GLDF | Loge : NC | Date : NC |
la Sagesse Sophia en grecque, Sapientia en latin, Hochma en hébreu, Hickma en arabe, le terme "philosophe " signifie "l’ami de la sagesse ". Elle est un point central de notre recherche, elle aussi est au cœur de la philosophie dont toutes les écoles ont traité. Nous n’essayerons pas de faire une énumération des différentes voies de sagesse imaginées par les philosophes mais nous essaierons de reconnaître ce que nous, francs-maçons voulons en fait exprimer par ce terme. Il y a en effet UN SENS derrière les repères du rituel que nous pratiquons, derrière les symboles que nous percevons, et derrière les paroles que nous exprimons. Il vaudrait mieux dire qu’il y a DES SENS car nous fixons pour principe de notre recherche · la liberté du sens, · la liberté dans la lecture du mot, · la liberté dans la conception du terme, · la liberté enfin dans l’imaginaire de chacun d’entre nous. Ce n’est qu’à ces conditions que la formule " REUNIR CE QUI EST EPARS " pourra valablement signifier notre étroite union dans la diversité de nos opinions. L’un de nos maîtres, Oswald Wirth a dit : " La vocation initiatique se rencontre parmi ces vagabonds spirituels qui errent dans la nuit, après avoir déserte leur école ou leur église, faute d’y trouver leur vraie Lumière. " Nous recherchons une pensée de vérité, de liberté absolue par rapport à tout système indiquant par avance où se trouve le vrai, le beau, le bien. Le maçon est appelé souvent un " cherchant " qui erre comme le dit Wirth, revendiquant dans le cosmos des idées, la Liberté de passer, la Liberté de parler, la Liberté de penser. Ajoutons aussi que l’on doit pouvoir revendiquer la liberté de se tromper. La Sagesse, peut revêtir des significations différentes, allant de conceptions simples et limitées vers une aspiration de comportement global en accord avec une certaine idée de pensée juste, tout le problème résidera alors dans le fait de savoir ce qu’est une pensée juste ! La Sagesse est tout d’abord utilisée dans le sens de " Savoir " ou " Connaissance " ; On parle des Sages de l’Antiquité, des sages de la Bible, des sages du Talmud c’est à dire de ceux qui, après la destruction du second Temple de Jérusalem ont compilé la loi orale et qui ont par la suite érigé une masse considérable de commentaires sur cette loi orale ayant à cette occasion mis au point un système de pensée et de réflexion, par le jeu de la question – réponse. Nous reviendrons plus loin sur ce système de raisonnement. Nous rencontrons aussi les Sages de la Kabbale, et bien plus tard les sages de la science Cette Sagesse peut signifier aussi un comportement, il s’agit alors d’une Sagesse gestionnaire de la vie courante, politique ou religieuse, qui, à l’appui d’un corpus de règles, dictait, et dicte encore, des règles du bien-se-comporter dans la société. Cette sagesse naturelle des peuples était le fruit naturel d’une connaissance rationnelle du " bien " que véhiculait une forme de moralité ayant fait ses preuves. On connaît le proverbe "la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse". Un certain nombre d’ouvrages, sont d’ailleurs qualifiés de Livre de Sagesse, ou livres " Sapientiaux ", il s’agit essentiellement · Du livre de Job, qui glorifie la sagesse du croyant mis à l’épreuve par Dieu, sur la proposition de Satan, et qui, au travers des épreuves qu’il traverse, reste fidèle à son attachement à Dieu ; · Du livre des Proverbes rattaché au canon biblique ; · De l’Ecclésiaste que l’on attribue au roi Salomon. Ce dernier, au terme de son règne donne ses conclusions sur le monde tel qu’il le voit. " Vanité tout est vanité " dit-il, voulant exprimer que la diversité cache un éternel retour des choses. Certes il s’agit dans un certain sens, d’un ouvrage à caractère philosophique, mais c’est plutôt un recueil de pensées plutôt qu’un ouvrage menant vers une voie de réflexion applicable à chacun. Les premiers grecs qualifient la sagesse de VERTU pour la distinguer de la CONNAISSANCE. Il y a là un certain mouvement de la pensée qui ne s’apparente plus seulement à l’accumulation d’un savoir ou d’une prétendue connaissance, mais à un comportement vertueux, donc à un comportement allant vers le BIEN. Nous pouvons donc considérer que la sagesse serait une attitude qui ferait que le Sage, ayant accumulé un Savoir procéderait à une sorte de synthèse, y ajoutant une réflexion personnelle, il adopterait ainsi une attitude dite précisément de sagesse. Remarquons que si nous ne savons toujours pas ce qu’est intrinsèquement parlant une" attitude de sagesse ", nous discernons déjà qu’il s’agit d’une attitude assise sur un acquis, et se dirigeant vers une sorte d’idéal de comportement, c’est ce que semble vouloir indiquer l’invocation " que la sagesse préside à la construction de l’édifice " Le problème important réside dans le mode d’acquisition du savoir, lequel lorsqu’il sera confirmé deviendra une connaissance. Les Stoïciens considéraient que la Sagesse, dont la philosophie est l’exercice, se définit comme la science des choses divines et humaines. Une aspiration rationnelle à la Sagesse, au bonheur, à la vertu, ne se sépare pas d’une conception du monde et d’une technique de l’intelligence. Zénon, parmi eux, fut le premier à tenter d’unifier les domaines d’exercice de la raison, joignant étroitement l’ordre de la nature et la liberté du Sage. Dans leur morale, la troisième partie de leur philosophie, les Stoïciens étendent à la conduite humaine l’empire du Logos, qui règle nos pensées et régit l’Univers. Mais la question qui se pose, est de savoir si l’homme a encore quelque chose à faire dans un monde dont il est une partie et que gouverne un destin immuable. Le Stoïcisme passe pour être une philosophie de l’ACCEPTATION et de la RESIGNATION. La sagesse, pour les Stoïciens, n’est pas dans la rupture, mais dans l’accord avec la nature, qu’elle prolonge en l’accomplissant, comme si la nature donnait une lettre de recommandation à l’adresse de la Sagesse. L’équilibre de l’éthique stoïcienne, souvent tenue pour instable et problématique, repose sur le rapport de continuité et de discontinuité subtilement dosées, que traduit cette métaphore. Au point de départ est la tendance par laquelle tout vivant cherche à se conserver et à se développer, choses et actes ne sont que des occasions ou des moyens qu’il choisit ou rejette en fonction d’une fin qui le dépasse. Pour l’homme, animal raisonnable, la fin suprême est à la fois l’accord de soi avec soi, unification de la vie et de la personne sous la règle de la raison, et l’accord avec la nature universelle. Dans la vie de vertu, la raison investit la personne entière, la Passion dévoiement pathologique de la tendance, est une erreur de jugement et donc une maladie à extirper, non une force à canaliser. La vertu ou excellence, seul bien à rechercher pour lui-même, suffit au bonheur ; symétriquement, le seul mal absolu est le " vice ", la disposition pervertie de l’âme. Le maître stoïcien, n’est pas un professeur de philosophie (ni non plus un Maître Maçon suggérant une voie), mais un guide, un médecin, un directeur de conscience attentif à concilier la vocation singulière de son disciple avec les responsabilités que lui confère son insertion dans sa famille, sa patrie, dans l’humanité entière. J’ai été frappé, de découvrir un rituel du REAA pratiqué à la GLNF, qui contient une procédure dite du " tuilage ", qu’il faut comprendre comme se pratiquant différemment de ce que nous pratiquons, en ce sens qu’il s’agit d’un court protocole qui se prononce lorsqu’un frère arrive en retard, où lorsqu’un visiteur se présente en Loge : Le F\ est entre les Col\ , le V\ M\ à son plateau : Le VM : "D’où venez vous mon frère ? " Rep : " D’une Loge de Saint Jean ! " Le VM : " Que fait-on dans une Loge de Saint Jean ? " Rep : " On y tresse des couronnes pour la vertu, l’on y forge des chaînes Pour les vices " Le VM : " Que venez vous faire ici " ? Rep : " Vaincre mes passions, soumettre ma volonté à mes devoirs, et Faire de nouveaux progrès dans La FM " … etc. Socrate apporte une novation dans l’étude de la Sagesse il a cherché à distinguer le savoir vrai du savoir faux, ou du prétendu savoir. Dans le cadre de ses réflexions sur la nature même de la pensée, il s’était donné pour tâche essentielle de contester radicalement tout mode d’acquisition automatique et traditionnelle de la sagesse, dans les écoles de pensée. Cette vertu, disait- il, ne peut faire l’objet d’un enseignement facile, qui serait dispensé à tous les citoyens par une science assurée de ses méthodes ou de ses recettes. Rappelons que les principaux antagonistes de Socrate étaient les sophistes auxquels il s’opposait au cours de débats publiques. Maîtres de la parole aisée, éduqués dans les établissements classiques de l’Etat, agents du pouvoir en place Socrate se délectait à décomposer leurs arguments par une méthodologie rigoureuse et inquisitoire. Si la première phase de la sagesse dirons nous, c’est la phase qui nous permet d’acquérir la connaissance des choses, le plus important est de veiller à ce que nous contemplions les faits sous un éclairage qui ne les déforme pas. Au-delà d’une contemplation vraie ou fausse, nous savons qu’il n’existe pas UNE mais DES vérités. Ces vérités différentes apparaissent lorsque l’éclairage d’observation change ; l’un des éléments essentiels d’une perception juste est précisément la lumière comme le dira Socrate. C’est très curieusement ce que dira le V\ M\ à l’ouverture des travaux " Mes FF tournons-nous vers la Lumière " ! Remémorons-nous cette très fameuse allégorie de la Caverne, qui figure dans la république de Platon. a)L’image, description de l’allégorie Socrate imagine les hommes dirigeant une Cité, comme des prisonniers, assis dans une vaste caverne, dont un pan complet est ouvert et reçoit la lumière venant de l’extérieur ; Ces hommes sont enchaînés de telle sorte qu’il ne peuvent bouger la tête et sont obligés de fixer la paroi qui est devant eux. Sur cette paroi ils perçoivent des ombres figurant des objets. Devant la caverne, donc dans le dos des prisonniers, se trouve un long chemin qui mène vers une source lumineuse intense. Quelque part sur ce chemin, sur le trajet de la lumière vers la caverne, se trouve un petit mur, identique à celui utilisé par les marionnettistes pour se dissimuler du public. Au-dessus de ce muret, sont placés des objets divers, dont l’ombre se projette, sous l’effet de la lumière, sur le mur qui se trouve devant les hommes enchaînés dans la caverne. Un des hommes est libéré et conduit sur le chemin en direction de la source lumineuse qui est en fait le soleil, on lui montre les objets sur le muret lui expliquant que maintenant il voit des êtres réels alors qu’auparavant il ne voyait que leurs ombres. Mais sortant de la pénombre, Socrate explique qu’il faut à ses yeux le temps de s’adapter à la pleine lumière ( comment ne pas faire le parallèle avec nos apprentis, que l’on place à la colonne du Nord, pour précisément les protéger de la pleine lumière !). Le temps d’accoutumance passé, cet homme peut voir le soleil, et comprend "que ce soleil gouverne tout dans le monde visible " et qu’il est la cause, d’une certaine manière, de tout ce que lui-même et les autres voyaient dans la caverne. Constatant son changement il plaindra les autres, dans la caverne… Il s’aperçoit de l’illusion des honneurs et satisfecit que donnent les hommes dans la caverne à ceux d’entre eux qui auront distingué avec le plus de précisions les ombres sur le mur, il refuse d’y retourner. Mais si un tel homme redescend et se rassied à la même place, il aurait les yeux offusqués par l’obscurité en venant brusquement du soleil. S’il lui fallait à nouveau donner son jugement sur les ombres et rivaliser avec les "enchaînés ", pendant le temps de ré-accoutumance, sa vue serait trouble, on rirait de lui et on dirait qu’il est revenu les yeux gâtés et qu’il ne faut pas essayer de monter là haut, car on risque d’y perdre la vue. b) le 1er enseignement à tirer de cette allégorie est que le philosophe vrai est soumis à mouvement ascendant descendant, Il faut savoir monter et descendre entre les contemplations terrestres du monde et le monde sublime des idées transcendantes. A l’extrémité du monde intelligible se trouve l’idéalité, l’intelligence et la vérité. Socrate par la plume de Platon nous dit que l’homme passant des contemplations divines aux misérables visions humaines est maladroit devant les tribunaux ou ailleurs lorsqu’il s’agit d’entrer en dispute sur des ombres de justice avec ceux qui n’ont jamais vu la justice elle-même. c) 2eme enseignement : l’éducation ou la formation de l’homme sage : Pour Socrate il y a un organe qui sert à apprendre et cet organe se trouve dans l’âme de chacun. Cet organe doit, avec l’âme qui le contient être tourné de façon à pouvoir contempler la lumière, c’est à dire qu’il doit s’habituer à regarder là où il faut. Les vertus de l’âme dit-il, sont comme celles du corps, ce sont les exercices qui les développent. Et comment ne pas faire le rapprochement avec cette affirmation répandue qui dit que le maçon possède en lui les qualités au départ, il lui suffit de se construire de s’intérioriser pour dégager l’homme nouveau qui surgira de l’initiation, non pas celle d’un soir, mais celle sur le chemin de laquelle nous marchons tout au long de notre vie. Il faut élaguer l’âme dit-il, de ces masses de plomb apparentées au devenir, des excroissances que nourriture, plaisirs, délices ont greffés sur elle et qui tournent la vue de l’âme vers le bas. La sagesse, non plus celle qui gère simplement la vie courante, mais celle qui est visionnaire, qui regarde, qui cherche et qui entrevoit, c’est celle qui nous fera sortir de la caverne. C’est peut être pour cela que la Loge s’ouvre à midi, c’est l’heure de la lumière dans sa verticalité, c’est l’heure où l’homme voit sans ombre. Socrate est allé plus loin dans son raisonnement, estimant que l’homme dans sa perception des idées, peut être pris dans certains pièges de la pensée dite conceptuelle. La connaissance du monde selon lui, par le relais des idées est nécessairement pauvre et toute partielle, au lieu de plénière et glorieuse. En vérité le soleil véritable, celui qui resplendissait hors de la caverne, était déjà à ses yeux une lumière dont la valeur brillait "au-delà des idées ". De même toute parole, à partir du moment où elle est cherche à exprimer l’idée, limite la portée de l’idée elle-même. Le langage commun, le concept et les principes nous emprisonnent dans des systèmes qui veulent rattacher aux choses du monde une certaine signification qui peut être fausse. La raison est piégée et mélange le monde réel avec des signifiants magiques qu’elle projette sur lui par le relais du langage et elle produit ce que l’on appelle de l’ignorance en forme de savoir. Le sage est celui qui discernera la confusion que fait le cerveau ordinaire entre les faits et leur prétendu sens. Francis Bacon (16eme-17eme) découvre que l’inconscient de la raison est la proie de ce qu’il appelle les idoles du langage, cette découverte est une arme pour la sagesse visionnaire : Il dénombre quatre types d’idoles : è les idoles dites de la tribu : Elles sont communes au genre humain entier ; par exemple l’esprit humain suppose toujours plus d’ordre dans les choses qu’il n’y en a en réalité ; è les idoles dites de la caverne, celles ci sont au contraire individuelles, ce sont les particularités intellectuelles de chacun ; è les idoles dites de la place publique, qui sont liées au langage, lui-même tributaire des représentations publiques ; è les idoles du théâtre, qui sont des illusions constituées par les artifices de présentation, on a le grand tort de mettre en forme le savoir, de sorte qu’il paraisse plus complet ou plus solide qu’il n’est. La systématicité est toujours fallacieuse ; il vaut mieux présenter le résultat de ses travaux en aphorismes ou en fragments. Il y a eu d’autres penseurs qui ont témoigné de cette sagesse visionnaire en regardant au-delà des idoles : Erasme au 15eme s. qui ose dénoncer les princes de l’Eglise enveloppés dans leurs fausses parole ; il y a Bouddha dont il est dit que le sourire est celui de la sagesse la plus profonde, il y a Nietzsche, il y a le Tao Te King avec le fabuleux principe du Ying et du Yang. Il ne peut donc y avoir de sagesse, au sens ou nous l’entendons, que celle qui se réclame d’une autonomie la plus absolue. L’homme qui cherche la sagesse devrait être le même que celui qui cherche l’initiation, il doit en permanence observer, juger, critiquer, observer toute doctrine et particulièrement celles qui se fixent pour vocation d’enseigner une prétendue sagesse. L’entendement visionnaire est celui qui voit au-delà, celui qui tout simplement cherche la vraie Lumière. Dernièrement le Grand Maître de la GLF disait au cours d’une conférence, que la maçonnerie n’a rien à apporter au plan didactique, mais qu’elle se propose simplement d’amener à l’homme à se construite à partir des matériaux qu’il a en lui. Se construire cela veut dire être un "cherchant ", le maçon doit rester libre dans sa recherche mais cela ne suffit pas. La sagesse doit l‘aider à trouver une volonté d’investigation ainsi qu’une voie qui l’amènera à découvrir les questions à se poser. La sagesse n’est pas seulement un parapet qui protège, elle est aussi une force qui construit. Les kabbalistes ont imaginé que le monde se crée au moyen de dix voies émanant de l’absolu, de l’inconnaissable. Ces dix voies s’appellent les dix SEPHIROT, ce sont dix niveaux d’émanation qui traversent successivement 4 Mondes (monde de l 'Emanation, de la création, de la formation et de l’action). La Sagesse s’est vue attribuée la deuxième Sephira, elle se situe immédiatement après la Couronne qui est la première manifestation intelligible de l’Ein Sof (le sans fin)dans le monde de l’Emanation. Pour saisir cette séphira Sagesse dans toute sa dimension, il faut la situer plus précisément. Dans le Zohar qui est l’ouvrage central de la kabbale, la Couronne ( Kéther) désigne le gouvernement, la direction matérielle de l’univers, elle est la première manifestation du Ein Sof qui cherche à se révéler. C’est l’ensemble du tout, elle enveloppe toute chose d’une manière indistincte, elle n’a rien de limité ni de fini, elle ne se distingue pas de l'Ein Sof (l’infini) ni du Ayin ( le néant). Mais paradoxalement elle se distingue quand même dans une certaine mesure de l’Ein Sof car elle est quelque chose de plus positif, c’est l’infini qui tend vers le fini. Elle est aussi quelque chose de plus que le néant (Ayin) car elle est le Néant qui tend vers l’Etre, elle est comme une première apparition, philosophiquement parlant, de la substance première. Cette substance première est appelée dans le Zohar le " point initial " analogue au point des mathématiciens, les kabbalistes lui affectent la lettre Yod qui est aussi la première lettre du tétragramme, donc la première lettre du premier des noms de Dieu. De cette couronne naissent deux principes nouveaux : La Sagesse ( Hochma) et l'Intelligence ( Binah). Avec la Sagesse et l’Intelligence, dit le Zohar, commence le développement des choses, il les appelle quelquefois " père " et " mère " parce qu’avec elles commence en quelque sorte la série des enfantements. Seulement, entre ces contraires, il faut un principe médiateur ou, comme dit le Zohar, " un fils à la fois semblable au père et à la mère ", or ce principe médiateur n’est autre chose que la Science ou la Connaissance. Cette Science/Connaissance n’implique pas une séphira nouvelle, elle résulte de l’Union de ces deux Séphirot inséparables dont l’Union procède à l’enfantement des choses. La Sagesse ici semble être ce que nous appelons l’idée. " Au sortir de la Couronne, qui est tout et rien, il se fait un premier groupement organique : l’idée se sépare du reste et se constitue. L’être réel implique l’existence préalable d’un être idéal dont il n’est que le reflet, l’existence d’un prototype intelligible, d’une idée (et l’on sent l’influence de Platon). La pensée ou l’idée est le principe de tout. De la sorte, la Séphira Sagesse, quoiqu’elle ne soit qu’une idée obscure, représente cette conception générale de l’idée. Il faut qu’elle se dégrade en une idée plus accessible, quelque chose comme la pensée extériorisée, et c’est ce qu’entend le Zohar par l'Intelligence. La Science/ Connaissance n’est qu’un lien entre l’idée inaccessible et l’idée accessible. En d’autres termes, la Sagesse est la pensée, l'Intelligence la pensée parlée, et la Science/ Connaissance est la voix ou parole qui relie l’une à l’autre. Un kabbaliste fameux du 16eme siècle Moise Cordovero voit dans cette union de trois Séphirot la doctrine de "l’identité entre le sujet qui connaît, la connaissance et l’objet connu ", cette doctrine remonte en fait à Aristote. Cette Sagesse se retrouve aussi chez les grands commentateurs du Talmud. Ils rejoignent cette idée que la sagesse EST l’identité qui connaît en disant qu’elle est la capacité à être ouvert à la parole de l’autre, c’est la dimension de l’écoute et de l’ouverture. C ‘est l’humilité d’un esprit encore en attente d’apprendre, c’est le refus du dogmatisme. Elle ouvre au lieu de fermer, elle interroge au lieu de prouver, elle exprime une question au lieu de vouloir posséder une réponse. Cette Sagesse devient donc maintenant une vertu, qui du savoir libre est allé vers la connaissance, elle nous oblige maintenant à aller plus avant. Que signifie aller plus avant ? : c’est non seulement le fait de découvrir, d’apprendre, d’intérioriser ce qui se porte à nous, mais bien au-delà nous devons chercher, c’est à dire nous interroger et trouver nous-mêmes les questions dignes d’être posées. Si la maçonnerie doit se fixer pour tâche de permettre à l’homme de se construire, de se faire, de s’édifier, cet homme qui sait posséder en lui les qualités nécessaires, doit cependant faire l’effort de recherche, de recherche sur lui-même pour se transcender. Le processus commence dans le cabinet de réflexion, VITRIOL y trouve-t-on ou bien encore "connais-toi toi-même ". Tout ceci indique le sens d’une recherche active et qui dit recherche dit questionnement. Celui qui n’a pas de questions à poser, à se poser, ne cherche plus, il a définitivement accepté les vérités toutes faites, les dogmes. Le philosophe dit " je pense donc je suis ", le sage dirait plutôt " je questionne, donc j’existe ". La maçonnerie n’est-elle pas précisément ce lieu, où des hommes se réunissent pour questionner. Les réponses n’ont pas de valeur en soi, car la liberté de penser veut qu’elles soient toutes des vérités relatives, rien n’étant jamais définitivement pensé ni définitivement dit. Les réponses ont une importance secondaire, ce sont les questions qui sont les plus importantes. Le débat maçonnique doit faire que tout sens doit donner naissance à un sens nouveau et ainsi de suite, nous sommes plus près de la tradition des Talmudistes que de celle des philosophes, et en tout état de cause, pour conserver intacte notre tradition nous ne devons ignorer ni les uns ni les autres. Vitriol ou Connais-toi toi-même, c’est une invite non seulement au questionnement mais qui plus est à un étonnement. Il ne s’agit pas d’être étonné mais de s’efforcer à s’étonner. Il s’agit d’une attitude délibérée, volontaire, totalement active et créative à la fois ; l’origine de cet étonnement ne se trouve pas dans le monde mais dans l’homme lui-même. ". Cet étonnement doit porter sur tout ce qui nous entoure, temps, espace, choses, semblables et sur nous-mêmes. Le questionnement ne vise pas l’inconnu, l’éloigné, le difficilement accessible, mais le "proche " et le "prochain ", tout ce qui est à proximité et qui nous touche de près. Heidegger dit "parce que ce que nous rencontrons "tout d’abord ", ce n’est pas le proche mais toujours l’habituel. Or l’habituel possède en propre cet effrayant pouvoir de nous déshabituer d’habiter dans l’essentiel et souvent de façon si décisive qu’il ne nous laisse plus jamais parvenir à y habiter ". Cette habitude s’apparente aux dangers d’un certain type de traditions. L’homme dans le monde se meut toujours sur le sol d’une traditionalité non analysée et depuis longtemps impénétrable, il ne la saisit que plus ou moins explicitement. Cette tradition décharge l’homme du souci de conduire lui-même sa vie, de se poser les questions fondamentales et radicales et de faire des choix décisifs. La tradition qui impose aussi sa suprématie, loin de rendre accessible ce qu’elle transmet, contribue au contraire le plus souvent à le recouvrir. Elle dégrade son contenu en évidences et barre l’accès aux sources originelles où les catégories et les concepts traditionnels furent très certainement posés à l’origine. Travailler avec la méthode initiatique en respectant la tradition qui est la notre en maçonnerie, perdrait de sa valeur si nous ne nous attachions pas en permanence à retrouver et à conserver vivant dans l’esprit, les origines et les raisons de nos traditions. Elles ont des sources dont nous ne pouvons conserver les valeurs et les significations, que si nous cherchons en permanence à les retrouver, à les interpréter et à les expliquer. Profitons de cette occasion, pour souligner que notre Rite Ecossais Ancien et Accepté, est l’un des plus anciens et plus riches que la maçonnerie (quelles que soient les Obédiences qui le pratiquent) connaisse. Ce rite en 33 degrés, représente une exploration profonde de la pensée, les textes des rituels sont porteurs d’une infinité d’allusions, de poteaux indicateurs, de flèches signalétiques. Quel que soit le nombre de ces indications, si l’on se donne la peine de lire le rituel du 1er degré, sur et entre les lignes, on peut dire que dès le 1er grade, tout est dit, ou presque. Si l’on se contente de le suivre ou simplement de l’écouter, ce rituel peut sembler être une gestuelle lancinante et répétitive, si par contre on l’approfondit et on le pense, on s’aperçoit des richesses dont il est porteur, et ce n’est qu’en étant conscient du contenu que l’on peut profiter du message qu’il contient. Cette Sagesse par exemple, que nous évoquons ici, est indiquée en plusieurs endroits de notre rituel, elle est de surcroît l’un des fondements de nos travaux. Cependant, volontairement elle n’est que suggérée, c ‘est le propre de la méthode qui n’indique jamais un chemin, mais simplement une possibilité de recherche, et c’est précisément par le simple fait de rechercher que l’homme se construit. HOKHMA en hébreux avons nous dit ! Les kabbalistes avaient entre autres spécialités, celle de jouer sur les mots, soit en leur attachant des valeurs ( science appelée Guematria) soit en les triturant de différentes façon pour leur faire produire des sens cachés. Le mot HOKHMA, coupé en deux syllabes et la première étant inversée, a donné lieu à une expression qui est KOAKH-MA, ce qui se traduit par "la force du quoi ", ou la force du questionnement. Par cette force l’homme va pouvoir se libérer de l’emprise de certaines habitudes et de certaines pensées, convictions, théories reçues sans vérification, opinions, préjugés décisions toutes faites qui décrètent ce que sont le Monde, les Choses, les Personnes, la Connaissance etc. Questionner, s’interroger, trouver les origines, les explications des traditions, c’est en quelque sorte réactiver le SENS, c’est aller à la recherche des sens perdus, ce que nous appelons " LA PAROLE PERDUE ". A côté de l’école, ou des écoles de la Kabbale, a existé en Palestine et à Babylone, une autre école de sagesse, celle du Talmud. Les rabbins, initiateurs de cette tendance ont travaillé indépendamment des kabbalistes sur la pensée. Ils ont commencé par codifier la loi orale puis ont construit un recueil monumental, des commentaires de cette loi orale, recueil appelé la Guémara. Un questionnement tout aussi intéressant est né dans cette école, mais cette fois ci il ne s’agit plus du tout de questionner pour remonter le sens des choses, mais au contraire d’aller plus avant. Cela signifie qu’à chaque prédicat énoncé, à chaque affirmation, suit une question qui entraîne une réponse qui va changer le sens premier. Chaque affirmation est dépassée par la suivante, c’est l’éclatement littéral du sens, c’est la transcendance de la pensée à l’état pur. On ne remonte donc plus vers l’origine, mais on tente de progresser et de découvrir sans cesse de nouvelles significations aux énoncés contenus dans la compilation écrite de la loi orale. Notons ici une originalité toute particulière de la langue hébraïque, qui s’écrit au moyen de consonnes, les voyelles ne figurent pas dans les textes. A un mot donné peuvent correspondre des sens différents pour autant que l’on change, ou intervertisse les voyelles. La transmission du sens ne va donc plus uniquement de l’auteur vers le lecteur, le lecteur devient actif car il peut comprendre ce qu’il lit de différentes façons, il participe au sens du mot que lui transmet l’auteur : il construit. Au terme de ce travail on peut donc dire que le sens du mot Sagesse comporte un certain nombre de directions, dont l’ensemble va contribuer à fournir un éclairage, une compréhension, un approfondissement du sens, une compréhension diversifiée de ce sens et enfin une attitude de recherche ; attitude de recherche orientée à la fois vers l’origine et vers l’avenir. Il s’agit bien de quelque chose qui correspond à notre volonté de liberté absolue de penser, et de chercher. Je citerais pour terminer, un jeune philosophe théologien talmudiste Marc Alain Ouaknine qui dit : " L’homme n’est pas mais devient ; cela signifie qu’il se doit d’exister comme émergence de figures nouvelles, autres, du pensable et de l’agir ; qu’il existe dans son altération incessante. Cela est aussi valable sur le plan collectif. Une société qui n’engendrerait pas de nouvelles formes d’organisation signerait son propre arrêt de mort. " Refus des pensées déjà pensées, des paroles déjà parlées, acceptées, assimilées, inertes et mortes. Critique de la raison dogmatique. L’étonnant ne consiste pas à être étonné par l’étonnant. Une telle situation n’a rien d’étonnant. Le véritable étonnement consiste à s’étonner devant quelque chose qui n’a rien d’étonnant. " Rendre étonnant le paisible, le simple, le déjà compris, l’habituel voilà un chemin qui est véritablement celui de la découverte et de la progression vraie. La sagesse du maçon serait peut être cette aptitude à rester éveillé, lorsque le profane dort. A s’interroger toujours lorsque les autres sont surs d’avoir compris ! A questionner alors que les réponses existent. L’œuvre que nous devons poursuivre au dehors, ne consisterait - elle pas précisément à réveiller ceux qui dorment, bref à les rendre curieux ! J’ai dit S\ K\ |
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