Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Jean
le Baptiste Discrètement
sur le calendrier profane, de façon lumineuse pour nous MM., les deux
saints
Jean ponctuent l’année aux solstices comme ils marquent l’orientation
spatiale
des grands édifices sacrés – immatériels comme notre temple intérieur,
ou
matériels comme une cathédrale. Avec
le Christ et la Vierge, Jean Baptiste est le
seul dont la tradition chrétienne fête la naissance et
la mort. Des
autres saints, on célèbre seulement la mort. Jean incarne
par son effacement devant La Lumière, cette réalité que nous aimons
nous
cacher : la mort est la condition même de la vie créée, de
l’existence
terrestre. Tôt
le 24 juin, jour où l’on fête la naissance de Jean le Baptiste, quand
le soleil
pointe à 23° au-dessus de l’orient, une flèche de lumière traverse
l’oculus
central du vitrail de la chapelle qui lui est dédiée dans la cathédrale
d’Amiens, pour pointer précisément au centre du labyrinthe. Le 29 août,
jour où
l’on célèbre sa mort, la flèche de lumière arrive aussi précisément,
mais de
l’occident. Cette précision dans l’art de bâtir le temple chrétien par
excellence qu’est la cathédrale, est l’exemple même du travail de
construction
de notre propre temple. Cette construction est rythmée par deux portes.
Jean,
Yann vient de janua qui signifie
porte. L’évangéliste transmet ce mot bref du Christ : « Je suis la porte »
JX9
Au
flanc nord de la cathédrale, le Baptiste est figuré au moins deux
douzaines de
fois : reliques dont celle de sa fasce, sculptures
en pied à l’extérieur comme à
l’intérieur, peintures, bas-reliefs et jusque dans l’oculus bleu nuit
de la
verrière. Tout est couleur sombre ou sable, autrement dit, de couleur
indistincte, indifférenciée, comme avant l’arrivée du soleil. Jean le
Baptiste
se tient au nord, face au midi, dans
l’attente de La Lumière. Jean est le cousin du Christ. Sa conception, annoncée par un ange, surprend ses parents qui avaient passé l’âge d’enfanter. Son père Zacharie, grand prêtre d’Israël, incrédule, en devient muet. Il entre dans le silence, tel un apprenti, pour 9 mois. Lorsque, après la naissance, on présente son enfant au Temple, Zacharie fait savoir qu’il le nomme Jean – qui signifie grâce – Il retrouve alors la parole et s’exclame : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ».« Benedictus qui venit in nomine Domini » Et
Jean disparaît.
Il ne réapparait
que pour baptiser Jésus. Il vint comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière afin que tous croient par lui. Il n’était pas la Lumière mais le témoin de la Lumière… Il proclame : Voici Celui dont j’ai dit : Lui qui vient après moi est passé devant moi Parce que avant moi Il était. » Jean
s’éclipse donc à nouveau et devient « une
voix qui crie dans le désert : rendez droits les chemins du
Seigneur »
J I.23 Rendre
droit se dit rectifier.
Tel est le travail
du rite écossais rectifié : rendre droit. Jean
vit au désert et se nourrit de sauterelles grillées. Qu’y trouver
d’autre que
des sauterelles ? Le désert est partout en Judée. Il suffit de
quitter les
rues du village pour trouver la pierraille aride. On sait donc où va
celui qui
sort du village : il part au désert. En tout temps, partir au
désert a
cette signification particulière de s’éloigner du quotidien, mettre une
distance entre les aléas du temps et soi, s’offrir un temps pour sa
spiritualité. Le désert est le lieu où comprendre sa soif.
Comme la Samaritaine
qui quitte son village pour puiser l’eau au puits de Jacob. En tout
village du
désert, il y a bien un puits. C’est donc une autre eau que désire cette
cherchante. Ainsi rencontre-t-elle le Christ qui lui offre l’eau qui
désaltère
pour toujours. De même nous nous retirons du monde deux soirées par
mois pour
laisser la Lumière travailler en nous. Ce lieu qui nous réunit est
notre
désert. Jean
vit avec les Esséniens, secte hébraïque érudite en marge de
la société juive. Faits et légendes composent la silhouette d’un homme
hors du
commun, paisible et sûr de ce qu’il a à faire. Voyez – au Musée Rodin -
comment
Rodin a sculpté la vigueur de l’ascète, la force essentielle,
l’indépendance
d’allure et de pensée de l’ultime prophète, le
dernier de ces hommes
inspirés qui annoncent la venue de la Lumière au peuple
élu errant, obstiné et malentendant. Autrement dit :
cherchant, persévérant et souffrant. Jean
Baptiste dérange les autorités politiques de son temps, aussi meurt-il
décapité
sur ordre d’Hérode Antipas. Pourtant
il parle peu, avec concision et justesse,
pour
s’effacer devant le Christ. Il parle peu mais confère le
don de la parole : d’abord à sa mère Elisabeth qui
reconnait en Marie sa cousine « la mère de son
Seigneur », à
Zacharie son père, et même au Christ qui ne s’exprime en miracles et
paraboles
qu’après avoir reçu par lui le baptême. La
Renaissance italienne représente Jean Baptiste enfant auprès de Jésus.
Léonard
de Vinci, grand initié, les peint jouant aux pieds de la
Vierge aux Rochers, façon de dire l’intimité de deux êtres
qui
se comprennent sans mots. Raphaël les peint jouant avec un
chardonneret, partageant la langue de l’oiseau.
Son emblème
est le coq qui chante pour annoncer la
lumière au lever du soleil. Le plus souvent, Jean est
représenté à l’âge
adulte, portant l’agneau crucifère - l’agnus
dei dont le sacrifice marque la fin de l’ère du bélier et
ouvre l’ère des
poissons, l’ère christique – et à demi vêtu d’une peau de bête. On retrouve cette tradition
vestimentaire dans le désert voisin
de l’Egypte ancienne. Lorsque le futur pharaon quittait sa demeure et
ses
jardins pour la cérémonie d’initiation, il partait au désert et
revenait ayant
tué le lion, véritablement ou symboliquement, vêtu de sa peau.
Régénéré, Pharaon
est dès lors représenté paré de la peau de bête, apanage d’initié…
Ainsi
recevons-nous notre tablier de peau blanche le jour de notre réception. Les
deux Jean sont l’initiateur et l’initié. Le baptême de Jean et
l’onction des
huiles saintes par Marie de Magdala sacrent Jésus que désormais on
appelle
Christ, l’Oint. De même, cette
onction sacre nos rois de France – et eux seuls – pendant plus d’un
millénaire.
Cette
tradition qui nous est transmise par des générations d’hommes
(hagiographes,
maçons…), cache –
et donc révèle à qui veut bien voir –
les deux femmes par qui le Christ réalise son œuvre. L’initiatrice,
Marie sa
mère, qui le porte, l’enfante et l’accompagne en Egypte se former.
L’initiée,
Marie de Magdala, qui lui donne l’onction (nous dirions l’initiation,
en notre
jargon maçonnique). &&& Au
cours du
cérémonial de Saint Jean,
la L. fête son patron par l'offrande du blé, symbole
de la vie matérielle, et celle du vin, symbole de la vie spirituelle. Au
solstice d’été,
la fête de Jean Baptiste magnifie la plus haute Lumière. Avec
Annick de Souzenelle,
nous constatons que la fête de Jean, celui qui baptise d’eau, est
célébrée au
moment où le feu du soleil extérieur, au plus haut de sa course,
commence à
décliner, alors que le Christ, soleil intérieur, commence à monter. Ce
jour où le soleil atteint le point le plus élevé du ciel, au midi
culminant de
l'année, est bien le début de notre travail de M. qui se fait de midi à
minuit
en L. de St Jean. Ce
jour symbolise pour nous la plénitude de l'œuvre du Grand Architecte de
l'Univers. Dans cette Lumière, le « tu
aimeras » transmis par Jean l’Evangéliste n’est plus une
injonction extérieure
mais une promesse, au plus intime de notre être : c’est
possible. Il
n'y a que Sa Lumière, tout le reste n'est que jeux d'ombres, à l'infini. Lentement,
jour après jour, la lumière croît jusqu’à ce jour de la St Jean, puis
elle
décline, aussi lentement, laissant place à la pensée intime, à la quête
intérieure,
au travail sur soi, au patient cheminement sur le grand labyrinthe de
notre vie
qui nous fait pérégriner vers notre centre, notre unité : il n'y a que
Sa
Lumière, tout le reste n'est que jeux d'ombres, à l'infini. © Emmanuelle Auger |
Publié dans l'EDIFICE avec l'aimable autorisation de l'auteur - Mai 2019 |
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