Je le Jure
Quel Frère n'a pas assisté à une
tenue, alors qu'il était absent des colonnes ?
Lequel d'entre nous, hors du temple, ne connaît pas mieux que
les présents les
paroles prononcées ce midi-là ?
Je sais bien que nos tenues se situent hors du temps, que le temple est
un endroit
extra-ordinaire, que les boucles dans l'espace temps sont
scientifiquement
reconnues, mais tout de même !
Vous l'avez donc tous compris, je vous entretiendrai ce midi de la
promesse
prise par tous en fin de tenue :
Je le Jure
Trois mots, trois mots très simples que l'on formule
à la fin de chaque tenue,
d'une manière presque anodine, après que le V\M\ ait
prononcé :
« Retirons-nous en paix en jurant d'observer la loi
du silence ! »
Je me servirai de Larousse pour la définition du mot jurer,
n'y voyez aucune
forme de préférence ou discrimination de ma part
envers Robert, quoi que. Il
nous déclare que jurer c'est :
« Prononcer solennellement un serment en engageant
un être ou une chose
que l'on tient pour Sacré »
Jurer c'est donc un serment, et un serment c'est loin de
n'être qu'une
simple formule, bien plus qu'un voeu, c'est un engagement solennel. En
outre,
cette obligation est prise « sur une chose que l'on tient
pour sacrée. »
En observant de plus près la formulation : «
Retirons-nous en paix en jurant
d'observer la loi du silence ! » la notion de secret m'est
tout de suite
apparue ainsi que les questionnements suivants :
Quel secret ?
Envers qui : Le monde profane ou pour les Frères absents ?
Pourquoi ?
Et surtout comment respecter cet engagement ?
Quel est donc ce si grand secret pour que nous devions
réitérer inlassablement
cet engagement à la fin de chaque tenue ?
Celui de la F\M\ ?
Permettez-moi de vous faire part de mon scepticisme. A mon avis, point
de
véritables secrets en F\M\, hormis le
vécu. En effet, depuis des
lustres, tout, ou presque, a été dit,
écrit, publié, buriné,
enregistré, filmé
et maintenant gravé sur le sujet.
Envers un profane ?
Non, car comme nous l'avons vu plus haut, celui qui veut s'instruire
peut le
faire dans n'importe quelle bibliothèque un peu
spécialisée ou, plus facilement
encore, sur le Web.
S'agirait-il par conséquent de ce qui s'est dit,
passé, échangé durant la
tenue ?
Cette discrétion s'adresserait donc plus
particulièrement envers les frères
absents ce soir-là, qu'ils soient maillons de l'atelier,
visiteurs assidus de
la loge ou F\
d'autres obédiences.
Avant d'aller plus loin dans cette direction, penchons-nous
plutôt sur le
motif.
Pourquoi ne peut-on faire partager à un F\
absent ce que nous avons vécu ? Qu'y a t'il de si important
pour que nous ne
puissions le retransmettre ? Y aurait-il une personne, et encore, qui
puisse
délivrer le message ?
Il convient donc d'examiner le déroulement de nos tenues.
Vous en connaissez comme moi le cheminement et la manière
dont les propos sont
et doivent être tenus.
Nous avons un chef d'orchestre qui dirige les travaux, le VM,
secondé par 2
bras droits (parfois un peu gauche pour certain), les Surveillants,
plus
quelques techniciens en renfort prêts à intervenir.
Des tracés sont lus,
discutés,
éclairés, mais, en principe, en utilisant les
outils spécifiques à la F\M\. Notamment,
l'intervenant doit toujours
s'adresser au V\M\, jamais au F\
conférencier ou à un
précédent orateur. Aucun dialogue ne doit se
créer, il s'agit
d'apports, de compléments d'informations ou de point de vue
et non de rallier à
sa cause ou de faire admettre ses propres idées à
coups de maillets, de burins
ou de marteaux piqueurs. Nous sommes présents sur les
colonnes pour apporter
une pierre, quelle qu'en soit sa taille :
Bloc parfaitement taillé et calibré pour
certains, caillou ou grain de sable
pour d'autres.
L'engagement ne semble pas, de ce fait, concerner les
différents écrits, les
planches. Leurs auteurs ou l'archiviste peuvent toujours les
transmettre, mais
étant écrites, donc figées et
analysables, point d'interprétations possibles.
A ce sujet Socrate considérait que « les
écrits n'amorcent pas de véritables
dialogues, ils sont des obstacles à
l'avancée
des idées. » Cela devrait nous
permettre de diminuer le risque de polémiques
éventuelles.
Nous savons tous que la vérité n'est pas unique.
Plaçons-nous sur ce fil
imaginaire qu'est le périmètre d'un cercle et
observons la vérité placée en son
centre. Immanquablement, elle prendra des formes
différentes. En premier lieu,
nos positions personnelles sur ce cercle nous la montrent sous des
angles différents. En second lieu,
même en se plaçant
sur un même point et une même hauteur, je ne vise
aucun duo de compagnons en
particulier, de par notre disposition d'esprit, de notre cheminement
initiatique, culture différente, nous ne percevons pas les
images de la même manière, d'où
des interprétations de texte ou
d'interventions parfois très différentes de ce
qui a été dit ou souhaité
être
dit.
Ce serait donc au sujet des interventions et surtout de leurs
retranscriptions
qu'il faut être vigilant car en rapportant des paroles, on
s'expose à les
travestir. Restitués, ces propos peuvent arriver avec un
sens sérieusement
différent de la pensée qu'en avaient leurs
auteurs.
Pour moi les tenues sont toujours une communion, parfois plus
spirituelles que
d'autres. A la question du V\M\ «
où les ouvriers perçoivent-ils leurs
salaires ? » Bien rares furent les soirs où je ne
me trouvais pas en tête à la
colonne B.:
Comment ne pas faire partager à un de nos frères
le moment magique encore une
fois vécu ?
Pourquoi ne pas le faire profiter de ce salaire ? Raison de plus si
l'absence
était due à des motifs familiaux, professionnels
ou de santé.
Une de nos tâches, comme F\M\ est de
« faire briller à l'extérieur la
Lumière qui a éclairé nos travaux pour
achever l'oeuvre commencée dans le
Temple. »
Mais comment procéder sans distribuer la substantifique
moelle tout en
respectant la parole donnée ?
Comment ne pas répondre aux questions, ou interrogations
d'un F\
sur un sujet qui préoccupe la L\ ?.
Doit-on le laisser dans
l'ignorance, lui répondre que son premier devoir comme F\M\ est
d'être présent
aux tenues ? La vie profane ou familiale serait-elle nettement moins
importante
que nos réunions ?
Par contre, il est bien évident que le devoir de
réserve doit s'appliquer
lorsqu'il s'agit, par exemple, de votes pour l'acceptation
d'éventuels
profanes, d'augmentations de salaire. Le nombre de voix, les
interventions ou
la position des différents frères ; ces
paroles rapportées peuvent mettre
mal à l'aise ou blesser le parrain, le F\présentateur
ou celui concerné. Dans ce cas, seul le résultat
de la décision de la L\
est important, bien plus que les éventuels
débats ou échanges d'opinions.
Comment prêtons-nous serment ?
Un peu d'histoire sur les modalités des prestations de
serments.
Pendant très longtemps, les serments importants se
prêtaient par le sang :
Soit en les
mélangeant, soit en le buvant, qu'ils s'agissent
des indiens d'Amérique, des Chinois, des
confréries d'Europe orientale ou des
Templiers. On devenait alors des frères de sang d'ou
l’expression pacte de
sang.
J'ai entendu dire que, dans certains rites F\M\, cette pratique
serait encore en vigueur.
Quoi de plus symbolique qu'un serment sur l'essence même de
la vie !
Par ailleurs, Conchobar, roi de l'Ulster, prête serment par
le ciel, la terre
et la mer. Trois des 4 éléments. De leur
côté, nos ancêtres les Gaulois, pour
le traité avec Alexandre le Grand, invoquent leur parole, le
ciel, la terre et
la mer.
La parole, une valeur bien plus dure que le granit, voici encore moins
d'un
demi-siècle, et aujourd'hui, AMHA, bien plus poreuse que du
calcaire.
Généralement, en F\M\, nos engagements
s'exécutent d'une manière
assez similaire.
Main droite dégantée, éventuellement
sur (et non au-dessus) des 3 grandes
lumières, bras droit tendu.
La main droite est dégantée, mise à
nu, comme doit l'être notre cœur à ce
moment précis.
Ce serment que nous prenons est un engagement, un engagement
vis-à-vis de nos
frères bien sûr, mais bien plus important encore,
c'est une promesse envers
soi.
Comme le disait un des F\
de la Loge : « Quels
que soient notre maquillage, nos postiches ou déguisements,
le miroir nous
reflétera tel qu'il nous voit. Nous pourrons
éventuellement tromper notre
famille, nos amis, nos F\, mais nous ne
pourrons jamais nous tromper nous-même.
»
Au GAIAC, beaucoup d'entre nous ont pris l'habitude d'entrer en loge
avec la
main droite bien à plat et immobile sur le coeur : Signe de
fidélité.
C'est aussi sur un signe d'amour : « Avoir la main sur le
cœur. »
Cette main sur le cœur sert à garder les êtres
chers bien au chaud en son
sein, mais aussi à l'abri des regards. Elle est
également là pour les protéger,
pour empêcher les secrets qui nous ont
été confiés, aussi bien
d'être aperçus
que de ressortir. Dans d'autres rites « cela signifie que
vous protégez le
dépositaire de vos secrets contre toutes tentatives
insidieuses. »
Cette même main droite me remémore le premier
cadeau fait par la L\
à nos nouveaux FF\
le jour de leur initiation : Notre tablier. Comme lui, elle
est donc bien une protection !
Une main sur le coeur !
Une sous la gorge !
Deux positions similaires, à un angle près de
90°, toujours dans un même but :
Nous rappeler constamment notre premier serment dont je vous rappelle
la teneur
:
« Je jure solennellement de ne jamais
révéler aucun des secrets de la
Franc-Maçonnerie, sous peine, si je devais y manquer,
d'avoir la langue
arrachée et la gorge coupée, et d'être
jugé comme un individu dépourvu de toute
valeur morale et indigne d'appartenir à la
Franc-Maçonnerie. »
Mais quelle valeur accordons-nous à notre parole ?
Je le jure V\M\
J\ V\
|