Sagesse, Force et Beauté

J'ai l'honneur et le privilège de vous livrer ce soir mes pensées sur le triptyque (trigone, tripode, triangle) Sagesse, Force et Beauté.

Je dis Sagesse, Force et Beauté. Nous pourrions entendre Sagesse, Force, Beauté. Mais je dis bien Sagesse, Force et Beauté. Que soit entendu Sagesse, Force et Beauté. Car à l’image de la Loge, notre parole se doit d’être juste et parfaite.

Il est rituellement écrit Sagesse pour inventer, Force pour exécuter, Beauté pour orner. Je dis ici Sagesse pour inventer, Force et Beauté pour exécuter et orner.

Au grade d'apprenti, j'ai connu la lettre J\ première lettre du mot secret qui m'apprit que ma force est en Dieu. Or, je crois que Dieu est Sagesse, Dieu est amour. Je m'interroge dès à présent sur les liens, voir l'unicité de ces termes de Sagesse et Force.

Au grade de compagnon, j'ai trouvé la lettre B\ première lettre du mot réservé aux frères de cette colonne B qui intime la persévérance dans le Bien. Qu'est ce que le bien ? En quoi est-il en lien avec Sagesse, Force et Beauté ? Le bien est il le beau ? La persévérance n'est elle pas la Force d'endurer ? Qu'est ce que la persévérance dans le bien dite en une seule lettre, une seule colonne, la colonne B ? A ce grade, les contours des termes sembles moins nets, ou disons plus complexes...

Nos Loges sont soutenues par trois grands piliers qui se nomment : Sagesse, Force et Beauté.

Ces premiers questionnements posés, restons sur le titre et le terme de Sagesse, Force et Beauté qui sont dits ensemble. Sagesse, Force et Beauté sont représentés dans cette planche par trois mouvements initiatiques.

Accompagnés par notre maître de musique, ouvrons mes frères le premier mouvement !

Mouvement Premier (Musique Air ; Karleinz Stockhausen)

Le mouvement premier est Sagesse. Cherchons-la !

La parole dit : « Sagesse pour inventer ». Qu'est-il à inventer qui n'ait déjà été créé par le GADLU ? Le mot inventer, nous le savons revêt deux sens oxymoriques (qui au premier abord semblent se contredire). Il signifie tour à tour « créer » au sens d'innover mais aussi « trouver » comme le fait un chasseur de trésor. On dit l'inventeur d'un trésor lorsque celui-ci, chanceux, découvre dans son jardin des pièces d'or en plantant un laurier ou un olivier. On dit aussi l'inventeur d'une grotte, d'une caverne (celle de Platon), lorsque celui-là, moins chanceux que le précédent tomba dedans lors d'une promenade romantique avec son bien aimé...

L'instruction au grade de compagnon me donne une voie. J'ai en effet été reçu dans une Loge juste et parfaite. Il m'est dit qu'elle est couverte d'un dais d'azur parsemé d'étoiles, soutenu par trois grands piliers de forme triangulaire. Je les nomme Sagesse, Force et Beauté. Je les nomme ainsi car je cherche la Sagesse pour inventer, je veux la Force pour exécuter et me destine à la beauté qui orne.

Ce soir, et c'est mon bonheur du moment, nous sommes en Loge, assemblés. En Loge, dans l'espace sacré du pavé mosaïque sont posés les piliers, ils se nomment sagesse, force et beauté, et je m'interroge sur lequel est lequel. Il nous a été dit que les lumières de la Loge sont le Vénérable, le frère premier surveillant et le frère second surveillant. Le Vénérable trône dans la chaire du Roi Salomon dans la sagesse que lui confère le GADLU. Le premier surveillant relaye sa force avec l'aide des frères de la colonne du midi. Le second surveillant est garant de la beauté des pierres nouvelles qui pénètrent le chantier. Il est notable que chacun porte une lumière, celle des bougies. Le Vénérable trois sur le chandelier à trois branches, le premier une, le second une.

Nos trois piliers posés sur le pavé mosaïque sont surmontés chacun de lumière également. Dans le rituel d’apprenti ils sont dits « les trois grands chandeliers (1) ».

Par extension symbolique et rituélique : le vénérable nous donne la sagesse qu'il tient du GADLU ; le premier surveillant représente et agit sur la colonne du midi, où siègent les frères maîtres et compagnons, les forces vives de la Loge. Enfin le second, représente la colonne du Nord, est-il garant de la beauté des nouvelles pierres qui pénètre le chantier : les apprentis ?

Cela ne répond que partiellement à la question posée plus haut : « lequel est lequel ? » quel pilier représente quoi ? Pour tenter une réponse, j'ai observé puis étudié l'ordre d'allumage des feux surmontant le chandelier à trois branches du vénérable, des trois piliers sur le pavé mosaïque et des premier et second surveillants.

Illumination de la Loge [selon le rituel d’apprenti]

Autour du tableau on disposera les trois grands chandeliers triangulaires, la pointe vers l’Orient, aux angles Sud-Ouest, Nord-Est et Sud-Est. Au centre du chandelier on placera une chandelle :

• Sud-Ouest : le Soleil,
• Nord-Est : la Lune,
• Sud-Est : Me Maître de la Loge.

Le Vénérable allume le boutefeu à la veilleuse puis le chandelier à trois branches dans l’ordre :

- Soleil, à sa gauche,
- Lune, à sa droite,
- Maître de la Loge, au centre.

Lorsque cela est fait, le Premier Maître des Cérémonies reçoit le boutefeu des mains du Vénérable et va allumer successivement :

- la chandelle du Sud-Ouest,
- la chandelle du Nord-Est,
- la chandelle du Sud-Est,
- la chandelle du Premier Suveillant,
- la chandelle du Second Surveillant.

Le vénérable, puisant la flamme dans la bougie rouge (allumée préalablement à l'ouverture des travaux) allume sur le chandelier à trois branches la bougie du midi, puis celle du septentrion et enfin celle du sommet dans cet ordre. Ensuite, le premier maître de cérémonie prend la lumière du Vénérable pour allumer le pilier de l'occident, puis celui du septentrion, enfin celui du midi et dans cet ordre. Le premier maitre de cérémonie donne sa lumière au premier, puis au second surveillant. La lumière fait donc mouvement du vénérable vers le premier maître de cérémonie, puis vers le pilier occidental qui pourrait donc être Sagesse, puis vers le septentrional, qui serait Force et enfin vers le méridional qui serait dans cet ordre Beauté. Je suis néanmoins troublé par l'ordre d'allumage des candélabres, une incertitude demeure...

En donnant ainsi les noms aux trois piliers, vous l'avez noté, une rotation angulaire se produit : Sagesse est le Vénérable, qui siège à l'Orient, mais Sagesse est aussi à l'Occident dans un pilier. Force se retrouve au midi, par les frères maîtres et compagnons mais aussi au septentrion par l'un des piliers. Enfin, la Beauté est à la fois au septentrion par les frères apprentis et au midi par le troisième pilier. Il s'est donc produit une rotation angulaire dans ce mouvement. Les trois points qui tournent décrivent une forme géométrique nouvelle !

Lors de mon passage au grade de compagnon je fus troublé de parcourir la Loge dans le sens inverse de l'habitude (qui est le sens horaire), au cours des cinq voyages. Cela m'a enseigné que la quête de sens n'est pas une voie à sens unique.

Cela s'est produit dans le temps de ce premier mouvement. Nous avons avancé dans cette première quête de sens. Mais pendant ce même temps, la bougie du chandelier (sorte d'horloge de feu) se consume et descend pendant que l’œuvre avance et monte : voici un autre mouvement vertical à la manière d'un coffrage glissant.

Silence

Après ce premier mouvement et ce temps de pause, passons mes frères, au second mouvement !

Mouvement Second (Musique Eau), relaxation.

Le second mouvement est Force. Qu'il soit dit avec Force !

Il est la force que je trouve dans le travail assidu qui lui même me demande Force pour exécuter. Cette force est démultipliée par le levier sur lequel je m'appuie. Le levier ce sont mes frères qui me portent, comme ce soir dans l'exécution de la planche. La force se trouve dans un groupe uni. L'union des frères est une chaine, un lien, un liant, à l'image du joint entre les carreaux du pavé mosaïque, avec Force il nous tient ensemble. La somme des frères est inférieure à la puissance de la Loge (frères assemblés). La loge n'est pas qu'une somme de pierres, c'est un édifice puissant et stable il est de la force et il nous donne la force.

Dans sa dimension verticale, la Loge, le pavé, le tableau, sont ouverts sur le dais d’azur parsemé d’étoiles, soutenu par 3 grands piliers de forme triangulaire, nommés Sagesse, Force et Beauté. Sagesse, Force et Beauté sur la perpendiculaire, Sagesse, Force et Beauté de niveau, Sagesse, Force et Beauté les trois piliers qui s'élancent vers le dais d'azur, lui même parsemé d'étoiles tout aussi flamboyantes : mes frères à ce stade, ne sommes nous pas pris de vertige ? Quand nous réalisons cet infini qui nous clame dans toutes ses dimensions que tout est dans tout, que le tout n'est lui même, qu'une dimension d'un tout qui se répète encore et toujours, toujours et partout autant qu'en nous même, dans notre ascendance autant que dans notre descendance, et pour finir dans notre transcendance. Un tout, différent et semblable dans ses proportions et ses formes fractales. (2)

Sans attendre, et dans l'élan, voyageons à présent dans le 3ème mouvement !

Mouvement Troisième (Musique Feu ; les chariots de feu - Vangelis)

Le mouvement troisième est beauté. Pour vous mes frères, en cadeau, je le veux tel...

La beauté d'un frère nouveau, que je fus aussi, ni nu, ni vêtu, qui avait abandonné ses ornements métalliques à la porte du temple, il venait ici de toucher de sa main gauche à la richesse véritable : le travail assidu, patient et fort sur la pierre à tailler et son principe.

La beauté c'est l’Art que je ressens avec mon cœur d'abord. Permettez que je partage avec vous une grande œuvre qui m'inspire et me donnent Sagesse, Force et Beauté. Je l'ai découverte à Florence, alors que j'étais dans ma quatorzième année. Mes frères, je fus pris de vertige, pris par la puissance de l'Art. Et comme lors d'un coup de foudre avec l'être aimé, l'émotion submerge la raison, je ne pouvais à cette âge précoce, comprendre avec raison ce qui ce jouait entre l'Art et moi, entre cette œuvre et moi.

Le David de Michel Ange (personnage martial) :

L’adolescent qu’a sculpté Michel-Ange est un athlète puissant. Michel-Ange, a choisi de représenter David avant le combat, au moment où il défie le philistin géant, Goliath.

Lecture du Premier Livre de Samuel III, 1.16-18 (Bible – Ancien Testament)

Saül dit à ses serviteurs : « trouvez moi donc un homme qui joue bien de la musique et emmenez-le-moi ». L'un des serviteurs pris la parole : « j'ai vu un fils de Jessé, le Bethléémite : il sait jouer, et c'est un vaillant guerrier. Il parle avec discernement. C'est un bel homme et Yahvé est avec lui ». Ainsi, chaque fois que l'esprit de Dieu assaillait Saül, David prenait la cithare et il en jouait. C'était une détente pour Saül. Il allait mieux et le mauvais esprit s'écartait de lui.

David qui fut désigné pour combattre Goliath le Philistin.

Durant ce combat singulier et fameux pour son illustration martiale du rapport du fort au faible, le philistin (Goliath) tourna les yeux vers David et, lorsqu'il le vit, il le méprisa car il était jeune, il était roux, avec une belle apparence. Lorsque Goliath le philistin se dressa pour s'approcher toujours plus de David, celui-ci couru rapidement hors des lignes à sa rencontre. Il mit la main dans son sac, prit une pierre, la lança avec la fronde et atteignit le philistin au front ; la pierre s'enfonça dans son front et il tomba la face contre terre.

Ainsi David triompha du philistin avec la fronde et la pierre... ; il n'y avait pas d'épée dans la main de David. Il prit l'épée de Goliath, l'acheva et lui trancha la tête.

L'attitude du David de Michel Ange, un « contrapposto » nerveux (le poids du corps repose sur une seule jambe et la ligne des hanches fait opposition à celle des épaules), trahit une « violence contenue ». Il s'apprête à lancer avec sa fronde (dont la courroie passe au-dessus de son épaule et le long de son dos), la pierre qui va frapper au front son ennemi. La statue de Michel-Ange devint l'incarnation de la virtus fiorentina, la vertu républicaine florentine, alliance humaniste de force dans l'exécution du geste fatal, de beauté dans la représentation juvénile et gracieuse du personnage, de sagesse enfin, car l'on parle d'un esprit fin et lettré qui pris les armes et devint Roi d'Israël (3).

Pourquoi donc mes frères vous parler de sculpture ? C'est le sculpteur Alberto Giacometti qui donne une réponse : « la sculpture se situe sur le vide. C'est l'espace que l'on creuse pour construire l'objet, et ce dernier crée un espace ».

En avons-nous terminé ? Non pas. Jean dit « au commencement est la parole » mais y-a-t’il un terme ? Notre Maître de musique qui officie en cœur avec nous ce soir, nous dit un soir de tenue : « au commencement était le bruit, puis vint la parole et enfin la musique ». Est-ce à dire que la parole ici donnée soit osmose et qu'avec de la musique elle devienne, dans une alchimie vertueuse de nos âmes assemblées, de l'harmonie mes frères aimés ?!

- Pause

Au-delà de ces trois mouvements dits avec Sagesse, Force et Beauté, ne faut-il pas poursuivre notre quête, vers un terme ultime, une acception directe de ces trois points ? Existe-t'il un quatrième pilier ? Où est-il ? En moi ? Au centre, mais au centre de quoi ?

Si ce pilier est en moi, voici dans cette envolée finale, comment je le ressens et le vis tous les jours en moi-même et ce soir avec vous.

IV/ l'Envolée (Silence temporisé et/ou le Requiem de Mozard – Lacrymosa et/ou Sanctus)

Nous sommes dits en profane « frères trois points ». Trois points définissent un plan. Un appui sur trois points est parfait. Mais la terre est une sphère et le Dais d’Azur une voûte.

C'est Eratosthène qui Mesura le premier la circonférence de la Terre :

Ératosthène était un astronome, géographe, philosophe et mathématicien grec du IIIème siècle avant notre ère (4). Il est célèbre pour être le premier dont la méthode de mesure de la circonférence de la Terre soit connue (5). Ératosthène déduisit la circonférence de la Terre d'une manière purement géométrique (6). Il compara l'observation qu'il fit sur l'ombre de deux objets situés en deux lieux, Syène (aujourd'hui Assouan) et Alexandrie, situés sur le même méridien, le 21 juin (solstice d'été) au midi solaire local. C'est à ce moment précis de l'année que dans l'hémisphère nord le Soleil détient la plus haute position au-dessus de l'horizon. Or, dans une précédente observation, Ératosthène avait remarqué qu'il n'y avait aucune ombre dans un puits à Syène (ville située à peu près sur le tropique du Cancer) ; ainsi, à ce moment précis, le Soleil était à la verticale et sa lumière éclairait directement le fond du puits. Ératosthène remarqua cependant que le même jour à la même heure, un obélisque situé à Alexandrie formait une ombre ; le Soleil n'était donc plus à la verticale et l'obélisque avait une ombre décentrée. Ératosthène considérait (par approximation) parallèles les rayons lumineux du Soleil en tout point de la terre. Il en déduisit que l'angle entre les rayons solaires et la verticale était de 7,2 degrés. Ératosthène évalua ensuite la distance entre Syène et Alexandrie en faisant appel à un bématiste (7) (géomètre antique) qui se basa sur le temps en journées de marche de chameau entre les deux villes : la distance obtenue était de 5.000 stades, soit 787,5 km, mesure très proche de la réalité, un stade égyptien valant environ 157,5 m (8). Il calcula (9) que la circonférence de la Terre était de : 250.000 stades ce qui correspond à 39.375 km, mesure remarquablement précise pour l'époque (les mesures actuelles donnent 40.075,02 km) (10).

Les piliers, bijoux immobiles de la loges sont bâtît sur la perpendiculaire. La perpendiculaire est l'outil du second surveillant en loge, équipé d'un fil à plomb, il traduit dans sa tension, la force gravitationnelle, complémentaire du niveau, tenu par le premier surveillant. Le niveau dans sa construction opérative, comprend une perpendiculaire attaché à un bâtît, qui renvoie à l'horizontale. Mais qu'est ce que l'horizontale terrestre ? Je peux voir l'horizon en pleine mer, qui décrit un cercle autour de moi, l'océan n'est pas un plan... La perpendiculaire suit une ligne verticale gravitationnelle. Le niveau en décrit sa perpendiculaire. Les deux outils forment une équerre cosmogonique, équerre tenue par le Vénérable Maître. Nos piliers, sont donc battis sur la perpendiculaire donc, les piliers, en dessous du sol, convergent vers le centre de la terre, érigés vers le ciel, ils divergent. C'est bien cette observation qui permit à Eratosthène de calculer la circonférence, démontrant au passage que la terre était ronde, bien avant Copernic et Galilée.

Les grecs étaient d'un peuple très avancé dans la connaissance géométrique, astrologique et par conséquences maçonniques, dans l'architecture. Le Parthénon d'Athènes en est une illustration parfaite. Le Parthénon est l'édifice fameux situé sur l'Acropole d'Athènes. Le Parthénon était consacré à la déesse Athéna, protectrice de la cité et déesse de la guerre et de la sagesse. Il a été construit de -449 à -438 par l'architecte Ictinos et décoré par le sculpteur Phidias, à l'initiative de Périclès. Il ne nous étonnera point que Phidias ait donné son nom au nombre irrationnel φ (ou nombre d'Or), nombre de la juste et harmonique proportion (11).

Ce qui nous intéresse dans ce monument c'est le système de correction optique très précis qui permet de donner l'illusion d'une verticalité et d'une horizontalité parfaite alors que les stylobates (12) et les architraves (13) sont incurvés. De plus, les colonnes ne sont pas parallèles mais sont inclinées vers un point de fuite situé en hauteur (ce qui se voit d'autant plus que la colonne est loin du centre de l'édifice). Enfin, les colonnes elles-mêmes sont modifiées pour ces raisons optiques : les colonnes d'angles sont plus épaisses (car, se détachant sur le vide, elles sembleraient sinon trop minces) et elles sont, ce qui est très courant, légèrement renflées au tiers de la hauteur (l'œil ayant tendance à voir à cet endroit un étranglement).

Les piliers Sagesse, Force et Beauté, selon cette métaphore, s'éloignent, ou convergent, selon que je m'extériorise, ou selon que je suis en mon centre. Le centre de la terre, brulant, incandescent, n'est pas accessible au mortel que je suis, ce sont les flammes de l'enfer. Le rêve de vol, orgueil suprême de l'homme qui veut s'élever au rang des oiseaux tel Icare, se brûle les ailes et perd ses appuis sur ses trois piliers qui s'éloignent et se dérobent sous lui.

En architecture, qui est l'Art royal, il n'y a point d'Ordres connus sous les noms de Force, Sagesse et Beauté. C'est pourquoi nous leur donnons les noms des plus célèbres qui sont : l'Ionique, le Dorique et le Corinthien. Ces ordres correspondent par le calcul aux bases, perpendiculaires, diamètres, circonférences et carrés. Ces trois ordres sont en maçonnerie attribués aux trois piliers ou chandeliers comme nous le décrivons dans ce travail. Il convient d'y rapporter que le Vénérable Maître est associé à l'Ionique, le premier surveillant au Dorique et le second surveillant au Corinthien (14). Réjouissons-nous, car cela est bien conforme à ce qui a été vu au commencement de ce travail, dans sa fondation et sa base. Je dois à mon Maître de toujours en arrière vérifier la conformité de l'ouvrage, son alignement par équerre niveau et perpendiculaire.

Rendons-nous à présent dans le cabinet de réflexions :

Dans l'architecture préhistorique, protohistorique et antique, le mot « hypogée » désigne une construction souterraine, un caveau funéraire. Le lieu est austère, il est dans « l'ombre du soir » (15), et j'y viens dans ce moment du terme, ou du renouveau, c'est selon... Cette chambre est fermée aux rayons du jour, et éclairée d'une seule chandelle noire : les murs en sont noircis et chargés d'emblèmes funèbres, afin d'inspirer le recueillement, la tristesse et l'effroi (16).

Les éléments eau, bible, feu de bougie, lumière sont communs à la chambre des réflexions et à la Loge. A présent, je saurais y reconnaître mes trois piliers : Sagesse, Force et Beauté. La Sagesse, est dans Biblos, le Livre, le volume de la Loi sacrée. La Force est en moi, seul frère en ce lieu, je suis moi Compagnon « connecté » avec mes frères. Est posé sur table, le Caput Cranum la tête de mort qui représente la Beauté de cette ultime vérité, je suis mortel, il est mort. L'autre est le même ! Beauté d'une vérité lumineuse qui m'est donné par le candélabre noirci de suie. Observons-le de plus près. Nos bougies sont d'un diamètre de 30 mm, celui de la mèche est d'approximativement 1,5 mm. En Géométrie et vue d'en haut, elle m'apparait comme un cercle pointé. Elle porte des états différents et complémentaires, qui concourent à sa destination : émettre la lumière. La cire solide renferme la mèche. La mèche est d'étoupe torsadée. À son extrémité supérieure, elle flamboie. Se faisant, elle émet de la chaleur qui met la cire sous-jacente en fusion. Seule cette cire liquide remonte par capillarité la mèche, du bas vers le haut, pour alimenter la flamme en combustible. Le comburant est l'oxygène de l'air environnant. La flamme s'étire vers le haut, car la chaleur monte, elle tend donc à s'éloigner de ce qui la nourrie, sa base : la cire brulante. Au cours de la combustion, la cire solide diminue. Au sommet de la bougie, la cire reste solide sur le bord, la cire liquide formant un ménisque. Cette bordure, cet ourlet, retient la cire liquide qui sans lui coulerait. C'est que la partie extérieure de la bougie est au contact de l'air refroidissant et qu'elle est la plus éloignée de la mèche brulante. Le temps passe dans cette précaire tension : la flamme aspire à monter, alors que la bougie descend. Le temps s'écoule mon ouvrage avance. Solide, liquide, gazeux et énergétique, la bougie ne peut donner sa lumière sans être dans tous ces états simultanément. Air, Eau et Feu, sont les états des trois voyages de l'apprenti. Au grade de compagnon, la mèche est allumée, et je vois l'étoile flamboyante.

Trois éléments, quatre états, cinq voyages, dans le candélabre s'unifient Sagesse, Force et Beauté simultanément, dans une nécessaire tension, serait-ce celle du quatrième pilier ? La question restera en suspend, par crainte de voir la flamme se détacher de sa base et mourir, laissant place à quelques volutes de fumée, qui décriront à leurs tour le mouvement spiralé. Ce dernier, après la mort restera vivace et animera d'autres corps en mouvements : célestes, atomiques et humains.

S'il en est ainsi, l'œil, l'oreille, le nez, la langue, le corps et le mental qui se réalisent comme présence dans ce présent ne sont autres que le quatrième pilier. D'un bout à l'autre, celui-ci doit transparaître de lui-même en se dépouillant. C'est grâce à la réception et au maintien des quatre propositions en stance que son parcours est fermement assuré depuis le commencement jusqu'à son terme, et voilà les quatre fruits, des grenades ! A transparaître depuis le sommet et à transparaître depuis le fond, la substance dans sa totalité se réalise comme présence, et il n'y a pas un seul cheveu qui en échappe (17).

Ce sage, fort et beau frère que j'aspire à devenir, ces frères avec qui je suis uni par la condition, ces autres qui sont pour moi le même veulent « La sagesse dans ses mœurs, la force dans l'union entre frères, et la beauté dans leurs caractères ». (18)

Au terme, je l'ai dit, Il y a donc pour moi une incertitude qui demeure et j'aime pour la décrire cette métaphore du Chat, le chat de Scrödinger : Erwin Schrödinger (19) est un physicien et théoricien scientifique autrichien. En imaginant l'équation d'évolution de la fonction d'onde associée à l'état d'une particule, il a permis le développement de la mécanique quantique. Cette équation d'onde qui tient compte à la fois de la quantification et de l'énergie a été appelée par la suite équation de Schrödinger pour laquelle il a reçu, en commun avec Paul Dirac, le prix Nobel de physique de 1933. Il est également connu pour avoir soumis l'étonnante expérience de pensée, nommée plus tard Chat de Schrödinger, suite à une importante correspondance avec Albert Einstein en 1935. Dans cette expérience imaginaire, un chat est mis dans une boîte fermée avec un dispositif qui tue l'animal aussitôt qu'est détectée la désintégration d'un atome d'un corps radioactif. Si les probabilités indiquent qu'une désintégration a une chance sur deux d'avoir eu lieu au bout d'une minute, la mécanique quantique indique que, tant que l'observation n'en est pas faite, l'atome est simultanément dans deux états (intact/désintégré). Or, le mécanisme imaginé par Erwin Schrödinger lie l'état du chat (mort ou vivant) à l'état des particules radioactives, de sorte que le chat serait simultanément dans deux états (l'état mort et l'état vivant), jusqu'à ce que l'ouverture de la boîte (l'observation) déclenche le choix entre les deux états. Du coup, on ne peut absolument pas dire si le chat est mort ou non au bout d'une minute. La difficulté principale tient donc dans le fait que si l'on est généralement prêt à accepter ce genre de situation pour une particule, l'esprit refuse d'accepter facilement une situation qui semble aussi peu naturelle quand il s'agit d'un sujet plus familier comme un chat.

Il est un principe d'incertitude qui fonde mon métier, dans la recherche médicale, c'est l’« équipoise clinique ». Passons donc du principe d’incertitude à l’« équipoise clinique » : Le principe d’incertitude, dit équipoïse, est issu de l’éthique médicale. On postule que le médecin doit proposer, en toutes circonstances, le meilleur traitement possible. Si un médecin est persuadé de la supériorité d’un traitement par rapport à un autre, il n’a aucune raison de proposer au patient un tirage au sort entre ces deux traitements. Mais si les deux traitements lui apparaissent, a priori équivalents, le tirage au sort est une option acceptable vis-à-vis de ce patient de même que souhaitable pour l’ensemble de la communauté des patients. L’« équipoise clinique » dérive du principe du chat. Mais, ici, l’incertitude n’est pas définie à l’échelon individuel (le médecin) mais à l’échelon de la communauté médicale. Ainsi, lorsque la communauté médicale ne peut pas déterminer la meilleure option entre deux traitements, il est nécessaire d’envisager une étude clinique avec attribution au hasard du traitement afin de les comparer. Enfin, ce tirage au sort n’est acceptable que tant que l’incertitude demeure. Comment définir rigoureusement l’incertitude ? Quelle est l’importance de cette incertitude ? Qui est incertain ? Quand cesse l’incertitude ?

C'est ainsi, qu'au terme du terme, au moment dernier reste et resterons ces trois questionnements, qui sont autant de testaments philosophiques :

• que puis-je savoir ?
• que dois-je faire ?
• que m'est-il permis d'espérer ?

Ces trois questions qui se résument au fond en une seule : « qu'est-ce que l'homme ? ».

Dans le rituel au grade de compagnon du rite français une question-réponse retient mon attention : - Qu'apprennent les Maçons de Théorie ?
Réponse : - Une bonne morale qui sert à épurer nos mœurs et à nous rendre agréables à tous les hommes.

« Le spectacle de l'égalité humaine n'est visible guère plus de deux jours dans l'existence : celui de la naissance et celui de la mort. Rien ne ressemble plus à un nouveau-né qu'un autre nouveau-né ; rien ne ressemble plus à un moribond qu'un autre moribond. Mais entre les deux, c'est l'inégalité qui règne. Les différences quelles qu'elles soient, peuvent être à la source d'envie, de ressentiment voir de conflit » (20).

Ces questionnements sont aussi au cœur de notre projet républicain français, qui affiche trois points sur le frontispice de nos mairies, nos écoles et établissements publics : liberté, égalité, fraternité. J'ai bien dit en profane liberté, égalité, fraternité, non pas liberté, égalité et fraternité.

J’ai dit.

Y\ B\