convertis, s’ils n’en étaient pas eux-mêmes. 

Raymond Lulle ( 1235 -1315 ), Jean Reuchlin (1455-1522), De Verbo Mirifico et Di Arte cabbalistica, Elijah Ben moses Abba Delmedigo (1460-1497), Pic de la Mirandola (1463-1494) et son Corpus Hermeticum ainsi que ses Conclusiones Cabalisticas, basées sur la Kabbale dont est tirée cette phrase : « Aucune science n’est capable de nous donner plus de certitude de la divinité du Christ, que la magie et la Kabbale »,
Cornelius Agrippa (1486-1535) et son livre Kabbala Denudata, Flavius Mithidates ( 1486-?), Paracelse ( 1496-1541 ) et ses écrits, l’Astronomia Magna, le Paragranum et De vita longa, Guillaume Postel (1510-1581) De orbis terrae concordia, Jacob Boehme (1575-1624) Epistolae théosophicae, Raymond Blaise de Vigenère (1523-1586) Traité du Feu et du Sel, Traité des chiffres, Johan Busetorff (1599-1644) De l’antiquité de la langue Hébraïque, Claude Duret (1613-?) Trésors de l’histoire des langues, traité originel de l’Hébreu avant la Tour de Babel, Christian Claude Von Rosenroth (1636-1681) écrit une autre Kabbala Denudata en 1677, réimprimée en 1684, J.L. Buddeus, un Belge publie à  Halle en 1702, Introductio ad historiam philosophiae Ebraeorum, qui met en lumiè re les rapports entre la Kabbale et le Gnosticisme.  

Pour en arriver au début de la Maçonnerie dite moderne et à quelques-uns de ses écrivains Kabbalistes : J.B.Willermoz (1730-1824), ami de Martinès de Pasqually, (1727-1774) et de son élève, Louis Claude de St.Martin, Eliphas Levi alias Alphonse Louis Constant (1810-1878), Papus alias Gérard d’Encausse (1868-1916). Jean de Pauly dans nos contrées, Frater Perdurado, alias Aleister Crowley (1875-1946) en Angleterre et Umberto Eco de nos jours dans son étude “The search for the Perfect Language in European Culture”.

Pour terminer, le Fr  Robert Gould ( 1836-1915) un des fondateurs de la Loge Quatuor Coronati, dans son livre “ A concise history of Freemasonry “, nous parle entre-autres, de Laurence Dermott (1720-1791 ), un maçon irlandais - Grand Secrétaire de la Grande Loge dite des “ ANTIENTS “(fondée en 1751), auteur du livre-pamphlet, anti “ MODERNS “ (fondée elle, en 1717), “ AHIMAN REZON “ (1756, 1778 et 1787 ) et qu’il signe même en hébreu sous ce pseudonyme.

Féru d’hébreu et de bible, l’ami d’un rabbin nommé Léon Temple, nous lui devons de nombreux rituels et surtout l’élaboration du rituel du grade du “ ROYAL ARCH “.  
Et tel que rapporté par le Fr  Maurice Cock ( T P S ) en 1951 dans son livre “ Les Secrets de la Franc-Maçonnerie ( pages 6 & 7 ) “  je citerais encore Robert Gould : « Qu’antérieurement à  1620, un certain nombre de frères, membres de la Compagnie des Francs maçons, se réunissaient en Loge à  Masons Hall, à  Londres, avec d’autres personnes étrangères aux métiers et qui étaient connues sous le nom de “ Maçons Acceptés ».

Je continue, par honnèteté intellectuelle, mais à  contre-coeur, vu mes origines juives et la perte de
+/- 300 des miens pendant l’holocauste 1940 -1945, en citant d’autres extraits du livre du Fr Maurice Cock 33° ( écrit en 1951 ? ) :  
« Donc, pendant un siècle au moins, les antiques corporations maçonniques virent  entrer dans leurs rangs des hommes de tous niveaux sociaux et de toutes  formations.
Parmi eux, il y avait : des catholiques, des protestants, des théosophes, des Hermétistes, des Cabbalistes, des rose-croix, des amateurs de philosophie et de science, des hommes politiques, des officiers et des princes ».

Nous passerons rapidement en revue certains de ces divers éléments.

« Les Cabbalistes, à  la recherche des mots magiques, les alchimistes   la recherche de la pierre philosophale, venaient chercher dans la corporation, un asile, à l’abri duquel ils pouvaient se livrer à leurs études, souvent entachées d’hérésie.
C’est surtout en leur sein que l’on comptait certains juifs.     
Ces juifs, écrit le Frère M. Marques-Rivière, honnis et maudits par la Chrétienté du  moyen-âge, possédaient une science secrète et avaient, parmi eux des aventuriers et des chercheurs de mystère.
Voyageant continuellement, en contact permanent avec les proche Orientaux, ils étaient naturellement les détenteurs des manuscrits « maudits de magie arabe, de sorcellerie juive, de théosophie gnostique.
Les amateurs de mystère, les magiciens, les apprentis sorciers chrétiens, s’adressèrent aux cabalistes redoutés de ghetto du moyen âge.
 Ainsi les traditions hermétiques de l’Orient, les gnoses d’Egypte, les hérésies arabes, les révoltés « et les rancœurs sociales s’infiltraient, par les sociétés secrètes, en  Occident.
C’est à eux que la Maçonnerie doit d’avoir emprunté la légende symbolique du Temple de Salomon et celle d’Hiram, et sans doute celle des Templiers.
C’est également auprès des Cabbalistes et de ces hermétistes que les Maçons spéculatifs iront, dans la suite, puiser des idées pour rédiger des rituels actuellement  employés par la maçonnerie, « rituels dans lesquels on retrouve tout au long la marque de la Cabale juive. » 
Fin de citations ! ...  
    
J’arrête donc ici, cette bien trop courte étude, sur la question qui me hantait :
L’Hébreu en Maçonnerie, pourquoi ? Comment ? Depuis quand ? Par qui ?
J’espère avoir trouvé la réponse.

Car je pense personnellement que l’Amour, l’Intuition, l’Introspection et l’Imagination, ainsi que l’étude et la force des valeurs cabalistiques et symboliques des lettres hébraïques qui forment les mots, nous ouvrent les portes de l’initiation effective et réelle, cachées  par nos prédécesseurs dans nos rituels maçonniques.

En tous cas, je serais reconnaissant à  tout Frère qui pourrait m’apporter de l’eau supplémentaire mon moulin.

Extrait de la 3e édition du livre :
L’HÉBRAÏSME Réel ou déformé dans le REAA , le RA , le MM  et le RAM
( pages 89 à 94 )
Edition : Sam Eched
Gent, le 15 août 1996.

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