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Mythologie et Initiation

Le Rituel d’Initiation d’un profane est riche de références aux Mythes, tout comme la Franc-Maçonnerie fait continuellement référence à des Mythes : égyptiens, grecs, bibliques, chevaleresques.
Pourquoi ce souci d’un référentiel aussi particulier que la Mythologie ancienne ? Que représente-t-elle, cette science au croisement entre éthique, ethnologie, symbolisme, philosophie et art littéraire ? Ne pourrions-nous nous exprimer de manière plus directe et contemporaine, plutôt que de faire recours à la métaphore mythologique, souvent fondée sur une vision scientifique du monde désormais dépassée par les connaissances de la science positive ?
Pourquoi lors du dernier Convent, le Grand Maître nous a demandé d’amplifier les connaissances mythologiques ?

J’essaierai de donner une réponse à chaque question par l’analyse de la mythologie même.

Pierre VINCENTI PIOBB écrivait, à propos de la mythologie :
« Lorsque la Littérature aura cessé de tout exprimer sous la forme du roman – pourtant si souple et si ingénieuse qu’elle est susceptible de charmer et d’instruire à la fois – lorsqu’elle éprouvera le besoin de donner aux pensées une tournure plus utile et plus pratique pour le perfectionnement de l’humanité, elle reprendra, peut-être, les méthodes de l’Antiquité.
Celles-ci n’ont pas dit leur dernier mot – autant qu’il semble.
Certes, les Anciens, ceux de la Grèce, de l’Egypte et de la Chaldée – ceux de la Chine ancestrale également, ont su si bien raconter les histoires.
Il faut vraiment être un petit bourgeois dont les fibres cardiaques sont cuirassées d’une cote de la Bourse, pour ne pas saisir toute la beauté des mythologies du passé.
Ceux qui veulent y voir des traditions populaires sont ou des malfaisants ou des niais... »

La mythologie semble être différente et beaucoup plus complexe qu’un simple ouvrage littéraire.
En réalité la Mythologie est une méthode d’enseignement et de transmission d’un savoir fondamental pour la société humaine. (J’emploie le mot « fondamental » dans son acception étymologique, c’est-à-dire : fondement et non pas celle historique : important). On arrive à cette conclusion parce que dans l’histoire plurimillénaire de l’humanité, la mythologie a toujours exposé une métaphysique, liée à une conception cosmogonique, source d’une vision philosophique de la réalité. Par conséquent la métaphysique donnant naissance à une philosophie pouvait rassembler les hommes, voir les peuples qui se reconnaissaient dans cette pensée, dans une période spécifique et dans un lieu géographique donné.
C’était ainsi que les philosophies engendraient les religions, qui, loin d’être les croyances telles que nous les considérons aujourd’hui, avaient pour but la pratique d’une morale se rattachant à une condition éthique définie. C’était une manière de régler les comportements réciproques des composants d’une société humaine, afin de mieux vivre ensemble. Néanmoins étant un absolu philosophique concernant la « science du Bien et du Mal » pouvait être affirmé comme un dogme.
Et telle a été la situation du Christianisme, lorsqu’à partir du mythe du Christ, qui est l’histoire d’un Dieu devenant Homme, sa philosophie a voulu s’imposer comme mouvement politique pour remplacer l’Empire Romain.
Ce dernier avait toujours respecté les différentes cosmogonies, les différentes mythologies et les relatives philosophies, se limitant à la seule domination militaire et économique. Mais sa conception pluraliste de la philosophie devait se transformer en son pire ennemi, car elle n’a pas permis de faire face au dogme monothéiste, qui prétendait unifier les hommes en une unique vision du bien et du mal.
On entrevoit ici la complexité d’une conception mythologique et la nécessité d’en comprendre les mécanismes pour juger objectivement les phénomènes philosophiques, moraux, politiques de l’humanité.
Car pour schématiser, nous pouvons affirmer que : la mythologie est l’exposé d’une métaphysique. Cette dernière s’exprime par une philosophie qui relie les hommes dans une religion. La religion crée un dogme qui engendre une morale. La morale règle la vie d’une société. En remontant le parcours nous nous apercevons que toutes les société ont été bâties sur une fondation mythologique et que c’est la banaliser de la considérer comme un ensemble de traditions populaires ou de fables pour enfants.

Techniquement il faut faire une certaine différence entre un mythe, une légende et une fable. La distinction se situe au niveau du contenu, mais aussi sur la forme littéraire : la fable étant le récit le plus artistiquement conçu et le plus libre dans l’expression.

Le Mythe : le mythe peut être « constitutif » ou « relatif ». Il est constitutif lorsqu’il parle d’un Dieu et qu’il fondateur d’une religion. Il s’agira, donc, d’un mythe constitutif fondamental. C’est celui qu’il faut aborder lorsqu’on veut étudier une métaphysique. Par exemple le mythe de Vénus est constitutif, car il traite du principe d’attraction universelle, à l’origine de notre vie sur cette planète et une des forces fondamentales pour notre astrophysique. La religion de Vénus a été une des plus importantes de l’antiquité gréco-romaine.
Mais une religion est issue d’une philosophie et, en même temps, elle développe un positionnement philosophique, lequel a parfois besoin d’être précisé, surtout dans les rapports qu’il instaure avec la pensée fédératrice.
Pour faire cela le Mythographe fait recours au mythe constitutif accessoire, qui traite d’un dieu (voir d’un principe ou d’une force) en relation étroite avec celui du mythe fondamental.
Par exemple lorsque dans le mythe du Christ, donc de l’humanisation de la Divinité on doit faire référence à l’humus énergétique de l’être, à la terre nourrice, on introduit le mythe de la Vierge, à laquelle nous attribuons le processus matériel d’anthropomorphisation de la divinité abstraite.

Aux principes métaphysiques font suite les manifestations philosophiques, qui, ayant un rapport avec la psychologie humaine, peuvent (et souvent doivent) donner des directive éthiques. Or l’éthique est étroitement dépendante des coutumes traditionnelles d’un lieu géographiquement défini, d’un peuple. C’est le motif pour lequel parfois nous sommes amenés à confondre mythologie et ethnologie ou tradition populaire.
Deux autres types de mythes vont spécifier le mythe fondamental : il s’agit des mythes relatifs : celui moral et celui ethnique.
Le premier doit avoir une fonction éducative pour les individus, comme, par exemple, le mythe de Persée, fils de Jupiter et néanmoins sans qualité divine. Il s’agit d’un héros dont les exploits sont, pour les jeunes, un modèle à imiter.
Le deuxième a une fonction initiatique, afin d’enraciner les hommes dans la tradition culturelle de leur pays. C’est le cas d’Orphée, fils d’Apollon, et des mystères Orphiques, très importants dans les traditions initiatiques grecques.

La Légende : afin de détailler le mythe, les auteurs se servaient des affabulations, plus au moins artistiques. Ces affabulations prenaient la forme de légendes à caractère ethnique ou morale, en fonction de leur finalité.
L’affabulation consiste à utiliser une histoire vraie – ou susceptible de l’être – pour en faire un mythe. L’affabulation est donc l’adaptation mythique d’une réalité. Elle donne à penser que l’histoire racontée représente ce qui est susceptible de survenir dans la vie courante ; ou bien, ce qui constitue des faits qui se sont réellement produits.
Son rôle éducatif ne reste plus à être démontré, c’est presque une évidence.
La légende type est celle d’Hercule. On sait qu’elle a une réplique phénicienne, si bien que beaucoup ont pensé que le Héros grec avait été emprunté à Tyr. Ce n’est nullement nécessaire de supposer une importation mythique. L’Hercule grec et l’Hercule phénicien, que l’on voit en statue, sous le nom de colosse d’Amathonte, sont tous deux le même personnage légendaire dont l’existence se trouve racontée « à titre d’exemple généralisé » pour une raison touchant les questions métaphysiques, mais non pas concernant celles-ci.
Les légendes sont philosophiques et non pas religieuses.

La Fable : enfin les fables viennent compléter l’œuvre mythographique. La fable utilise uniquement l’invention ; aujourd’hui nous dirions le virtuel. Tout est possible dans les fables, où l’irréalité semble prendre concrétude par la forme artistique poussée. La fable a une finalité initiatique et d’élévation progressive de l’âme humaine. Elle fait appel au senti, au coté féminin de l’être, pour l’éveiller à la perception d’un domaine autre que celui de la réalité matérielle quotidienne. Elle fait appel à la vue éloignée, à la mise en perspective de la subjectivité individuelle. D’ailleurs elle s’adresse à l’individu et non pas à la collectivité sociale, car l’initiation est individuelle et pour elle l’humanité peut progresser dans son ensemble, par l’amélioration et l’élévation individuelle de ses composants.
La fable plus que les autres forme sus exposées fait recours au symbolisme et à la métaphore, et, comme le symbolisme, elle est faite pour toucher l’âme des individus.
Parfois les fables ont une seule source commune, comme les fables de La Fontaine, dérivées de celles de Phèdre, qui se refont à celles grecques d’Esope et aux Védas hindous. Mais le plus souvent elles sont indépendantes et enracinées dans des cultures spécifiques, comme Les Milles et une Nuit arabes ; Schéhérazade venant de Perse.
Mais toutes ont en commun une voie initiatique, des épreuves, la lutte entre le bien et le mal en chacun de nous, un dernier obstacle à franchir et la conquête finale d’une lumière qui éveille notre âme endormie sous les toiles d’araignée des habitudes et des lieux communs.

La Franc-Maçonnerie, comme toute autre société initiatique, bâtit sa structure éducative progressive autour d’un mythe fédérateur : celui de l’homme droit axé sur sa conscience d’être matériel et spirituel, masculin et féminin, humain et divin. Un homme sublimé après avoir été putréfié, mort et ressuscité. Or comme les différents peuples définis géographiquement avaient des mythes, des religions, des légendes et des fables adaptés à leur culture et à leur histoire, ainsi le Franc-Maçonnerie fait recours à des mythes interprétant des sensibilités particulières. On appelle ceux-ci des Rites.
Le Mythe constitutif fondamental au Rite de Memphis-Misraïm est celui d’Osiris, de la mort et de la résurrection.

Monsieur (Madame), s’initier « c’est apprendre à mourir » dans le Monde Antique ! La corde que vous portez dès cet instant au cou ne doit donc point, à vos yeux, revêtir de caractère infamant, ni vexatoire. Il ne s’agit point d’une inutile brimade. Cette corde symbolique n’est autre que l’image du lien fluidique reliant votre forme subtile à l’enveloppe charnelle que la Mort matérielle vous a fait abandonner. Quittant la Chambre de Réflexion et son appareil funèbre, vous traversez, ainsi qu’en un mauvais rêve, le sombre Amenti, l’Hadès, le Royaume des morts. Guidé par l’Hermès souterrain, conducteur des âmes dans l’Au-delà, vous vous dirigez en aveugle vers la Lumière ineffable, et ce sous sa seule conduite. Que ceci vous fasse pénétrer l’ésotérique enseignement de notre Rituélie : sans nulle intervention providentielle, sans quelque occulte et mystérieuse prédestination, il y a peu de chances pour que l’âme humaine, enténébrée, retrouve le chemin de sa Liberté première. Tel est l’enseignement formel de la Gnose...

Le Mythe constitutif accessoire est celui d’Isis : la force d’attraction universelle, qui arrive à rassembler ce qui est épars et apparemment perdu, par un amour inconditionné.

Nous vous faisons toucher la terre, notre mère à tous, que l'antiquité a nommée Déméter ou Isis. Souvenons-nous que nous sommes terre et que nous retournerons à la terre, n'oublions pas que la Vie et l'Amour sont une seule et même chose. Nos ancêtres ont écrit « l'Amour est plus fort que la Mort ».

Mais il y a aussi le mythe relatif d’Hermès, d’Agapée et de Séléné avec ses rites lunaires. Cet ensemble nous situe dans l’espace culturel d’Occident et dans la philosophie de l’enseignement progressif, basé sur le rapport entre Maître et Elève. C’est la différence fondamentale entre l’Initiation Occidentale et celle Orientale, cette dernière fondée plus sur la solitude et la méditation.

Monsieur (Madame), héritière des antiques cénacles ésotériques et occultes, la Franc-Maçonnerie a conservé le secret d'un très ancien breuvage, véritable philtre, composé de plantes cueillies à certaines époques lunaires, travaillées et infusées à certaines autres, et finalement consacrées selon les Rites millénaires. Ce breuvage a pour but de vous dépersonnaliser. Quelques semaines après son ingestion, inoffensive quant à la santé physique, votre personnalité passée se dissoudra lentement. Insensiblement, avec les jours, vous deviendrez un autre être. Lentement l'Egrégore qui anime et conduit notre antique Société, vous pénétrera, substituera sa volonté à la votre et, au prochain anniversaire de votre Réception, il ne restera plus rien de l'homme (la femme) que vous êtes actuellement. Vous ne serez plus alors, selon l'antique et très occulte formule que "pareil au cadavre que la main du laveur des morts tourne et retourne à son gré". Une dernière fois, Monsieur (Madame), consentez-vous à mourir à votre vie passée ?

Nous continuons la cérémonie d’initiation par l’introduction des fables initiatiques : celle des voyages sur le chemin ardu des épreuves et du combat contre soi-même ; contre sa propre carapace faite d’ambition, d’orgueil, de réminiscences d’un passé que l’on évite d’abandonner par commodité et, peut-être, par lâcheté. Notre cadavre nous est montré par terre avec un poignard dans le cœur : c’est le traître, mais non pas le traître envers l’Ordre, mais envers nous-mêmes. Nous serons vraiment des initiés, lorsque nous aurons su nous débarrasser de notre manifestation pour rejoindre l’unité essentielle de l’être. Les tâches les plus humbles nous attendent, sur le chemin de l’initiation. Saurons nous les affronter sans nous sentir lésés dans nos acquis sociaux ? Saurons-nous, directeurs de sociétés, chefs d’entreprises, juristes célèbres, servir les autres sans nous sentir abaissés au rang de bonnes. Saurons nous, ouvriers manuels, étudier les conceptions les plus ardues ? Voilà le sens éducatif et initiatique de la grande fable de l’initiation maçonnique.

Monsieur (Madame), puisque telle est votre volonté, quoi qu'il arrive, de devenir Maçon. Et que c'est librement que vous acceptez les conséquences de toute cette rituélie ésotérique, sur vous-même et en vous-même, il vous appartient donc de continuer votre lente assimilation à l'Âme de notre Fraternité. Tout à l'heure vous avez bu le Breuvage de l'Oubli, destiné à vous dépersonnaliser, à vous enlever tout volonté propre. Voici une seconde Coupe, celle du Breuvage de Mémoire, l'Eau de Mnémosymée… Quand vous l'aurez absorbée, votre possession sera totale, absolue. l’Âme occulte de la Maçonnerie tout entière sera passée en vous. En n'importe quelle région du Monde, vous ne ferez plus qu'un avec tous vos Frères et Sœurs. Leurs amitiés, leurs répugnances seront les vôtres. Alors que l'Eau d’Oubli faisait de vous un corps sans vie, sans volonté propre, l'Eau de Mémoire, fera de vous le Maçon militant, le véritable Enfant de la Veuve.

La légende clôture la cérémonie : celle de la veuve et de l’orphelin ; une histoire vraisemblable. Une histoire qui met le néophyte face à la philosophie maçonnique ; au concept plus difficile à intégrer : celui de l’amour inconditionnel ; de l’amour qui offre sans rien demander en retour ; qui accepte l’autre sans critique, tout simplement parce qu’il est issu de la même unité. Et c’est dans ce petit et simple geste de l’aumône que l’on glorifie la devise Liberté, Egalité, Fraternité, devenant pour toujours le guide lumineux de l’Initié.

Il reste un dernier Rite à accomplir, notre séculaire Fraternité a pris en charge le soutien d’une malheureuse Veuve et de son Enfant. C’est au nom de cette Veuve et de cet Orphelin que je vous demande de bien vouloir verser votre obole dans le Tronc de Bienfaisance. Frère (Sœur) Maître des Cérémonies accompagnez notre Frère (Sœur) Hospitalier auprès de notre nouvel(le) apprenti(e) afin qu'il (elle) lui verse son obole.

Mon Frère (Ma Sœur) nous savions que vos métaux ne vous étaient pas rendus. Si notre Frère Hospitalier a malgré cela été délégué près de vous, c'est pour vous montrer combien il est pénible de ne pouvoir secourir son prochain dans le malheur.  Frère Expert, veuillez rendre ses métaux à notre apprenti. Le tronc de bienfaisance circulera à la fin de nos travaux, vous y déposerez votre obole. Puisse, l’Initiation que vous venez de recevoir vous faire comprendre toute l’importance de cet acte de charité.

Pourtant, sachez que lorsque je vous ai parlé d’aumône en faveur d’une Veuve et d’un Orphelin, ce n’était pas d’une aumône matérielle, ni à des personnages de chair, que je faisais allusion…La Veuve et son Orphelin, entités-principes dont la Maçonnerie ne prétend être que la main agissante, et la servante fidèle, ne sont point de ce Monde ! Pour votre instruction présente, il importe que vous y voyez déjà bien autre chose. Dès à présent, admettez, si vous le voulez bien, qu’il s’agisse de l’Humanité toute entière, privée de son Animateur initial, l’Homme Total, et que le but de la Maçonnerie Humaine soit de rebâtir ce Foyer lointain où l’Humanité a grandi, où elle a connu le Bonheur ineffable. Et d’ores et déjà, vous concevrez que la nécessaire édification d’un Temple Social ici-bas, but immédiat de la Franc-Maçonnerie, se double, en des plans plus subtils et en des « Régions Spirituelles » fort lointaines pour la créature charnelle, de l’édification d’un autre Temple, parure d’un Jardin Mystique, au sein, lui-même, d’un Eternel Royaume et que la Franc-Maçonnerie dénomme l’Orient Eternel. Et ce Temple, c’est d’abord en nous-même que nous devons l’édifier, selon l’adage antique « OMNIA AB UNO ET IN UNUM OMNIA », soit : « Un est en Tout et Tout dans Un !» Les pierres de ce Temple sont nos possibilités . Il dépend donc de nous que par leur taille elles deviennent des Vertus morales, intellectuelles et spirituelles.

J’ai dit.

G\ C\


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