La
Corde
La corde, ce choix de sujet au 1er
degré
n’est pas
le fait du hasard, d’ailleurs
aucun de nos choix n’est le résultat du hasard, il
reflète toujours une part de
notre sensibilité, une résurgence de notre moi.
Apprentie,
je l’ai été et je le suis toujours, la
corde, quand on regarde les murs du
temple, court sous la plafond le long des murs du septentrion, de
l’orient et
du midi. Elle me paraissait à la fois décorative
et mystérieuse avec ses nœuds
et forcément attachante, liante mais, ouverte du
côté de la porte à l’occident
avec une houppe à ses extrémités comme
un nœud à un mouchoir en signe de
rappel, rappel de l’engagement de
l’initié de
l’intérieur vers l’extérieur.
La corde,
c’est d’abord un mur d'enceinte
qui délimite et sacralise l'espace du
temple
qu'il enserre.
La corde " noue
" le lieu habité par une puissance spirituelle, en nous
mettant dans une
situation d'extra-territorialité, pour échapper
à la corruption du monde
profane et à l'usure du temps. Ce mur d'enceinte
empêche les influences
néfastes de pénétrer, la
non-ingérence dans notre état dan
l’Etat, la corde
évite que les influences bénéfiques ne
se dispersent. On peut penser aux cordes
du ring de boxe, à la corde qui délimite un
jardin chinois ou à celle qui barre
l’accès d’un passage dangereux.
La
corde représente plus qu’un lieu, c’est
un tout, un univers. Les douze nœuds
qui la parcourent représenteraient les 12 signes du
zodiaques afin de
symboliser l’équilibre du monde et celui de la
loge.
Mais, la corde nouée symbolise toute forme de lien et elle
possède des vertus secrètes ou magiques.
La symbolique de la corde
se rattache à la création de la vie sur terre
avec le cordon ombilical qui en constitue l'archétype. Elle
figure
l'attachement et/ou le détachement (la vie et/ou la mort),
ce cordon vital nous
relie à la Terre-Mère nourricière
durant la période de gestation et sa rupture
signe la naissance à la lumière (avec un cri !).
En F.M. elle nous rappelle
notre détachement des métaux, notre mort et notre
renaissance.
Passée
autour du cou, la
corde symbolise le mariage, mais elle peut signifier notre pendaison !
(au
propre et au figuré !) La symbolique de la
pendaison est celle que l’on
retrouve dans les plus anciennes représentations du tarot,
c’est celle du pendu
suspendu par une corde par un pied ; il est le seul
à avoir la tête en
bas, comme une posture de yoga. La corde le prive de son corps et de la
possibilité matérielle d’agir, par
contre, l’inversion du corps par
l’irrigation du cerveau augmente les potentialités
mentales et spirituelles,
permettant à l’intellect d’avoir un
regard différent sur les choses et sur les
êtres.
La
lecture symbolique de la corde est que le pendu est
lié et relié à ses
pensées pour voir l’intérieur en
profondeur et
non plus seulement la surface superficielle . De surcroît, la
corde imprime une
parfaite verticalité de par l’attraction terrestre
entre le ciel et le centre
de la terre et donc favorise un juste équilibre de la
pensée. Elle représente
alors le moyen et le désir de l’ascension
intellectuelle au mépris du corps et
du temporel.
Cette
symbolique était déjà
répandue dans
l’Antiquité, la
télété
(l’accomplissement)
était un rituel d’initiation de la descente aux
enfers,
aux portes de la mort
dans un antre dont on remontait, attaché par une corde
à
un pied. Ainsi initié,
de retour parmi les vivants,on tranchait la corde en gardant la corde
nouée
autour de la cheville (ce qui est encore
d’actualité)
plusieurs mosaïques
grecques et romaines en font foi.
La corde
nouée, c’est aussi un cordeau,
une corde à treize nœuds et
douze espaces,
en plaçant le treizième nœud sur le
premier. C’est un outil appelé aussi corde
d’arpenteur, directement utilisé par la
maçonnerie opérative provenant de la
nuit des temps, connu et vénéré des
égyptiens. Tous les apprentis avec le
cordeau pouvaient tracer et mesurer sur la base d’une
même mesure et ce, sans
savoir ni lire, ni écrire. Ils apprenaient à
associer cet outil avec la
géométrie pythagoricienne pour construire un
angle droit sans équerre.
L’apprentie peut alors donner corps aux fondations du mur
à construire, en
tendant la corde entre des piquets pour faire une tranchée
droite, puis pour
aligner les pierres en élévation.
L’apprentie apprend du cordeau
l’infaillibilité d’un repère
fixe face à la matière et
l’impartialité de la
précision face aux limites et aux proportions. La corde lui
enseigne à formuler
sa pensée pour construire avec rigueur.
En
tant que femme FMaçonne, je ne résiste pas
à vous parler de la déesse
SESHAT « shafkhet »,
qui dans la mythologie égyptienne, était
une déesse de sagesse, de connaissance et
d’écriture, elle était la compagne et
l’assistante du dieu THOT qui était le scribe
sacré des Dieux et des Enfers.
SESHAT était la protectrice de tous les projets de
construction du pharaon,
elle avait pour attributs le maillet pour planter les piquets et la
corde
« pour tirer la corde » entre les
piquets et jeter les bases
du temple sur le sol en assurant l’alignement
du sacré et la précision des dimensions du plan.
C’est l’unique femme qui est
représentée en train
d’écrire, sachant lire et écrire et qui
avait la
responsabilité de l’enregistrement par
écrit des paroles du pharaon. Elle
figure dans le rituel funéraire sur la formule pour faire
revenir le mort dans
sa maison. Elle était habillée avec un peau de
léopard dont les taches
rappelaient les étoiles, symbole
d’éternité.
Enfin,
le cartouche contenant le nom du pharaon, est aussi une corde
terminée par un
nœud, textuellement la corde ainsi nouée veut dire
« tout ce que le soleil
entoure » donc la corde représentait une
protection du nom du pharaon dans
tout l’univers.
L’univers,
c’est le cercle sans fin de la mort et du renouveau de la
vie, des saisons, des
signes du zodiaques dont les étoiles sont reliées
par une corde imaginaire et
représentés dans un cercle.
L’éternité, le temps est
représenté par une courbe
fermée, une roue, un vitrail, une corde, un serpent qui se
mord la queue et qui
tue la notion de la mort parce qu’il n’y a plus de
commencement, ni de fin.
Ce
serpent–corde,
c’est l’ouroboros des alchimistes, (qui a
été d’ailleurs choisi comme
élément d’une médaille
d’une future loge de nos
sœurs) c’est à la fois le mouvement, la
continuité, l’éternel retour. Le
serpent-corde est aussi une base de l’enseignement
traditionnel hindou qui
explique « lorsque vous prenez une corde pour un
serpent, celui-ci
n’existe qu’en tant qu’idée
dans votre mental. Il se peut que cette idée vous
cause beaucoup d’inquiétude et que vous
dépensiez beaucoup d’énergie mentale
pour prendre une décision et agir… sur un fait
imaginaire et trompeur. Lorsque
vous voyez la corde, vous voyez le Soi
c’est-à-dire vous ne voyez plus le
mental, l’illusion, mais seulement le substrat, le SOI, la
corde : c’est
l’absolu, la simple réalité. Les
Romains disaient « le serpent n’engendre
point la corde » et un proverbe arabe dit
« celui qui a été mordu par
le serpent a peur de la corde »
Enfin,
le serpent mort dans la Flûte Enchantée de Mozart,
figure et représente à
l’extérieur le monstre intérieur du
héros Tamino qui va être initié. Ce
serpent
c’est la traduction maçonnique de la mort du
profane qui va se
transfigurer ; par la mort de ses passions humaines, il va
rentrer dans
l’univers sans fin de la corde… dans la
perpétuelle évolution, l’infini.
Cette
corde-serpent, vous la portez sur vous à chaque tenue,
chaque fois que vous
ceignez votre tablier à votre taille, vous vous attachez
avec le fermoir
façonné en huit de l’infini et
gravé de la corde-serpent pour entrer dans
l’ouroboros, c’est-à-dire dans un autre
temps, et pour tendre vers la
perfection dans un lieu clos. La corde est la
réalité ultime, le silence de la
conscience qui dissipe l’erreur et
révèle la vérité.
Le nœud en
lac d’amour
est-il ce « huit
couché » de
l’infini ? - pas vraiment, cette notion est
récente du XVIIe siècle
dénommée par un mathématicien anglais
John Wallis. En fait, le lac d’amour est
un nœud simple sur une boucle, décrit et
défini dés le Moyen Age comme un
cordon entrelacé circulairement, dont les bords traversant
les centres,
ressortent l’un à dextre et l’autre
à senestre ; c’est un nœud
desserré et
stylisé d’une corde qui, lorsqu’on la
tire des deux côtés à la fois devient
de
plus en plus serrée et indénouable. Le lacs
d'amour, ou lacet, est au
Moyen-Age, de même que les deux mains entrelacées
que l'on voit souvent en
héraldique, le symbole d'une amitié indissoluble,
de la foi jurée par les
chevaliers. Il était porté aussi sur
l’écu des femmes nobles veuves en signe
d’indissolubilité de leur mariage avec
l’époux perdu. Ce nœud est un symbole
d’unité éternelle.
Ce
nœud appelé aussi nœud de huit est un
nœud
d’arrêt, résistant, c’est le
nœud du
baudrier du 1er de cordée en
alpinisme ou du spéléologue, c’est un
nœud sûr, facile à vérifier.
L’idée de la cordée souligne le lien
entre les
membres de la loge, le symbole de la solidarité pour aller
de l’avant dans
notre engagement, sans qui rien ne serait possible et
l’expression du serment
fraternel qui nous relie les unes aux autres.
La symbolique maçonnique a
fait de ce noeud
le symbole de l'union entre tous les Maçons. Ces entrelacs
sur la corde à
noeuds symbolisent la chaîne d'union,
dégantées, mots murmurés, les lacs
d’amour et la chaîne d’union
représentent la
puissante fraternité des bâtisseurs.
L’apprentie y reçoit la
révélation de ce
message impliquant les notions de partage, de loyauté et de
fidélité de façon
tout à fait intuitive ; la chaîne
d’union est propice à la création de
l’énergie, à un fluide qui court du
plus faible maillon au plus fort, et comme
la corde aux lacs d’amour, les Sœurs toutes
égales se donnent la main pour
former le cercle, symbole d’unité et de force.
La
corde
est l’image de la fraternité comme les
scientifiques l’ont découverte et comme
les alchimistes l’avaient imaginé, dans tous les
brins de la corde torsadée
entrelacés de la double hélice de l’ADN.
En
poursuivant leurs recherches, certains
biologistes décrivent
l'ADN comme une "forme ancienne et élevée de
biotechnologie", qui
contient, à volume égal, "jusqu'à cent
mille milliards de fois plus
d'information que nos puces informatiques les plus
sophistiquées".
Est-ce bien une
science ?- cette
corde si miniaturisée, créatrice de vie, est-
elle la source de
l’être physique ?
–
et / ou spirituel ?
J’ai
dit.
Pierrette
DUR :. |