Etre
le gardien du temple
Tout voyage
demeure, au final, un détour ; et le plus important
n’est peut-être pas de
partir mais de revenir. Mais Qui revient après un long
détour? Qui deviens-tu,
F\S\ après
les 3
voyages de l’initiation ? Il semblerait que tu aies
déjà choisi, dans le
monde profane une voie, que je dirai être celle
d’un chevalier.
La voie du
guerrier, c’est l’esprit du Samouraï en
Orient, la chevalerie des épopées mystique
de la Perse Islamique pour le croyant, tandis qu’en Europe,
la quête du Graal
et l’épopée templière
incarneront cet idéal. Le mythe chevaleresque allait de
part et d’autre exalter les hommes au
théâtre de la guerre. C'est ainsi que
l'esprit chevaleresque a fini par fusionner avec la quête du
Temple achevé
grâce aux efforts des bâtisseurs. Il y a bien eu
des tentatives de restauration
de la chevalerie notamment au travers de la constitution
d’une épopée
chevaleresque au sein des grades maçonniques mais, comme
l’avait signalé Karl
Marx, on ne répète pas l’histoire sauf
en faire une vaste mascarade
tragi-comique !
Dans le Roi Pêcheur, la
pièce de
Julien Gracq, le Graal jouit, conformément à la
tradition littéraire,
d’un intérêt exceptionnel de la part des
personnages qui peuplent l’univers
mythique. Le Graal est considéré comme un objet
aux propriétés miraculeuses;
voilà pourquoi c’est vers lui que convergent les
désirs de tous les acteurs du
mythe.
Le récipient
précieux est protégé
avec un soin exceptionnel dans l’espace du royaume du Roi
Pêcheur, Amfortas,
frappé d’une double souffrance, corporelle et
spirituelle. Plusieurs indices
permettent de supposer que le Graal constitue le centre d’une
carte imaginaire
inscrite dans un cercle. Enfermé dans un
«tabernacle», le Graal est caché dans
une salle particulière du château de Montsalvage,
«la salle du Graal». L’accès
au château est conditionné par le passage
à travers la forêt, parce que c’est
justement la forêt qui est sans cesse surveillée
par les chevaliers du Graal
afin d’empêcher les intrus d’entrer dans
le royaume ensorcelé.
Le trésor de la
franc-maçonnerie
ne s’apparente-t-il pas pour toi à un
graal ?
Poursuivons l’histoire.
Si Perceval parvient sans grande
difficulté jusqu’à la
frontière de la forêt ensorcelée,
l’ayant franchie, il
doit affronter la dernière étape de sa
quête pavée d’épreuves, cette
fois non
plus d’ordre physique, mais d’ordre spirituel, en
direction du Graal.
Cependant, si l’existence du Graal n’est pas mise
en doute par les
protagonistes du drame, l’estime qui lui est
réservée dépend des pouvoirs que
ces derniers lui attribuent.
Pour Perceval, sa quête y
est
considérée comme un comble des aventures
terrestres, ce qui réduit la coupe
précieuse à un trophée
désignant le meilleur chevalier du monde.
Aux
yeux des
compagnons le récipient mystérieux se
matérialise dans l’objet oscillant entre
un talisman féerique et une sainte relique qui permet,
grâce à ses propriétés
miraculeuses supposées, de parvenir, ici-bas, à
«la terre promise», à «un paradis sur
terre». C’est Perceval, chevalier de la Table
Ronde , qui récite la somme des caractéristiques,
traçant des contours du Graal
arthurien: «Il est dans le monde un trésor captif
dans un château enchanté, un
objet de grande merveille, le Graal. Pour qui le voit, ses yeux
s’ouvrent et
ses oreilles entendent, il comprend le choeur des mondes et le langage
des
oiseaux. Le Graal est suffisance, extase et vie meilleure. Il est soif
et
étanchement, dépouillement et
plénitude, possession et ravissement ».
C’est
pour se voir décerner ce prix du
meilleur chevalier que Perceval entre sur le terrain interdit du
royaume du
Graal, espérant, dans la bataille suprême de sa
vie, une fameuse victoire de sa
force virile.
Pour le royaume du roi
pêcheur,
il s’agit d’un Graal différent, un Graal
aux pouvoirs mystérieux, éteints
toutefois par la faute du roi indigne. Le pays entier agonise avec son
souverain, il pourrit, lentement mais inexorablement, comme la blessure
d’Amfortas.
L’existence
déplorable du royaume
d’Amfortas se pose ainsi comme une antithèse
d’un âge d’or perdu, mais qui a la
chance d’être retrouvé.
L’heure de la délivrance doit venir avec
l’arrivée d’un
nouvel Élu, d’un nouveau Pur, qui rallumera le feu
salutaire du Graal et deviendra
le nouveau roi du Graal.
Une image
évangélique du Graal est esquissée par
le jeune chevalier qui dit : « A un seul il
est donné de conquérir le
Graal, s’il est assez pur et assez sage, et si parvenu
après de longues
aventures en sa présence, il sait poser la seule question
qui délivre. Je veux
être celui là ! ».
L’exclamation
passionnée du jeune
chevalier met le vieux roi en colère: «La gloire
du Christ n’est pas remise
entre tes mains, qui que tu sois, Perceval. Il commande que chacun
fasse son
salut, humblement, à la place où le sort
l’a mis. Le christ a pris le sort de
tous en charge dans ses bras ouverts sur la croix. Ce n’est
pas pour que le
premier aventurier venu cède aux imaginations de sa cervelle
vide, et se croie
personnellement chargé de faire lever le soleil sur
l’humanité. Tous sont
appelés, Perceval, et non point toi
singulièrement ».
Le Graal demeurera éteint,
Perceval n’ayant pas osé prononcer la question
magique, par manque de
simplicité.
Perceval quitte à la fin du
dernier acte le château de
Montsalvage, frappé par les
révélations brutales d’Amfortas, mais
non écrasé.
Quittant le château, en hâte et
discrètement, il laisse derrière lui la
bataille la plus rude de sa vie. Cette fuite du jeune
chevalier,
peut-elle être interprétée comme un
échec, comme un nouveau naufrage, provoqué
par les charmes du Graal?
Il paraît être son
contraire, un triomphe sur le Graal,
pourtant discret et sans pathos, qui provoque
l’éruption des passions
incontrôlables, retirées sous le seuil de la
conscience maîtrisée.
Perceval vit devant nos yeux sa
maturation difficile et, en
acceptant ses limites, sa condition, il découvre en lui, non
plus un dieu, mais
rien moins qu’un homme.
L’enfant est mort pour
revivre en homme.
Voilà,
jeune
chevalier S., il en est de même ici. Les épreuves
proposées ne semblent des
victoires ou des défaites que dans un temps et un espace
mythique où tout est
symbole, et la voie que tu as choisie n’a pas, cependant,
aboutit dans un
royaume fermé.
La
quête
initiatique est une façon d'habiter le monde. C'est admettre
et vouloir
s'orienter, c'est vouloir sortir du chaos ; c'est faire un
pari
existentiel sur le sens contre l'absurde et c'est au cœur
d'une telle démarche
que se construit aussi la fraternité. L'initiation fonde la
fraternité. En
effet, c'est par la réalisation de la construction d'un
temple que se fait la
fraternité des compagnons et le compagnon lui-même.
C'est en
travaillant sur lui-même et par ses actes que le FM construit une
fraternité opérative qui le
relie à ses Fet S et qu'il peut,
à partir de là, poursuivre la construction de la
fraternité des hommes, où
chaque homme est un vecteur de la vérité
universelle. Les hommes sont
irréductibles dans leur singularité et
là il y a une égalité absolue en
dignité. C'est en affirmant cela que la FMaç affirme en
même temps que la personne est porteuse
d'universalité. Le FM est celui qui
est capable de reconnaître l'universalité en tout
autre. Pour un FM la
différence n'est pas revendiquée
pour elle-même (cela porterait en soi le risque d'une
barbarie sauvage) mais la
différence est, pour lui, les aspects
différenciés de l'universalité.
Ici, une loi
nous est donnée, pour renouveler en ce sens notre
liberté : c’est la
constitution de l’Ordre qui nous propose des
catégories de pensées pour nous
organiser en groupe, œuvrant aux progrès de
l'humanité.
Nous venons de
te reconnaître comme FM, mon bien aimé FN., mais
c’est dans le monde profane,
que tu seras un homme, un frère en humanité avec
tous les hommes, là où tu rencontreras
tous les autres dont l’humanité a besoin pour que
se lève l’aurore de la
lumière que tu appelles l’espoir.
Solange
Sudarskis
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