Anarchie et
Economie de l’Inconscient
1. INTRODUCTION.
Figurez-vous, VM et vous tous mes SS et mes FF en vos grades et
qualités, qu'un jour matin, il y a à peu
près un an, je me suis réveillé la
tête remplie d'un événement de mon
passé, événement que j'avais
complètement oublié.
Ni anodin ni très important, il venait de remonter
à la surface de ma conscience, comme une bulle d'air
longtemps emprisonnée sous une pierre au fond d'un
étang.
Ainsi donc, mon cerveau détient des informations
pratiquement à mon insu. Un moteur indépendant
fonctionne en moi, en dehors de ma conscience et de mon état
de veille.
Si je pousse le raisonnement un tout petit peu plus loin, je puis
imaginer facilement qu'un autre moi-même agit et construit
les fondements d'une attitude ou d'un comportement qui seront les miens
sans que je n'intervienne.
J'ai évidemment pensé assez vite à la
mémoire et à ses méandres, mais cette
approche ne m'a pas satisfait puisqu'il s'agissait d'une circonstance
liée à une forme de rêve ou en tout cas
à un état de pré éveil.
C'est ainsi que j'en suis arrivé à l'inconscient
en tant que porte ou composante du psychisme de l'homme et au rabotage
de cette planche.
Dans un premier temps, je vous expliquerai le titre de la planche et
vous brosserai très rapidement l'origine de la
découverte de l'inconscient à l'époque
moderne.
Je vous parlerai ensuite de ce que la science nous dit de l'inconscient
ce qui me permettra de reprendre les notions historiques relatives
à l'inconscient que j'étendrai aux aspects
sociologiques
Après cela, je vous propose d'aborder la question de la
véritable guerre et des divergences entre philosophes et
tenants de l'existence de l'inconscient.
Il sera sans doute temps alors de conclure et de vous laisser
digérer ¾ d'heure d'audition de ma douce voix
mélodieuse.
Mais avant tout, je souhaite prendre deux précautions qui me
semblent capitales.
Pour une question de clarté et de concision, je tiens
à coller au plus près du concept d'inconscient.
Le point de départ historique de l'évocation et
de toutes les polémiques relatives à
l'inconscient se cristallise autour de cette personne
emblématique qu'est le docteur Sigmund FREUD.
Très rapidement, tant l'individu lui-même, son
origine ethnique et son appartenance à la culture
germanique, que ses théories ont été
critiquées, voire remises en question ou
contestées sur le fond.
J'ai délibérément choisi de ne pas
comparer les théories de M. FREUD avec celles de ses
élèves ou de ses détracteurs sur le
plan de la psychanalyse. Cela m'aurait mené trop loin par
rapport au sujet proprement dit.
Je parlerai de M. FREUD lui-même, et je vous dirai pourquoi
je le fais, mais j'éviterai d'évoquer le complexe
d'Œdipe et cette fameuse théorie relative au
meurtre du père et de la mère parce que ces
sujets sont galvaudés et qu'ils ne touchent pas
nécessairement à l'essentiel de mon propos.
Beaucoup parmi nous savent que l'approche de l'inconscient se fait
souvent par l'étude des troubles du comportement,
névroses et autres psychoses dont l'origine se trouve selon
les freudiens dans l'inconscient même.
Pour la même raison, les différentes maladies
mentales ne sont pas abordées ici non plus ou alors de
façon très superficielle.
Deuxièmement, vous me trouverez sans doute très
présomptueux de parler d'anarchie et d'économie
de l'inconscient.
En effet, je n'ai rien d'un anarchiste.
Même si la facette quelque peu romantique de la « Bande
à Bonnot » a alimenté mes
exaltations de jeunesse, il y a déjà bien
longtemps, j'ai appris depuis à
préférer les vieilles pétoires
rouillées à celles qui fonctionnent.
Je ne suis pas non plus un spécialiste de
l'économie, loin sans faut, même si, pour moi,
certains types d'économie représentent plus un
gage de liberté et de progrès pour l'homme que
d'autres.
Et enfin, l'inconscient porte selon moi beaucoup trop l'odeur de maints
psychologues que je rencontre dans mon métier, qui
professent de grandes théories avec une dose
d'irresponsabilité telle que je suis tout ébahi
quand je rencontre une exception.
Pour être rigoureuse, mon approche devrait être la
plus spécialisée possible, la plus scientifique
possible, or, je ne peux prétendre à rien de tout
cela.
Il faut pourtant une ouverture et la voici : personne, scientifiques,
philosophes et psychanalystes réunis je les
distingue les uns des autres puisqu'ils s'opposent souvent -, n'a
jamais pu fournir la moindre preuve de l'existence de la conscience et
donc de l'inconscient.
Partant, personne n'a jamais pu démontrer que conscience et
inconscient n'existaient pas.
Dès lors, la construction intellectuelle me paraît
envisageable, ce qui ne m'empêche pas de m'excuser par avance
auprès des spécialistes et des puristes pour
avoir osé m'aventurer dans un domaine ô combien
réservé, sur un territoire où le
médecin de famille, la marchande de produits de
beauté, le braconnier et le maître nageur ont des
avantages évidents sur moi.
2. Développement du titre.
Au sens large, l'anarchie se dit du désordre
résultant de la carence ou de l'absence
d'autorité.
En politique, l'anarchisme tend à supprimer l'Etat, avec un
« E » majuscule, à éliminer
de la société tout pouvoir disposant d'un droit
de contrainte sur l'individu.
L'économie est un art, celui de gérer
correctement et d'administrer les biens d'un particulier ou d'un Etat.
Quant à l'inconscient, il est symptomatique de voir ce terme
qualifier quelqu'un qui agit avec peu ou pas de réflexion
Au sens psychologique, l'inconscient est ce qui, dans le psychisme,
échappe totalement à la conscience même
quand le sujet cherche à le percevoir et à y
appliquer son attention.
Reprenons si vous le voulez bien ces différents concepts en
essayant de les développer.
A propos de l'ANARCHISME, c'est un certain Max STIRNER et surtout
Pierre-Joseph PROUDHON qui à la moitié du
19ème siècle lancèrent par leurs
écrits l'anarchisme ou courant libertaire.
Le drapeau noir de l'action politique anarchiste soutint les formules
telles que « Dieu, c'est le mal »
et « la propriété, c'est le
vol », affirmations avec lesquelles, si elles
n'étaient pas aussi outrancières, je
suis assez d'accord.
L'anarchiste veut la victoire rapide des travailleurs sur le capital :
pour cela, il refuse violemment les élections, car
« Voter, c'est abdiquer », et
il développe une opposition constante au système
parlementaire et à ceux qui y participent.
A l'époque, le rôle de cette minorité
anarchiste consiste à éveiller les masses par
l'action directe et la provocation, parfois par le terrorisme
(RAVACHOL) ou l'action politique (Louise MICHEL) puis à
laisser ces masses prendre en main leur destin, dans leur
spontanéité, par la grève
illimitée et l'autogestion.
L'idéologie libertaire, antiautoritaire et
antibureaucratique, se retrouve assez naturellement comme l'expression
d'une révolte violente lors de l'apparition de nouveaux
courants politiques et sociaux, prolétariens de la fin du
19ème et du début du 20ème
siècle, étudiants et ouvriers du printemps 68 aux
USA et en Europe.
A propos de l'ECONOMIE, il faut bien dire que ce sujet n'est
guère abordé en M, sauf dans ses aspects sociaux
et c'est bien de cela qu'il s'agit.
A l'époque actuelle, les concepts de croissance et
d'équilibre sont au centre des préoccupations
économiques en plus des divergences qui opposent les
successeurs de M. KEYNES (1886-1946) favorables à
l'intervention de l'Etat et ses opposants.
L'économie en tant que science représente une
nécessité pour toute
société, car celle-ci ne peut exister et se
perpétuer qu'en produisant, en distribuant, en
échangeant, en consommant des biens dont la
caractéristique principale est qu'ils ne sont pas
inépuisables et en accroissant les ressources disponibles.
Il s'agit donc d'une administration des biens rares au nombre desquels
se trouve le temps !
L'économie joint l'organisation à la bonne
utilisation ; l'idée de la gestion d'un ensemble fini
affleure donc bel et bien.
J'ajoute, au sujet de l'économie, et cela me
paraît important, que sa valeur et son utilité
peuvent se mesurer en fonction de son impact dans le plan
général d'une tâche ou d'une
œuvre.
Nous voyons donc que l'économie se rend utile aussi bien
dans un champ matériel que dans un champ mental.
A propos de l'inconscient, pour rester bref dans un premier temps, je
citerai M. FREUD
lui-même : « Tant chez les
êtres normaux que chez les malades, on observe souvent des
actes psychiques qui, pour être compris,
présupposent d'autres actes dont le conscient cependant ne
sait rien témoigner » in
Métapsychologie.
M. FREUD juge que la notion d'inconscient est indispensable si la
psychologie veut restituer au comportement sa cohérence et
sa signification.
Portée sur le terrain scientifique, envisagée par
les philosophes comme une remise en cause, notamment par les
cartésiens qui souscrivent sans condition à la
séparation entre spirituel et matériel,
l'étude de l'inconscient, que je développerai
bien sûr dans un moment, n'a cessé de
préoccuper l'être humain à divers
titres.
C'est au XIXe siècle que l'étude de l'hystérie
amène la neuropsychiatrie à postuler l'existence
d'un inconscient. Pierre Janet (1859-1947)
définit la notion d'automatisme psychologique, alors que
Jean Martin Charcot (1825-1893), en plongeant ses malades dans une
transe hypnotique, leur transmet des consignes auxquelles ils
obéissent, mais dont ils ne gardent pas le souvenir une fois
réveillés.
Sous l'influence de M. CHARCOT, Sigmund Freud (1856-1939),
séduit dans un premier temps par l'hypnose,
élabore sa théorie de l'inconscient.
Outre les phénomènes d'hystérie dont
il détermine que l'origine est sexuelle, il
étudie les rêves en tant que production
à thèmes de l'inconscient,
rêves dans lesquels transparaissent des désirs
refoulés. FREUD observe aussi que les lapsus ou les actes
manqués témoignent de l'intrusion de l'inconscient
dans les comportements anodins de la vie quotidienne.
Progressivement M. FREUD va concevoir l'inconscient
comme un champ de bataille dont les énergies sont d'ordre
sexuel.
La thérapeutique analytique qu'il emploie vise à
résoudre les conflits générateurs
potentiels de névroses.
Par la cure analytique, les pulsions inconscientes
deviennent conscientes ; ce qui permet au sujet de s'en
libérer.
Jacques Lacan (1901-1981) s'est à son tour penché
sur l'inconscient à la
lumière des découvertes de la linguistique.
M. LACAN estime que l'inconscient «
parle », qu'il exprime le discours de l'« Autre
» qui vit en nous de manière autonome.
Quant à Carl Gustav Jung (1875-1961),
il croit en l'existence d'un « inconscient
collectif » s'exprimant à travers les images
symboliques communes, quoique avec des variantes, à toute
l'humanité.
Anarchie, économie et inconscient ont en commun une
époque, celle de leur « naissance » et
le début de la nôtre.
Ces trois concepts se sont en effet fortement
développés à partir du milieu du
siècle dernier, agitant les penseurs de tout acabit, y
compris moi-même, comme vous l'avez compris.
[L'émergence d'idées qui semblent aller dans la
même direction, même si elles suscitent
débats et conflits, conduit à des
découvertes et à une remise en question des
principes soutenus dans le passé.
Notre époque et notre façon de voir semblent
souligner que :
« Partout et toujours il y a eu des gens pratiques
absorbés dans les faits…; partout et toujours il
y a eu des hommes de tempérament philosophique
absorbés dans les principes généraux.
C'est l'union d'un intérêt passionné
pour les petits détails avec une égale passion
pour la généralisation abstraite qui constitue la
nouveauté de notre société actuelle
» Whitehead, p. 379 in « Les Somnambules
» d'A. KOESTLER.] ???
Par ailleurs, je vais essayer de vous montrer comment l'inconscient,
s'il existe, se remplit d'une myriade de choses je ne sais
même pas si je peux les qualifier d'informations- myriade de
choses dont l'articulation ne semble exister en aucune
manière, répondant à une seule
propriété, celle de se relier au monde vivant
mais en tout cas, ne répondant à aucune
autorité.
Ce paquet anarchique, tellement secret, ne s'offre au comportement que
bribe par bribe de façon aussi opaque que le tableau
d'apprenti pour un profane, avec une incroyable mais heureuse et
subtile économie de moyens, enrichissant la conscience, pour
le mieux comme pour le pire, quand celle-ci tout à coup
s'appauvrit et succombe au désarroi.
3. L'INCONSCIENT, APPROCHE SCIENTIFIQUE.
Albert EINSTEIN (1879-1955) vient d'être
déclaré personnalité du
siècle par le magazine américain TIME.
Craignant que sa sépulture ne devienne un sujet de
curiosité, ses exécuteurs testamentaires
répandirent secrètement ses cendres. Cependant,
un médecin pathologiste avait auparavant retiré
le cerveau de la dépouille.
Ce n'est que récemment que des chercheurs canadiens
établirent que M. EINSTEIN possédait un lobe
pariétal inférieur d'une dimension inhabituelle,
plus grande que la moyenne, et des connexions plus courtes entre les
lobes frontal et temporal.
Il faut préciser que le lobe pariétal
inférieur est le centre de la réflexion
mathématique et de l'imagerie spatiale !
Restons aux USA pour souligner que la décennie
écoulée était placée sous
le signe de l'exploration du cerveau.
Les chercheurs ont notamment découvert que, contrairement
à une croyance vieille de 100 ans au moins, le cerveau (zone
du néocortex) adulte des mammifères
supérieurs, en ce compris, probablement, le cerveau de
l'être humain, est capable de fabriquer de nouveaux neurones.
Les expériences sur le cerveau de l'homme sont bien
sûr limitées par la question éthique de
la recherche sur un être humain, mais il a pu être
démontré, à partir de la formation du
cerveau chez le fœtus, que les cellules souches effectuent
une migration pour ériger les différentes couches
du cortex selon un processus identique à celui du
chimpanzé.
Cette véritable preuve par le macaque est une de celles qui
ont sans doute conduit des scientifiques de haut niveau,
neurobiologistes et spécialistes des sciences
cognitives, à affirmer que le problème
de l'âme et du corps serait bientôt
résolu.
Le cerveau étant un produit de l'évolution, la
théorie développée par les chercheurs
pose la question de savoir quel est l'avantage sélectif que
le cerveau procure.
Un premier avantage consiste à permettre la
représentation des différentes parties du corps
pour rétroagir avec elles.
Les découvertes relatives à la
spécialisation des zones du cerveau et des neurones
progressent très rapidement.
C'est ainsi qu'il a pu être déterminé
que le cortex de l'homme contient aussi des zones
spécialisées dans des fonctions qui lui sont
propres, comme celles de traduire la gamme des
représentations mentales primaires par des mots, ce qu'on
appelle le langage.
Dès lors, pourquoi la conscience de soi ne serait-elle pas
une forme de représentation rendue possible par les niveaux
successifs de représentation ?
L'avantage sélectif d'un être conscient de
lui-même, capable dans le même temps de se projeter
dans le temps et dans l'espace paraît évident.
D'ici 2050, il est à peu près certain, toujours
selon les scientifiques, que les progrès de la biologie
auront épuisé définitivement la
séparation traditionnelle entre la conscience et le corps.
Notons entre parenthèses que certains savants continuent
à donner à la conscience le nom d'âme.
Le philosophe cognitiviste Daniel DENNETT en est arrivé
à dire récemment que « La
conscience n'est qu'un phénomène physique de
plus, au même titre que le magnétisme ou la
photosynthèse ».
Nous pourrions donc désormais considérer que la
façon dont la matière vivante
génère la conscience de soi est un
problème scientifique (Antonio DAMASIO) et que les
expériences et les méthodes d'exploration
cérébrales finiront par livrer la clé
du plus vieux des problèmes philosophiques.
Pour quitter un mode quelque peu ironique, je pense qu'il faut se poser
la question de savoir si conscience et inconscient sont envisageables
sous un angle scientifique et si oui, de quelle façon.
La naissance de la science moderne, vers la fin du 16ème et
tout au long du 17ème siècle inaugure une
ère nouvelle.
Si au début de cette période la connaissance
continue à s'appuyer sur l'observation et la
réduction (?), par la suite, les progrès ont
été réalisés
essentiellement grâce à
l'expérimentation et à la mesure.
Peu à peu, l'existence d'écoles
différentes et parallèles, respectant chacune ses
doctrines et ses traditions propres qui, souvent, s'opposent entre
elles, évolue vers une institution scientifique apte
à englober tout le domaine du savoir et à
l'unifier : il existe une science, dont les différentes
branches sont constituées des sciences
particulières.
La médecine devient une branche de la science, la
psychiatrie une branche de la médecine et la
psychothérapie une application de la psychiatrie reposant
sur des découvertes scientifiques.
Le médecin et le psychiatre entrent dans les habits du
technicien et du spécialiste.
Ainsi, la science ne va plus reconnaître la
validité de schémas et de traitements
extrascientifiques ; la médecine « officielle
» exercera un mépris à
l'égard de toute médecine primitive et populaire
alors que cette dernière inclut les vestiges de la
médecine primitive et les premiers balbutiements de la
médecine « scientifique ».
« Le guérisseur joue son rôle
comme l'homme le plus irrationnel, selon un modèle
parfaitement irrationnel, tandis que le médecin moderne
rationalise même l'irrationnel ».
(ACKERKNECHT HDI p.81)
Si d'une part nous sommes d'accord de définir la conscience
comme le champ de la perception ou comme la totalité de la
vie psychique à un moment donné, il nous reste
d'autre moins facile d'envisager l'origine biologique de la conscience
et de l'inconscient.
Une des approches conduisant à l'existence d'un inconscient
passe par l'indication que les fonctions psychologiques se relient
à certaines fonctions du cerveau.
La preuve en est sans doute une première fois
donnée par l'utilisation de drogues et de
médicaments, ce qui tendrait à prouver que le
cerveau fonctionne sur une base de réactions chimiques et de
lois biologiques et physiques ?
C'est principalement l'étude de troubles comme
l'épilepsie et l'étude des réactions
psychiques dues à l'absorption de drogues ou de
médicaments comme je viens de le dire qui indique
l'existence d'une fonction chimique ou biologique du système
psychique.
Les expériences d'excitation électrique ou
chimique produisent par exemple des phénomènes de
réminiscence ou de reviviscence.
Aux portes scientifiques de l'inconscient, nous trouvons, outre
l'étude des phénomènes de
mémorisation, la neurobiologie et la pensée
naturaliste qui se penchent sur les problèmes conjoints de
la conscience, de la vie instinctive, affective et
émotionnelle, de la mémoire et de l'automatisme.
Les grandes lignes de la recherche en neurobiologie touchent
à :
L'étude physiologique des structures ou des
systèmes fonctionnels : le tronc
cérébral, le lobe limbique (?).
La microbiologie des neurones.
L'étude électrophysiologique du conditionnement.
La neurocybernétique par l'expérimentation sur
les animaux au moyen d'électrodes implantées dans
le cerveau.
Des interactions sont démontrées entre
système cortical et réticulé (?) et
fonctionnement psychologique.
Deux possibilités s'ouvrent donc :
1. chaque fait psychologique a un sens humain ;
2. il s'agit d'un phénomène biologique neuronal
ou d'une accumulation de substances chimiques.
Ainsi, la genèse de la conscience et de l'inconscient se
fonde-t-elle sur une base organique…et par
conséquent scientifiquement mesurable.
4. L'INCONSCIENT.
Cette partie centrale de la planche nous conduit dans un long couloir,
celui du temps général et du temps particulier.
Général par l'évocation d'une
aventure, celle de la préoccupation de l'homme pour le
psychisme.
Particulier parce que la tranche inconsciente de ce psychisme, si elle
existe, doit bien finir par se construire à un moment
donné dans la personnalité de l'individu.
Il importera ensuite d'approfondir les notions propres à
l'inconscient et d'enchaîner avec le dernier chapitre
d'aspect philosophique avant de conclure.
Laissons donc l'approche philosophique pour plus tard, et
attachons-nous à ce que nous connaissons de l'histoire des
préoccupations de l'homme à propos de son
psychisme et qui nous vient des travaux des ethnologues.
Les tentatives pour relier l'esprit et le corps nous reportent
à la nuit des temps notamment par le biais de l'approche
thérapeutique.
La psychothérapie primitive au moyen de drogues, d'onguents,
de massages, de régime et d'hypnose, le traitement par les
transes, les possessions somnambuliques et lucides, le festival des
rêves du peuple iroquois destiné à
l'assouvissement des frustrations, les guérisons
à caractère cérémoniel dans
les temples d'Asklepios en Grèce témoignent d'une
panoplie de l'irrationnel que les ancêtres de l'homme moderne
ont utilisée sans restriction pour traiter les troubles du
comportement dont l'origine est attribuée au psychisme.
Les premiers royaumes et les premiers empires en Asie
systématisent les corps de connaissances, souvent sous la
forme de collèges de prêtres.
Si la médecine profane se révèle plus
efficace pour les maladies organiques, les cures dans les temples
prennent en charge les troubles affectifs et mentaux.
Par la médecine sacerdotale, au moyen d'une
préparation mentale du malade comme celle que nous
retrouvons dans le yoga et le bouddhisme, le prêtre devient
le rival du médecin.
Dans le monde gréco-romain, l'adhésion
à une philosophie ne se résume pas à
l'acceptation d'une doctrine.
Les pythagoriciens, platoniciens, stoïciens et
épicuriens sont des sectes et des écoles qui
imposent à la fois une méthode philosophique et
un mode de vie.
Ce sont les psychothérapies philosophiques qui inspirent les
méthodes de thérapie individuelles, mais la somme
des connaissances en psychologie se retrouve dans la pratique
thérapeutique sous la tutelle des religieux sous forme de
prières, vœux, pèlerinages et
confessions.
Bien plus tard, les protestants aboliront la confession, mais ils
instituent la cure d'âme : certains ministres sont reconnus
aptes à recevoir des confidences, sous le sceau du
secret absolu.
Le ministre protestant se révèle être
un véritable thérapeute, car il ne se contente
pas de recevoir des confidences, il cherche une solution d'une
façon fort équivalente à celle de la
psychothérapie moderne en mettant le doigt sur la notion de
secret pathogène, tel le sentiment amoureux qui ne peut se
déclarer et est donc contrarié ou bien des
souvenirs traumatisants et refoulés amenant à un
état de culpabilité névrotique.
S'il est capital d'évoquer M. FREUD, c'est parce que son
œuvre, celle d'un médecin neuropsychiatre juif
originaire de Vienne en Autriche, intéresse la
totalité du champ des sciences psychologiques et sociales.
Son œuvre aura des ramifications à ce point
étendues jusqu'à notre époque qu'il
n'est pas facile de prendre la distance nécessaire
à son évaluation.
Certains, utilisant une comparaison un peu forcée,
n'hésitent pas à déclarer que FREUD
est pour les sciences de l'homme ce que COPERNIC fut pour l'astronomie.
M. FREUD apporte trois grandes contributions : une théorie,
une méthode et une organisation psychanalytique.
Partant de travaux sur la neurobiologie, M. FREUD élabore
ses premières approches psychanalytiques de la
névrose.
« Etudes sur l'hystérie
», « Science des rêves
», « Essais sur la théorie de
la sexualité », « Essais
de psychanalyse », constituent quelques-unes des
contributions de ce médecin que beaucoup trouveront
scandaleux.
Avec « Totem et tabou »,
« Avenir d'une illusion » et
« Malaise dans la civilisation
», M. FREUD vise à l'analyse de la civilisation et
étend sa réflexion à la sociologie,
à l'histoire de la culture, de l'art et de la
littérature et à la religion.
Pour lui, qui estime la religion dangereuse et la philosophie
superflue, le sentiment religieux est une névrose
universelle, un narcotique entravant le libre exercice de la
pensée, une illusion de la croyance infantile en la toute
puissance de cette pensée (?) ; il
qualifie l'obsession de religion individuelle.
Sa thérapeutique axée d'abord sur
l'hypnose, ensuite sur la méthode de l'association
libre a pour objectif d'obliger le malade à voir
ce qu'il refuse et à renoncer à son «
inconscience ».
Comme leurs patients et à l'instar de M. FREUD, tous les
futurs psychanalystes s'auto-analysent en ayant recours à la
technique du transfert, véritable clé de la cure
psychanalytique : l'analyste prête son appareil psychique au
patient ou analysant et instaure un courant de pensée
débouchant sur la formulation de ce qu'il est en train de
vivre au moyen de mots.
Technique du transfert, associations spontanées, analyse des
résistances : là résident
l'originalité et l'invention par M. FREUD d'une nouvelle
approche de l'inconscient.
L'école qu'il fonde est en quelque sorte comparable aux
écoles philosophiques de l'antiquité
gréco-latine.
Aujourd'hui seuls quelques points des théories
psychanalytiques de Sigmund FREUD sont encore
considérés comme scientifiquement exacts, mais
plusieurs formes de psychothérapies en découlent
et la psychiatrie comme la philosophie en sont sorties
bouleversées.
Contestée, la psychanalyse initiée par M. FREUD,
a cependant été perpétuée
de manière plus ou moins conforme par Jacques LACAN et
autres Françoise DOLTO ; elle semble pouvoir encore
progresser en tirant profit des avancées de la neurobiologie
et de la génétique.
Il est temps à présent de chercher quelques
indications sur la façon dont l'inconscient pourrait se
construire, selon une théorie parmi d'autres bien
sûr, mais qui, pour beaucoup d'entre nous, n'est pas vraiment
inconnue. (PIAGET)
Chez l'homme, la période située entre la
naissance et l'acquisition du langage s'accompagne d'une
évolution mentale unique, difficile pour le sujet
lui-même à se remémorer puisqu'elle
n'est accompagnée par aucune parole.
Cette période à propos de la quelle nous sommes
frappés d'amnésie constituerait la
préhistoire de notre personnalité.
A ce moment en effet, le bébé ne dispose d'aucun
mot pour témoigner de ses sentiments et du
progrès de son intelligence.
Pourtant, il va explorer avec succès, par
sensorialité, mouvements, essais et erreurs l'espace qui
l'entoure.
Aux réflexes de plus en plus compliqués, comme
celui de la succion, va suivre l'organisation des
perceptions, avec le développement de son appareil
visuel, et celui de l'intelligence pratique et sensorielle.
Cette intelligence est pratique parce qu'à la place des
mots, elle fonctionne sur base de perceptions et de mouvements de mieux
en mieux organisés.
Ces mouvements, le bébé d'un peu moins d'un an
les fait varier pour en quelque sorte en étudier les
résultats : s'il lance des objets, c'est pour en
évaluer la trajectoire et la chute.
Imaginez un peu son amusement, disons sadique, quand il se rend compte
que sa mère ou son père, hurlant et gesticulant,
réagit au moindre gobelet, de
préférence rempli de liquide chaud et
sucré, propulsé de savante façon en
direction de la télévision allumée.
Le résultat de ces entreprises, de ce
développement intellectuel, c'est une transformation de la
représentation des choses au point de retourner la position
originelle du sujet par rapport à elles.
En effet, au point de départ de l'évolution, il
n'existe aucune différenciation entre le moi et
l'environnement.
Impressions et perceptions ne sont pas encore attachées
à une conscience ressentie comme isolée de
l'extérieur. L'opposition ne va se réaliser que
peu à peu.
Si à l'origine, le Moi est au centre d'une
réalité, c'est parce qu'il est inconscient de
lui-même.
La conscience débute donc par un égocentrisme
intégral et inconscient tandis que les progrès de
l'intelligence conduisent à la construction d'un monde
relativement objectif, où le corps propre apparaît
distinct des autres.
A ce corps reconnu comme sien correspond une vie intérieure
qui y élit domicile, car vie intellectuelle et vie affective
vont de pair.
Disons que l'esprit se divise en deux chambres distinctes : celle de la
pensée et celle des sentiments dont l'harmonie ne peut se
réaliser que par la conduite et si possible, la conduite
équilibrée.
Les sentiments liés à l'activité vont
se différencier avec les progrès de la
pensée et un choix va s'opérer, de
manière affective, celui de l'objet en la personne de la
mère ou personnage nourricier.
Lorsque l'enfant va commencer à se comporter de moins en
moins de façon instinctuelle il s'agit ici de
l'instinct à caractère biologique - il ne
réagit plus à des stimuli grossiers ou internes
comme la faim et la soif.
Plutôt, il commence à réagir aux formes
: il fait la différence entre une forme
privilégiée et les autres et ce, de
façon constante et particulière.
Alors qu'auparavant le personnage nourricier est le signe avant-coureur
du plaisir, ce personnage lui-même va devenir seule source de
plaisir, la nourriture passant au second plan.
A partir de là toute l'activité motrice et
perceptive s'oriente vers la recherche d'objets de compromis, signes
annonciateurs de satisfaction.
Ces signes prennent donc énormément
d'importance, acquièrent une valeur nouvelle et
différente et fondent le départ d'un symbolisme
que le langage concrétisera.
Le langage est à ce moment un moyen de
négociation d'autant plus économique qu'il permet
à l'enfant d'entrer radicalement dans le système
de référence de l'adulte.
Autrement dit, du jour où personnes et objets prennent un
nom qui garantit leur permanence, je crois que nous pouvons
considérer que le langage sort l'enfant d'une forme de peur,
car un sujet n'a plus besoin d'être présent pour
exister.
Comment cela est-il prouvé ?
Eh bien nous savons qu'en l'absence de personnage nourricier dans la
prime enfance, l'activité perceptive motrice de l'enfant
régresse, les acquis fins disparaissent, les seuils de
perception s'élèvent, autrement dit, l'enfant
perd son corps en même temps qu'il perd l'objet.
Ainsi donc, les pulsions à caractère biologique
cèdent la place aux pulsions psychologiques et donc
à des facteurs déterminant progressivement
l'organisation de l'inconscient, c'est-à-dire le
refoulement, hors de la connaissance du sujet, d'un
élément énergétique qui a
de moins en moins sa place dans le système de
référence de l'adulte.
Mais si pulsions et traces, disons, terrifiantes sortent du champ de la
conscience, elles restent agissantes et poussent à leur tour
l'enfant à prendre des précautions, à
procéder à des aménagements et
à des refoulements.
Les tenants de la théorie freudienne distinguent donc le Ca
ou inconscient, le Moi, qui est, pour simplifier, l'expression de la
conscience, et le Surmoi qui arbitre, filtre les pulsions
décrites plus haut, mais également les pulsions
contradictoires de vie et de mort.
Je pense qu'il est important de noter combien la défense
contre une agression relève d'un effet dynamique, combien la
crainte d'une frustration provoque un effet économique car
l'activité des instincts à caractère
strictement biologique se déplace vers des
réactions déclenchées par la
perception de formes n'ayant pas ou plus d'utilité
biologique immédiate.
Nous sommes ici en plein dans une théorie
énergétique qui pose que si le stimulus est une
énergie, la réponse est une décharge
d'énergie.
L'organisme étant un système fermé,
chaque stimulation constitue un accroissement d'énergie (loi
d'inertie) dont le système a tendance à se
défaire, mais, dites-vous bien cependant qu'il n'est
généralement pas possible, socialement parlant,
de décharger directement l'énergie vers
l'extérieur.
C'est le moment pour moi d'en tirer une deuxième notion
d'économie de l'inconscient qui se défait d'une
charge, s'en désinvestit, pour réaliser un
investissement dans le conscient.
A l'inverse, toujours de façon très
indépendante, il n'y aurait pas de transformation de
l'énergie consciente en énergie inconsciente.
Cette énergie investit plutôt des
représentations ou les désinvestit.
Dès lors, dans quel sens l'inconscient agit-il ?
Est-il envisageable dans ses phénomènes comme un
subconscient ou une périphérie de la conscience ?
Est-ce une force de cohésion s'opposant à la
prise de conscience ou bien est-ce une force tendant constamment
à faire émerger ses rejetons à la
conscience et qui ne serait contenue que grâce à
la vigilance d'une censure ?
Et d'abord, peut-on réellement parler d'énergie
ou de force ?
Pulsions, besoins, instincts et tendances affectent l'existence en
échappant apparemment à son auto
détermination.
Les fondements de nos motivations et des pulsions, les motivations et
les pulsions elles-mêmes ne peuvent se réduire
à des pulsions vitales, car il semble qu'il y ait chez
l'homme plus de désirs que de besoins ou d'instincts.
Ce sont ces désirs surtout qui font de l'inconscient un
système pulsionnel doué de force motrice.
Si d'un côté, l'inconscient dispose d'un pouvoir
d'organisation de l'expérience et de la connaissance, c'est
dans l'inconscient que travaillent pensées affectives et non
rationnelles, douées d'une forme d'intuition qui oriente ou
prépare les activités du niveau conscient.
HALTE ! STOP !
VM, je vous propose une synthèse, car je sens votre cerveau
entrer en ébullition.
Pour cette synthèse, abordons les choses de
manière logique.
Jusqu'à présent, je n'ai fait
qu'évoquer l'inconscient, mais ne serait-il pas
intéressant de reprendre l'opération en sens
inverse, en commençant par définir la conscience ?
Disons, si vous le voulez bien, que la conscience, c'est le
champ de la perception, c'est la totalité de la vie
psychique à un moment donné.
J'ai indiqué auparavant combien il est difficile
à l'heure actuelle d'envisager l'origine biologique de
l'inconscient ou de la conscience.
J'ai aussi souligné le problème
éternel posé par les relations entre physis et
psyché, interrogation qui constitue une énigme
indéchiffrable, car il n'est pas de réflexion ou
d'attitude sur l'être, le monde et la connaissance qui puisse
éluder la question du corps en relation avec la vie
psychique.
Si l'inconscient est souvent nié, c'est parce que nous ne
savons pas où le mettre ou bien qu'il est trop
profondément enfoui à un endroit où
nous n'allons pas parce que nous n'aimons pas aller.
C'est comme si l'inconscient devait vivre caché,
incarcéré, condamné à ne
paraître et à ne se manifester que dans les
faiblesses et les tolérances du discours et du comportement,
comme un hiéroglyphe à décrypter.
Je pense qu'il est plus honnête de dire que conscient et
inconscient ont des relations conflictuelles parce que l'inconscient ne
se conforme pas à la légalité de
l'être conscient et qu'il fait l'objet d'une dure
répression.
L'inconscient est contraire aux objectifs du Moi, qui le refoule parce
qu'il s'oppose aux impératifs de la raison
théorique et pratique, en somme, parce qu'il entre en guerre
contre la juridiction du Moi.
Pour la conscience, l'inconscient est illégal.
Chemin faisant, en répudiant l'inconscient, nous le
consacrons.
5. LA QUERELLE AVEC LA PHILOSOPHIE.
J'ai affirmé plus haut que l'influence des
théories de M. FREUD a été
énorme.
Parmi nous, je suppose que peu de personnes hésitent
à parler d'inconscient et pourtant, …
Lorsqu'il y a à peu près 100 ans, l'inconscient
« naquit », ce fut dans les affres d'une remise en
question fort importune de la philosophie établie.
J'irai droit au fait en vous demandant de suivre une petite
démonstration.
Premièrement, notons qu'en matière de
raisonnement philosophique, un concept n'existe que s'il a un sens et
une réalité.
L'inconscient, pour se définir, doit être inconnu
de la conscience.
Hors de la conscience, il n'y a pas de connaissance.
Et hors de la connaissance, l'être s'évanouit, il
devient non-être, il n'existe pas !
Donc, VM, l'inconscient n'existe pas.
Remontons brièvement à DESCARTES avec qui la
philosophie se voit assigner un modèle qui est encore le
sien aujourd'hui : philosopher, c'est retourner à soi et s'y
découvrir comme origine.
Le cartésien dit que le « je » qui pense
est une évidence nécessaire, une
évidence de droit (apodicticité).
A cette époque, la science naissante renforce cette
certitude : l'être humain pense, il est le point et le sujet
auquel tout se rapporte.
Or, en émettant le postulat de l'existence de l'inconscient,
système relativement autonome au sein du sujet,
système induisant que le sujet éprouve du
désir, système qui affirme que «
ça » pense et que « ça
» parle, avec ses contenus propres, son énergie et
ses lois de fonctionnement, la psychanalyse entre dans le champ de la
philosophie.
Autrement dit, la découverte de l'inconscient abolit la
place du sujet et provoque un séisme philosophique.
M. SARTRE affirme quant à lui que l'inconscient
procède de la conscience, qu'il n'est que le produit d'un
refus du sujet, mais tout en niant l'inconscient, M. SARTRE ne semble
pas remettre en question les acquis de la psychanalyse et son
utilité.
J'ajoute que la querelle est insignifiante et témoigne sans
doute de l'amour des hommes pour les choses établies et leur
frilosité à se remettre en question.
M. FREUD est un scientifique et il dit lui-même que la
psychanalyse, et donc l'inconscient, n'est qu'une hypothèse
de travail.
Je pourrais évidemment m'étendre aux aspects
sociologiques qui expliquent à la fois
l'émergence de la psychanalyse à la fin du
19ème siècle et son influence sur le
nôtre, mais je préfère laisser cela de
côté pour cette fois.
Disons brièvement que MM. FREUD (1856-1939), MARX
(1818-1883) et NIETZSCHE (1844-1900) personnifient une
révolution et qu'ils donnent à penser
à la philosophie moderne, du moins, dans le monde occidental
et cartésien.
Disons tout aussi brièvement, mais en insistant, que si
philosophes, scientifiques et psychanalystes veulent
s'anéantir mutuellement, ils basculent dans
l'idéologie.
Le bouddhisme envisagé sous son aspect philosophique de
sagesse, d'enseignement et d'école de vie, postule si pas
l'existence de l'inconscient, du moins l'existence d'une conscience de
base, mais il diverge de la psychanalyse.
Rappelons que pour M. FREUD, il existe des pulsions et des souvenirs
refoulés qui exercent une influence sur le comportement sans
que nous puissions nous en rendre maître.
La seule manière de les dévoiler et de parvenir
à les dissiper passe par la psychanalyse.
Pour M. FREUD, le regard intérieur et l'exercice spirituel
sont dans l'incapacité de franchir la frontière
du refoulement qui a enfoui les forces psychiques dans notre
inconscient.
La cure psychanalytique prouve à suffisance la
réalité de cet inconscient inaccessible
à l'introspection personnelle et classique.
Sans vouloir polémiquer, le pratiquant de la
méditation considère le psychanalyste comme un
amateur.
Celui-ci ne passe en effet pas des mois et des années
à l'observation contemplative de l'esprit et il n'accorde
pas une importance suffisante à la dissolution de ces
strates du mental ou tendances accumulées.
Pour le bouddhiste, toutes les pensées d'attraction et de
répulsion naissent des conditionnements
antérieurs ; le travail sur l'esprit consiste donc
à retourner à la racine de ces tendances,
à en examiner la nature et à les vaporiser.
Reste une question, que nous aimons beaucoup, celle du
déterminisme.
Ceux qui nient l'inconscient ne remettent pas nécessairement
en question, nous l'avons vu, les bienfaits de la psychanalyse, ceux
qui considèrent l'inconscient comme une force
intérieure et autonome et, par exemple, les bouddhistes,
nous démontrent à suffisance que la part
inconsciente de notre psychisme nous influence.
Si nous admettons l'existence de l'inconscient, nous ne pouvons nier la
multitude des ses composantes et la diversité de ce qui le
constitue, que cela vienne de notre petite enfance, de notre
environnement social et culturel et des traumatismes ou des souvenirs
qui les accompagnent.
Notre comportement ne semble donc pas être si libre que cela
; le pas vers la notion de destinée, sujette et soumise
à des énergies aussi peu ignorées de
nous qu'impossibles à maîtriser apparaît
donc bien comme facile à faire.
C'est en concluant que je vous propose d'y répondre.
6. CONCLUSION.
Si je dis que l'inconscient, puisqu'il échappe à
la connaissance, est un non être, je ne peux pas le
séparer radicalement de l'être, car son existence
lui est relative.
Quelque chose existe sans doute dans notre psychisme qui ne se
distingue pas à première vue.
Ce quelque chose pour énigmatique qu'il soit reste
intimement entrelacé à la conscience.
Cela semble être prouvé par les trous qui
apparaissent dans le contexte de l'être conscient :
mémoire sélective, processus intellectuels,
intuitions, origine des mouvements ou des paroles, impressions,
sensations, sentiments…etc.
Je pourrais le nommer « inconscient » ou lui donner
n'importe quel autre vocable.
Une série de problèmes subsistent pourtant.
L'inconscient serait constitué de contenus inaccessibles
à la conscience, mais alors, quand une
représentation inconsciente parvient quand même
à la surface, est-ce la même qui subit un
changement d'état ou bien s'agit-il d'une seconde
inscription ?
L'inconscient est-il un simple négatif, comme un film
impressionné, mais pas développé ?
D'autre part, les processus inconscients sont intemporels par rapport
aux lois qui organisent la conscience et la chronologie du
développement du Moi.
L'inconscient est le foyer de l'irrationalité : les
schémas de l'inconscient sont rebelles aux
catégories et à la contradiction. Ils
préfèrent l'ambiguïté et
engraissent leur terreau au moyen d'une constellation d'ambivalences,
écartelé entre plaisir et angoisse,
présence et absence, objet désiré et
interdit, attraction et répulsion, eros et thanatos.
Nous y trouvons des lambeaux de vie passée ou des
représentations, mais également un langage qui ne
parle pas, monde d'un pur imaginaire que les poètes et les
peintres surréalistes touchent peut être au plus
près.
Il est subordonné au conscient par sa
négativité sans pour cela tomber dans le plus pur
néant.
Quant à l'être conscient, il contient, dans le
sens où il contient et
réprime, l'inconscient ; il contient tous les
phénomènes d'une entité psychique qui
lui sont attachés comme des propriétés
et des attributs induisant une action propre.
Il me semble donc possible d'attribuer à l'être
conscient, le Moi, un système de valeurs, de projets et de
relations avec l'extérieur constitutifs de son devenir si
pas de son destin.
Mais ce Moi n'est pas monolithique, il est une résultante,
une émanation laborieuse, et son pouvoir, son emprise sur
lui-même, sont perpétuellement compromis par des
forces, anarchiques et économiques, qui le tiraillent dans
toutes les directions.
L'inconscient fait-il donc de nous des êtres
déterminés ?
Les freudiens répondront sans doute « non
» puisqu'il ne faut pas négliger le rôle
et l'arbitrage du Surmoi.
J'ajoute que le Moi doit bien finir par prendre ses
responsabilités face à la
réalité de la vie sociale.
En ce qui me concerne, moi que mes S et mes F veulent bien
reconnaître comme franc-maçon, je dois bien avouer
qu'il est plus difficile de vivre en ayant conscience du rôle
joué par l'inconscient.
Reconnaître son existence complique les choses, mais
confère au libre exercice de la pensée une
dimension supplémentaire, celle d'une découverte
et d'une révolution.
En effet, si l'inconscient est une énergie, que
l'inconscient M se retrouve dans les symboles, alors les symboles sont
une énergie, ce que je tiens pour apparemment vrai.
J'en attrape un premier au vol, d'apparence contradictoire, le
pavé mosaïque : ses cases blanches et
noires montrent un manichéisme de bon aloi, un bien et un
mal facile à déchiffrer, comme nous le disent les
physiciens puisque le blanc et le noir ne vibrent pas de la
même manière.
Fort bien.
L'être humain que je suis ne peut s'en satisfaire, car je
suis constitué, je viens de le montrer,
d'ambiguïtés et cela me soustrait à un
savoir, à une vérité pure et simple.
Dès lors, comment arpenter le pavé
mosaïque sans toucher soit une dalle blanche, soit une dalle
noire, comment matérialiser la fine ligne qui
sépare les cases de couleur différente ?
Je vous propose une solution, VM : le VITRIOL, mais certainement pas
pour effacer les couleurs.
Chacun d'entre nous s'en est abreuvé avec
délectation dans le cabinet de réflexion.
Ce symbole, qui a sans doute été
subtilisé par les fondateurs du rituel d'initiation des
profanes aux alchimistes et parmi eux, aux enlumineurs, nous commande
en quelque sorte d'effectuer un retour sur nous-mêmes.
Constitué des initiales des mots d'une phrase en latin, je
le traduirais librement comme ceci :
« Viens à l'Intérieur de la
Terre et, en te Rectifiant, tu Inventeras l'Occulte Labeur
».
« Inventer » étant pris dans le sens du
nom que l'on donne à celui qui découvre un
trésor.
VM, et vous tous mes S et mes F en vos grades et qualités,
je souhaite mettre en évidence que si plusieurs
révolutions ont eu lieu dans l'histoire de l'homme,
révolutions sociales, politiques et technologiques, une
révolution reste à entreprendre, à
laquelle nous ne pouvons arrêter de songer, c'est celle de
l'homme lui-même et par lui-même.
Ce n'est qu'en apprenant à nous décrypter que
nous pouvons parvenir à échapper à
toute forme de déterminisme.
Autrement dit, le déterminisme ne doit pas s'envisager sur
le seul plan spirituel, il doit aussi et surtout s'approcher en termes
d'aliénation.
La connaissance en profondeur de soi permet de s'accommoder des
ambiguïtés, d'évacuer, après
les avoir reconnues, toutes les poussières nocives, mais
sans le sentiment de culpabilité des chrétiens.
C'est dans ces conditions que la porte pourrait s'ouvrir.
D\ V\
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